Offensive du Drobopolje en Serbie

                                                       septembre 1918

 

 

 

 

 D’après les mémoires du soldat Français Pierre Marcaret :

 

Le 14 septembre 1918, à la tête des armées Françaises et Alliées le général Franchet d’Esperey enfonce promptement le front bulgare et libère la Serbie . La Bulgarie et l’Autriche capitulent . 

C’est le général Franchet d’Esperey qui succède au général Guillaumat . Chef plein d’énergie et de décision, Franchet d’Esperey saura assurer la mission particulièrement difficile d’enfoncer le front Bulgare et de libérer la Serbie .

Les troupes Françaises, commandées par le général Henrys, occupent alors tout le secteur compris entre le Haut-Devdi et Makovo, dans la boucle de la Cerna . 200 000 soldats Français sont présent en Albanie depuis 1915 .

 

Forces en présence

 

Elles comprennent les 57eme, 156eme, 30eme et 76eme divisions d’infanterie, les 11eme et 17eme divisions coloniales, le groupement de Korsita et une brigade de cavalerie . La 35eme division Italienne ( 6 régiments) renforce cette unité .

Les deux Armées Serbes étendent leur front de  Makovo à la Mala Rupa . Elles représentent 140 000 hommes .

Le 1er Groupement de divisions du général d'Anselme (122eme division d'infanterie et 16eme division coloniale Françaises, avec la division de l'Archipel du Corps Hellénique de la Défense Nationale) tient le secteur compris entre la Mala Rupa et le confluent des deux Lioumnitza.

 

L'Armée Anglaise du général Milne se trouve à la droite du Groupement d'Anselme et s'étire jusqu'à la mer Egée. Elle comprend six divisions Britanniques, les divisions Crète et Sérés du Corps d'Armée de la Défense Nationale, les 1ere, 2eme et 13eme divisions de la Vieille-Grèce.

 

Le Commandant en chef organisera ultérieurement l'Armée Hellénique du général Danglis, qui sera chargée de garder le front de la Strouma.

 

A la gauche des Armées d'Orient opère toujours le 16eme Corps italien du général Ferrero. Mais le général Ferrero n'obéit qu'aux ordres venus de Rome.

 

Le général Franchet d'Espérey a donc en mains 600000 soldats au 1er juillet 1918 . Mais 250.000 hommes seront retenus par les services de l'arrière, dans ce pays dénué de routes et coupé de marécages.

 

Bientôt même, 26000 soldats Français seront rapatriés en France, et les Anglais retireront deux divisions du front d'Orient. La division russe ayant disparu depuis plusieurs mois de nos secteurs, le Général en chef n'a sous ses ordres que des effectifs à peine supérieurs à ceux de 1917 .

Heureusement l'artillerie Française compte 2096 pièces, dont beaucoup de canons lourds, et la valeur morale des troupes s'est nettement accrue depuis que le général Guillaumat a refait une âme à l'Armée.

 

En face de nos lignes, l'adversaire a déployé d'importantes forces, au total 500 000 hommes qu'appuient 1850 bouches à feu.

 

Toutes les Armées ennemies, qu'elles soient autrichiennes, Bulgaro-Allemandes ou Bulgares, reçoivent des directives d'inspiration Germanique. Cependant, sur le front de Macédoine, à part les officiers d'État-Major, il n'y a qu'un très faible encadrement Germain.

L'Armée Bulgare a bien reçu 49 batteries Allemande (dont 20 batteries lourdes), mais son armature reste sérieusement affaiblie.

 

A Sofia, en effet, on n'a pas vu sans crainte se retirer l'une après l'autre les divisions allemandes, que rappelait Ludendorff . Les victoires de Foch ont été vite connues.

 

Où attaquer ?

 

Dans quel secteur Franchet d'Espérey peut-il entreprendre sa future offensive?

 

Ce ne sera pas en Albanie, pays d'accès difficile où la mauvaise volonté des Italiens nous créerait mille embûches; ce ne sera pas dans la région de Monastir, où les Bulgares, déjà attaqués, sont sur leurs gardes et ont sérieusement. renforcé leurs positions; ce ne pourra pas être à l'aile droite, car les marais de la Strouma et du lac Takinos arrêteraient l'élan des fantassins, et les monts Bélès dressent devant nous une formidable barrière.

