Les Eparges

Février – avril 1915

Général Mordacq

 

 

 

1915 c'est, sur le front français, la stabilisation, la guerre d'usure, la guerre de tranchées.

LES MINES

LES FRANÇAIS DÉCIDENT D'ENLEVER LES ÉPARGES

L'ATTAQUE

LES ATTAQUES DE MARS

LA CRÊTE EST ENFIN PRISE D'ASSAUT     Avril 1915

CETTE FOIS ON TIENT LA CRÊTE ET ON LA TIENT BIEN

QUELQUES RÉFLEXIONS

Témoignages autour de l'attaque des Éparges

 

 

 

 

 

 

1915 c'est, sur le front français, la stabilisation, la guerre d'usure, la guerre de tranchées.

 

Partout on s'installe, on s'enterre ; c'est la première période des tranchées, période qui n'est pas brillante, parce qu'on manque encore de tout le matériel nécessaire pour des organisations défensives aussi étendues (près de 600 kilomètres).

Au cours de ces premiers mois de 1915, nos fantassins, transformés en terrassiers, exécutent de véritables travaux de Romains, manient plus souvent la pelle et la pioche que le fusil.

Enfin, peu à peu, l'immense front se garnit d'une première ligne. Elle est loin d'ailleurs d'être continue ; de larges intervalles séparent encore ces tranchées qui, elles-mêmes, sont peu profondes.

On creuse surtout les boyaux qui y conduisent ; partout une boue intense (les caillebotis ne sont pas encore inventés) ; souvent aussi, beaucoup d'eau.

Les abris pour le personnel sont recouverts de paille, de terre et de rondins, qui mettent les occupants à peu près à l'abri des intempéries mais non des marmites.

Peu ou point d'engins de tranchée; ils n'apparaîtront qu'un peu plus tard.

Seuls, des mitrailleuses, des mortiers lisses de 0.95 (datant du Premier Empire) ainsi que quelques petits canons de 37 et de 47 de la marine, renforcent le tir des fantassins et flanquent les ouvrages.

Dès le début de ce nouveau genre de guerre on a bien pensé à se servir de grenades, mais on ne dispose encore que de grenades sphériques du modèle que l'on utilisait, autrefois, en Crimée et qui date d'ailleurs du dix-huitième siècle.

Afin d'éviter les nombreuses pertes subies par les sentinelles placées derrière les créneaux, on a réclamé des boucliers métalliques mais, dans ces premiers mois de 1915, on n'en possède qu'un nombre assez restreint.

 

Pour la nuit, on n'est pas encore pourvu de projecteurs et surtout de ces fusées éclairantes qui rendront, plus tard, tant de services en rassurant les veilleurs et en évitant, aussi, leur énervement qui se traduisait, presque toujours, par des tirailleries inutiles et souvent même par des pertes sensibles.

Bref, au point de vue matériel de tranchée, tout était encore primitif et insuffisant.

Les réseaux de fils de fer sont des plus sommaires et à peine renforcés par quelques chevaux de frise. Les intervalles entre les tranchées, bouchés par ces faibles défenses accessoires, sont simplement battus par le tir des mitrailleuses.

Pas de cuisines roulantes; les cuistots font la popote à 5 ou 600 mètres des lignes et la fumée de leurs feux attire souvent les foudres de l'artillerie ennemie.

Eux-mêmes, quand ils vont porter la soupe dans les tranchées, sont fréquemment repérés par cette même artillerie.

Quant à la nôtre, en dehors du 75, elle ne dispose, par armée, que de quelques batteries de 120, de 155 court, de 95 et d'un très petit nombre de mortiers de 220. En général, elle est placée trop près des tranchées et, mal couverte, elle subit des pertes inutiles

 

Les postes de secours sont aussi primitifs que les abris; ne pouvant assurer une protection efficace aux blessés on se hâte d'évacuer ces derniers sur l'arrière, sans pouvoir leur donner les premiers soins nécessaires.

Même le jour on est obligé de travailler pour relier, le plus tôt possible, les tranchées entre elles et hâter l'organisation défensive ; ce qui occasionne des pertes.

L'hygiène forcément est un peu négligée ; d'où l'envahissement des tranchées par d'innombrables rats qui, à tous points de vue, empoisonnent l'existence des poilus.

Les liaisons téléphoniques entre les tranchées et l'artillerie, ainsi qu'avec le commandement, sont installées de la façon la plus précaire; aussi sont-elles interrompues constamment par le tir de l'artillerie ennemie.

Les dépôts de matériel et de munitions ne sont pas encore reliés aux tranchées par des rails à voie étroite ; Tous les transports doivent se faire à dos d'homme.

La nuit, tout le monde est sur pied, à la fois pour parer à une attaque et aussi pour exécuter les travaux de terrassement qui exigent, à cette époque, - puisqu'il faut tout créer - un très nombreux personnel.

