Combat de DIDENHEIM; le 19 août 1914

Quelques KM au sud ouest de Mulhouse

 

 

 

Je vous propose 3 versions différentes de ce combat :

La version racontée du soldat Charles SEVERAC

La version racontée dans l’historique du 215e RI

Le version racontée dans le livre d’Or du 215e RI

 

Vous pourrez ainsi noter quelques différences surprenantes…

 

 

 

Les faits racontés par Charles SEVERAC

 

19 Août 1914 :

Départ 5h30 – Balschweiler – Enschingen : rencontre 12ème chasseur à cheval portant des casques allemands – Brouillard épais. Nous remontons la vallée de l’Ile et allons contourner dans les faubourgs sud de Mulhouse.

Vers 8h00, fusillade en avant. La colonne s’arrête. Passent deux cavaliers revenant avec leurs chevaux percés de balles. Nous repartons – Frörringen : on amène 4 prisonniers dont un officier, sur le bord de la route, gît un Boche mort.

2km plus loin, la fusillade crépite, nous nous arrêtons, approvisionnons nos armes et repartons en colonne par 4 (!). Tout d’un coup, sans nous y attendre, nous sommes inondés d’obus. L’ordre est donné de se porter à l’abri des maisons du village de Didenheim.

Je m’élance pour traverser l’espace découvert mais je me couche plusieurs fois le nez fouillant la terre : tout le monde est émotionné et sans haleine ! Je bondis de nouveau, mon sac sur la tête est traversé par une balle de mitrailleuse.

Ouf ! L’abri est atteint : l’émotion est passée.

Vers 13h00, l’ordre est donné de se masser et de monter à l’assaut : il faut passer sur un pont balayé par les mitrailleuses. Deux fois, nous nous engageons sur le pont mais un mouvement de recul nous oblige à revenir en arrière. Quelques fractions ont pourtant atteint la prairie.

Je me retire derrière les maisons avec une demi section et me joins à celle d’un lieutenant. Le duel d’artillerie est colossal, la mitraille crache dur. Je me porte légèrement en avant pour tacher de voir où est ma compagnie et je vois le capitaine porté par un homme blessé. Je me précipite et le prends sur mes épaules, un brancard et on l’emporte.

Le combat a duré jusqu’à la nuit et a été très meurtrier. L’officier qui m’a pris sous son ordre me trouve un cantonnement pour mes hommes.

Quant à moi, je me rends chez des Alsaciens qui m’offrent la lumière et le gîte et me font boire du café au lait et du « shniaps ». Là je rédige mes impressions sur la journée.

Notre artillerie a sauvé la situation et a obligé l’ennemi à se retirer avec de fortes pertes. Nous avons 50 morts et 200 blessés. Presque aucun homme n’a tiré un coup de fusil.

 

20 Août 1914 :

Lendemain de bataille – Nous saluons les morts – Nous faisons la popotte sur le champ de bataille –

Le 7ème corps nous dépasse (ils ont fait 300 prisonniers du côté de Mulhouse).

Les officiers d’artillerie sont allés sur les coteaux de Brunstatt où était porté l’artillerie boche : là tout est anéanti. Ils ont ramené 24 pièces et 50 chevaux. Il parait que l’armée ennemie est retirée dans la forêt de Hardt où ils nous attendent.

Nous cantonnons à Didenheim. Avant la soupe, nous trinquons aux malheureux qui ne sont pas revenus ! Un régiment de chasseur à cheval, emmenant quelques prisonniers, prétendent qu’il n y a aucun boche dans la Hardt et que Colmar est pris….

 

………..

 

Lire tout le  carnet de guerre de Charles SEVERAC, soldat du 215e RI

 

 

 

 

Les faits relatés dans l’historique du 215e RI

 

Le 19 août à 5 heures, le régiment commença la marche en avant, le 5ème bataillon en tête. Au débouché du village de Froningen, le 5ème bataillon faisant prisonnière une patrouille de Uhlans, apprend que l’ennemi occupe les hauteurs de Brünstadt.