 

Mais une offensive au centre, de Staravina au Bélès, peut atteindre la région de Gradsko-Krivolak-Negotin, où sont accumulés tous les approvisionnements de la XIeme Armée allemande et de la 1ere Armée Bulgare. Ce serait alors le disloquement du dispositif ennemi, et peut-être la capture de la XIeme Armée allemande, coupée de sa ligne de retraite.

 

Guillaumat et Franchet d'Espérey ont nettement vu tous les deux qu'une action décisive ne pouvait être entreprise qu'au centre.

Mais si Guillaumat estimait que l’attaque principale devait être lancée par le secteur Vardar-Doiran, tandis qu'une offensive secondaire agirait par la Moglena, Franchet d'Espérey décidait que l'offensive principale serait celle de la Moglena et l'attaque secondaire celle de Vardar-Doiran.

 

En effet, la vallée du Vardar et le secteur du lac Doiran sont protégés par des organisations puissantes, qu'il faudrait aborder de front. Derrière elles, l'ennemi pourrait faire affluer ses réserves.

En cas de succès initial, nous nous heurterions bientôt à la formidable barrière qui étrangle le Vardar à hauteur de Demir-Kapou.

Et puis, les troupes Britanniques occupent ce secteur, et Londres ne veut pas les compromettre. On ne peut guère demander aux Anglais qu'un emploi intensif de leur artillerie.

Dans ces conditions, il est de toute nécessité de reporter l'attaque principale au sud-ouest de la Marianska Planina, dans le secteur de la

Moglena.

Région difficile, certes, où le Sokol, se dresse à 1825 mètres, le Dobropolje à 1875, le Vétrenik à 1740, la Dzéna à 2154.

 

Mais, précisément, région aux ouvrages moins formidablement armés, parce que jugée inexpugnable. Que nous nous emparions des hauteurs, et c'est le glissement de nos troupes, par les couloirs de la Cerna et de la Boshava, vers Gradsko, sur les derrières des Bulgares.

 

A la suite de la victoire Franco-Grecque au Skra-di-Legen, les Serbes ont sollicité l’honneur de prendre part, les premiers, à une opération de large envergure. Franchet d'Espérey va leur offrir l'occasion suprême de reconquérir leur patrie.

Deux divisions Françaises et une division Serbe seront chargées de la rupture du front ennemi dans la région Sokol-Dobropolje-Vétrénik-Koziak.

 

Une exploitation rapide du succès devra suivre en direction de Negotin-Kavadar; elle sera confiée aux soldats du prince Alexandre, à ces hommes rustiques, habitués aux dures privations. Pendant ce temps, la 1ere Armée Bulgare sera attaquée violemment dans le secteur du Vardar par deux divisions Grecques, deux divisions Anglaises et un régiment Français, tandis que les forces du général Henrys chercheront à rejeter sur l'Albanie la XIeme Armée Allemande, menacée par notre attaque principale.

 

 

La préparation

 

Or, tandis que Franchet d'Esperey dresse son plan, les Gouvernements de Londres et de Rome restent hostiles à l'idée d'une offensive en Orient. Il faut que la France délègue à Londres, puis à Rome, un ambassadeur. Elle choisit le général Guillaumat.

 

Les jours passent, les Gouvernements hésitent encore . Franchet d'Espérey, qui n'a pas le droit de perdre une heure, a commencé les travaux préparatoires à l’offensive.

Il fait construire de nouvelles routes, poser de nouvelles voies de 60. Les liaisons télégraphiques et téléphoniques sont multipliées. Des cartes de tous les secteurs sont dressées.

Les premiers mouvements de troupes s'effectuent. Si bien que, vers le 10 septembre, toutes les unités seront en place (75 bataillons dans le secteur de la Moglena), et une formidable artillerie se déploiera, face aux Bulgares, sur ce front de 33 kilomètres. Pour dérouter l'adversaire, des coups de main seront même exécutés à tout instant dans différents secteurs.

 

Or, cette fois, Guillaumat - qui avait convaincu les Anglais - a réussi à obtenir le consentement du Gouvernement Italien, très ému par le rapport d'un officier de l’E.M. de Franchet d'Espérey, accouru de Salonique à Rome par avion. La bataille va pouvoir se déclencher.