Quand elles vont au repos, les troupes sont cantonnées dans des villages beaucoup trop rapprochés des tranchées et y subissent, forcément, des bombardements qui les énervent et les empêchent de profiter de ce repos pour se remettre de leurs fatigues.

 

A cela il faut ajouter, pendant tous ces premiers mois de 1915, un temps affreux, une pluie continuelle.

Bref, au cours de cette première période des tranchées, nos poilus eurent à supporter d'énormes fatigues.

Mais là ne se bornèrent pas leurs épreuves.

Le haut commandement, tout en renonçant à des opérations de très grande envergure, fut bien obligé, ainsi qu'on a pu le voir dans l'avant propos, de monter, au cours de cette année 1915, deux ou trois attaques assez puissantes ainsi que toute une série d'attaques secondaires. Il fallait bien empêcher les Allemands de porter leurs réserves sur le front de nos Alliés, sur le front oriental.

De plus, sur cette immense étendue fortifiée, où l'on s'installait, il y avait toute une série de positions tactiques importantes que l'on ne pouvait laisser occuper par l'ennemi. De là, afin d'éviter de trop grosses pertes, cette guerre de mines que l'on organisa sur presque tout le front, et qui, en réalité, donna lieu à des combats plus durs qu'on ne le croyait.

C'est précisément cette guerre de mines que nous avons l'intention d'exposer dans ce chapitre et nous choisirons une des parties du front la plus intéressante : celle des Éparges, parce que c'est là où les poilus, au point de vue de ce genre de guerre, eurent à soutenir les plus rudes combats, ce qui leur permit d'ailleurs, de se couvrir de gloire. Les hauts faits qu'ils accomplirent sont donc bien à leur place dans cette page.

 

 

LES MINES

En ces premiers mois de 1915, la guerre de mines était caractérise par l'exécution de sapes (longs couloirs boisés), permettant de s'avancer à couvert vers l'adversaire.

Tous les 30 ou 40 mètres les têtes de sapes étaient reliées par des parallèles. Lorsque les sapes paraissaient suffisamment près de l'ennemi, les sapeurs amorçaient une entrée en galerie de mine pour conduire à un fourneau d'explosifs dont l'importance de la charge variait avec la distance qui séparait le fourneau du terrain naturel.

Ces fourneaux étaient placés, en général, sous un saillant ou sous des points particulièrement tenus et fortifiés de la ligne ennemie (emplacements de mitrailleuses, de minen-werfer, ouvrages importants, etc..).

L'explosion des fourneaux produisait d'énormes entonnoirs, détruisait les organes de défense ou de flanquement de l'ennemi et ouvrait, surtout, dans les réseaux de fil de fer, de vastes brèches qui permettaient à l'assaillant de pénétrer dans les tranchées de l'adversaire.

Mais souvent l'ennemi, aux aguets, éventait ces travaux souterrains ; il faisait alors des contre-mines, c'est-à-dire creusait des galeries au dessous de celles de l'adversaire, y installait des fourneaux et s'efforçait de le faire sauter... avant de sauter lui même.

C'était alors la guerre de mines proprement dite, telle qu'on l'avait pratiquée autrefois, à Sébastopol.

On verra, que, dans la pratique, cette guerre de mines ne donna pas, en 1915, les résultats que l'on espérait.

Quoiqu'il en soit, il faut bien constater que, quelques mois à peine après le commencement de la guerre, de cette guerre que l'on avait envisagée surtout comme une guerre de masses et de mouvement, on en revenait, tout simplement, à la guerre de tranchées, à la guerre de siège... à la guerre de Crimée !

 

LA CRÊTE DES ÉPARGES

Mais qu'étaient-ce donc que ces Éparges dont on a tant parlé pendant et après la guerre?

Rien, en fait, de bien extraordinaire : une simple crête, un long éperon situé sur les côtes de Meuse, à peu près à égale distance entre Verdun et Saint-Mihiel, au-dessus du village des Éparges qui a donné son nom à ce terrible coin du champ de bataille.

La crête des Éparges dominait, d'une part, vers l'est, toute la plaine de la Woëvre et, d'autre part, vers l'ouest, toutes nos organisations défensives ; d'où, pour les deux adversaires, Allemands et Français, un intérêt de premier ordre à s'en assurer la possession.

A l'époque dont nous nous occupons les Allemands tenaient cette crête, et l'avaient organisée de telle façon, qu'ils pensaient bien pouvoir y résister à toutes les attaques françaises.

 

LES FRANÇAIS DÉCIDENT D'ENLEVER LES ÉPARGES

Au début de février 1915, le général commandant la 1re armée prescrivait à la 24e brigade (106e régiment d’infanterie et le 132e régiment d’infanterie ) du 6e corps, d'attaquer et d'enlever la forte position des Eparges.