Au moment où il s’apprête à franchir le pont sur l’Ill, à la sortie de Didenheim, il est arrêté par une violente fusillade ; l’avant-garde se déploie rapidement ; mais le 5ème et 6ème bataillons arrivés à Didenheim s’entassent dans les 300 mètres qui séparent la sortie de Didenheim des bords de la rivière.

Il fallait sortir de cette impasse et forcer le pont de l’Ill, le pont du canal du Rhône au Rhin, enlever Brünstadt et déloger l’ennemi de ses positions. Le Commandant Duchesne, le Capitaine Neveu et deux sections de la 15ème compagnie s’élancent bravement sous un feu terrible de mitrailleuses, mais ils tombent dans une véritable impasse, entourés de tous côtés par des réseaux épais. Duchesne blessé, Neveu tué, les deux sections clouées au sol sans pouvoir avancer ni reculer.

Cependant de l’autre côté de l’Ill, les 5ème et 6ème bataillons, le 343ème s’échelonnaient sur les rives et occupaient Didenheim, tandis que l’artillerie en arrière de Froningen se préparait à aller occuper les crêtes à l’ouest.

Vers 13h30, les débris des deux sections qui avaient suivi le Commandant Duchesne cherchèrent à se replier et, provocant un feu violent de la part de l’ennemi, traversèrent le pont en courant.

Ce recul précipité provoqua chez les autres troupes un moment de panique qui ne fut enrayé que par la bravoure de colonel Gadel qui stoïquement debout sous le feu, fit déployer le drapeau par le Lieutenant Dutrey et sonner la charge ; l’effet fut magique, les hommes se ressaisirent immédiatement et réoccupèrent leurs positions.

La nuit fut calme, les Allemands évacuèrent les hauteurs de Brünstadt rendues intenables par notre artillerie.

Ce baptême du feu coûtait au Régiment 193 officiers ou hommes hors de combat, pertes supportées presque entièrement par le 5ème bataillon.

 

Les honneurs furent rendus le lendemain à nos glorieux morts, au milieu de l’émotion générale dans le cimetière de Didenheim.

 

………….

 

Lire l'historique complet de ce régiment

 

 

 

 

Les faits relatés dans le livre d’Or du 215e RI

 

19 août 1914.

Nous sommes partis le matin à 5 heures dans la direction de Mulhouse.

Le 6ème Bataillon fait partie du gros de l’Avant-Garde et à hauteur de Zillisheim, après avoir franchi le pont de l’Ill, au carrefour des routes qui conduisent à Frömingen et Didenheim d’une part et à Hochstatt de l’autre, nous rencontrons une reconnaissance de Dragons. Ceux-ci ont fait prisonnier deux officiers Allemands, deux uhlans et tué un troisième patrouilleur d’un coup de sabre en plein visage, lequel gît encore sur le bord de la route.

Pendant cette reconnaissance les Dragons ont eu deux chevaux blessés. Un Dragon montre son casque traversé par une balle.

Le Chef de reconnaissance rend compte au Lieutenant-Colonel Touvet, Commandant son Régiment que le bois de Gallen Holtzolé est occupé. Celui-ci en uniforme sur le champ le Général de Division Voiré qui trouve ces renseignements insuffisants et intime l’ordre au Lieutenant-Colonel du 19ème Dragons de pousser ses investigations plus en avant dans le bois et de l’occuper.

Malgré les précisions fournies par le Colonel, le Général ne veut rien entendre et il lui renouvelle l’ordre de prendre commandement de l’opération.

Au moment de lancer ses cavaliers à l’orée du bois, le Colonel enlève ses hommes par ces paroles devenues célèbres :

«  Mes enfants, à la mort ! »

Effectivement il a dit vrai, pas un est revenu et tous se sont faits tuer à leur poste de combat.

A ce moment un Colonel à barbe blanche Commandant le Groupe du 9ème Régiment d’Artillerie veut faire mettre ses pièces en batterie pour protéger la progression de la Division sur Mulhouse, il en est empêché. Toutes les supplications du colonel ne viennent à bout de l’opposition du Général Voiré et il ne peut, les larmes aux yeux, mettre à exécution son projet qui allait sauver de la mort ceux de nos soldats qui sont tombés à ce moment là sous les balles et les shrapnels ennemis.

