janvier 1915
Commencée de façon à nous faire espérer la victoire, la bataille de Crouy s'est achevée, en raison de la crue subite de l'Aisne, par le recul d'une partie de notre front. Les Allemands ne tirèrent que très faiblement partie de cet échec français, dont leurs communiqués et leur presse exagérèrent cependant l'ampleur et la portée.
Nous verrons l’ensemble de cette bataille puis des textes des 60e 276e 352e RI et du 64eBCA tirés de leur historiques officiels et une lettre qu’un soldat du 44e RI adresse à sa sœur.
Dès
la fin de décembre 1914, notre Haut-Commandement avait décidé de
s'établir plus solidement dans la région de Soissons.
Il
avait donc tenté de prendre pied sur les hauteurs que l'Armée allemande du
général von Kluck tenait au nord de cette ville.
Nos
troupes commencèrent par gagner du terrain. Sur le plateau qui domine le cours
de l'Aisne, à l'est de la route de Laon, des tranchées ennemies furent
brillamment enlevées à la baïonnette.
Le
8 janvier, au nord-est de Soissons, après un
bombardement qui surprit l'adversaire, notre infanterie fut lancée sur l'éperon
132.
Désemparés,
perdant leur sang-froid, les Allemands n'opposent d'abord qu'une assez faible
résistance.
Un
bataillon de chasseurs à pied et un bataillon de tirailleurs marocains,
soutenus par des troupes de la 55e division, montrent dans cette attaque un
mordant extraordinaire, réussissent à atteindre le sommet de la crête, et
s'installent sur l'éperon.
Devant
la ruée frénétique de nos Africains, les Allemands lâchent pied, et, vainement,
leurs officiers, revolver au poing, s'efforcent de les ramener au combat.
Le
saillant de la ligne allemande et deux lignes de retranchements qui le
soutiennent, tombent alors entre nos mains.
Le
lendemain 9, l'artillerie tonne. Un duel
assourdissant et prolongé s'engage entre nos pièces (47ème Régiment d'Artillerie de Campagne ) et celles de l'ennemi. Les
fils de fer barbelés et les défenses accessoires volent en éclats. Notre
infanterie va pouvoir s'élancer vers les brèches.
Le
10, à 5 heures
du soir, après des assauts acharnés (35 et 47ème Régiment d’infanterie de ligne) nous
parvenons à occuper deux nouvelles lignes de tranchées, en prolongement vers
l'est. Grisés par leur ardeur, nos soldats se laissent même entraîner au-delà
des objectifs indiqués. Une centaine de chasseurs perdent contact avec la ligne
française, et sont bientôt cernés. Sommés de se rendre, ils répondent par un
refus héroïque et succombent sous les coups redoublés des assaillants.
Le
11, la violence de nos obus détruit de fond en comble
les tranchées de la Dent-de-Crouy, à l'est de la cote
132.
Malgré
la pluie qui ne cesse de tomber, malgré la boue où ils enfoncent, nos fantassins,
zouaves et chasseurs accourent avec une fougue irrésistible, maîtrisent les
mitrailleuses, et enlèvent des prisonniers.
L'ennemi
bombarde en vain ses propres tranchées, pleines de
cadavres feldgrau. Nous les organisons rapidement pour y passer la nuit. Mais
les Allemands, ressaisis et renforcés, résistent âprement à notre progression.
Au
nord-est de Soissons, le village de Crouy constitue une position importante et
violemment disputée. Bientôt ses maisons croulent sous la tempête de feu, ainsi
que celles des villages environnants : Pommier, Bucy-le-Long,
Missy-surAisne. Cependant, grossie par les pluies
torrentielles des derniers jours, l'Aisne, qui coule à l'arrière de nos
positions, vient d'accuser tout d'un coup une montée de niveau des plus inquiétantes.
Subitement,
dans la nuit du 11, son cours déborde. La situation de nos troupes sur la rive
droite va devenir d'autant plus aventurée que la force du courant menace
d'emporter les ponts de bateaux.
Dans
la matinée du 12,
la situation s'aggrave. Les Allemands déclenchent une contre-attaque générale.
Au
petit jour, ils donnent l'assaut à l'éperon 132 dont nous tenions la croupe (44e et 60ème Régiment d’infanterie de ligne), s'en emparent, descendent
vers Crouy qu'ils enlèvent, et dirigent de là un feu infernal sur nos
positions. Puis leur infanterie continue à progresser, et vers midi, elle
réussit à enlever trois lignes de nos retranchements.
Dans
la soirée, notre contre-attaque rejette l'adversaire sur la route de Soissons à
Laon. Mais de puissants renforts accourent du côté de l'ennemi. Nous sommes
bousculés, et l'avalanche gris-vert dévale jusqu'à nos positions d'artillerie
de campagne.
Déjà,
des batteries lourdes, nombreuses et bien dissimulées, avaient mis la plupart
de nos pièces hors de combat. Les servants n'en opposèrent pas moins une
magnifique résistance.