Des renseignements, fournis par des prisonniers, avaient donné des indications très précises pour régler la préparation d'artillerie.

L'attaque devait avoir lieu le 17 février, être menée par un bataillon du 106e régiment d’infanterie, suivi et soutenu par un autre bataillon du même régiment.

Deux bataillons du 132e régiment d’infanterie marcheraient en échelon et à gauche du 106e, pour occuper les tranchées ennemies dès qu'elles seraient conquises.

A 14 heures, quatre fourneaux de mine devaient exploser devant la principale tranchée allemande. Le tir d'artillerie serait déclenché aussitôt après, et, à 15 heures, le bataillon d'attaque du 106e, accompagné d'escouades du génie, se lancerait à l'assaut avec mission :

1° D'occuper les entonnoirs ;

2° Ensuite, étayé par le 132e régiment d’infanterie, de poursuivre son avance.

 

Le 16 février, les deux bataillons du 106e qui cantonnaient à Belrupt, recevaient donc l'ordre de se porter à la fameuse tranchée de Calonne, où ils devaient se tenir prêts à attaquer, le lendemain 17, la crête des Éparges.

 

 

L'ATTAQUE

La journée du 17 février.

Le 17 février, le 2e bataillon, suivi du 1er, quitte la tranchée de Calonne avant le jour et, dans la matinée, occupe la première parallèle.

Un grand calme règne, sur toute la ligne : pas d'obus, pas d'avions en l'air ; simplement de temps en temps, quelques coups de fusil partent des tranchées.

Vers 13h30 passe le sous-officier qui va mettre le feu au fourneau de mine ; il est naturellement accueilli par quelques lazzis.

Et à 14 heures les mines sautent.

Tout le sol remue comme s'il était agité par un tremblement de terre ; des fumées immenses, toutes blanches, parsemées cependant de quelques taches noirâtres, s'élèvent en avant de la crête des Eparges, au-dessus des fourneaux dé mine.

Elles se développent ensuite en énormes volutes qui sortent les unes des autres. En même temps des détonations formidables retentissent au-dessus des fourneaux et, presque aussitôt ce sont nos canons qui viennent joindre leurs hurlements à ce vacarme d'enfer.

Les compagnies quittent alors la parallèle pour gagner la tranchée de tir. La canonnade est effroyable ; la fumée, poussée par le vent d'est, aveugle les poilus qui avancent cependant quand même et malgré quelques coups courts de notre 75.

On atteint enfin la tranchée de tir où l'on s'arrête un bon moment afin de remettre un peu d'ordre dans les unités et attendre que notre artillerie cesse son tir.

Tout d'un coup un grand silence; nos canons se sont tus (il est 15 h10) et pas un coup de fusil ne part des tranchées allemandes.

Donc : en avant.

Tous les poilus, précédés des officiers, la baïonnette haute, sautent hors des tranchées et bondissent vers les entonnoirs.

Ils enjambent les trous d'obus, les réseaux-plus ou moins détruits de fils de fer, les cadavres qui jalonnent le no man's land ainsi que tous les blocs de terre et débris lancés par l'explosion des mines : madriers, chevaux de frise, paquets de fil de fer, armes, caisses à munitions en miettes, etc...

On arrive enfin dans les tranchées allemandes que l'on trouve vides et à moitié disparues dans les entonnoirs qu'ont creusés les explosions. De là on a une vue superbe sur l'immense plaine de la Woëvre.

Les poilus, tout joyeux d'une conquête aussi facile, ne manquent pas de lancer des «lazzis » et ne se lassent pas d'admirer le paysage qui se déroule sous leurs yeux.

Et cependant le sol est parsemé de cadavres et de blessés... Hélas! c'est la guerre !

Tout d'un coup, un poilu s'écrie : regardez, regardez !

 

DES PRISONNIERS

Ce sont des prisonniers allemands qui apparaissent :

« lls arrivent en courant, capotes ouvertes, sans armes, poussés par quelques-uns des nôtres. Ils dévalent, faisant rouler les mottes sous leurs grosses semelles ferrées.

- Halte ! crie le capitaine Rive.

« Ils s'arrêtent, essoufflés, inquiets, considèrent l'entonnoir plein de soldats français ; quelques-uns essaient de sourire ; deux ou trois s'asseyent dans la boue. Ce sont des hommes du 5e bavarois.

- Les gradés? demande Rive.

« Un lieutenant fait un pas et salue, raide, gauche, ses deux mains sèches crispées sur la jumelle qu'il porte en sautoir, comme s'il avait peur qu'on la lui vole. Le capitaine parle ; il répond ;de brèves répliques s'entre choquent

- Die Russen verschlagen? (les Russes battus). - Noch wicht verschlagen (pas encore). - L'Allemagne ébranlée... - Jamais

- Le blocus...  Jamais.

- Allez-vous-en.