La suite nous apprendra que lorsque le Général donna l’ordre de mettre en batterie c’était trop tard, les boches ouvrirent alors sur nous un feu nourri de mitrailleuses et de 77 qui fit des ravages dans nos rangs.

 

A 9h.10, au moment où la 22ème compagnie arrive à l’entrée du bois de Gallen-Hortzolé elle est décimée par le tir de deux mitrailleuses installées sur les bords du canal du Rhône au Rhin vers l’écluse de Brünstadt. En même temps plusieurs pièces d’artillerie installées sur la côte 343 à deux kilomètres de Brhébach, ouvrent le feu et paralysent notre progression encore en formation de colonne de route.

A ce moment le Général Voiré donne l’ordre de faire prendre les pièces d’artillerie restées en position d’attente à une dizaine de kilomètres de là. Un Commandant suivi de trois artilleurs, formant son escorte, partent au triple galop, rapides comme un éclair ; porteurs de l’ordre hélas ! tardif de mettre en batterie.

Le Chef de Bataillon Commandant le 215ème donne immédiatement l’ordre aux compagnies de déficeler les paquets de cartouches, d’approvisionner le fusil et de se déployer en tirailleurs dans le bois face à Brhébach. Les sections se portent ensuite en avant par bons successifs et par groupes de quatre à cinq hommes dans la direction du village de Didenheim où les hommes se mettent à l abri de l’artillerie et des mitrailleuses Allemandes.

Tout à coup on entend un grand vacarme ; ce sont les pièces d’artillerie qui arrivent soulevant des nuages de poussière ; elles prennent immédiatement position et tirent sur l’église de Brünstadt qu’elles n’ont pas réussi à démolir entièrement.

En exécutant ce mouvement, le 215ème s’engage dans un chemin creux où une estafette d’artillerie cherchant un emplacement de batterie, blessée mortellement, tombe quelques pas derrière nous.

Nous progressons dans un champ de pommes de terre caché des lignes allemandes par un rideau d’arbres, ce qui nous permet de gagner le village de Brünstadt par l’ouest. Ce mouvement du 6ème Bataillon fait sous un feu violent, eut à déplorer d’importantes pertes.

Parallèlement le 5ème Bataillon exécute le même mouvement vers le sud du village en suivant les prés qui bordent l’Ill. la section du Sergent Huillet de la 18ème Compagnie pénètre dans le village de Bruhébach et marche en formation d’éclaireurs. Une vive fusillade se fait entendre et les patrouilleurs cachés derrière le parapet du pont approvisionnent leurs fusils. Sur la place un individu au sourire narquois épie tous nos mouvements ; sans nous occuper de lui nous gagnons la sortie du village. Le 6ème Bataillon continuant sa progression arrive à l’entrée du village de Didenheim où il est accueilli par des coups de feu. Instantanément tout le monde se couche dans le fossé sur le côté droit de la route. Le calme se rétablit peu à peu.

Le Général passe près de nous, nous interroge, et le Sergent Huilet lui situe la position et lui dit que les Allemands concentrent leur tir sur sa section, ce qui ralentit sa progression. Il a eu pour toute réponse une expression fort désagréable ainsi conçue : « Vous êtes des trouillards, on ne tire pas sur vous. En avant ! ». Comme mus par des ressorts, bravant fusils et mitrailleuses les hommes se lancent à l’entrée du village en utilisant les mouvements du terrain. Durant cette traversée, nous avons été salués par le feu de la mitrailleuse postée dans la guérite de la garde-barrière de la ligne de Belfort à Mulhouse ; fort heureusement pour nous, le tir n’étant pas précis nous n’avons eu à déplorer aucune perte.

En parcourant la rue principale du village qui aboutit à l’église, les sapeurs du régiment remarquent des fils sortant d’une boulangerie. Immédiatement ils défoncent les contrevents, fouillent l’immeuble et ne trouvent personne dans les appartements. Décontenancés par cet insuccès ils poursuivent leurs investigations dans la cave ; là, un individu était accroupi sur un poste téléphonique ; ils bondissent sur lui et le conduisent séance tenante au Général Sarrade. Sans cérémonial il est jugé sur le champ, emmené en haut du village et fusillé. Ce triste personnage transmettait par téléphone des renseignements concernant la position de nos troupes aux Armées Allemandes qui occupent les hauteurs de Brünstadt.