Un
sous-lieutenant, dont tous les hommes avaient été tués ou blessés, continua,
avec son maréchal des logis, de servir ses deux canons de 75, tirant à zéro sur
l'infanterie qui les encerclait.
Les
munitions épuisées, cet officier encloua les canons, et chargeant à la tête de
quelques fantassins, il réussit à rallier nos lignes.
La
situation n'était pas désespérée si des renforts pouvaient surgir.
Mais
la crue de l'Aisne vient d'emporter les ponts de Villeneuve et de Soissons.
Nous
n'avons plus, pour organiser la retraite, que le pont des Anglais, à Soissons,
le pont de Venizel et une passerelle qui se trouve à
1500 mètres en aval. Notre retraite devra s'opérer par échelons, tandis qu'une
contre-attaque contiendra l'ennemi et le trompera sur nos véritables
intentions.
Cette
contre-attaque est confiée au général Nivelle. Celui-ci se porte au-devant de
l'ennemi avec un effectif d'environ deux divisions.
Tandis
que les débris de l'infanterie et de l'artillerie qui défendaient le plateau de
Crouy rétrogradent lentement et gagnent la rive gauche de l'Aisne, des troupes
fraîches (dont le 352e RI) gravissent les pentes entre Crouy et Bucy
le Long et occupent le bois de Crouy, situé à flanc de coteau.
A
la faveur de la nuit ces troupes se déploient dans la plaine ; et, le 13, vers
3 heures du matin, elles atteignent les positions défensives, d'ailleurs assez
précaires, sur lesquelles elles ont reçu l'ordre de se maintenir pendant
quelques heures.
Il
fallait agir avec d'autant plus de circonspection et de prudence que les
tranchées allemandes se trouvaient à moins de six cents mètres des nôtres. Une
compagnie du 2e régiment mixte de zouaves et de tirailleurs, qui cherchait des
renseignements, se heurta, dans la nuit, à ces positions.
Sans
hésiter elle attaqua, et trouva, dans une éventualité si périlleuse, l'occasion
d'un succès. Mais la lutte s'étendit. Des forces ennemies commençaient à nous
déborder de partout. Un seul parti nous restait : le repli le plus lent
possible vers l'Aisne, en tenant tête à l'ennemi.
A
six heures du matin, une assez faible partie de nos troupes avait pu repasser
la rivière. Nos soldats, cependant, ne se laissaient pas abattre. Dans cette
phase suprême du combat, la 55e division perdit beaucoup de monde.
Un
de ses régiments, le 289e d'infanterie, fut à peu près anéanti.
Le
246e,
le 276e, le régiment marocain et le 124e territorial souffrirent cruellement du
feu des canons ennemis.
Mais
nous étions du moins parvenus à empêchez les Allemands, de s'accrocher à nos
arrières, et nous eûmes le temps de faire sauter le pont de Soissons, qui
aurait pu leur permettre de nous poursuivre sur la rive gauche. Sous l'effort
persistant de l'Aisne, le dernier de nos ponts de bateaux menaçait de se
disloquer. Il ne nous restait que le pont de pierre de Venizel
pour assurer nos communications.
Encore
fallait-il à tout prix empêcher l'adversaire de le franchir. Dans ce but, nous
nous renforçons en hâte sur la rive gauche, dans les villages de Billy et de Venizel. Rues et ruelles, cours et jardins se couvrent de
retranchements de fortune édifiés à l'aide de herses, d'échelles et de
charrues.
Il
faut aux travailleurs autant de bravoure résignée que d'activité et d'efforts,
car le bombardement ennemi fait rage autour d'eux.
Le
cimetière de Billy, refuge des fantassins du 289e régiment d'infanterie, se trouve ainsi accablé
par une pluie d'obus qui fait voler en éclats les croix des tombes et les murs
des caveaux.
Nous
occupons solidement la ferme de la Demoiselle, d'où le pont de Venizel peut être pris d'enfilade par nos feux.
Cependant,
sur la rive droite, le combat tirait à sa fin. Nos arrière-gardes ne tenaient
plus les crêtes et luttaient à mi-pente contre l'ennemi solidement installé à Bucy le Long, au Moncel et à Sainte-Marguerite.
Les
canons allemands étaient déchaînés contre nous et nous interdisaient le passage
du pont de Venizel.
Par
malheur, notre dernier pont de bateaux venait d'être emporté par la crue
Sous
la pluie froide et serrée, les derniers défenseurs du plateau de Crouy
cherchaient vainement à traverser l'Aisne. Les obus fauchaient des sections
entières, impitoyablement.
A
Venizel, les infiltrations de la rivière minaient les
murs de terre, et nos retranchements s'éboulaient.
Nos
soldats déployaient partout des efforts surhumains.
En
face d'eux brûlaient Bucy le Long, Le Moncel et Crouy.
L'ennemi
cherchait à gagner de vitesse les dernières troupes françaises qui tentaient de
refluer vers la rive gauche de l'Aisne. Quand la nuit vint, ses canons lourds
ne cessèrent pas de couvrir les berges de projectiles, ainsi que les abords
immédiats du pont de Venizel.