« Ils descendent tous. Il en reste un pourtant, un gamin en larmes,le front meurtri d'une bosse énorme, à laquelle il porte la main, sans cesse, d'un geste inconscient. Puis il lève des bras qui tremblent et il répète, les yeux soudain agrandis d'horreur

- Schrecklich! (affreux) Oh! Schrecklich. - Engagé volontaire ? demande Rive. - Oui, monsieur le capitaine. - Étudiant ?

- Oui, monsieur le capitaine. - Quel âge.

- Dix-sept ans et demi.

- J'en ai quarante-huit, dit le capitaine Rive.

« Il regarde cet enfant qui pleure, secoue la tête, casse un morceau

de chocolat, le lui donne

- Chocolat.

- Merci, monsieur le capitaine.

- Descends maintenant ; va... descends.

« Et le gosse en larmes s'en va, en croquant son chocolat.»

 

Cependant on ne perd pas de temps, on se met aussitôt au travail pour organiser les positions. conquises; on entasse des sacs à terre sur les lèvres des entonnoirs, on taille des degrés sur les pentes, sans trop de difficultés d'ailleurs, car, la terre, par suite des explosions est particulièrement meuble; on installe rapidement des mitrailleuses, on ramasse les blessés...

On se hâte, car la nuit commence à tomber; l'on n'y voit déjà presque plus et la pluie, une pluie fine mais pénétrante, recommence à tomber.

D'ailleurs, on n'est pas longtemps tranquille ; bientôt les marmites tombent un peu de tous les côtés : c'est l'artillerie ennemie qui a ouvert un feu lent mais continu sur les positions conquises ; ce sont de gros noirs, des 150, qui soulèvent des gerbes énormes de terre et éclatent avec un bruit assourdissant.

De temps en temps aussi, de leurs tranchées de seconde ligne, les Allemands envoient quelques rafales de mitrailleuses.

Et cela continue ainsi jusqu'à 23 heures.

A ce moment, le calme se rétablit, troublé seulement, de temps en temps, par quelques bombes (des minen) qu'envoient les Allemands du voisinage, sans doute pour bien montrer qu'ils sont toujours là et qu'ils veillent.

 

La journée des contre-attaques. La journée du 18 février.

A 6 heures, le bombardement allemand recommence et, cette fois, avec de plus gros projectiles que la veille (du 210 et même du 305)

Bientôt les mitrailleuses ennemies entrent en action, puis la fusillade ; ce sont les Allemands qui, sur toute la ligne, lancent une furieuse contre-attaque.

Leurs fantassins ne tardent pas à apparaître en vagues puissantes, suivis d'autres vagues encore qui ne tardent pas à bousculer les défenseurs de la crête et des entonnoirs.

On se bat ferme, mais les fantassins allemands, munis de grenades, balayent tout devant eux et finalement nos poilus sont rejetés sur leurs tranchées de départ.

On se reforme tant bien que mal; les Allemands essayent encore de progresser mais, cette fois, sont arrêtés net.

Bientôt arrive l'ordre de reprendre les objectifs perdus (les entonnoirs et la crête) ; le 3e bataillon du 106e est chargé de prendre la tête de l'attaque.

A 15 heures commence la préparation d'artillerie.

« Peu à peu, dit le lieutenant Maurice Genevoix, le vacarme de notre artillerie emplit l'espace autour de nous. Sans qu'on s'en soit presque aperçu, cela devient aussi brutal qu'hier ; sans même qu'on en ait eu conscience, nos cœurs se sont remis à battre, le sang à nous gonfler les doigts, d'un flux appuyé et puissant.

Nous nous levons hors de nos trous, pour essayer de voir devant nous.

Nos obus frappent : une zone de fumées noires et rousses ceint longuement toute la crête de ses volutes énormes; elle bouge et se tord sur elle-même, sans monter ni descendre, toujours pareille, noire et rousse, avec les piqûres vives des éclatements nouveaux. De loin en loin une grosse marmite approche en brassant l'air, puis tombe; on entend son fracas plus lourd, tandis qu'un panache mou, un instant, flotte par dessus la zone des fumées, qui redevient très vite ce qu'elle était.

Nous sommes tous debout attentifs et curieux, sans crainte aucune.

Les autres, sous l'avalanche d'acier, ne peuvent que rester terrés, se crisper sur eux-mêmes, en tâchant de n'être plus rien. Quel homme oserait se lever là-dessous, armer son fusil, viser et tirer ? Nous regardons toujours, nous attendons, avec une fièvre paisible, qu'il soit l'heure. Elle approche.

Le lieutenant Fontagné, (du 106e RI), qui doit mener l'assaut, a sorti de sa poche un canif à manche de nacre, attaché parmi des clefs au bout d'une chaîne d'argent.

Il a ouvert une boîte d'anchois et, proprement, délicatement, il écrase chaque minuscule poisson sur une tranche de pain très mince, qu'il mange, le petit doigt levé.

