Les combats à Grivesnes et Cantigny en Picardie

Mars avril 1918

 

 

 

 

 

 

Un épisode glorieux du 350e régiment d’infanterie

durant l’épisode de l'offensive allemande en Picardie

 

 

 

 

 

 

LA DÉFENSE DU CHÂTEAU DE GRIVESNES.

 

Le 28 mars 1918, les premiers éléments de la 166e D.I., en voie de débarquement, s'établissent sur la ligne Coullemelle-Thory et son artillerie (224e régiment d’artillerie) prend position sur la ligne Grivesnes-Coullemelle.

 

Le 29, les 4e et 5e bataillons du 350e de ligne, qui se battaient déjà depuis deux jours, viennent occuper Grivesnes ; L’un d'eux est réduit au tiers de son effectif ; on leur a adjoint des chasseurs à pied (19e et 26e) et une compagnie du génie.

Dès le lendemain, cette poignée d'hommes repousse cinq assauts.

 

Le 31, dimanche de Pâques, l'ennemi lance contre elle la 1e division de la Garde, une de ses plus fameuses, celle où servent les princes de la famille impériale et où Guillaume II a reçu ses premiers galons d'officier.

 

Dès 7 heures du matin, les observateurs, dont un sergent, placé dans le village de Grivesnes d'où il suivra toute la bataille, voient les vagues d'assaut se former dans les trous d'obus à l'est et au nord-est du parc.

 

 

 

De 10h30 à 11h30, la préparation d'artillerie, avec des rafales de 150, pilonne les lignes françaises ; parmi les tués, avant l'assaut, il y a déjà un capitaine et cinq chefs de section.

Les grenadiers à pied allemands s'avancent pan compagnies accolées en colonnes de peloton ; sous les vagues successives, la première ligne, décimée, est rompue ; les Allemands débordent le parc par le nord et par l'est et, se contentant d'entourer pour le moment le château dont la garnison les crible de balles, ils pénètrent dans le village.

Le lieutenant-colonel Lagarde, qui est enfermé dans le château, fait le coup de feu avec ses hommes ;

 

A 12h15, il charge un cycliste d'aller porter au colonel commandant l'infanterie divisionnaire, au Plessier, le compte rendu de la situation, qui se termine ainsi :

« Je suis dans le château, j'y tiendrai jusqu'à la mort »

 Le cycliste parvient à échapper aux balles allemandes, traverse en trombe Grivesnes, où déjà les Allemands ont pénétré et remplit sa mission.

Aussitôt, le colonel réunit tous les éléments disponibles, fantassins et chasseurs, et les dirige baïonnette au canon sur Grivesnes.

Mais déjà un bataillon en réserve au carrefour des routes de Montdidier et du Plessier, ayant vu les grenadiers allemands envahir la rue de Montdidier, s'est porté à la contre-attaque ; Pendant que les hommes nettoient les maisons une à une, délivrant plusieurs prisonniers, le commandant du bataillon et son cycliste s'avancent revolver au poing au milieu de la rue, soutenus par deux autos-mitrailleuses qui balaient les colonnes allemandes.

La rue de Montdidier est rapidement nettoyée et les hommes entrent au château.

Le lieutenant-colonel distribue aussitôt ses renforts sur les lisières du parc et entreprend la chasse aux ennemis.

 

A 14h30, le détachement du Plessier (171e et 294e RI) arrive à la rescousse ; bientôt les grenadiers allemands sont rejetés du parc ; en vain contre-attaquent-ils, les Français ne cèdent plus un pouce de terrain et l'arrivée d'un bataillon d'un régiment voisin, débouchant du Bois de Coullemelle, assure leurs positions.

La Garde prussienne est battue et a subi d'énormes pertes.

 

 

 

 

Les combats à  Cantigny

 

Cantigny  et ses alentours furent abordés par les Allemands à la fin de mars 1918 ; une vive bataille s'y livra dans la nuit du 29 au 30 et le 30 toute la journée. Cantigny tomba le soir du 30.

 

Les 1er et 3 avril, celle-ci revient à la charge à 7 heures du matin, mais sans succès.

 

Le 4, dans une brillante contre-attaque, le 67e de ligne enlève Saint-Aignan et le conserve, en dépit de tous les retours offensifs de l'ennemi.

 

Le 5, celui-ci se jette à nouveau sur Grivesnes. Mais vainement ; le 67e de ligne lui tient tête énergiquement à Saint-Aignan ; à l'est de Grivesnes, le 26e bataillon de chasseurs repousse quatre assauts menés par deux régiments de la Garde, que déciment les tirs de barrage et les mitrailleuses ; il dégage même ensuite les abords est du village.