Un
peu avant l'aube du 14 janvier, l'infanterie allemande
descend du plateau, se rapproche de la rive droite, et, formée en colonnes de
bataillon, s'apprête à tenter le passage de la rivière.
Vainement,
ces colonnes tentent d'aborder le pont de Venizel.
Nos batteries de la rive gauche font d'énormes trouées dans les masses
feldgrau, qui, après une demi-heure d'efforts inutiles, évacuent les pentes et
se retranchent prudemment derrière les crêtes. Cette poussée allemande réussit
à progresser seulement vers Soissons où elle s'empare du faubourg de
Saint-Paul. Sur le plateau de Crouy, nous ne laissons pas l'adversaire
s'installer à sa guise; nos canons ne cessent de bouleverser ses positions.
Le
gros de nos forces, qui n'avait pas réussi à franchir l'Aisne, s'établit dans
la boucle que forme la rivière au nord-est de Soissons. De là, nous pouvions
assurer la protection de la ville.
Notre
recul avait atteint dix-huit cents mètres, sur une largeur de quatre kilomètres
et demi.
Les Allemands célébrèrent leur faible avance à l'égal d'une magnifique victoire. Guillaume II, qui avait assisté à la bataille, compara les combats de Crouy aux combats de Saint-Privat
Mais tant d'éloquence fut superflue. Crouy ne livra à l'ennemi ni Paris, ni même Soissons..
« La grande guerre vécue, racontée,
illustrée par les Combattants, en 2 tomes Aristide Quillet, 1922 »
Voilà passage de l’historique du 352e
RI qui a participé à ces combats de Crouy - Bucy
(Anonyme, Berger-Levrault, sans date)
Pour
le 352e,
le premier engagement sérieux de l'année 1915 a lieu à Bucy-
le-Long dans le même secteur qu'il occupait fin 1914.
Les Allemands, fortement retranchés sur les plateaux nord de l'Aisne, se
maintenaient solidement devant Soissons, glacis avancé de la position du Chemin
des Dames.
Les
opérations que le commandement français avait résolu de diriger contre les
positions de la cote 132, au nord-ouest de Crouy, commencent le 8 janvier.
Elles obtiennent tout d'abord un plein succès : l'ennemi est chassé de 132, mais
les Allemands réagissent avec une violence extrême et, du 8 au 12 janvier,
prononcent une série de contre-attaques qui finalement nous arrachent la cote
132 et menacent Crouy.
En
même temps, une crue subite de l'Aisne endommage les ponts jetés sur la rivière.
Nos communications d'une rive à l'autre deviennent difficiles.
C'est
dans cette situation que, le 12 janvier, l'ennemi déclenche sur les positions
tenues par le 352e, entre Crouy et Vrégny, un
bombardement d'une extrême violence. Les Allemands font pour la première fois
sur ce front un large emploi de torpilles qui bouleversent de fond en comble
nos tranchées et détruisent nos défenses accessoires, les mitrailleuses sont
enterrées et mises hors d'usage.
Le 13 au matin, le
bombardement reprend avec la même intensité. La situation en saillant du
secteur tenu par le 352e, permet à l'adversaire de l'écraser par des feux
concentriques et même de revers. A 11 heures, l'infanterie allemande sort
brusquement sur tout le front, en trois lignes successives très denses, et
attaque le 352e avec une violence inouïe et sans souci des pertes que leur
occasionne le feu de première ligne.
La
situation est grave dans le sous-secteur de droite ; bien que blessés, les
capitaines PREVOT et GIROL continuent à assurer le commandement.
Grâce à leur sang- froid, l'ennemi subit de fortes pertes. Sur le front de la
compagnie NAUDIN, en raison de la faible distance à franchir, les
Allemands abordent et submergent rapidement nos premières tranchées. Sur la
deuxième ligne, la résistance se poursuit acharnée. Presque toutes les
cartouches sont brûlées, de violents corps à corps ont lieu.
Dans
le sous-secteur de gauche, où le commandement est assuré par le capitaine ROCHAS, l'infanterie ennemie
s'élance sur nos positions aux cris de Vorwärts,
für Deutschland ! Les
sections PAILLARD et DEBAENE sont complètement
décimées, les deux sections formant l'extérieur gauche du régiment se trouvent
isolées par suite du repli des unités voisines. Grâce à l'énergie de l'adjudant
ALESSANDRI qui, bien que gravement blessé, continue à diriger le feu, ces
deux sections parviennent à se dégager péniblement de la lutte. Sur la ligne
principale de résistance, le combat va se poursuivre plus acharné que jamais ;
le barrage du ravin de Bucy tient solidement et
l'attaque allemande est arrêtée sur le plateau 151. C'est à la ferme de la
Montagne que la situation parait critique. Les Allemands débouchent de la corne
du bois de Vrégny sur un front d'environ 150 mètres
et en huit lignes successives de tirailleurs. Longtemps arrêtées par nos feux,
elles arrivent enfin, cependant, jusqu'à notre tranchée.