Saint-Cyrien, déjà blessé, il est revenu cet hiver avec son sabre de la mobilisation. Il s'élancera le sabre à la main, malgré ce que nous lui avons dit : -« C'est bien mon droit», répète-t-il.

En effet.        

 

Tout arrive à son heure : le tir s'allonge à mesure que nous montons. Fontagné a fini de manger ses anchois ; il essuie son canif en ferme la lame, le fourre dans sa poche.

-Baïonnette au canon ! Commande-t-il. Et lui-même, posément, tire son sabre hors du fourreau. -  Nous ne regardons plus; les obus tombent trop près. A quelques pas de nous, déjà, la galerie effondrée montre son auvent noir sous le chaos des madriers.

Fontagné se baisse et passe; un à un, ses hommes le suivent.

Nous passerons après eux lorsqu'ils s'élanceront pour l'assaut. Ils sont au bord de l'entonnoir, presque dedans; par une déchirure des fumées, on aperçoit les sacs à terre empilés, là-haut, par les Boches.

- Regardez ! Regardez !

« Qu'est-ce que cela veut dire? Nos canons tirent encore ; Fontagné brandit son sabre et s'élance, suivi, dépassé par la ruée de ses hommes. On voit son bras levé, le gland de la dragonne qui sautille autour de son poignet, des soldats fous escaladant les pentes de l'entonnoir, dressés au faîte, disparus de l'autre côté.

- En avant ! En avant !

Par-dessus la galerie, hors du boyau nous sautons à notre tour.

Et toute la ligne s'élance : malgré les mitrailleuses, malgré les grenades, en quelques enjambées elle atteint les entonnoirs, mais ne peut cependant arriver jusqu'à la crête où les Allemands se sont retirés et font un feu d'enfer.

La crânerie folle du lieutenant Fontagné, n'a cependant pas été inutile, elle a largement contribué au succès qu'il n'a payé lui-même que d'une légère blessure à la tête.

Dans la soirée et dans la nuit, les Allemands lancent, à leur tour, quelques courtes attaques qui, purement partielles, ne leur donnent aucun résultat.

 

 

IL FAUT TENIR   La journée du 19 février.

 

La journée du 19 février, se passe sans attaque importante ni d'un côté ni de l'autre.

Les fantassins, épuisés, se bornent à panser, leurs plaies de tous genres et se contentent de tenir. Les artilleries, elles, en profitent pour bombarder copieusement les lignes adverses ; d'où des pertes sensibles chez les poilus et les feldgrauen.

A la fin de la journée les Allemands lancent, cependant, quelques contre-attaques, elles échouent.

Mais les forces humaines ont des limites et les poilus qui, depuis l'avant-veille, ne cessent de combattre nuit et jour ont atteint ces limites. Le colonel du 106e téléphone au commandant de la brigade

« Trois cents tués au régiment, un millier de blessés, plus de 20 Officiers hors de combat dont 10 tués, des tranchées vides ou du moins tactiquement vides; les survivants presque morts d'épuisement, impossible de tenir si les Allemands contre-attaquent encore.-»

Et le commandant de la brigade de répondre : «Qu'ils tiennent.Qu'ils tiennent quand même et coûte que coûte. »

 

 

NOUVELLE DÉCEPTION La journée du 20 février

C'est qu'en effet le commandement, bien décidé à compléter son demi-succès du 18, préparait une nouvelle attaque ou plutôt une nouvelle contre-attaque.

Le 20 février au matin des troupes fraîches : un bataillon du 106e (à droite), un bataillon du 67e (au centre), et un bataillon du 132e (à gauche), après une très rapide préparation d'artillerie, s'élançaient sur les tranchées allemandes et s'en emparaient brillamment.

Au centre, le 67e dépassait même la fameuse crête et dévalait sur les pentes qui descendent vers Combres.

Malheureusement les Allemands qui, pendant la nuit, avaient massé, dans cette région des forces importantes, se lancèrent aussitôt à la contre-attaque et rejetèrent nos troupes sur leurs positions de départ.

Seul le bataillon du 132e put se maintenir, pendant quelques heures, dans un petit bois qu'il avait réussi à conquérir.

Des deux côtés l'artillerie entra alors en action et, jusqu'à la tombée de la nuit, arrosa copieusement les fantassins, qui organisaient les  positions qu'ils occupaient.

En somme, au cours de ces rudes journées : 17, 18, 19 et 20 février, malgré des prodiges de valeur, nos troupes n'avaient pu s'emparer de leur objectif : la crête des Eparges et, une fois de plus, le sang de l'infanterie avait abondamment coulé.

 

 

 

LES ATTAQUES DE MARS

En mars, les attaques reprennent, ce sont encore des éléments de la 12e division qui les mènent . La 12e division comprenait alors : les 106e , 54e , 132e, 67e, 302e  régiments d'infanterie et le 25e bataillon de chasseurs à pied.