 

A l'extrême -gauche, du 6 au 10 juillet, notre 372eme régiment d'infanterie Française, le régiment de marche des spahis Marocains et le Tabor Albanais ont enlevé les crêtes du Bosnia, progressé sur les deux rives du Devoli, et permis, par leurs succès, au Corps Ferrero d'entrer dans Bérat.

Mais nous devons nous arrêter par suite du mauvais vouloir Italien. Ferrero est démonté par une contre-attaque Autrichienne et recule. Nous sommes contraints de nous lier à ce mouvement rétrograde. L'ennemi a toute son attention fixée sur le secteur Albanais.

 

L’attaque

 

Nous déclenchons un peu partout de très violentes canonnades. Au sud de Guewguéli, les Anglais enlèvent même des tranchées Bulgares; et, dans la nuit du 7 au 8 septembre, le 1er Corps Hellénique avance sur toute la ligne de la Strouma jusqu'au contact des positions adverses. Mackensen, inquiet, envoie un renfort de cinq bataillons sur ce dernier front.

Le Commandement Bulgare, qui a attendu notre grosse attaque dans la vallée du Vardar ou, dans la boucle de la Cerna, demande le 3 septembre au général von Scholtz de porter toute son attention sur le secteur du Dobropolje.

Le général Allemand, pour rassurer les Bulgares, rapproche quelques réserves de ses premières lignes sur la Moglena.

Mais les 1ere et 2eme Armées Serbes se sont déployées entre les rivières Lechnitza et Souchitza.

A droite, la 2eme Armée (voïfvode Stepanovitch), mènera l'attaque principale entre le Sokol et la Souchitza; elle mettra en ligne la division Choumadia, notre 17eme division coloniale Française et notre 122eme division d'infanterie Française; elle tiendra en réserve deux divisions (Timok et Yougo-Slave) pour l'exploitation divisions du succès.

La 1ere Armée attendra, pour s'ébranler, l'enlèvement du front Sokol-Vétrénik par la 2eme Armée.

 

 

C'est le 14 septembre, à 8 heures, que commence la préparation d'artillerie. Elle ne dure qu’une journée. Le 15 septembre, à 5 h. 30, tous les canons se taisent, et les colonnes d'assaut du voïvode Stepanovitch s'élancent à la faveur du brouillard.

Le 1er bataillon de notre 148eme régiment d'infanterie Française, a reçu la mission d'enlever le Sokol. Il gravit des rochers à pic, sous le feu des mitrailleuses Bulgares.

Ses pertes sont terribles. Le commandant Pétin est tué, sa liaison massacrée, son adjudant-major grièvement blessé. Une poignée d'hommes arrive au pied des tranchées ennemies.

Elle se terre, en attendant des renforts. Bien que les renforts n'arrivent pas, sitôt que la nuit tombe ces braves repartent à l'assaut et enlèvent à 22h30 la position convoitée. Ce sont les compagnies de Lance-Flammes Français qui ont nettoyé les bunkers allemands .

Le Dobropolje a été emporté à 16 heures, au prix de pertes moins graves, par nos 45eme et 84eme régiments d'infanterie Françaises; les Bulgares se replient en abandonnant huit canons.

 

Les Français ont conquis le terrain en délogeant les organisations de mitrailleuses à la grenade, les nettoyeurs de tranchées Français ont conquis les tranchée par des combats au couteau et au revolver

 

La 17eme division coloniale (Marsouins des 1er, 3eme, 54eme régiments d'infanterie coloniale, 95eme bataillon de tirailleurs sénégalais), emporte en deux heures et demie le Kravitsa, et, sous un bombardement intense, repousse cinq contre-attaques successives. Les sections de Fusils-mitrailleurs Français ont fait merveille avec les grenadiers .

Quant aux montagnards serbes, ils ont conquis le Vétrénik en le tournant .

 

Cette fois, la première ligne Bulgare est tombée. Les pertes Françaises sont sérieuses : 63 officiers et 1957 hommes; mais le résultat est acquis par les réserves.

 

La 1ere Armée Serbe s'est lancée à l'attaque en pleine nuit, après la prise du Sokol par le 148eme d'infanterie Française. Elle a dépassé rapidement la rivière Lechnitza.

