Attaque de nuit de Bécourt

des 26e et 160e régiment d’infanterie

Tirée de « Les Gars du 26e »

Souvenir du commandant du 26e RI, de la division de fer

Général H. COLIN, 1932

 

Merci à Marie France, pour son envoi

 

Ce combat localisé fait parti de l’épisode de la Course à la mer, fin 1914

 

 

Le passage de l’historique du 26eRI (résumé de l’attaque):

    « Le 26e, relevé dans Fricourt, est ensuite porté un peu plus au Nord et cueille, dans la nuit du 7 au 8 octobre, à Bécourt de nouveaux lauriers.

C’est l’affaire célèbre du château de Bécourt où le 3e bataillon (Weiller), attaqué par surprise à minuit par 7 compagnies allemandes, résiste non seulement avec la dernière énergie, mais permet au commandant Colin (commandant le 26e) d’exécuter deux contre-attaques à la baïonnette et une manœuvre d’encerclement qui force les assaillants, cernés dans le parc du château, à se rendre.

Un lieutenant-colonel, 7 officiers et 400 prisonniers restaient entre nos mains. Un nombre égal de cadavres et de blessés allemands jonchaient le champ de bataille. »

 

 

 

« Les Gars du 26e » :

7 octobre 1914

 

Le temps est superbe, c’est une magnifique journée d’automne. Le médecin-major Viry, l’aumônier Martin et le sous-lieutenant Tourtel sont avec moi dans la cour de château.

Le secteur est si calme –on n’entend ni un coup de fusil, ni un coup de canon – que la conversation engagée entre nous et Mmes de V.. (propriétaires du château) qui sont dans la cave, par un soupirail, se continue bientôt en plein air.

Melle de V… sort la première, pour profiter du bon soleil, et sa mère la suit de près. Ainsi mises en confiance, nous causons agréablement comme en temps de paix. Cette après-midi ensoleillée et paisible est pour nous comme un intermède dans la guerre ; Mme de V… se préoccupe de faire réparer sa toiture crevée en certains endroits par les obus, et je fais faire des travaux de force pour extraire le cadavre d’un cheval tombé dans un puits.

Et nous n’étions qu’à moins de 500 mètres de l’ennemi ! Celui-ci allait bientôt nous rappeler à la réalité.

 

Vers 17 heures, quelques 77 commencent à siffler et à tomber aux alentours du château, forçant Mmes de V… à réintégrer rapidement leur cave. Petit à petit le bombardement s’intensifie et devient particulièrement violent à la nuit. Il diminue un peu vers 22 heures.

 

A 23 heures, le calme semblant revenir, je me décide à prendre un peu de repos. Je pose mon revolver vers une table et, enveloppé dans mon grand manteau à pèlerine, je m’allonge tout habillé sur un lit, dans une chambre du 1er étage, sans me déchausser comme d’habitude.

A minuit, je commençais à m’assoupir quand j’entends frapper violemment aux volets du rez-de-chaussée, puis c’est une galopade dans l’escalier. Un agent de liaison entre tout essoufflé et me crie : « V’là les boches ! » 

On frappe toujours à coups de crosse aux volets de cette façade, mais ils sont solides, toutes les fermetures sont closes : et je me rends rapidement compte qu’il n’y a pas d’accès facile pour l’ennemi de ce côté. On ne peut pénétrer dans le château que par la façade ouest.

Tranquille de ce côté, je vais dans la cour du château où je suis rejoint par le commandant Weiller.

Ma décision est prise, elle est basée sur l’étude du terrain du parc et du château que j’ai faite à loisir depuis deux jours : Le commandant Weiller va organiser la défense du château qui, situé au point d’aboutissement de trois routes convergentes forme le réduit de la défense. Pendant que l’ennemi sera arrêté par cette défense, et par la région boisée inconnue de lui, difficile à traverser de nuit, je le contre-attaquerai avec ma réserve de la cote 106.

J’explique rapidement mon plan au commandant Weiller que je laisse, rameutant autour de lui ce qui est dans Bécourt, cuistots et liaison, une cinquantaine d’hommes, avec une section de mitrailleuses. Celle-ci vient d’arriver par le Nord du château sans avoir été inquiétée, ce qui me prouve que l’ennemi contourne la localité par le Sud.

Je pars donc directement par la route menant à la cote 106, accompagné du sergent-major Gourier, du sergent Maubeuche et de quatre agents de liaison et, revolver au poing, je m’engage dans le bois, bien décidé à arriver coûte que coûte à ma réserve.