 

Cantigny  et ses alentours furent abordés par les Allemands à la fin de mars 1918 ; une vive bataille s'y livra dans la nuit du 29 au 30 et le 30 toute la journée. Cantigny tomba le soir du 30.

 

Les 7 et 8 avril, la 1e D.I. américaine, soutenue par un régiment de la 60e D.I. française et un groupe de chars d'assaut (2e groupe d’artillerie d’assaut) enleva brillamment le village et le saillant de Cantigny sur 2 kilomètres de front, faisant 170 prisonniers et capturant un matériel abondant

 

Le 9 mai, les troupes françaises enlèvent rapidement le parc du château de Grivesnes avec 258 prisonniers et un important matériel, sans que l'ennemi puisse le leur reprendre

 

 

 

25 avril : Le 350ème reçoit la fourragère aux couleurs de la croix de guerre, et la citation suivante : 

 

« Sous le commandement énergique du lieutenant-colonel Lagarde, a repoussé, le 30 Mars 1918, cinq assauts furieux de la Garde allemande et a soutenu victorieusement, le 31 Mars, le choc d’une nouvelle attaque d’une violence extrême. Submergé sous le nombre, cerné dans un village que les vagues d’assaut ennemies avaient complètement dépassé, le 350ème régiment d’infanterie a lutté héroïquement pendant plus d’une heure, permettant le déclenchement des contre-attaques que son chef avait préparées d’avance et qui ont permis de reprendre, après une lutte des plus âpres, la position qu’il avait reçu l’ordre de tenir coûte que coûte. »

 

     Michelin, guide des champs de batailles ; batailles de Picardie ,1921

 

 

Vers l’historique complet du 350e RI

 

 

 

 

          

  

Extrait de l’historique du 25e BCP, concernant l’affaire de Grivesnes

 

 

 

2 avril, 3 heures : Le Bataillon quitte Chirmont et se rend dans les bois de Coullemelle. Il commence à creuser des tranchées profondes, car le bois est violemment bombardé. Grivesnes est tout près, le 19 B.C.P. se bat encore dans le village qu’il a repris la veille à l’ennemi. Nous devons relever ce bataillon cette nuit, sur les positions qu’il a reconquises.

16 heures :

Le groupement Bonnier est avisé qu’il sera relevé par des éléments du 294e R.I. et qu’il devra se porter sur les emplacements laissées libres par le départ du 1er groupement du 25e B.C.P. dans les bois de Coullemelle.

21 heures :

Les 4e, 5e et 2e compagnies, la C.M.1.et la ½ C.M.2. relèvent le 19 B.C.P. dans Grivesnes.

 

Dans la nuit du 2 au 3 avril, une opération de détail, conduite par l’adjudant Fauvel, de la 5e compagnie, vers la Chapelle Saint-Aignan, réussit sans pertes, faisant même quelques prisonniers. Le 4 avril vers 1 heure du matin, un prisonnier déclare qu’une attaque aura lieu dans la journée sur Grivesnes.

En effet, dès le matin de nombreux groupes d’ennemis tâtent notre ligne sans résultats. Puis un violent bombardement d’artillerie de campagne et lourde se déclenche dès la pointe du jour. Le village est soumis à un bombardement de gros calibre.

Le P.C. du Commandant est dans une cave à cent mètres de la première ligne. Les arrières sont soumis à un bombardement par obus à gaz.

A 8 h. 30

L’attaque se déclenche sur tout le front du Bataillon. De nombreuses vagues de la garde prussienne se portent à l’assaut de nos tranchées. Ils débouchent du parc du château, par les brèches existantes dans le mur, menaçant par le nord et le nord-est toute la lisière nord-est du village. La 4e compagnie est au centre, elle est violemment attaquée. Le lieutenant Appy est tué. Des mitrailleuses en position dans le mur avoisinant l’église, brisent l’attaque vers la partie nord-est, d’autres mitrailleuses dans la tranchée suivant le chemin de terre conduisant au Moulin, arrêtent tous les efforts vers l’est du village.

A 9 heures

Vers la partie nord-est de Grivesnes, de forts partis allemands, dissimulés par des murs et des haies, soutenus par de nombreuses mitrailleuses lourdes et légères, qui neutralisent le feu de nos voltigeurs, arrivent à s’emparer d’une maison isolée, dite « Le Chalet. ». La section de l’adjudant Barbary (2e compagnie) recule un moment, puis Barbary rassemblant sa section, rétablit la situation, chassant l’ennemi des points où il avait pu pénétrer.

Le lieutenant Bourchied, commandant la 2e compagnie, et le sous-lieutenant Le Dieu-De-Ville arrivent avec la section de soutien. Le lieutenant Bourchied tombe blessé par des grenades, ainsi que plus de la moitié de l’effectif qui partait à la contre-attaque. Le sergent Bertrand est atteint d’un éclat de grenade qui lui crève l’œil gauche. Le chasseur Guyard est atteint très grièvement à la jambe droite. Le lieutenant Cros prend le commandement de la compagnie.