 

A sa gauche, les Marsouins du 42eme régiment d'infanterie coloniale et un bataillon de la 3eme division Hellénique se sont emparés des hauteurs à l'ouest de Gradechnitza, malgré une résistance acharnée de l’ennemi, encore une fois les nettoyeurs de tranchées et les grenadiers Français ont du réaliser le sale boulot .

 

Alors, les divisions Serbes dépassent toutes les unités Françaises, qui viennent de leur ouvrir la route. Enthousiasmées, elles présentent spontanément les armes à nos troupes, et clament « La Marseillaise ». Et elles courent à la bataille dans un élan irrésistible.

 

Le 16 septembre, les côtes 1810 et 1825 sont conquises, les hauteurs de la rive droite du haut Poroi sont emportées.

 

Le 17, les Bulgares tentent d'enrayer l'avance serbe; mais leurs renforts successifs s'épuisent en vains efforts. Ils doivent abandonner les crêtes du Kouchkov Kamen; notre 4eme régiment d'infanterie coloniale accourt sur la gauche; la fissure s'élargit.

A la 1ere Armée serbe, la progression dépasse Polchitche, Bechitche et Gradechnitza. Notre 1ere division coloniale (Marsouins des 34eme, 35eme, 42eme et 44eme régiments d'infanterie coloniale; 21eme régiment d'artillerie coloniale), et la 3eme division Hellénique se lient à cette progression, en prolongeant notre front jusqu'à la Cerna

 

Au soir du 17 septembre, l'avance réalisée atteint déjà 15 kilomètres en profondeur sur 25 kilomètres de largeur. Le butin s'élève à 3000 prisonniers Bulgares, 50 canons et quantité de mitrailleuses Allemandes. La brèche est ouverte.

Après le déclenchement de l'offensive de la Moglena, I'Armée britannique devait passer à l'attaque dans la région du lac Doiran, afin de fixer et d'accrocher la 1ere Armée Bulgare, puis de prendre pied sur le Bélès et de dégager la voie ferrée Karasuli-Demir-Kapou.

Le but lointain de cette attaque était l'enlèvement de la route Kostourino-Pehcevo, dernière voie de retraite bulgare.

Après une canonnade effroyable, dirigée au hasard, les forces Anglo-Grecques s'ébranlent le 18 septembre. Les Grecs parviennent à enlever les premières lignes ennemies, mais la 22eme division Britannique est clouée au sol par les mitrailleuses.

Le général Milne fait reprendre la préparation d'artillerie dans les mêmes conditions. Les Grecs réussissent à emporter The Orb et The Hilf; mais les Anglais n'avancent pas, et notre 2eme bis de Zouaves, venu pour les soutenir, ne peut même pas déboucher.

Le seul résultat de ces attaques a été d'accrocher les forces Bulgares du secteur de Doiran.

Fort heureusement, le Groupement Franco-Serbe a enfoncé le front Bulgare sur le massif de la Moglena et ouvert aux Alliés le champ libre en direction du Nord.

Le général Allemand von Scholtz, au lieu d'établir en arrière un nouveau front défensif, croit possible d'étayer un barrage sur la brèche même. Il va rendre la catastrophe inévitable.

 

Le 18 septembre, les Armées Serbes engagent la poursuite la 1ere Armée. pousse en direction du front Prilep-La Babouna; la 2eme Armée, orientée en direction de Gradsko va chercher à couper la 1ere Armée Bulgare de la ligne du Vardar, et à la séparer définitivement de la XIeme Armée allemande. .

Cette 2eme Armée subit d’abord un échec dans le secteur de Nonte, par suite de la trahison d'une section hellénique qui dévoile aux Bulgares le mouvement projeté.

 

Mais le 19 septembre, grâce à l'abnégation de notre 16eme division coloniale (Marsouins des 4eme, 8eme, 37eme et 38eme R. I. C.), la conquête de la Dzena et de la Porta est assurée après de sérieux grenadages et corps à corps, et les Serbes atteignent, au nord de Bunarche, le cours moyen de la Vatasha.

L'adversaire lâche pied; les forces du voïvode Stepanovitch peuvent s'élancer vers Negotin.

 

Le 21 septembre, elles progressent avec rapidité; leur gauche, qui a atteint Kavadar, déborde le massif de Drachevishko Brdo, malgré les réactions de renforts bulgaro-allemands.

Le Vardar est atteint bientôt à Negotin même, où un butin considérable tombe entre nos mains.