Le 18, après une préparation d'artillerie d'une heure environ, l'infanterie sort de ses tranchées, enlève la première ligne allemande, mais échoue devant la seconde,

Le lendemain les Allemands contre-attaquent vigoureusement, également sans succès ; nos fantassins, à leur tour, reprennent l'offensive et eux non plus ne progressent pas.

Les pertes sont encore lourdes, d'une part comme de l’autre

Le 27 mars un bataillon du 54e et le 25e bataillon de chasseur se lancent encore à la rescousse, enlèvent plus de trois cents mètres de tranchées et subissent une violente contre-attaque bataillon de chasseurs allemands

lls arrivent cependant à se maintenir dans les tranchées conquises mais, malgré des prodiges de valeur, mais ne peuvent pousser au delà.

La crête tant convoitée restait donc encore aux mains des allemands.

 

 

 

           

LA CRÊTE EST ENFIN PRISE D'ASSAUT     Avril 1915

Cependant le haut commandement ne perdait pas de vue son éternel objectif et, dès les premiers jours d’avril, donnait à nouveau, l'ordre de s'emparer de la crête des Éparges.

Les opérations commencèrent le 5 avril et durèrent 4 jours, quatre jours de lutte et de souffrance avril .Elles n’ont pas eu d'équivalent parmi toutes les attaques menées depuis le début de la guerre.

L'objectif assigné fut le fameux point X qui était considéré un  peu la clef de la position.

           

Ce fut encore la 12e division qui fut chargée de l'attaque entendu le 106e fut de la fête et le 25e bataillon de chasseurs à pieds encore désigné accompagné du 72e monté en ligne depuis peu ; pour prendre la tête des vagues d'assaut

Cette fois, le succès récompensa les longs et pénibles efforts de la 12e division qui finit par s'emparer des Éparges qui resta, dès lors, en notre possession jusque la fin de la guerre. 

Cette opération a été relatée d'une façon particulièrement suggestive par le sergent Rend Schillo du 25e bataillon de chasseurs qui y participa, en première ligne, à la tête de sa section.

 

« Le 5 avril nous montons, dit-il, aux Éparges par des boyaux remplis d'une boue aussi tenace que du mastic. Avant d'arriver nous sommes salués par des rafales de balles et d'obus qui, déjà, éclaircissaient nos rangs. Quand la nuit commença à tomber, le bataillon (25e bataillon de chasseurs) s'installa, partie dans les tranchées, partie dans les gourbis.

Devant nous la fameuse butte que nous allions attaquer.

«Le lieutenant nous apprend que nous devons attaquer le point X.

«Bientôt le commandement de «En avant» se fait entendre, commandement étouffé, car nous cherchons la surprise. Nous nous dirigeons vers la tranchée boche et le point X.

« Des cris de : Franzouse ! Franzouse !  saluent notre apparition.

Un grand nombre d'Allemands enjambent le parapet et se dirigent vers leur deuxième ligne, tandis que d'autres nous fusillent à bout portant; grenades et couteaux de tranchées vont leur train.

« Nous sommes dans la tranchée boche; il fait noir comme dans un four. On se compte, on s'appelle ; il n'y a pas trop de manquants car l'attaque a été rapide.

« Mais les Allemands n'ont pas dit leur dernier mot. Ils reviennent bientôt en nombre et, à notre tour, nous sommes forcés de céder la place et de regagner nos tranchées de départ. La surprise est manquée.

«Le jour commence à poindre; des blessés, en rampant de trou en trou, essaient de regagner nos lignes.

« Cependant un bruit circule : il va falloir remettre ça. Il nous faut le point X coûte que coûte.

« Bientôt, de tous côtés, notre artillerie s'est mise. à tonner, 37, 75, 120, 90. Nos mitrailleuses s'en mêlent aussi.

Mais les Allemands, un moment interdits, se reprennent. Ils nous font, avec leurs 105, un feu serré de barrage.

Notre artillerie n'a pas démoli tous les fils de fer et force nous est d'en couper à la cisaille. Pendant ce temps les mitrailleuses boches creusent de sanglants sillons dans nos vagues d'assaut. A mesure que nous avançons vers le point X, nous voyons des Allemands détaler, certains portant, sous le bras, leurs bottes, qu'ils ont été forcés d'enlever de leurs pieds pour pouvoir les sortir de la terre glaise.

« Tout en avançant, les chasseurs tirent sur les fuyards. Malgré le feu des mitrailleuses nous avançons et lançons nos grenades.

Les deux artilleries se sont tues, car elles ne savent plus au juste ce qui se passe et risquent de tuer leurs propres fantassins. Par un effort suprême, nous arrivons au point X et saluons notre victoire par un vigoureux Hurrah ! Des chasseurs emballés courent après les Boches qui s'enfuient. Nous retournons les parapets et les réparons tant bien que mal.

