L’offensive de l’Entente dans le Nord et l’Aisne

La bataille pour Laon : octobre 1918

 

 

 

 

Les résultats obtenus en Champagne, en Argonne, dans la Somme, dans le Cambrésis et dans les Flandres ont ébranlé l'adversaire; ils ne l'ont pas abattu. La lutte continue donc, acharnée, dans toutes les régions par où on peut menacer les points vitaux du dispositif ennemi. Cette lutte, le moment est venu de l'intensifier au maximum; et pour cela, bien que les renforts américains ne soient pas encore à pied d’œuvre, le maréchal Foch ne va pas hésiter à mettre en ligne toutes les réserves de l'Entente en hommes et en matériel.

 

Le principe de l'action à entamer est simple :

La multiplication des offensives pour éparpiller les dernières réserves de l'ennemi : suppression des intervalles entre ces offensives, pour ne pas laisser à Ludendorff le temps de se reconnaître et de reprendre haleine ; combinaison des attaques déclenchées sur les divers théâtres, pour les faire concourir au même but.

Et c'est ainsi que les canons vont hurler à la fois et sans arrêt dans le Nord, dans le Cambrésis, en Champagne et en Argonne ; chaque succès sur quelque point du vaste front obligera l'ennemi à abandonner un large lambeau de territoire.

 

Dés le 6 octobre, Foch avait télégraphié à Degoutte, lui ordonnant de hâter, au-delà de l'impossible, la réorganisation du Groupe des Flandres et, quelque temps qu'il fît, de reprendre les opérations au plus tard le 10. Simultanément il actionnait Haig et Pétain pour réaliser par l'ouest et par le sud une offensive concentrique, destinée à chasser l'ennemi du saillant de Laon.

L'exécution suivit de prés la conception.

 

            Le 8 octobre, à 4h30; Les Armées Byng et Rawlinson, précédées de tanks, se portent en avant entre la Sensée et Saint-Quentin.

Le succès est foudroyant. Les nouvelles lignes ennemies construites en hâte, n'étaient pas encore en état de soutenir un pareil assaut. Elles cèdent au premier choc; et, le soir, le front britannique est jalonné par Forenville, La Targette, Esnes, Malincourt, à 7 kilomètres plus à l'est, sur un front de 50 kilomètres.

Nos alliés ont capturé, ce jour-là, 11000 prisonniers et 200 canons.

 

Or, en même temps, dès six heures du matin, Debeney a déclenché, lui aussi, une offensive sur un front de 10 kilomètres, entre Saint-Quentin et l'Oise. En dépit d'une vigoureuse résistance, il a enlevé les fermes de Hellecourt et de Fontaine-Uterte, solidement organisées, les bois de la ferme Tilloy et le village de Rouvroy, capturant prés de 15000 prisonniers.

 

Le 9 octobre, la victoire se poursuit. Les Canadiens ont forcé, à 1h30 du matin, le passage de l'Escaut à Ramillies. La résistance ennemie faiblit et la poursuite commence, ardente, dés le petit jour. Avant midi, nos Alliés ont; progressé d'une dizaine de kilomètres; et, le soir, Bohain, Prémont et Clary sont emportés.

C'est; encore une poussée de 12 kilomètres en moyenne, sur 10 kilomètres de développement, qui dégage largement Cambrai et fait tomber prés de 2000 prisonniers aux mains des 3e et 4e Armées britanniques.

 

Debeney gagne du terrain aussi, d'autant plus que maintenant la résistance ennemie commence à devenir plus molle de son côté. Il dégage largement Saint-Quentin; et, le soir, ses avant-gardes atteignent l'Oise, ayant capturé prés de 2000 prisonniers et un matériel important.

 

La nuit arrête à peine le combat, et le 10 octobre, au matin, la poursuite continue.

Au nord, Byng enlèveThun-Saint-Martin, Naves et Carniéres; au sud, Rawlinson dépasse Caudry et pousse jusqu'aux portes du Cateau. Maintenant l'artillerie elle-même réagit faiblement ; et, dans les localités abandonnées en toute hâte par les Allemands, on retrouve de nombreux civils que l'ennemi n'a pas eu le temps d'évacuer. Au-delà, la nuit s'illumine de sinistres lueurs. De nombreuses localités brûlent.

 

Debeney a atteint Bautroux, Fontaine-Notre-Dame et Marcy, où il a délivré ses habitants. Le soir, la 1e Armée a encore gagné du terrain vers l'Oise, dont elle tient la rive droite sur une étendue d'une vingtaine de kilomètres.

 

Le 11 octobre, Le Cateau résiste à Rawlinson, mais nos Alliés progressent vers le nord, enlevant Saint-Vaast, Quiévy, Briastre, mais sans réussir à. franchir le canal, dont l'ennemi garde les passages avec d'innombrables mitrailleuses.

La progression paraît donc enrayée sur ce point.

 

 

 

Aussi la manœuvre se dessine-t-elle déjà ailleurs

Afin que l'ennemi n'ait aucun répit.

 

Gouraud est arrivé sur l'Arnes où, le 8 octobre, la division Weywada (102e, 103e, 104e régiments d'infanterie, 26e régiment d'artillerie), transportée en camions du camp de Châlons, a remporté un brillant succès dans la région de Saint-Étienne à Arnes.

 

Enfin, le 9 octobre, Pétain a lancé la 10e Armée droit contre le saillant de Laon. Mangin a pour mission d'accrocher l'ennemi sur son front et de le fixer pour l'obliger à maintenir là ses réserves, tandis que Berthelot enfoncera sa droite.