 

A midi, le 5ème Bataillon reçoit l’ordre de s’établir entre l’Ill et la sortie du village de Didenheim. A peine avons-nous parcouru la prairie qui donne accès à la rivière que nous apercevons un homme assis sur le bord de la berge muni d’une gaule et faisant simulacre de pêcher. La présence de ce pêcheur en plein combat nous paraît louche ; le déplacement du roseau au fil de l’eau n’a d’autre but que de signaler notre présence aux Armées Allemandes. Le capitaine de Chaussande, Commandant la 13ème Compagnie donne l’ordre à deux soldats de tirer sur cet audacieux espion et le triste individu tombe foudroyé par les balles françaises. Ce pêcheur n’était autre qu’un officier allemand qui avait endossé pour la circonstance un long pardessus.

Pendant ce temps le 5ème Bataillon franchit la route et s’engage dans une prairie dont les hautes herbes permettent aux sections de se dissimuler et d’atteindre la ligne qui lui était assignée entre l’Ill et le canal du Rhône au Rhin.

Le Commandant Duchesne, le Capitaine Neveu et deux sections de la 17ème Compagnie s’élancent bravement, sous un feu terrible de mitrailleuses, à l’attaque d’une position boche mais ils tombent dans un véritable guêpier, entourés de tous côtés par des réseaux épais de barbelés et de barrières naturelles. Ils sont cloués au sol sans pouvoir ni avancer ni reculer. Le Commandant Duchesne est blessé et le Capitaine Neveu tué à la tête de ses hommes.

 

Vers 13h.30, les débris des deux sections qui ont suivi le Commandant Duchesne cherchent à se replier et provoquent un feu violent de la part de l’ennemi ; néanmoins ils réussissent à traverser le pont en courant.

Ce recul précipité provoque chez les autres troupes un moment de panique qui est rapidement enrayé par la bravoure de Colonel Gadel, qui, stoïquement, debout sous le feu, fait déployer le Drapeau par le Lieutenant Dutrey et sonner la charge. L’effet fut immédiat, les hommes se ressaisissent immédiatement et réoccupent les positions perdues.

 Après ce fait d’armes splendide, le Colonel Gadel rassemble, en bordure des maisons, au sud de Didenheim, et en dépit d’une fusillade nourrie, les soldats du 6ème Bataillon qui sont parvenus à gagner le village, les forme en ligne sur deux rangs et avec un calme admirable fait reconnaître chaque groupe par les caporaux et les sous-officiers.

L’ordre est alors donné de franchir le pont, de s’étendre en éventail à une centaine de mètres et de se mettre en liaison avec le 5ème Bataillon. Une fois le pont franchis et occupé les emplacements, les outils portatifs sont immédiatement enlevés et en un clin d’œil des petits trous individuels sont creusés pour se mettre à l’abri des balles de mitrailleuses postées le long de la voie ferrée.

 

Vers 15 heures, une patrouille du 35ème Régiment d’Infanterie occupant la région de Dornach et composée d’un jeune caporal de l’Armée Active et de 4 hommes, vient se mettre en liaison avec nous et fouiller les abords du canal.

Passant près de nous, un lieutenant de notre Régiment l’interpelle et lui dit : « N’avancez pas trop, vous allez vous faire tuer ». Le chef de patrouille le regarde dans les yeux et lui dit : « J’ai reçu de mes chefs une mission d’arriver au canal, quoiqu’il arrive je l’accomplirai. », et ces braves troupiers, sans soucis du danger, disparaissent derrière les arbres.

Dès les premières heures de cette rude échauffourée, vers 11 heures, le Commandant du 7ème Corps, envoie pour appuyer notre action deux pièces de 75 qui se mettent en batterie dans la partie nord de Didenheim, non loin du cimetière. Le Capitaine Nivelle, commandant ce groupe monte sur un arbre avec un drapeau pour faire les signaux et diriger le tir. Chaque fois qu’une pièce d’artillerie allemande cherche à se défiler ou prendre une position en arrière, les pièces de 75 habilement pointées par le Capitaine Nivelle cloue les 77 au sol, et les chevaux errent désemparés sur le plateau de Brünstadt.