Un
violent corps à corps s'engage ; débordé sur sa droite, le capitaine PREVOT
se voit
contraint d'abandonner la tranchée anglaise prise à revers et d'occuper le réduit
de la ferme de la Montagne. Dans l'après- midi, le capitaine FOULON, des tirailleurs
marocains, contre-attaque avec deux compagnies de tirailleurs marocains. Puis
la nuit tombant, le calme se rétablit sur tout le front, les Allemands sont
maîtrisés et le 352e est toujours maître de la rive droite de l'Aisne.
Au
cours de cette dure journée, où les lieutenants THIREAU, PAILLARD
et MONNERET
trouvèrent
une mort glorieuse, et où le régiment eut 33 tués, 118 blessés et de nombreux
disparus, les poilus du 352e firent preuve d'un courage admirable. C'est le
sergent ROY qui parvient à dégager sa fraction deux fois
encerclée ; le soldat LECLER, de la 17e compagnie, qui est tué au
cours d'une résistance acharnée dans laquelle il abat plusieurs Allemands ; le
soldat PICHARD qui, préférant la mort à la captivité, tue un
officier allemand qui le sommait de se rendre. Combien encore pourraient venir
anoblir la liste de ces braves !
Malgré
la fatigue et les pertes, les survivants font l'impossible pour ne plus céder
un pouce de terrain, et c'est dans le plus grand ordre que le régiment, relevé,
franchit le pont de Venizel, le 14 au matin.
L'ennemi,
malgré sa concentration d'artillerie et les effectifs considérables lancés à
l'attaque, n'avait pu déloger le 352e du plateau qu'il avait
conquis le 12 novembre.
Voilà passage de l’historique du 276e RI qui a participé
à ces combats de Crouy - Bucy (Anonyme, Berger-Levrault, 1922)
AUX TRANCHÉES DEVANT
SOISSONS
Le mouvement de poursuite
est arrêté et la guerre de tranchées commence.
Jusqu'au 10 janvier,
le régiment restera en première ligne, passant alternativement six jours sur la
rive droite entre la Montagne-Neuve et
la dent de Crouy, et six jours sur la rive gauche, à Mercin
et Pernant. Les hommes s'adaptent très vite à ce nouveau genre de
guerre, travaillant sans cesse pour améliorer leurs positions et
faisant preuve d'un calme
stoïque sous le bombardement.
L'organisation
définitive de la Montagne-Neuve (cote 132) demande un
gros travail : il s'agit de progresser à la sape pour donner à la défense une
assiette qui lui manque au début.
Officiers et soldats
font preuve d'une intelligente ardeur et de beaucoup d'endurance.
Le lieutenant LACAUX
occupe, de sa propre initiative, un petit bois situé à 100 mètres en avant des
lignes, bois qu'il trouve momentanément évacué en faisant une patrouille de
nuit. Notre position en est grandement améliorée.
Le secteur de Mercin-Pernant, couvert par l'Aisne, est plus
calme ; mais il demande une surveillance très active, les Allemands tenant une
tête de pont en avant de Pommiers et faisant preuve, par de fortes
patrouilles de nuit, d'esprit d'entreprise.
Les pertes sont peu
importantes, mais quotidiennes.
COMBATS DE CROUY
(10-12 janvier 1915)
Le commandement a
décidé d'enlever les lignes allemands situées en avant
du secteur de la cote 132.
Pour cela, le secteur
a été divisé en deux sous-secteurs.
Celui de gauche,
allant du ravin de Pasly au petit
bois inclus, a été l'objet, le 8 janvier, d'une attaque réussie faite par
un régiment marocain ; celui de droite, allant du petit bois à la dent
de Crouy, sous les ordres du lieutenant-colonel LEJEUNE, est réservé au 6ème bataillon du 276ème, qui doit attaquer le
10.
Le régiment occupe ses
positions dans la nuit du 9 au 10 janvier : le 5ème bataillon, en réserve à la Montagne-Neuve (sous-secteur de gauche), le 6ème bataillon à côté du
204ème.
A 16 heures, le 6ème bataillon se précipite
à la baïonnette et s'empare de son objectif. Seule, une portion de tranchée à
contre-pente, au centre de la ligne, reste aux mains de l'ennemi. Nos hommes
s'organisent dans leur conquête, mais l'artillerie ennemie réagit d'une manière
intense et les pertes sont lourdes. Plusieurs contre-attaques sont
énergiquement repoussées.
Le bombardement sur
toutes nos lignes continue sans interruption le 11. Une tentative, faite dans
la journée pour s'emparer de la portion de tranchée occupée par les Allemands,
échoue.
Dans la nuit du 11 au
12, le bataillon du 204ème est relevé, en deuxième ligne, par le 64ème bataillon de chasseurs
; dans le sous-secteur de gauche, un bataillon du 60ème relève le bataillon du
231ème dans la tranchée prise
aux Allemands le 8.
Le temps est
détestable ; il y a une boue affreuse dans les boyaux et les tranchées.