 

Le 10, Mangin se porte en avant; mais les Allemands, qui prévoyaient le choc, commencent à se replier. Aucune résistance sérieuse ne s'oppose à nos colonnes qui progressent; seulement sous un violent; bombardement, dirigé à la fois sur nos premières lignes et sur nos arrières. A 17 heures, nos avant-gardes occupent le Grand-Pont, la ferme Malvel, Verneuil, tandis qu'un régiment d'infanterie italienne s'empare de Beaulne à la grenade.

 

Dans la nuit du 11 au 12, Mangin commence à franchir l'Aisne.

Magnifique élan.

Le corps d'Armée Italien atteint le Chemin des Dames et nos avant-gardes s'emparent de Chivy et de Moulins. L'ennemi cède. Pétain estime qu'il ne faut pas le laisser échapper, et il juge le moment venu de lancer Berthelot et Gouraud.

 

Le 11 octobre, tandis que Mangin progresse toujours vers Craonne, prenant à revers le Chemin des dames et la vallée de l'Aisne, Berthelot force le passage de la Suippe.

 

Le 12 octobre, la pression devient générale : la décision se précipite. Byng avance vers Solesmes, Kawlinson vers Guise, Debeney vers la Fère et aussi au delà de l'Oise, qu'il a franchie au mont d'Origny.

 

Quant à. Mangin, voyant la retraite de l'ennemi se dessiner nettement, il fonce sur les arrière-gardes de Hutier, et les bouscule à, travers Chavignon et Anizy-le-Château, leur enlevant d'un bloc presque tout le massif de Saint-Gobain. Le  soir, son front passe par Prémontré, Thierry, Varges, et à 4 kilomètres de Laon.

 

Berthelot, en dépit d'une vigoureuse résistance, refoule l'ennemi au delà de l'Aisne, qu'il franchit de vive force à Neufchâtel et à Guignicourt. Dans la soirée, il enlève Craonne et Asfeld. Le gain de cette journée dépasse 15 kilomètres en profondeur, sur un front de 20 kilomètres, et notre cavalerie ne retrouve que le soir le contact des arrière-gardes ennemies.

 

Quant à Gouraud, il a franchi la Retourne, largement dépassé Juniville et est parvenu au, abords de l'Aisne, jusque dans les faubourgs (le Rethel et de Vouziers.

 

S’en est fait : Ludendorff a perdu la bataille pour Laon.

L'Alberick Stellung, disloquée par Mangin, débordée largement à gauche par Berthelot et par Gouraud, doit être abandonnée.

 

Plus de réserves disponibles : à peine vingt divisions épuisées, qu'il a fallu répartir dans les divers secteurs pour parer à une rupture. Sur les 191 divisions allemandes qui existent encore sur le front français, 139 ont été engages et abîmées... 84 divisions sont en première ligne et engagées depuis plus de quinze jours, de jour et de nuit, dans une lutte acharnée; Elles sont à bout de forces.

 

En se repliant au-delà de l'Aisne devant Gouraud, Von Einem annonce bien encore une grande victoire et un succès « stratégique » de la plus haute importance, mais personne ne s'y trompe plus. Partout, les effectifs sont terriblement réduits; les régiments de la 8e division allemande ne sont plus que des squelettes; le 408e a un total de 400 hommes; le 238e, de 200 ; Le 254e, de 240.

Sans parler des morts et des blessés dont, à première vue, le chiffre paraît considérable, l'Armée a perdu plus de 300000 prisonniers et le tiers de son artillerie. Prés de 300 bataillons ont dû être dissous, et la classe 1920 toute entière en ligne, ne suffit pas à combler les vides. La ligne de feu n'est plus alimentée que par des réservistes trop âgés ou par des conscrits trop jeunes.

 

Tout en pressant avec activité les démarches en vue de l'armistice, Ludendorff songe à profiter de la protection précaire qu'offrent encore les lignes de l'Oise et de l'Aisne à Hutier et à Von Einem pour replier la XVIIIe, la VIIe et la Ie Armées derrière les positions Brunehilde et Hunding, tout en abandonnant le noeud formidable de la Fère, devenu indéfendable.

 

 

Debenev entre donc dans la Fère le 13 octobre, et talonne l'ennemi â travers la forêt de Saint-Gobain. Mangin pénètre dans Laon à 10 heures du matin et y trouve 6500 habitants. En quittant la ville, les Allemands, suivant la coutume qui leur est chère et ne pouvant faire mieux, ont emmené comme otages le maire et 300 notables.

 

Mangin poursuit sa course, malgré le mauvais état des chemins, et refoule l'ennemi jusqu'à la ligne Souche-Serre. A Marchais, il délivre 2000 personnes. Pendant ce temps, Berthelot a occupé la Malmaison, et Gouraud a achevé de rejeter les arrière-gardes ennemies au-delà de l'Aisne, qu'il borde maintenant de Rethel â Vouziers.

 

Les 14,15 et 16 nouveaux progrès de Debeney, de Mangin et de Berthelot; mais ce ne sont que des progrès locaux qui amènent nos avant-gardes au contact immédiat des positions Brunehilde et Hunding.

 

Ces positions, il faudra une nouvelle bataille pour les faire tomber ; en attendant le moment de la livrer, l'esprit du maréchal Foch est déjà appliqué à un autre objet.

 

   

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