Un peu avant dans la nuit, je vais faire un tour dans le ravin situé devant nous ; partout des morts et des blessés. Dans les trous d'obus beaucoup de blessés sont tombés et sont morts étouffés par la boue. Les brancardiers n'en peuvent plus.

« Nos hommes ont l'air d'être arrivés au dernier degré de la résistance physique et morale. Avec nos yeux fixes, nos figures aussi terreuses que celles des morts, nous ressemblons à des fous.

« Il nous arrive des prisonniers volontaires, tout de neuf habillés, qui nous assurent que le Kronprinz y mettra ce qu'il faut en hommes et en matériel, mais que nous ne garderons pas les Éparges.

Il est certain que, pas plus tard que cette nuit, nous aurons la visite des Allemands.

« En effet, dès la nuit venue, l'artillerie boche se réveille, les fusées sont très nombreuses, les tac-tac des mitrailleuses très rapprochés. Les projecteurs inondent le terrain de leur éclatante lumière comme un clair de lune très puissant.

De nombreuses équipes de chasseurs nous ont réapprovisionné en grenades et en cartouches. Des fusées éclairantes et des fusées pour alerter l'artillerie sont également à portée de notre main partout où il est nécessaire.

« Nos yeux fatigués se ferment malgré nous. Tout à coup, des commandements en allemand nous réveillent, puis des claquements de revolver. Immédiatement nous sommes aux créneaux.

- Laissez-les approcher, fait passer le capitaine.

« Et au moment où nous distinguons les casques des Allemands, un commandement retentit : « Feu à volonté. »

«Nous les recevons de la belle manière. Tout part en même temps fusils, mitrailleuses, grenades et bientôt le 75 avec ses arrachements de toile, suivi peu à peu de nos grosses pièces, car les fusées rouges ont demandé du secours.

« La vague allemande, décimée par une pareille réception, se replie en désordre dans un angle mort de la pente mais pour se reformer et se relancer bientôt à l'assaut.

C'est un combat terrible et je salue ici le soldat allemand des Eparges.

 

 

CETTE FOIS ON TIENT LA CRÊTE ET ON LA TIENT BIEN

 

« Combien de violentes attaques allemandes repoussâmes-nous, cette nuit-là? Je l'ignore, mais je sais que ce fut horrible ! Les abris et les boyaux regorgent de morts et de blessés. Les brancardiers, une fois de plus, ne suffisent pas à la besogne.

« Le jour vient enfin arrêter le combat mais nous recommencerons la nuit suivante. »

Les Allemands recommencèrent, en effet, la nuit suivante, mais en furent pour leurs frais. Et la crête resta définitivement en la possession des Français.

Honneur à ceux qui l'ont conquise : les poilus du 106e R.I. et du 25e bataillon de chasseurs !

 

 

 

 

Il ne faudrait pas croire, toutefois, que les combats cessèrent dans cette région; ils continuèrent jusqu'à la fin de la guerre, sans doute avec moins d'intensité mais, toujours, avec la même âpreté! Comme l'a très bien dit un combattant des Éparges, le lieutenant Péricard :

 

«Ce brasier des Éparges, qui venait de s'enflammer en février 1915, ne s'éteindra plus jusqu'à la fin de la guerre.

La violence de la lutte qui va se poursuivre sera due à la conformation des lieux ; il faut tuer ou être tué ; l'inaction est interdite.

En même temps se révélera un adversaire aussi implacable que l'homme : la boue des Éparges, cette boue d'argile et peu à peu de chair putréfiée (Verdun. Librairie de France)

 

En tout cas les souffrances et les sacrifices des poilus de la 12e division en 1915, ne furent pas vains puisque, jusqu'à l'armistice, la crête des Éparges resta définitivement entre nos mains.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

QUELQUES RÉFLEXIONS

 

 

Tels furent ces longs et sanglants combats des Éparges qui durèrent près de trois mois et qui, malgré le succès final, ont laissé dans notre armée un souvenir pénible. C'est qu'ils ont été particulièrement durs et ont causé des pertes considérables, sans paraître procurer des résultats répondant à ces sacrifices.

Ils ont eu en France, un très gros retentissement par suite même de leur âpreté, des souffrances endurées par nos poilus et surtout des magnifiques faits d'armes qui s'y sont déroulés.

 

Certains, évidemment, prétendent que ces attaques locales de 1915, au point de vue stratégique, ne sauraient se justifier et auraient même été complètement inutiles. Ils oublient, tout d'abord, qu'au cours de cette année 1915, le haut commandement français, afin de soulager les Russes, avait le devoir strict de retenir, sur notre front, le maximum de réserves allemandes ; or le moyen, ce n'était pas de rester inerte, mais d'attaquer un peu partout.

