Les combats pour la prise de Loivres et de Berméricourt

16 avril 1917

 

 

un combat faisant partie de l’offensive française au Chemin des Dames d’avril 1917

 

 

Depuis la fin du mois de janvier, on préparait la grande offensive du Chemin des Dames.

L’offensive sur Loivres ici racontée par le Capitaine JULART du 23e régiment d’infanterie est une attaque typique de cette période, de ce côté elle a, en fait, rencontré que peu de résistance, les allemands furent surpris.

 

Le 16 avril 1917, 4h45

Une lumière pâle blanchit faiblement le ciel lourd de nuages.

Depuis hier, 18 heures, les canons du 4e régiment d’artillerie tonnent sans interruption. On dirait le roulement d'un tambour géant. Toute la nuit, vent et pluie. L'averse vient de cesser, mais le boyau est plein d'eau. On enfonce dans la boue jusqu'aux chevilles. 

5h30

 Au P.C. du colonel N.... grand, la taille svelte et bien prise, cheveux en brosse, moustache blonde, yeux clairs, les traits fins au ferme dessin ; physionomie d'intelligence et d'énergie. Il cause avec son adjoint et deux capitaines, jeunes gens gais, rieurs, déjà casque en tête, l'équipement mis et le ceinturon bouclé. La canne ferrée à la main, ils sont prêts à partir.

Il y a quelques jours à peine, ils organisaient joyeusement une fête et montaient une revue dont leur esprit avait fait les frais.

Dehors, le jour se lève, peu à peu. Maintenant c'est une clarté blafarde qui s'étend sur la plaine grise. Les deux capitaines vont rejoindre leur compagnie. Le colonel leur. serre la main.

« C'est bien ! Allez ! Je vous rejoindrai là-bas.»

5h45

Dans la parallèle de départ.

Sous la pâle lumière du petit jour, les hommes sont accroupis à même la boue, au rond de la tranchée, adossés aux parois. Les uns dorment, le casque sur le nez, la bouche entrouverte. Les autres, placides, fument une cigarette.

Ce sont des jeunes, classes 16 et 15. Leur bonne figure colorée prend dans le sommeil une expression enfantine.

5h55

Tout le monde est debout, le fusil à la main, baïonnette au canon on boucle une dernière bretelle. D'un coup de main, on recule la musette et hop ! 

6h00

Sans bruit, sans un mot, les hommes montent sur la plaine en s'aidant des genoux prenant le fusil que leur tend un camarade déjà grimpé. D'un pas vifs, ils s’éloignent, la baïonnette haute vers la tranchée boche. Pas de cris de commandement. Par petits groupes, isolément, ils vont en silence , sans l'ombre d'une hésitation. Chacun sait où il doit parvenir et pâleur froide du matin, s'y dirige tout droit.

Les mitrailleuses crépitent. Les balles miaulent. Les obus rageurs craquent déchirement effroyable, une fumée noire et le vrombissement des éclat, il de toutes parts... La vague avance toujours. Les hommes contournent tranquillement les îlots de fils de fer qui ont échappé au marmitage.  

6h30

Sous le tir de barrage, le bataillon a franchi les 300 mètres qui le séparait de la première ligne boche.

Un obus vient d'éclater aux pieds du colonel N....

Deux de ses agents de liaison sont tués, lui renversé, touché au pied, au bras et au côté. Les sifflement d'un crissement continu. Le fracas de la canonnade augmente. La plaine est fulgurante d'éclairs. Le commandant  P... prend le commandement du régiment; le capitaine A.. du bataillon.

 

A travers les fils de fer hachés dont il ne reste plus rien, les 2e et 3e compagnie occupent la tranchée allemande du bois de Séchamp, c'est-à-dire la dernière de la première position boche, tandis que la 1e compagnie nettoie à chaque tranchées franchies et renvoie à l'arrière 50 prisonniers. 

7h00

L'horizon se dégage. La masse sombre du bois du Champ du Seigneur se détache dans le soleil.

Le bataillon, déployé comme à la manoeuvre attaque, la 2e compagnie à gauche en direction de la corne Nord du bois et la 2e compagnie au centre vers la corrne ouest, et la 1e compagnie au Sud

Appuyé sur la gauche par le bataillon M..., il marche de l'avant avec le  bataillon D... ils ont le soin de nettoyer le terrain conquis ; des prisonniers, des mitrailleuses, des minenwerfer, sept pièces de 77, tel est le butin.