Comment la 1ère Armée bulgare pourrait-elle dans ces conditions, se maintenir sur la rive droite du Vardar ? L'ordre de retraite est donné aux combattants de Demir-Kapou. Les Bulgares refluent en désordre, massacrant tout sur leur passage.

 

Durant la nuit du 21 au 22 septembre,. la 2eme Armée Serbe, aiguillée maintenant vers Istip, progresse et enlève Krivolak, où elle trouve un important matériel roulant et de précieux convois de vivres.

 

Au matin du 22, les Serbes entreprennent le passage du Vardar

 

le 23, ils tiennent les crètes de Kara Hodjali et de l'Orta Bajir, qui commandent la voie ferrée de Negotin.

 

Le 24, la division Timok gravit les pentes de la Gradets Planinà -pour redescendre dans la vallée de la Kriva Lokavica; elle est appuyée par la droite de la division Yougo-Slave, tandis que la gauche de cette division est engagée depuis vingt-quatre heures dans une violente bataille au sud de Gradsko, en liaison avec la 17eme division coloniale française.

L'opiniâtre défense de l'adversaire décime nos colonnes.

 

Le 24 septembre, le général Pruneau, commandant de la 17eme division coloniale, comprend l'inutilité de nos efforts contre un ennemi solidement retranché et pourvu d'une artillerie nombreuse; au lieu de chercher à suivre la route directe RibartsiGradsko, il entreprend un large mouvement tournant par Cicevo et le monastère d'Archangelsk; l'ennemi n'a pas le temps de s'opposer à cette manœuvre.

Les Marsouins emportent Archangelsk; alors le front Bulgare fléchit, et à 15 heures la division Yougo-Slave pénètre dans Gradsko où elle met la main sur tous les parcs de ravitaillement du général von Scholtz.

La veille, la 1ere Armée Serbe avait dépassé, entre Pletvar et Drenovo, la chaussée de Prilep à Gradsko ; les forces Bulgares et les forces Allemandes ne peuvent plus retrouver une liaison que du côté de Vélès. Mais cette ligne de communication est déjà sérieusement compromise.

Au 1er Groupement de divisions du généraI d'Anselme, l'avance a été moins rapide par suite du manque de ravitaillement.

 

Mais, le 24 septembre, ce groupement s'est rapproché du Vardar dont il borde le cours, de Demir-Kapou à Pardovitsa. Grâce à cette avance, le général Milne peut mettre en mouvement ses colonnes.

Il suit la retraite bulgare et vient s'établir, le 24, sur la ligne Cernitse-Causli-Bazarli, à l'ouest et au nord du lac Doiran. Malheureusement, le général Milne, peu soucieux des intérêts généraux de l’Entente, ne suit que lentement l'adversaire, comme s'il regrettait de s'engager dans la direction de Sofia, alors que les intérêts particuliers de la Grande-Bretagne l'attireraient vers Constantinople.

Mais l'heure de la déroute a sonné pour l'adversaire. La cavalerie Serbe poursuit les fuyards, nos avions apparaissent dans le ciel et bombardent sans répit les formations affolées.

 

 

Le général Henrys a reçu l'ordre de marcher directement de la région de Monastir en direction de Prilep, afin d'appuyer les efforts serbes.

Or le général Henrys est démuni d’artillerie lourde, celle-ci ayant été concentrée dans le secteur de la Moglena, et il doit à tout prix emporter les positions redoutables côte 1248, Snegovo, côte 1050.

Durant cinq jours, toutes les attaques de la 76eme division (157eme, 210eme et 227eme régiments d'infanterie Française) se brisent devant 1248. Nous sommes contraints de nous arrêter.

Cependant l'avance victorieuse des Armées serbes commence à déborder par sa gauche la XIeme Armée allemande.

Le général Henrys modifie immédiatement les instructions qu'il a reçues. Au lieu de s'obstiner en attaques frontales extrêmement coûteuses, il va lier son mouvement à celui de la 1ere Armée Serbe, vers le Nord-Ouest. La 11eme Armée Allemande sera ainsi acculée aux montagnes de l'Albanie.

A 1248, l'adversaire tient toujours tête: son obstination le perdra, car elle nous permettra de couper sa ligne de retraite.