Moment inoubliable : de la bouche de ces deux canons sort un déluge de mitraille semant la torpeur et la panique dans les batteries allemandes. Les obus passent sur nos têtes avec un sifflement strident, les Allemands répondent avec leur 77. Un véritable duel s’engage acharné, féroce. A 14 heures un obus tombe sur la pièce de droite, la met hors de combat et tue trois artilleur. Instant pathétique et triste à la fois, les servants de l’autre pièce rivalisent d’ardeur pour venger leur camarades tués au Champ d’Honneur.

 

Deux heures plus tard ; l’artillerie allemande est réduite au silence. Le valeureux 75 a, une fois de plus, pris une part active et décisive dans la victoire de Brünstadt.

Tout ce déluge de fer n’a pu réussir à réduire au silence une mitrailleuse qui fait des ravages dans nos rangs.

 

A 6 heures du soir, le Capitaine Bouvier informe le Colonel que la guérite attenante à la maisonnette du passage à niveau est occupée par les Allemands. Presque au même moment le Capitaine Nivelle, de son poste aérien que les obus n’ont pu atteindre, fait tirer un obus sur ce nid de mitrailleuses. Moment sublime, l’obus tombe justement à l’intérieur de la guérite, éclate et une épaisse fumée blanche se dégage et instantanément le chapiteau monte comme une fusée à une centaine de mètres, et retombe ensuite au milieu des débris comme un parapluie. C’est fini, le dernier îlot de résistance disparaît avec ce dernier obus.

Dès le début de l’action, le Service Sanitaire s’est installé dans l’église de Didenheim et le café situé à l’entrée du pont, c’est là que les blessés sont soignés et pansés avant d’être dirigés sur les hôpitaux de Belfort.

Durant le combat, le propriétaire du café, un vieillard décoré de la Médaille Militaire, parcourt le champ de bataille pour secourir les blessés et fait la navette sans arrêt toute la journée.

Dans cette dernière phase du combat nous avons été aidés pas les unités du 7 Corps. A 19 heures nous avons pris une petite collation et occupé les avants postes. A la tombée de la nuit quelques coups de feu sont tirés de part et d’autre par les sentinelles, troublant ainsi le calme d’une nuit sereine. Les retranchements sommaires faits quelques heures auparavant, sont occupés et ne nous permettent pas de nous réchauffer tant le froid est vif et le vent glacial.

 


20 août 1914.

A 4 h.30, dès que l’aube commence à poindre, nous nous mettons en marche pour occuper le village de Brünstadt, faubourg de Mulhouse.

En traversant le champ de bataille, nous apercevons non sans un serrement de cœur, nos malheureux camarades que les durs combats de la veille ont couchés sur cette terre d’alsace. C’est poignant à voir, les mots sont impuissants pour décrire ce sombre et terrifiant tableau. Pendant la nuit, de-ci, de-là,  quelques sentinelles montent la garde auprès de nombreux cadavres qui jonchent le sol glacé et que la gelée blanche du matin a saupoudré d’un léger voile blanc. La marche continue sans bruit, pas une parole n’est prononcée, tout le monde est désolé de ne pouvoir rendre un suprême et dernier hommage à ceux qui sont tombés au Champ d’Honneur.

 

Au bout d’une heure de marche par des chemins tortueux, nous atteignons le village de Brünstadt tout meurtri des violents bombardements de notre artillerie, une partie du faubourg n’est plus à l heure actuelle qu’un monceau de ruines. Nous faisons la pause un peu à l’est du village où une foule nombreuse nous acclame chaleureusement, se presse auprès de nous, et nous offre du lait, du café, du chocolat, du pain etc.…

Une demi-heure plus tard le commandement donne l’ordre de se replier sur Didenheim afin de prendre un peu de repos et procéder à l’inhumation des nombreux morts que nous avons abandonnés hélas ! à regret sur le terrain.