Le matin du 12
janvier, la disposition des troupes est la suivante :
a ) Sous-secteur de
gauche : un bataillon du 60ème dans les tranchées allemandes, le 5ème bataillon du 276ème dans les anciennes
tranchées françaises ;
b ) Sous-secteur de droite
: le 6ème bataillon du 276ème dans les tranchées
allemandes ; le 64ème
bataillon
de chasseurs dans les anciennes tranchées françaises.
Le tir de l'artillerie
allemande devient de plus en plus intense ; un coup de gros calibre fait
effondrer l'abri du colonel du 60ème, qui est tué avec ses agents de liaison.
A 10 heures, une
attaque formidable de l'ennemi se déclenche sur toute la ligne depuis le ravin
de Pasly jusqu'au ravin de Crouy inclus.
A gauche, les
compagnies du 60ème
sont
submergées ou se replient sur nos anciennes lignes, qui sont également envahies
; le 5ème bataillon, dont le
commandant ( BRU ) est blessé dès le début, fait preuve d'une vigueur extrême.
Le capitaine LEMESLE, qui
est tué presque aussitôt, puis le capitaine FLOQUER, organisent la défense, et,
par leurs contre-attaques, empêchent l'ennemi de déboucher des boyaux, mais nos
anciennes lignes sont en son pouvoir.
A droite, le 6ème bataillon a tenu bon.
Afin d'empêcher l'ennemi de s'infiltrer dans nos organisations, le
lieutenant-colonel place une compagnie du 64ème chasseurs en potence face à gauche dans un boyau qu'elle
aménage en tranchées.
La situation se
maintient sans modification jusqu'à 16 heures, malgré les tentatives de
l'ennemi.
A ce moment, les
chasseurs, impressionnés par l'intensité du bombardement, cèdent à la pression ;l'ennemi s'infiltre dans nos organisations ; le 6ème bataillon du 276ème est pris à revers ;
toute résistance est devenue impossible.
Le lieutenant-colonel,
chassé de son poste de commandement, se porte en arrière, sur la route de
Soissons, pour rallier ses unités. A la nuit, il avait constitué un barrage sur
la route de Crouy à la Verrerie, avec trois compagnies de
chasseurs et une compagnie de 120 hommes, débris du 6ème bataillon du 276ème .
La nuit du 12 au 13 et
la journée du 13 janvier se passent dans cette situation : le 5ème bataillon tenant
toujours à la Montagne-Neuve ; le 6ème bataillon en position
au bas de la pente.
A 22 heures, le
régiment est replié et va se reformer à l'arrière.
L'affaire de Crouy lui
a causé les pertes suivantes : 750 tués, dont 11 officiers ; 600 prisonniers,
la plupart blessés.
Des deux bataillons,
au complet le 10 janvier, il ne restait plus que 5 officiers et 475 hommes.
Ces chiffres sont le
meilleur hommage qu'on puisse rendre au courage, à la ténacité et à l'esprit de
sacrifice des braves du 276ème.
Le régiment est
reconstitué le 20 janvier au moyen d'un détachement de 800 hommes venus du 124ème territorial et d'un
renfort venu du dépôt.
Voilà passage de l’historique du
60e RI qui a participé à ces combats de Crouy (Anonyme, imprimerie Berger-Levrault,)
SOISSONS
(12, 13 et 14 janvier
1915.)
On sait assez les traits
généraux de cette tragédie mémorable.
La vallée de l'Aisne à
Soissons décrit un arc de cercle. Sur la rive droite, un grand plateau domine
le fleuve, et il est creusé de trois profonds entonnoirs : l'un à Cuffy, l'autre à Crouy, le troisième à Chivres.
La vallée de Crouy est
dominée à l'ouest par un éperon appelé la cote 132, qu'une route à lacets, la
route de Béthune, escalade de front. Au pied de la cote 132 passe la route de
Maubeuge et le chemin de fer. Cette région remplie de grottes et de carrières
était tenue solide ment par l'ennemi; là, en effet, se trouvait la charnière
des positions allemandes.
Or, dans les journées
qui précédèrent le 12 janvier, nos troupes de la VIe armée, abordant la route
de Béthune, en avaient conquis un à un tous les lacets et avaient atteint une
ferme.
Restait à prendre la
cote 132, au sommet du plateau et à droite. On s'efforçait de l'attaquer par
Crouy en traversant la voie du chemin de fer et en grimpant la côte à l'abri
des bois. Plus tard on voulut attaquer plus à l'est, par Le Moncel,
mais les Boches contre attaquent avec fureur.
Nantis de forces
imposantes, ils parviennent, la crue de l'Aisne aidant; à rejeter nos troupes
jusqu'à la rivière et il s'en fallut de bien peu que Soissons ne fût repris par
eux. Intervention des 2ème et 3ème bataillons.
Donc, le lundi 11
janvier, les 2ème
et 3ème bataillons du 60ème, commandés par les
chefs de bataillon Poupinel et Thibaulot,
cantonnés dans les faubourgs de Soissons, reçoivent l'ordre de relever, sous la
conduite du lieutenant-colonel Graux, le 231ème R. I. aux tranchées
allemandes de la cote 132, conquise le jour précédent. L'ordre ne donnait pas
d'autres indications, mais le lieutenant-colonel Auroux, du 204ème, avait mission de
donner sur place les renseignements nécessaires. Le 2ème bataillon s'installe
en première ligne. Le 3ème bataillon doit rester en deuxième ligne.