 

Dès le 16 septembre, la 11eme division coloniale (Marsouins des 34e, 35eme, 42eme et 44eme régiments coloniaux) a appuyé les progrès serbes et gagné du terrain sur les deux rives de la Cerna.

La rivière a même été franchie à Cebren, et les Marsouins du 42eme colonial a brillamment enlevé Chaniste. Aussitôt les défenseurs côte 1050 se sont repliés et leurs positions sont occupées.

 

Le 21 septembre, les forces ennemies refluent précipitamment depuis la vallée du Vardar jusqu'à la région de Monastir, et nous pouvons aborder les formidables défenses de Visoko.

 

Le 22 septembre, la cavalerie Italienne galope jusqu'à Kanaflarsi, en direction de la route Monastir-Prilep. Notre artillerie lourde, devenue disponible, commence à couper les routes de Pribilci et de Resna, sur les derrières de la XIeme Armée allemande.

La 156eme division française (175eme et 176eme régiments d'infanterie Française, 1er régiment de marche d'Afrique) va pouvoir s'ébranler.

Or, le général von Steuben (XP Armée allemande) lutte désespérément pour maintenir par Gradsko sa liaison avec la 1ere Armée Bulgare. Il est trop tard, ses efforts vont demeurer stériles.

Le général Jouinot-Gambetta avec ses magnifiques escadrons (1er et 4eme chasseurs d'Afrique, régiment de marche de spahis Marocains)

a franchi, non sans peine, entre Nivak et Dedebal, les anciennes positions Bulgares, hérissées de barbelés.

 

Le 23 septembre, la débâcle ennemie se précise. Jouinot-Gambetta a reçu la mission d'atteindre Uskub avant les fuyards. Il pousse d'audacieuses reconnaissances jusqu'aux abords de Prilep et sur la route de Krushevo.

 

Le 23 septembre, à 15 heures, il pénètre dans Prilep incendié par les Bulgares. Jouinot-Gambetta remet la ville à un bataillon du 42eme colonial, et repart.

Il a reçu l'ordre du général Henrys de traverser le massif de la Jakoupitsa Planina, au nord de la route Prilep-Brod. Il engage donc son avant-garde le 24 septembre, au matin, sur la piste Varos-Dolgatské, qui conduit à Uskub par Lovitska.

Mais cette avant-garde (4eme chasseurs d'Afrique) rencontre une vigoureuse résistance et ne peut se dégager qu'avec l'aide des coloniaux de la 11eme division et des troupes Grecques. Jouinot-Gambetta, prévoyant ces difficultés, a fait reconnaître d'autres itinéraires en poussant vers Vélès sa section d'auto-mitrailleuses et un peloton de spahis Marocains, et en dirigeant sur la piste de Drenovo-Gabrovnik un peloton de Chasseurs d'Afrique.

Il décide de se porter sur Uskub en liaison avec l'Armée Serbe qui marche sur Vélès. Dès le soir, nos cavaliers se dirigent vers le col de la Babouna.

Ils rejettent brillamment d'Herlevski et d'Homoran deux bataillons Saxons, enlèvent leur artillerie, franchissent la Babouna et gagnent jenikeuy (25 septembre).

Mais les Serbes rencontrent une furieuse résistance, car l'ennemi veut permettre à la XIeme Armée Allemande de s'écouler par le défilé Kalkandelen - Uskub.

Pareille résistance est opposée à la 11eme division coloniale, au pied des hauteurs de Krushevo. A l'ouest de Monastir, les Bulgares ont également reçu l'ordre de tenir coûte que coûte depuis la côte 1248 jusqu'aux montagnes de l'Albanie.

 

Mais le général Franchet d'Espérey observe attentivement la bataille. Il ne veut pas laisser plus longtemps le général Henrys s'obstiner en direction de Brod et de Krushevo. Il oriente ses forces en direction d'uskub, derrière la cavalerie de Jouinot-Gambetta.

 

 

Nous avons vu la 1ere Armée Bulgare en pleine retraite. L'Armée Anglo-Grecque a occupé toutes ses positions entre le lac Doiran et le Vardar.

 

Dès le 25 septembre, les cavaliers Britanniques entrent à Stroumitza, tandis que les fantassins se. rapprochent de Kostourino et que les Grecs escaladent le Bélès .