A 9 h. 15

Nouvelle attaque toujours sur les mêmes points. Le caporal Carliez est chef de pièce, commandant la 3e pièce de la C.M.1. Pendant deux heures il reste en position sous un violent bombardement, jusqu’au moment où il tombe mortellement atteint. Les Allemands ne passeront pas de ce coté.

Le caporal Pouvreau est en position vers la route de Malpart avec la 6e pièce de la C.M.1., il est attaqué à la grenade, mais ne se laisse pas distraire de sa mission, et fauche les infiltrations allemandes. Il est dégagé par l’intervention énergique des grenadiers voisins.

La section Barbary, que ses mitrailleuses ne peuvent aider, est obligée à nouveau d’évacuer le Chalet. Un peloton du 355e R.I.est mis à la disposition du commandant Lamarche qui ne dispose en ce moment d’aucune réserve.

A 9 h 25

Soutenu par une section du 355e, l’adjudant Barbary réoccupe le Chalet.

Pendant ce temps, le sous-lieutenant Dabos, de la 1re C.M., s’est aperçu que le lieutenant Appy était tombé. Il prend résolument le commandement des voltigeurs du lieutenant qui sont autour de lui, aidant ainsi, par son énergique attitude, le lieutenant Authier, commandant cette compagnie, à soutenir tous les assauts.

Le 5e compagnie à droite n’est pas attaquée directement, elle est par contre violemment bombardée.

11 heures

L’ennemi ne se tient pas pour battu et a recours aux lance-flammes pour venir à bout de la résistance de la section Barbary.

Le caporal Martin est monté à plusieurs reprises sur un mur du Chalet et lance des grenades sur l’ennemi, lui causant de lourdes pertes.

Le sergent Meunier avec quelques chasseurs, tire sur l’ennemi à travers les quelques créneaux qui laissent apercevoir la garde prussienne. Le sergent Beaugitte, de la C.M.1., a réussi à mettre une pièce de mitrailleuse en position près du Chalet, et sert lui-même la pièce jusqu’au moment où les Allemands attaquent avec des lance-flammes. La section Barbary est encore obligée d’évacuer le Chalet. Barbary se replie dans la rue de l’église, une barricade et des barrages sont immédiatement installés. L’ennemi apporte de nombreuses mitrailleuses, et occupe fortement le Chalet qui est solidement construit, et hors de vue de nos engins de destruction.

Néanmoins, le canon de 37 et le Brandt interviennent, mais sans résultats, des renforts ennemis s’infiltrant constamment dans le parc du château par la corne nord-est.

La section du sergent Milord, de la C.M.2, qui flanquait la 4e compagnie à la sortie sud-est du village, arrête tous les mouvements débordant de l’ennemi maître du Chalet.

12 heures

La liaison a été perdue entre la 2e et la 4e. Celle-ci est rétablie vers 15 heures. Enfin une section de la 1re compagnie conduite par le lieutenant Bréche arrive à Grivesnes ; cette section prise sur le groupement Bonnier, en réserve, engage immédiatement la contre-attaque. Energiquement emmenés par le lieutenant Bréche et le sergent Dewult, les chasseurs de la 1re compagnie arrivent à regagner du terrain vers le Chalet.

L’attaque est définitivement brisée, et l’ennemi, qui s’était accroché au terrain en avant de sa ligne, rejoint ses tranchées de départ, sauf au Chalet dont il reste maître. D’un bout à l’autre de la ligne, les mitrailleuses qui n’avaient pas d’objectifs sérieux sur leur mission normale, ont eu l’initiative de se consacrer à leur mission éventuelle. Elles ont contribué à briser définitivement l’attaque, le tir de l’artillerie française ayant été certainement trop long malgré les demandes réitère de T.S.F.

Durant le combat, de part et d’autre peu d’avions ont survolé l’attaque, le ciel étant resté très couvert. Le commandement n’a pu être renseigné que par T.S.F., bien que l’antenne ait été démolie plusieurs fois par le tir de l’ennemie.

Le général d’Anselme, dans une lettre privée écrivait :

«  Le Commandant du 25e, à la T.S.F., me renseigne minute par minute. L’armée, le C.A. des batteries, saisissent à la fois les messages, qui me reviennent ensuite par téléphone de l’armée.Nous vivons toutes les émotions de la première ligne. »

Dans la soirée du 4 avril, le reste du groupement Bonnier, 3e et ½ C.M.2, rejoint le bataillon, ce qui permet de consolider la position tenue contre toute attaque éventuelle de l’ennemi, qui a subi des lourdes pertes, comme en témoignent les nombreux cadavres de la 1re division de la Garde Prussienne.