La relève, faite par
une nuit noire dans un terrain inconnu, bouleversé, transformé en marécage par
la pluie des jours précédents, est tout à fait difficile. Elle ne se termine
que le 12 à 4 heures du matin. Le colonel installe son P. C. dans une grotte-abri, dite la grotte du Zouave.
A 7h 30, une
contre-attaque boche se déclenche.
Un violent
bombardement, le plus violent peut-être de toute la campagne, y prélude et
sévit sur tout le front du 2ème bataillon. L'abri du commandant Poupinel
est écrasé par un obus.
Le commandant
transporte son P. C. au poste même du colonel. Il n'y a plus de téléphone, ni
d'agents de liaison. Cependant les compagnies tiennent bon et la 7ème repousse très
facilement une petite attaque d'infanterie.
A 9 heures, le
bombardement s'accroît et devient d'une violence inouïe.
Le commandant Thibaulot, les capitaines Blanc, de la 10ème et Munnier,
de la 11ème
compagnie,
mandés par le colonel, arrivent au rendez-vous. Le médecin chef y vient aussi.
Vers 10 heures, un
obus de 210 cm tombe sur la grotte, dont la voûte s'effondre ensevelissant sous
les décombres le colonel, l'officier adjoint, capitaine Rochet, le médecin chef,
les commandants des 2e et 3e bataillons, les capitaines Blanc et Munnier, toute la liaison du colonel et du commandant Poupinel.
On entend
distinctement la voix du colonel qui crie : « Vive la France ! » cependant que
les témoins de la catastrophe se précipitent pour dégager le commandant Poupinel et le sergent de Bordes, fonctionnaire adjudant de
bataillon, pris dans les décombres jusqu'à la ceinture.
Dans le cas
particulier, cet accident ne pouvait manquer d'avoir de graves conséquences, le
régiment se trouvant privé de ses principaux chefs.
Le commandant Poupinel prit le commandement dans ces circonstances
singulièrement difficiles.
Les Allemands
débouchent alors en deux colonnes.
L'une d'elles, venant
du nord-ouest, se dirige vers les positions du 276ème R. I., à gauche. La 7ème et la 6ème compagnie du 60ème R. I. la, prennent de
flanc et l'obligent à détourner ses efforts contre elle-même dont les effectifs
sont très réduits.
L'autre colonne
attaque à droite, venant du nord-est. Elle fonce sur la 5ème qui fait face à l'est
et la déborde.
Ces trois compagnies
ainsi que la 9ème
doivent
se dégager à coups de baïonnette, et bientôt il ne reste plus du bataillon
qu'un mince cordon sur le rebord sud de l'éperon 132; les compagnies, sous le
commandement énergique de leurs chefs, le capitaine Picard (7ème), le sous- lieutenant
Luccantoni (5ème), le sous- lieutenant Rangod (9ème), engagent un combat
très dur, l'ordre étant de tenir coûte que coûte.
A ce moment, le
capitaine Picard, remplaçant momentanément le commandant Poupinel
parti se faire panser au P. S., appelle à la rescousse le 3ème bataillon déjà fort
éprouvé par les bombardements du matin.
Au bout d'un instant,
le commandant est de retour, il reprend son commandement. La situation est, à
ce moment, très critique. La Montagne Neuve est menacée. Le général de Maimbrey, de la 101ème brigade, appelle à son aide tout le 60ème disponible.
Le 2ème bataillon tiendra sans
renfort et le 3ème
bataillon
s'en va, sous le commandement du capitaine Kali, vers l'endroit menacé où lutte
déjà la 10e compagnie avec des éléments des 276ème et 282ème R. I,
Un combat très violent
s'engage et l'on vient presque au corps à corps. La 12ème compagnie brise la contre-attaque
boche. Le souslieutenant Drogrey,
passé depuis au 44ème, séparé de sa
compagnie avec quelques hommes, occupe une corne de bois abandonné, et,
repoussant l'ennemi à la baïonnette; se maintient toute la journée sur sa
position. Le lieutenant Marjoulet, à peine guéri
d'une blessure antérieure, est tué.
L'adjudant-chef Courtot, le sergent Girerd, les
caporaux Dutartre et Carrichon,
les soldats Guinchard et Letondal
se distinguent particulièrement. Jusqu'à la tombée de la nuit, la bataille se
poursuivra avec acharnement.
Vers 17 heures, un
bataillon du 204ème
R. I.
vient renforcer notre 3ème bataillon cette fois le moment critique est passé!
La journée du 1er bataillon.
Le lendemain, 13
janvier, le 1er
bataillon
intervenait à son tour.
A 1 heure du matin, il
monte en ligne et occupe les tranchées à l'est de la route de Terney, la 1ème et la 4ème compagnie en avant. La nuit est terriblement obscure : le
terrain est une véritable fondrière où les hommes s'enfoncent jusqu'à mi-
jambe, au point que certains y perdent leurs chaussures.