Guewgueli tombe aux mains de la 27eme division Anglaise : le Vardar est franchi. La côte 1494, dite « Signal.allemand » est conquise par la division de Crête après de rudes combats. Kostourino est bientôt dépassé.

La voie ferrée Karasuli-Demir-Kapou est dégagée

 

Le 27 septembre, les avant-gardes Anglaises atteignent le pied de l'Ograzden Planina, bousculant les débris de la 9eme division Bulgare.

 

Le 28, l'avance continue en direction de Pehcevo. Maintenant, les IIeme IVeme armées Bulgares de la Macédoine orientale risquent d'être privées de leurs communications vers le Nord et devront reculer jusque derrière la Maritza.

 

Quant à la gauche de la 1ere Armée Bulgare, sa retraite semble devoir être bientôt impossible.

 

Déjà, le 26 au soir, la cavalerie Grecque a fait son apparition à Radoviste, poursuivant les fuyards qu'affolent nos avions. Le 7 au matin, les forces du général d'Anselme ont dépassé la vallée de la Kriva Lokavica et escaladent les pentes du Kirezli Tepe, au nord de Radoviste.

La 2eme Armée Serbe manœuvre sur les derrières de la 1ere Armée bulgare : Istip a été pris le 25 septembre. Le voïvode Stepanovitch atteint Turiya, et ses cavaliers entrent à Carevo-Selo.

Des patrouilles audacieuses arrivent jusqu'à Dzumaïa, sur la Strouma. Plus au Nord, la route de Kumanovo-Egri Palanka est menacée; les forces ennemies qui combattent vers Uskub ne vont plus disposer, pour fuir, que du défilé de Katchanik et de la voie de la Morava.

 

Jusqu'au 25 septembre, la droite de la XIeme Armée Allemande reste accrochée aux positions de la côte 1248, du Peristeri et de la région des lacs.

Le général Henrys va développer sa manœuvre pour profiter de l'immobilité de l'adversaire. Il vise le carrefour de Kicevo, qui commande la route Pribilci-Gostivar.

Or, nous avons déjà atteint la ligne Zapolyani Novoselani Drvenik Zulitsa.

 

Au matin du 25, notre pression a fait craquer le front adverse au nord-ouest de Monastir : notre avance nous amène à border la haute Semnica. 

 

Le 26, l'ennemi bat en retraite, abandonnant le Peristeri et la région des lacs. A partir du 27, les Allemands fléchissent à l'ouest du lac d'Ochrida; tous nos efforts convergent en direction de Kicevo.

Franchet d'Esperey intervient encore, car il craint que le général Henrys se laisse attirer vers le Nord-Ouest. Nos avions signalent la retraite de l'Armée von Steuben sur la chaussée de Kalkandelen; la route, entre Kicevo et Gostivar, est encombrée de véhicules.

Le général Henrys reçoit donc l'ordre de diriger toutes ses forces vers la Babouna et Vélès; de faibles détachements continueront seuls la poursuite «de l'adversaire en direction de Kicevo .

La bataille pour Vélès dure toute la journée du 26. Les Bulgares épuisés se reportent, au matin du 27, sur le front Kozle-Kliseli-Borilowek (rive gauche du Vardar, où passe la grande route d'Uskub).

Mais la 1ere Armée Serbe surgit, au contact même des positions adverses. Des combats acharnés s'engagent sur la rive gauche du Vardar: nous ne progressons plus que pas à pas.

Heureusement, le général jouinot-Gambetta, pour qui la vitesse est le principal facteur du succès, a décidé de ne pas, s'attarder dans la région de Vélès.

Il choisit pour gagner Uskub l'itinéraire Drenovo-Paligrad, qui l'amène à franchir le massif de la Golesnitsa Planina. Décision audacieuse s'il en fut, car Jouinot Gambetta n'a pas de fantassins ni de batteries de 75 pour l'appuyer.

Or l'ennemi, considérant cette route impraticable, a négligé de la surveiller. Il faut d'ailleurs toute l'habileté de nos escadrons d'Afrique pour escalader de semblables rochers.

Et la chaleur devient accablante. Hommes et chevaux peinent pendant des heures. La nuit tombe. On s'élève jusqu'à 1800 mètres par des sentes abruptes pour redescendre bientôt à 1200 mètres. Mais l'enthousiasme ne faiblit pas.