A 19 heures

Une batterie de chars d’assauts doit être mise à la disposition du Bataillon pour la réduction de nids de mitrailleuses dans la partie nord-est du village.

Le général d’Anselme transmet au Bataillon les félicitations, du général Mangin, commandant le 9e C.A. pour l’héroïque défense de Grivesnes.

 

5 avril.- La nuit a été calme, l’ennemi n’a pas tenté de réagir. La 3e compagnie a relevé la 5e compagnie au matin.

A 13 h 15

Le Bataillon reçoit l’ordre d’attaquer devant son front en coopération avec la 45e D.I. L’attaque aura lieu à 15 heures.

De sa propre initiative et avant  d’avoir eu connaissance des ordres de détail du Général commandant le 9e C.A. ; le lieutenant Clauzolles, de la C.M.2, s’installe dans le clocher, peu solide, de l’église et par des moyens de fortune, avec une audace peu commune, met en position 2 pièces de mitrailleuses.

A 15 heures

L’attaque se déclenche sur la gauche.

Le lieutenant Clauzolles et le lieutenant Couhé, dans la situation périlleuse du clocher, tirent deux caisses de cartouches dans d’excellentes conditions sur le parc et les trous de tirailleurs allemands au sud-est du parc. Impressionné par ce tir, l’ennemi a une défaillance momentanée ; il évacue le Chalet dans lequel les chasseurs, aux aguets, se jettent sans hésitation, reprenant ainsi le seul point où la garde avait pu prendre pied et au prix des pertes les plus élevées.

L’attaque par elle-même insuffisamment préparée, ne réussit pas, le Bataillon reste sans bouger sur ses positions. La 4e compagnie, qui avait tenté de déboucher est immédiatement arrêtée par les mitrailleuses. Le sous-lieutenant Dillard est blessé. Le sergent Belot, de la 4e compagnie, avec une poignée d’hommes, se trouve au contact de groupes ennemis à la grenade ; il résiste énergiquement.

L’ennemi soumet nos tranchées à un violent tir de barrage qui martèle notre première ligne.

La nuit et la journée du 6 avril sont assez calmes.

Vers 20 heures

L’ennemi tente d’attaquer par surprise. Les tirs de barrage arrêtent toutes ses tentatives.

 

Le 7 avril, le 4e Bataillon du 355e R.I, en liaison avec le Bataillon, fait une tentative de nettoyage de la partie occupée du parc de Grivesnes. Cette opération est appuyée par une batterie de chars d’assaut. Pendant la mise sur place, un char est démoli par un obus de 210 devant l’église. L’ennemi résiste devant le front du Bataillon ; il s’est renforcé  de nombreuses mitrailleuses.

Les artilleurs ennemis s’acharnent sur la clocher de l’église qui s’est abattu.

Le caporal Bomblin, de la C.M.2., est blessé en servant sa pièce de mitrailleuse pendant la tentative de progression. Il avait tenu à suivre les voltigeurs et avait avancé sa pièce.

Le sergent Prévot, de la 1re compagnie, commande un groupe de combat. Avec ses grenadiers il attaque l’ennemi ; bientôt il est entouré par de nombreux Allemands, mais réussit à se dégager par un vif combat à la grenade.

Pendant cette attaque, le chasseur Bouillard, de la 4e compagnie, qui assure la liaison entre son commandant de compagnie et le P.C du Bataillon, est grièvement blessé près de l’église en portant un renseignement au Chef de Bataillon.

 

Du 8 au 12 avril, les journées les plus calmes ; l’ennemi ne réagit plus qu’avec des bombardements d’artillerie assez violents. L’artillerie française fait des tirs de harcèlement sur les arrières, gênant les convois de ravitaillement ennemis.

 

Le 12 avril, les chasseurs assistent à un combat aérien. De nombreux avions allemands survolent les lignes. Le temps est clair, quelques nuages blancs de-ci, de-là.

 

Le 15 avril, le Bataillon était relevé par le 2e bataillon du 125e R.I. Les compagnies relevées gagnent isolément, par le bois de Coulemelle, le point de rassemblement, La Falaise, où les chasseurs ont un repas chaud préparé. Puis les unités attendent l’heure du départ pour Troussancourt où l’on se repose.

Le Bataillon, pendant ces dernières journées, avait perdu, outre notre brave camarade Appy, dont le souvenir reste impérissable : 5 sous-officiers et 39 caporaux et chasseurs tués ; 3 officiers, 5 sous-officiers et 95 caporaux et chasseurs blessés.

 

Vers l’historique complet du 25e BCP

 

 

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