A ce moment, dominant l’Ill et le canal, le soleil darde ses premiers rayons sur le champ de bataille où plane une vision de mort, instant inoubliable qui étreint tous les cœurs. Çà et là, sont étendus les mains crispées, la face tournée vers le sol, les effets percés de balles, tous ces braves que les mitrailleuses allemandes ont couchés pour toujours.

Les bivouacs sont installés aux mêmes endroits que la veille et on procède ensuite à la reconnaissance et à l’inhumation des cadavres en présence des autorités civiles du village.

Des charrettes à bœufs sont réquisitionnées, des corvées désignées, et la relève des morts commence. Triste et lugubre besogne, les cadavres sont amoncelés pêle-mêle, bras et jambe pendant sur ces charrettes rustiques, et lorsque le chargement est complet, le véhicule est conduit au cimetière du village.

Les soldats ont creusé en toute hâte une grande fosse chaulée qui recevra les restes de tous ceux qui sont tombés dans la mémorable journée du 19 août.

Pendant ce temps, l’artillerie de notre Division est allée retirer le butin abandonné par l’ennemi après cette journée de combat si heureuse pour nos armes. Une longue colonne a ramené :

  24 pièces d’artillerie de 77 de campagne.

  80 chevaux errant sur le Plateau de Brünstadt.

  Des équipements de toute sorte.

 

A 18 heures, les cantonnements sont enfin préparés et nous les occupons à la grande satisfaction de tous.

 

Ce baptême du feu coûtait au 215ème Régiment d’Infanterie, 193 officiers ou hommes hors de combat parmi lesquels :

Neveux (Jean),                               Capitaine.

Foriasky (Henri),                          Lieutenant.

Bonhéry (Alfred),                         Adjudant.

Prunet (Pierre),                             Adjudant.

Cabal (Emile),                               Sergent-Major.

Chapus (Gustave),                         Sergent.

Labatut (René),                            Sergent.

De Vilar (Léon),                           Sergent.

Lengard (Auguste),                      Caporal.

Saunière (Henri),                          Caporal.

Palaprat (Achille),                       Caporal-fourrier.

De-Cassagneau-de-Saint-Félix, Soldat de 1ère classe.

Petite (Léopold),                           Soldat de 1ère classe.

Peyrot (Jean),                                Soldat de 1ère classe.

Azéma (Augustin),                         Soldat de 2ème classe.

Barax (Thomas),                           Soldat de 2ème classe.

Blanc (Justin),                               Soldat de 2ème classe.

Camboulives (Auguste),               Soldat de 2ème classe.

Blanc (Pierre),                              Soldat de 2ème classe.

Cabalé (Raymond),                       Soldat de 2ème classe.

Crambade (Albin),                        Soldat de 2ème classe.

Cuq (Germain),                             Soldat de 2ème classe.

Delpech (Urbain),                         Soldat de 2ème classe.

Dulac (Jean),                                Soldat de 2ème classe.

Dupeau (Léon),                             Soldat de 2ème classe.

Esparbès (Antoine),                       Soldat de 2ème classe.

Fabre (Albert),                              Soldat de 2ème classe.

Ferrère (Joseph),                           Soldat de 2ème classe.

François (Bernard),                      Soldat de 2ème classe.

Garry (Jean),                                 Soldat de 2ème classe.

Gaubert (Emilien),                        Soldat de 2ème classe.

Jeansou (Pierre),                           Soldat de 2ème classe.

Joucaviel (Hippolyte),                  Soldat de 2ème classe.

Landon (Jean),                              Soldat de 2ème classe.

Lestrade (Louis),                          Soldat de 2ème classe.

Maurel (Félix),                              Soldat de 2ème classe.

Noailles (Claude),                        Soldat de 2ème classe.

Polinié (Gabriel),                          Soldat de 2ème classe.

Pélissier (Louis),                           Soldat de 2ème classe.

Pourchot (Jean),                           Soldat de 2ème classe.

Rey (Léon),                                    Soldat de 2ème classe.

Rouffiac (Jules),                            Soldat de 2ème classe.

Sers (Marcelin),                              Soldat de 2ème classe.

 

……….

 

 

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