Du reste, les guides
font défaut :
« Devant vous, leur
a-t-on dit simplement, c'est la cote 132 : les Boches y sont!
»
Il faut cependant
attaquer tout de suite. De fait le bataillon attaque vers 4 heures du matin, il
prend deux tranchées où il se maintient. Le commandant Thiévant,
puis après lui le capitaine Doillon, sont blessés mortellement à la tête du
bataillon.
La 10ème compagnie attaque la 2ème à la baïonnette.
La 4ème compagnie marche sur
la route en liaison à gauche avec un bataillon du 44ème engagé dans les mêmes
conditions.
C'est là que se
distingue le soldat Franchi, de la 4ème compagnie. Il s'avance en rampant sur le bord d'une tranchée
ennemie, détourne avec la crosse de son fusil le canon d'une mitrailleuse en
train de tirer, attaque les deux servants, qu'il tue, et il revient dans nos
lignes après avoir réussi à se dégager.
Après la mort du
capitaine Doillon, le commandement passe au capitaine Duffet,
qui dispose alors d'un groupement comprenant les quatre compagnies du
bataillon, et des éléments appartenant au 44ème qui arrivent à la rescousse transportés en camions.
Nos forces sont ainsi
reconstituées et un groupement organisé existe à nouveau vers 8 heures; le
Boche attaque à son tour : il est repoussé par les éléments commandés par le
lieutenant de Bordes (2ème) et le sous- lieutenant Ruty (3ème). Une lutte très dure
s'engage à la grenade dans les boyaux, nous faisons même 78 prisonniers qui
sont
envoyés à Soissons.
Le reste de la journée se passe
sans incident.
Le lendemain, il est rendu
compte au commandant que la liaison à gauche n'existe plus.
Pendant la nuit du 13 au
14, en effet, les Allemands ont opéré un groupement différent de leurs forces.
Ils attaquent en masse par l'extrémité de notre aile droite et s'emparent des
villages qui sont au pied de la côte de Vrigny, Missy
et Bucy-le-Long.
La situation est tout à
fait critique : nous sommes débordés et la crue de l'Aisne artificiellement
provoquée par l'ennemi a emporté les passerelles, il faut évacuer les
hauteur s de la rive droite. L'ordre en a été donné aux 2ème et 3ème bataillons et à tous
les autres éléments en ligne sur le plateau de Crouy.
Ce même ordre fut
donné au 1er
bataillon
et au 44ème, mais il ne parvint pas
à destination, les estafettes ayant trouvé la mort en cours de route. Le
commandant du 1er
bataillon
s'en va vers la gauche pour se rendre compte de ce qui se passe et il voit
nettement des troupes ennemies défiler sous bois derrière nos positions. Il faut
dès lors se replier.
Un groupe de la 2ème compagnie est cerné au
château Saint Paul et s'y défend jusqu'à la dernière cartouche, sous les ordres
du sous- lieutenant de Bordes qui, grièvement blessé, est fait prisonnier.
Les autres éléments,
conduits par le capitaine Duffet et le sous -
lieutenant Ruty, après s'être ouvert le passage à la
baïonnette, rejoignent la Verrerie en rampant dans les fossés de la route de
Soissons.
A la nuit du 14, le
capitaine Duffet rentrait à Soissons, ramenant avec
lui 1 officier, 2 ou 3 adjudants et 188 hommes du 60ème et du 44ème.
Tel fut dans ses
grandes lignes, autant qu'il est possible de le reconstituer à cause de son
caractère « chaotique » et fragmentaire, le combat de Soissons. Ce fut un échec
pour les armes françaises, mais Montaigne n'a-t-il pas dit qu'il y a des
défaites triomphantes à l'égal des victoires?
Le 60ème a sauvé l'honneur de
l'armée et a assuré la retraite par sa belle conduite.
Malheureusement il
laissait sur le terrain 25 officiers dont le colonel et deux commandants, et
1.800 hommes de troupe.
Beaucoup de ceux-ci
furent faits prisonniers.
Avec ce qui restait du
régiment on put faire cinq petites compagnies. Elles furent dirigées sur Taillefontaine où les renforts arrivèrent.
Dès le 28 janvier, le
régiment était reconstitué par le nouveau colonel, Auroux, ……….
Historique du 64ème BCA (Anonyme, Berger-Levrault, sans date)
Crouy.
Le commandant ARDISSON vient prendre le commandement du
bataillon en remplacement du capitaine ROZIER.
Dans la nuit du 11 au 12, il prend position sur le rebord est
de la cote 132, à l'ouest de Crouy ; la brigade marocaine a pris deux lignes de
tranchées et un lacis impénétrable de boyaux, où il ne sera pas possible de se
reconnaître avant le jour.
Dès la pointe du jour, une préparation formidable
d'artillerie ennemie bouleverse toutes les tranchées, coupe les communications
; à 7 heures, les Boches s'avancent en colonnes par quatre, précédés par des
hommes sans armes et levant les bras; ces colonnes sont prises sous le feu des
75 qui font un carnage terrible et dispersent les assaillants, mais l'ennemi,
disposant d'importantes réserves dans les carrières souterraines de Pasly, revient toujours à la charge.