Je m’attendais à chaque instant à rencontre l’ennemi, ce qui serait arrivé immanquablement s’il ne s’était pas attardé devant la face est du château, complètement close, au lieu de chercher tout de suite à contourner l’obstacle.

Nous sortons sans encombre de la partie boisée et arrivons aux abords de la cote 106, où j’alerte les deux compagnies du 160ème R.I. endormies dans leurs tranches situées de part et d’autre de la roue d’Albert.

Puis, je me rends à la meule de paille où je mets le lieutenant Lediberder au courant de la situation.

Les deux compagnies du 160ème R.I. ont un effectif très réduit ; elles ont été très éprouvées et leur encadrement est bien jeune et inexpérimenté. Elles tiendront, mais je ne peux prélever sur elles la plus petite fraction pour contre-attaquer, de l’avis de leur chef. Je lui prescris donc de tenir solidement sur sa position qui barre la route d’Albert et d’envoyer des patrouilles dans la partie boisée pour me renseigner sur les mouvements de l’ennemi.

Il importe en effet avant de tenir solidement cette position de barrage, et quand je verrai un peu clair dans la situation je contre-attaquerai.

Mais pour cela, il me faut une troupe de contre-attaque que je n’ai pas. Sans perdre une minute, j’envoie par cycliste un premier compte rendu à Meaulte au général Gérôme, en lui demandant de m’envoyer au moins une compagnie pour contre-attaquer.

 

8 octobre 1914

 

Il pouvait être à ce moment minuit 45. Il faisait un superbe clair de lune.

La fusillade éclate du côté du château d’où une immense flamme s’élève. Heureusement, ce  n’est que la ferme près du château qui brûle, incendiée par l’ennemi suivant son habitude.

La fusillade reprend à plusieurs reprises, et on entend le tic-tac de nos mitrailleuses. C’est bon signe, car les Allemands ne tirent jamais dans leurs attaques de nuit. J’en ai fait l’expérience en Lorraine.

 

Tout à coup, vers 1h30 éclatent des « Hurrah », sur notre droite, accompagnés de la sonnerie lugubre des clairons boches sonnant la charge. Ce sont les Allemands qui, débouchant de la zone boisée, montent à l’assaut de la hauteur 106. Une vive fusillade crépita aussitôt, partant de nos tranchées.

C’est la 6ème Compagnie du 160ème R.I. qui prend sous son feu l’assaillant et je me rends compte bientôt que l’attaque n’a mordu nulle part sur notre position.

A ce moment, je vois surgir sur ma gauche un officier de haute taille.

C’est le lieutenant Godard, arrivé au front seulement depuis cinq jours, et qui avait pris immédiatement le commandement de la 9ème compagnie. Il me dit qu’entendant la fusillade du côté de la cote 106, il venait se mettre à ma disposition, avec la majorité de sa compagnie. C’était la troupe de contre-attaque qui me manquait ; elle me tombait du ciel d’une façon tout à fait imprévue, au moment précis où son intervention  pouvait être décisive.

Aussi, sans prendre le temps de lui demander ce qu’il avait laissé à la garde des tranchées, je lui réponds : « Vous arrivez à pic, nous allons contre-attaquer dans le flanc de l’ennemi, dont l’attaque vient de se briser sous le feu des tranchées qui sont à notre droite ».

Et comme le lieutenant Godard semblait un peu désorienté sur ce terrain inconnu, où il débouchait de nuit en pleine bataille, j’ajoute aussitôt « Suivez-moi ».

Il n’y avait en effet pas un instant à perdre.

Le lieutenant  Godard, plein d’allant, entraîne sa Compagnie à ma suite, sur ce terrain que je connais bien, en direction de la lisière ouest du bois, au sud de la route.

L’effet est immédiat. Toute la ligne allemande reflue dans le parc et disparaît dans les fourrés avant même qu’il y ait eu abordage. Tout le terrain en avant des tranchées est couvert de cadavres ; l’ennemi a subi des pertes sévères et son moral n’a pas tenu devant la menace d’une attaque de flanc.

Je prescris alors au lieutenant Godard de rallier sa Compagnie à la lisière des bois, et d’envoyer des patrouilles à l’intérieur, pour ne pas perdre le contact.

J’ajoute : « Vous pousserez ensuite jusqu’au château en prenant comme direction l’incendie que vous voyez ».

Il hésite et me dit : « Que faudra-t-il faire ensuite ? »

Je lui réponds : « Prendre la liaison avec les défenseurs du château, et me rendre compte ».