 

Ensuite, il y a lieu de faire remarquer que ce sont précisément ces combats incessants qui aguerrirent nos poilus, qui leur permirent de faire leur apprentissage de cette guerre de tranchées, toute nouvelle pour eux, et de préparer, ainsi, leur victoire à Verdun au cours de l'année suivante, en 1916.

Les morts des Éparges peuvent donc dormir en paix; leur sacrifice n'a pas été inutile !

 

Comme on a pu le voir, on pratiqua assez fréquemment, au cours de ces rudes combats, la guerre de mines. Mais on ne tarda pas à y renoncer, car on s'aperçut bientôt qu'elle ne donnait pas les résultats escomptés et, surtout, que si elle causait de grosses pertes à l'ennemi, elle en occasionnait également de très sensibles à l'assaillant.

Aussi, au cours des années suivantes, grâce aux nouvelles méthodes de tir de notre artillerie, grâce surtout au puissant matériel dont on la dota, quand on voudra se rendre maître de positions importantes ou bien ouvrir des brèches dans les lignes ennemies, on emploiera d'autres moyens.

 

 

Les grandes heures de 1915 – la guerre des tranchées Général Mordacq-PLON-1939

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Témoignages autour de l'attaque des Éparges

 

 

Ce fut une dure relève, celle qui suivit notre attaque des Eparges; il fait une nuit noire ; il pleut et il gèle. Avec deux camarades commotionnés, nous partons vers Mont-sous-les-Côtes.

Il pleut toujours. Du sentier où nous passons, nous entendons de nombreux cris « Au secours ! » Il y a des hommes enlisés un peu partout et des blessés abandonnés.

(Caporal Alexandre BOCQUEL, 132e RI)

 

 

Je monte en ligne avec la 7e compagnie, au soir du 21 avril 1915. Dans l'après-midi, l'adjudant Bravée, qui commandait notre section, nous avait réunis dans la cour du château de Sommedieu et nous avait fait cette déclaration : « Nous montons ce soir aux Eparges ; tant qu'il y aura un homme vivant dans la tranchée, je défends qu'on recule, ou cela, il y aura pour lui des balles dans mon revolver. »

Le lendemain matin, au lever du jour, je suis assis dans la tranchée.

A côté de moi, et également dans un boyau qui part derrière de tous les côtés, des cadavres de soldats allemands, des cadavres soldats français, partout des cadavres, dans toutes les positions toutes les attitudes. Bientôt les canons tonnent ; je vois voler ici les bras et les jambes des malheureux. Et l'on s'est étonné, après guerre, qu'il y ait eu tant de disparus !

(Soldat LEMÉNOREL, 72e RI.)

 

 

Une odeur infecte nous prend à la gorge dans notre nouvelle tranchée à droite des Eparges. Il pleut à torrents et nous trouvons des toiles tentes fichées dans les parois de la tranchée.

Le lendemain à 6h on constate avec stupeur que nos tranchées sont faites dans un charnier, les toiles de tentes mises par nos prédécesseurs l'ont été pour cacher la vue des corps et débris humains qui sont là.

Au bout de quelques jours de ce séjour, et le soleil aidant, les mouches nous envahissent, l'appétit a disparu, et lorsque l'ordinaire peut nous arriver, il est balancé au-dessus du parapet. Seuls, le pinard et la gniole sont les bienvenus et étanchent la soif qui nous étreint.

Les hommes ont le teint cireux, les veux cernés.

(Caporal BROIZAT, 272e R.I.)

 

 

Nous remplaçons les Marocains à la tranchée de Calonne, tout à côté des Eparges.

Tout le long d'une trouée pratiquée dans le taillis, pour des mitrailleuses sans doute, ce n'est que cadavres couchés dans tous les sens et dans toutes les postures ; avec d'autres camarades nous allons relever leurs papiers afin de les identifier.

Comme nous nous en retournons, soudain, des coups de feu éblouissent mes yeux « Vite, vite, couchez-vous ! Fait une voix... » Ce que je m'empresse de faire, mais trop tard ; une balle me traverse la poitrine.

Tous mes compagnons regagnent la tranchée. Je demeure seul. Je sens le sang couler d'une façon saccadée et à flots. Mes forces m'abandonnent complètement. Encore un petit moment et si l'on ne me secourt, c'est la mort dans la solitude.

Mais j'ai eu tort de douter de mes compagnons d'armes.

 

Voici que soudain revient près de moi Kerfanio, avec des ciseaux qu'il est allé quérir. Il coupe mes habits et couvre mes plaies de mon pansement, puis il m'emporte à plat ventre sur son dos jusqu'à la tranchée.

(Caporal Louis KERVEGANT, 91e R.I.)

 

 

Texte tiré de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes  Aristide Quillet, 1922 »

Michelin , guide des champs de batailles

 

 

 

 

 

 

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