 

Le 26 au soir, jouinot-Gambetta a appris la chute de Vélès. Il presse davantage ses cavaliers afin d'atteindre en toute hâte le pont de Dracevo. Nul ennemi n'apparaît sur la piste que suit sa colonne. Seule, une compagnie Allemande est signalée très loin en avant, se hâtant vers Uskub.

 

C'est le 28 au soir, à 23 heures, que la cavalerie française atteint Dracevo, sans laisser derrière elle un traînard. Elle s'apprête à déboucher le 29 des l'aurore.

Le général a décidé que les spahis Marocains s'empareront des hauteurs de Vodna, qui dominent Uskub du côté Sud, puis iront barrer la route de Kalkandelen ; des deux régiments de Chasseurs d'Afrique, le 4eme attaquera la ville par la rive droite du Vardar, le 1er par la rive gauche.

Des éléments du 1er Chasseurs d'Afrique devront couper à Bunarchik la voie ferrée de Kumanovo, tandis qu’un escadron cherchera a établir sur la rive droite du Vardar la liaison avec les forces du général Tranié, qui doivent venir appuyer l'action de notre cavalerie.

Or, le général Tranié s'est engagé sur la rive gauche du Vardar, où la résistance des arrière-gardes ennemies l'a considérablement retardé.

Car le général Tranié, soutien du général jouinot-Gambetta, reste indépendant de celui-ci, par suite d'une mauvaise organisation du commandement à l'avant-garde de l’armée du général Henrys.

 

Au matin du 29, un épais brouillard favorise l'exécution des plans du général jouinot-Gambetta. Les Bulgaro-Allemands ne distinguent nos cavaliers qu'à très faible distance. Une panique indescriptible disloque leurs rangs.

Le lieutenant-colonel Guéspereau s'empare, avec ses Marocains, des hauteurs de Vodna. Le lieutenant-colonel Labauve, avec le 4eme chasseurs, s'engage vers Lisica: arrêté par des éléments adverses que soutient un train blindé, il fait mettre pied à terre à ses hommes et réussit à repousser les Bulgares.

A 8h15, appuyé par les spahis Marocains, le 4eme Chasseurs entre au galop dans Uskub, où s'allument déjà des incendies. Les spahis vont ensuite barrer la route de Kalkandelen à la retraite Allemande.

Le colonel de Bournazel, avec le 1er Chasseurs, soutient une lutte très dure aux lisières d'Urumli. A midi seulement, l'adversaire est chassé de ses positions.

Le 1er Chasseurs pousse aussitôt vers la voie ferrée de Kumanovo qu'il a mission de couper. Malheureusement six trains de matériel ont pu s'échapper vers le Nord, et le train blindé est passé pour aller détruire toute la voie ferrée de Nisch, si utile à notre ravitaillement éventuel.

 

Le manque d’artillerie a empêché le 4eme Chasseurs de détruire, en gare d’Uskub, tous ces trains .

Alors les vainqueurs organisent des positions défensives . Seront-ils secourus à temps ? La 11eme armée Allemande peut les attaquer d’une minute à l’autre .

Et déjà des renforts accourent du Nord, qui menacent Uskub par l’Ouest .

 

Les journées du 29 et du 30 septembre se passent en durs combats d’avant-postes .

Les Bulgares arrivent même aux lisières de la ville . Ils sont rejetés en désordre par nos spahis Marocains .

 

Au matin du 1er octobre, apparaissent enfin nos marsouins . C’est fini, l’armée allemande ne brisera plus le barrage . D’ailleurs le Gouvernement Bulgare a décidé de capituler le 29 septembre; il va livrer prisonnière de guerre toute l’armée de Von Steuben .

 

Tel est le résultat splendide du raid entrepris par le général Jouinot-Gambetta et par ses hardis cavaliers .

 

Résultat de la victoire de Franchet d’Esperey : 90 000 prisonniers Bulgares, plusieurs centaines de canons et plusieurs centaines de mitrailleuses Allemandes capturées grâce à la bravoure des troupes Françaises et Serbes . Le front Bulgare est enfoncé, la Serbie est libérée et la Bulgarie capitule sans condition suivi de l’Autriche . Franchet d’Esperey sera le seule général Français à occuper deux capitales Européennes : Sofia et Belgrade .

 

 

Texte tiré de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes  Aristide Quillet, 1922 »

 

 

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