Comme ce brave garçon paraissait embarrassé (c’était son premier combat) j’ajoute aussitôt : « Vous agirez suivant les circonstances, avec votre bon sens. Je ne peux pas tout prévoir ; C’est le rôle du chef de faire face à l’imprévu. Vous êtes intelligent, vous réussirez ».

Il se redresse et d’un air décidé : « vous avez raison, mon commandant » et il disparaît dans la nuit.

Ce jeune professeur agrégé, jeté ainsi brusquement dans la mêlée, avait douté un instant de ses capacités comme chef, mais il devait bientôt justifier pleinement ma confiance.

 

Tranquille de ce côté, je retourne auprès de la meule, où m’appelaient d’autres préoccupations.

En effet, le lieutenant Lediberder m’aborde en me disant d’un air inquiet : « La 6ème Compagnie vient de rendre compte qu’elle n’a plus de cartouches ».

En attendant que je puisse la ravitailler avec mon T.C., nous lui faisons porter toutes les cartouches de nos « liaisons » ainsi qu’une partie de celles de la 4ème Compagnie, qui n’a pas été attaquée et n’a pas eu à tirer.

Le lieutenant Lediberder s’emploie très activement à ce ravitaillement de munitions.

 

Il pouvait être 2 heures du matin. A peine cette question réglée, je vois arriver un capitaine qui se présente à moi, en m’annonçant qu’il m’amène une Compagnie de renfort : c’est la 11ème Compagnie du 160ème R.I.

Il ajoute qu’il m’amène aussi une section du 26ème R.I. qui a retraité jusqu’à Meaulte.

C’était celle de l’adjudant T… qui avait reçu l’attaque ennemie (7 Compagnies arrivant par surprise par le ravin de Contalmaison, comme je le sus par la suite) et qui s’était repliée d’une traite sur Bécordel.

Evidemment, cet adjudant avait perdu la tête par suite de la surprise et de la violence de l’attaque. Il fallait qu’il se réhabilite, lui et son unité…l’honneur du Régiment était en jeu.

J’appelle l’adjudant, qui me semble mal remis de son émotion et incapable d’entraîner de nouveau ses hommes. Aussi, sans plus réfléchir, et sous l’impulsion des circonstances, je me décide à remettre moi-même cette troupe en main.

M’avançant vers la section arrêtée à quelques pas, à gauche de la meule, je commande : « Baïonnette au canon, par quatre derrière moi, en avant ! ». Et me voilà parti en tête de la section T…

D’aucuns diront que ce n’était guère le rôle d’un commandant de Régiment de prendre le commandement d’une section après avoir pris peu te temps auparavant le commandement d’une Compagnie. Peut-être ! Quand on discute dans le calme d’une Kriegspiel.

 

Mais j’affirme que quand on est au combat, et qu’il se présente des évènements d’une gravité exceptionnelle, on ne réfléchit pas tant : ce sont les réflexes qui agissent. On sent ce qu’il est indispensable de faire, dans telle ou telle circonstance.

Et bien ! dans la circonstance présente, j’avais senti que l’action personnelle du chef ayant la confiance de ses hommes et connaissant le terrain, était nécessaire pour emporter le succès.

Dans les combats de nuit surtout, c’est l’action du chef qui est tout. La nuit au combat, il ne faut pas se contenter d’envoyer des ordres, il faut s’assurer de la façon dont ils peuvent être exécutés.

Si un chef n’entraîne pas sa troupe, celle-ci n’attaque pas. J’avais rendu la main au lieutenant Godard dès que j’avais vu qu’il était capable de continuer seul l’attaque. J’allais faire de même avec l’adjudant T.

 

A ce moment, la situation était la suivante : j’avais à la cote 106 trois Compagnies du 160ème R.I. (6ème met 7ème dans les tranchées, 11ème Compagnie en réserve à la meule).

La compagnie Godard du 26ème était à la lisière du bois B.

Je prends la décision de prolonger vers la gauche l’action de cette Compagnie, avec la section T…. En arrivant face au bois A, je me rends compte, la nuit étant très claire, que les Allemands organisent la lisière.

On les entend piocher. Je me souviens du combat de nuit du Petit Léomont. Aussi pour bien remettre mes hommes en main, je déploie la section en ligne, et je lui commande un feu sur la lisière du bois A dont nous n’étions guère qu’à 100 ou 150 mètres.