A 10 heures, le régiment qui est à notre gauche cède sous la
pression de l'ennemi qui arrive au bord du plateau.
Le bataillon résiste quand même sur place, dans l'espoir de
voir déboucher une contre-attaque qui le dégagera.
Mais l'ennemi, qui connaît parfaitement les lieux, continue
son infiltration. Ordre est donné d'abandonner la position ; le repli s'opère
sous le feu des positions que l'ennemi occupe sur la gauche du bataillon et une
centaine d'hommes ne peuvent se replier avant l'encerclement de la position ;
ils résistent quelques heures, mais n'ayant plus de munitions, ils sont obligés
de se rendre.
Le bataillon, réduit à l'effectif de 230 hommes, reçoit la
mission de tenir coûte que coûte la route Crouyla-Verrerie.
L'ennemi, qui ne se doutait pas qu'il avait devant lui des effectifs aussi réduits,
ne tente pas l'attaque qui lui aurait permis de prendre Soissons sans aucune
difficulté.
Dans la journée du 14, le 35e R.I.
vient renforcer le bataillon et contre-attaque ; il reprend le plateau, mais
reçoit l'ordre de se retirer, l'ennemi ayant percé le front dans le secteur de Sainte-Marguerite d’où avait été retiré le bataillon.
La plupart des ponts sont coupés par la crue de l'Aisne et la
retraite des troupes au nord de cette rivière s'opère dans des conditions très
difficiles ; l'ennemi vient occuper la berge nord de l'Aisne de Villeneuve à Missy.
Le bataillon, qui a perdu près de 500 hommes dans cette
attaque, est ramené à l'arrière, à Parcy-et-Tigny, où
il se repose, s'amalgame quelques renforts venus du dépôt….
A propos de la
bataille de Crouy en 1915, voici ce qu'écrivais à sa sœur un soldat du 44e RI
de Lons le Saunier qui avait combattu à Crouy
Il sera un peu plus tard affecté début 1916 comme conducteur au 107e
d'artillerie lourde (envoi de Michel-Jacques DU…)
Puisieux (Marne) le 21 janvier
1915 :
Je viens répondre à votre lettre
qui m'a bien fait plaisir
d'avoir de vos bonnes nouvelles.
Je vous dirais d'abord que je
suis toujours en bonne santé
malgré que nous avons passé de bien mauvais jours ces temps.
Nous sommes partis brusquement d'Hastines
où nous étions en repos, nous avons marché deux jours et deux nuits sans repos
ni nourriture, on a pris à peine le temps de faire du café. Il y avait depuis
le 8 janvier de
grandes attaques sur Soissons, nous avons été rappelés pour renforcer les
troupes qui occupaient les tranchées,
mais malheureusement cela a mal tourné pour nous.
Dans la nuit du 13 au 14 on a traversé l'Aisne, les 1er et 2e
bataillons étaient en avant, et nous nous sommes restés en arrière, on a passé
la nuit derrière un mur percé de créneaux prêts à tirer, mais nous n'en avons pas eu l'occasion.
A 4 heures du matin on vient nous prévenir
qu'il fallait repasser
l'Aisne, qu'on était sur le point d'être cerné, nous n'avons eu
que le temps de se retirer sans pertes,
mais il n'en a pas été ainsi pour les 1er et 2e bataillons qui ont été presque
entièrement détruits, surtout le 2e, il est revenu 150 hommes sur 1200.
Henri MAROT y est resté, je pense qu'il sera que
prisonnier, je n'ai pas pu savoir ce qu'il était devenu.
Sur 6 conducteurs qui étaient partis
avec moi il en est revenu rien qu'un, c'est bien triste de voir ça, c'est la 5e
fois que le 44e est éprouvé comme ça!
On compte les hors de combat à 6
ou 7 mille. On nous a ramenés
en arrière pour reformer le Régiment après 8 jours que nous
avions passés aux alentours de Soissons,
sans repos et sans abris par la pluie.
Nous avons fait 12 heures de marche , jamais je ne
me suis senti aussi fatigué, ça va bien maintenant, nous sommes logés dans une
grande ferme, je voudrais bien que l'on
y reste le reste de la campagne, le 44e a bien fait sa part, mais hélas on ne sait pas encore ce que l'avenir
nous réserve.
Espérons que la fin de toutes ces
tueries viendra bientôt. Dans l'espoir que ma lettre vous trouvera tous en
bonne santé, je vais
vous quitter en vous embrassant bien affectueusement. Tu diras
bien des choses à toute la
famille et à Maman quand tu iras à M...... Tu diras aussi à Tante
Victorine ce qui est
arrivé à Henri, tu diras qu'il est prisonnier quoiqu'il peut bien
être blessé ou tué, ils sont tous restés
aux mains des boches.
En attendant le bonheur de vous
revoir et de recevoir de vos
nouvelles je vous embrasse tous encore une fois.
Paul.