 

Nous progressons vers le bois du Champ du Seigneur dont les organisations  interdisent seules désormais l'accès de la deuxième ligne boche la position  intermédiaire est enlevée. On s'empare d'une mitrailleuse et de 50 prisonniers dont 20 officiers.

entre la 3e compagnie et des groupements ennemis. On se bombarde de grenades à bout portant.

 

En quelques minutes, la 3e compagnie n'a plus d'officiers.

Mais ses braves avancent toujours. 50 « feldgrauen », dont 20 officiers, sont faits prisonniers.

La lisière extérieure du bois est occupée.

Cependant, une autre compagnie du 23e régiment, conduite par son chef le capitaine J..., enlève successivement à la baïonnette une batterie de 130 et deux batteries de 77, clouant les servants sur leurs pièces ou les capturant.

Les Boches s'enfuient vers les boyaux qui mènent à leur deuxième ligne. On les voit, larves grises ramper sur la terre blonde, se laisser rouler par-dessus les parapets tant ils sont pressés. Le capitaine P..., commandant la compagnie de mitrailleuses, fait braquer en hâte ses pièces et, de son feu roulent, écrase sur place les larves qui n'ont pas eu le temps de se mettre à l'abri.

7h20

Le bataillon s'organise sur la lisière est du bois du Seigneur et se prépare à attaquer la deuxième position boche.

Elle emprunte, ici, la voie ferrée Reims-Soissons. Un glacis de 600 mètres environ de largeur nous en sépare. Les Boches balaient de mitraille cet espace libre ; 150, 210 s'y écrasent.

Mais nous voyons avec joie nos 95 (4e régiment d’artillerie) s'abattre sur les lignes ennemies et faire monter en l'air leurs colonnes de terre et de fumée. Le soleil, comme une nappe d'argent en fusion, étincelle entre les nuages et répand sa fraîche lumière silice champ de désolation. 

7h50

L'attaque contre la deuxième position est déclenchée. Par les boyaux, par la plaine, la vague progresse. Dans un boyau, une mitrailleuse boche continue à tirer. Un lieutenant s'élance.

Robillard ! Crie-t-il à un de ses fusiliers-mitrailleurs qui se trouve à côté de lui jeune classe 16, mais solide Bourguignon taillé en force, Robillard, viens avec moi.

Suivi du poilu, il saute dans la tranchée boche, à coups de revolver brûle la cervelle des trois servants et s'empare de la mitrailleuse : elle ne gênera plus notre avance. 

8h20

Voici la voie ferrée. Un talus de plus de deux mètres... « A la baïonnette! »

Le talus est escaladé. Rien ne résiste. Les Boches sont bombardés dans leurs abris (de vraies casemates), assommés, cloués sur les parapets. Toute la ligne est enlevée jusqu'à la hauteur de Loivre. Les « feldgrauen » sortent de leurs niches et se sauvent, en levant les bras, à l'arrière de nos lignes.

Le soleil, maintenant,dore la plaine et fait étinceler, devant nos troupes, les murs blancs de Berméricourt.

8h30

Tandis qu'à droite et à gauche les autres régiments (23e et 60e) prononcent leur mouvement en avant, le 35e régiment d'infanterie marche sur Berméricourt, son colonel en tête

Depuis le début de l'action, il mène le train avec sa première vague d'assaut. Il entre dans Berméricourt.

Oublie les balles qui, brusquement, miaulent aux oreilles, les soldats trépignent de joie.

400 prisonniers prennent le chemin de Paris, pendant que quelques hommes poursuivent les Boches en fuite sur les pentes de Brimont.

A droite, le 60e déblaie vaillamment le terrain devant lui.

9h15

Le soleil se cache. Les Boches écrasent les tranchées et les batteries conquises. Mais la division s'organise sur le terrain qu'elle vient de si brillamment enlever, prête à résister à toutes les canonnades et à toutes les contre-attaques.

 

En trois heures, elle a accompli une avance de 3 kilomètres en moyenne et de plus de 4 sur certains points. Les trois vieux régiments qui, depuis l'offensive d'août 1914 jusqu'à la Somme, en passant par la Champagne et Verdun, ont été de toutes les attaques et de toutes les gloires, viennent d'ajouter à leur histoire une nouvelle page d'héroïsme.

 

CAPITAINE JULART

 

Passage de l'historique du 60e RI, concernant cet épisode

 

D’autres épisodes de la bataille du chemin des Dames :

 Combats de  Berry au Bac et Juvincourt

 Les combats de Soupir

 Bataille de Laffaux

 

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