Des cris se font entendre ; l’ennemi, surpris en plein travail, ne riposte pas et s’enfuit. J’en profite pour entraîner toute la ligne en avant, et la progression se poursuit à travers bois, sous la direction du lieutenant Godard, à cheval sur la route, refoulant les Allemands vers le château.

Ma place n’étant plus avec ce petit détachement, qui est en bonne voie, je retourne à la meule pour reprendre la direction de l’ensemble. Je mets les commandants d’unités au courant de la situation, et leur expose mon plan : l’ennemi est refoulé sur le château, il faut l’encercler.

La Compagnie Godard va lui fermer la porte vers le Nord. Le capitaine de la 11ème Compagnie va faire la même opération au Sud.

 

Il pouvait être à ce moment entre 3 heures et 4 heures du matin, et je venais de recevoir par un agent de liaison la nouvelle que le commandant Weiller tenait toujours dans le château.

Quand il commence à faire petit jour, je m’aperçois que la 11ème Compagnie s’est arrêtée dans les tranchées situées dans le prolongement de celles de la 6ème Compagnie, sans aller jusqu’à la lisière des bois. Je lui envoie par écrit l’ordre de se porter en avant, et vers 5 heures elle commence son mouvement saluée par quelques 77.

A ce moment, je reçois coup sur coup deux bonnes nouvelles.

 D’abord du commandant Weiller par l’agent de liaison Goret, qui m’annonce qu’il a déjà fait 96 prisonniers, dont le lieutenant-colonel qui a dirigé l’attaque ; puis du lieutenant Godard qui me rend compte qu’il est arrivé au château et qu’il a exécuté entièrement mes ordres. Il a aussi fait des prisonniers dans les bois.

Enfin, un jeune capitaine du 45 R.I. –dont j’ai le regret d’avoir oublié le nom- se présente à moi et me dit qu’il arrive en renfort avec sa Compagnie, pour se mettre à ma disposition.

C’est parfait. Je lui donne l’ordre de prolonger à droite l’action de la 11ème Compagnie du 160ème et de contourner Bécourt par le sud. Il se portera ensuite à l’est de la localité afin d’achever l’encerclement des Allemands, en occupant la seule porte de sortie qu’ils aient par le ravin de Contalmaison. Il exécute parfaitement les ordres donnés ; poussant dans les bois au Sud-est du château pendant que la 11ème Compagnie du 160ème, sans avancer plus avant, recueillait les Allemands qui venaient se rendre.

Ceci fait, j’envoie un compte rendu sommaire au général Gérôme, lui indiquant les dispositions prises et les résultats obtenus avec un nombre respectable de prisonniers.

 

Puis je me rends au château de Bécourt, en parcourant le terrain de l’attaque de nuit, jonché de cadavres feldgrau. Je rencontre dans les bois près du château l’adjudant T… tout ragaillardi, puis le lieutenant Godard que je félicite vivement.

Enfin dans la cour du château, c’est le commandant Weiller que j’embrasse avec joie. Il me raconte comment il a repoussé trois attaques le château.

En effet, après l’avoir quitté, pendant que je me rendais à la cote 106, l’ennemi avait contourné le château par le Sud et s’était présenté par la rue du village. Le commandant avait eu le temps d’installer une mitrailleuse devant le château, au débouché des voies d’accès, et l’attaque avait été immédiatement fauchée. L’ennemi, sans plus insister de ce côté s’était alors présenté par l’avenue venant du parc et avait été reçu de la même façon. Il avait alors fait une nouvelle tentative par la route de la ferme, mais étant pour la troisième fois fauché par les feux de mitrailleuse, il avait renoncé à attaquer le château. Après avoir incendié la ferme, il s’était alors dirigé sur la cote 106 qui était son objectif. Je savais le reste.

En somme, la belle résistance du château avait commencé à dissocier l’attaque et après l’échec des Allemands sur les tranchées de la cote 106, les contre-attaques les avaient refoulés dans la zone boisée et ils s’étaient trouvés pris entre deux feux. En cherchant à fuir, ils avaient erré par petits groupes qui avaient été aisément cueillis par nos patrouilles. Perdus dans la nuit ils n’avaient opposé aucune résistance et au jour, il y avait entre nos mains plus de 400 prisonniers, dont le lieutenant-colonel qui commandant l’attaque et sept autres officiers.

 

Je trouve en arrivant, entre la grille et le château, un grand nombre de prisonniers qu’on évacue par petits groupes, car ils sont bien plus nombreux que nous. Toute la cour est pleine d’armes et d’équipements jetés en tas au fur et à mesure de l’arrivée des prisonniers.

 

Comme j’interrogeais un des officiers blessé à la jambe pendant qu’un infirmier lui faisait un pansement, un caporal du 26ème me dit : « C’est moi qui l’ai fait prisonnier. Il se sauvait, je lui ai tiré dessus, et après, il a fallu que je le porte sur mon dos jusqu’ici…. »

Toujours braves types nos poilus !

 

Sur une table, sont tous les brownings pris aux officiers. On en a trouvé sept sur le lieutenant-colonel. Dans la journée, on m’apporte l’ordre d’attaque allemand, trouvé sur le cadavre d’un officier. Je l’envoie au général Gérôme, mais j’en conserve la traduction ; L’attaque a été exécutée par 7 Compagnies sous les ordres du lieutenant-colonel Weiss du 111ème R.I. : 2 Compagnies du 40ème R.I., 3 Compagnies du 11ème R.I. et 2 Compagnies du 14ème chasseurs à pied de la réserve. Elle avait pour objectif l’occupation de la cote 106. C’était un désastre pour l’ennemi, comme le disait un officier prisonnier.

En effet n’ayant percé le front qu’en un seul point, quand les groupes qui avaient échappé à nos patrouilles avaient voulu fuir, ils avaient trouvé la porte fermée. Après avoir erré le long de nos tranchées et s’être faits fusiller à bout portant, les survivants s’étaient rendus ; 400 prisonniers, un nombre égal de cadavres et de blessés restaient sur le terrain.

 

Je vais voir dans l’après midi Mme et Melle de V…. Toujours dans leur cave, où elles sont restées en prière toute la nuit, pendant qu’on se battait au-dessus de leurs têtes. Elles sont maintenant rassurées, mais sont passées par bien des angoisses. A la nuit, la Compagnie du 45 R.I. et la 11ème Compagnie retournent à Meaulte.

 

9 octobre (Bécourt)

 

Dès 6 heures, je fais exécuter l’enfouissement des corps qui jonchent le champ de bataille, et on retrouve encore des blessés allemands dans les bois.

 

Le soir, je reçois un télégramme du général commandant le 20ème C.A. qui « adresse ses félicitations au général commandant la 11ème D.I. au chef qui a dirigé la contre-attaque, aux officiers et hommes qui l’ont exécutée »

Ceci me prouve que le général Balfourier ignore le nom du chef qui a dirigé la contre-attaque, et que mon rapport ne lui est pas encore parvenu.

En effet, le 26ème R.I. n’était pas sous les ordres de ses chefs habituels. Les unités qui avaient participé à cette affaire appartenaient aux 26ème, 160ème et 45ème R.I. faisaient partie de la Brigade Gérôme.

Enfin, le général Ferry commandant la 11ème division était à la ferme Bronfay, à une quinzaine de kilomètres du lieu du combat.

Le résultat de cette situation était que le « chef » qui avait conduit la contre-attaque n’avait reçu pour tout encouragement, au cours de cette nuit tragique, qu’une note sévère demandant des renseignements et lui rappelant qu’il était responsable du maintien intégral de la position. Ensuite, quand tout alla bien, et que je commençai à envoyer des prisonniers, silence complet, sauf l’ordre de rendre compte « quel était l’officier responsable de la percée faite par les Allemands, et quelle sanction j’avait prononcée ». Le commandant Weiller était nettement visé. Je m’empressai de le couvrir dans mon rapport et on n’en parla plus.

 

En toute franchise, il faut dire que le succès était dû d’abord à la résistance victorieuse des défenseurs du château (26ème R.I.) sous les ordres du commandant Weiller, puis à la ferme attitude dans ses tranchées de la 6ème Compagnie du 160ème R.I.

Une fois l’attaque allemande brisée par le feu, tout le poids de l’offensive revint aux secteurs de la 9ème Compagnie du 26ème R.I. qui exécutèrent la manœuvre d’encerclement. Celle-ci fut terminée par le mouvement de la compagnie du 45ème R.I et par les feux de la 12ème Compagnie du 26ème R.I. qui, de ses tranchées, battait la porte de sortie du ravin de Contalmaison.

A 21 heures, je reçois un coup de téléphone m’annonçant que le 26ème R.I. va être relevé. Déjà le 1er bataillon avait été retiré du front, dans la nuit du 7 au 8 octobre au moment de l’attaque de Bécourt.

 

 

 

 

                                                                                                                                        

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