Les
crimes des Conseils de guerre
(Le
texte semble daté de 1925)
Chapelant
La seule condamnation du
lieutenant Chapelant, évoquée dès le moins de mai 1920 par le Progrès Civique, suffirait à
déshonorer les cours martiales.
Le 7 octobre 1914, le 98e de ligne,
commandé par le lieutenant-colonel Didier, se trouve engagé dans une action
devant le bois des Loges.
Le lieutenant
Chapelant, chef de la section de mitrailleuses du régiment, occupe une position
au nord du village de Roye, près de la voie ferrée, avec la 3e compagnie,
commandée par le capitaine Rigaud.
À 5 heures du
matin, après un violent bombardement, la section Chapelant aperçoit à 100
mètres un détachement d'artillerie allemande. Les "moulins à café"
sont mis en action. Les fantassins ennemis reculent ; mais ils reviennent
bientôt avec des renforts considérables.
Une des deux
mitrailleuses françaises est bloquée.
Par une poussée
générale, l'ennemi déborde à droite et à gauche la tranchée où se trouve
Chapelant.
"Dès ce moment, me raconte un de ceux qui vécurent ces heures tragiques, nous recevons des balles de tous les
côtés. La mitrailleuse que je servais continue sa besogne. Mais bientôt deux
projectiles la mettent hors d'usage. J'en rends compte au lieutenant qui me
répond : défendez-vous avec vos mousquetons. Hélas ! Nous n'avions plus de
munitions. Nous étions, en outre, très inférieurs en nombre. La situation
devient de minute en minute plus critique.
On apprend que le capitaine Rigaud a été
tué, que les hommes de la 3e compagnie ont été capturés. Chapelant sort de la
tranchée pour voir ce qui se passe. Plusieurs camarades le suivent. Ils sont
cernés par un fort détachement allemand et faits prisonniers.
Une balle blesse Chapelant au genou.
Les mitrailleurs Peillon,
Mortan, Bost réussissent à
s'évader."
Ce court récit,
il faut le dire tout de suite, est conforme dans ses grandes lignes à celui de
tous les témoins de cette mêlée confuse.
L'un d'eux, M.
Boiteux, caporal-armurier à la section de
mitrailleuses commandée par le sous-lieutenant Chapelant, écrivait le 14 avril
1916, au père du malheureux officier :
« Je réponds à votre lettre en
m'efforçant de vous dire ce que je sais sur votre fils, le sous-lieutenant
Chapelant du 98e R.I., sur les faits du 7 octobre 1914.
J'étais mitrailleur armurier dans la
section que commandait votre fils.
Depuis le 5 octobre, nous étions en
position avec nos mitrailleuses, près de la voie ferrée de Beuvraignes, en
avant du château des Loges. Le 7 octobre, dès la première heure, nous subîmes un
bombardement très violent des Allemands ; et, vers 5 heures du matin le
bombardement cessa subitement. À ce moment, nous nous rendîmes compte que
l'infanterie boche était à environ 100 mètres en avant de nos positions. Nos
mitrailleuses aussitôt mises en action arrêtèrent par leur feu l'avance des
Boches.
Cet arrêt ne fut que momentané, car les
Boches revinrent en plus grand nombre.
À ce moment, nous avions une mitrailleuse
de bloquée, ne fonctionnant plus. Les Boches, faisant une poussée générale,
débordèrent, en la dépassant aux deux extrémités, la tranchée où nous étions,
nous coupant ainsi toute retraite, à environ 25 mètres en avant. Le sergent
major qui commandait une section de la 3e compagnie se trouvait à environ 30
mètres de l'endroit où nous étions. Il envoya un pli au lieutenant lui disant
que les Allemands étaient dans le village.
Le lieutenant lui fit répondre d'envoyer un
homme auprès du colonel pour prendre des ordres. Le sergent major lui répondit
qu'il en avait envoyé un, mais qu'il avait été tué en route, ce à quoi le
lieutenant lui fit dire d'en envoyer un autre mais déséquipé.
C'est à ce moment que les Boches qui
occupaient la position indiquée plus haut s'apprêtaient à nous cerner. Une
seule de nos mitrailleuses continuait à tirer : c'était celle de votre fils.
Mais à la suite d'un éclat d'obus reçu,
cette pièce fut bloquée à son tour, et nous ne pouvions plus tirer.
Les Boches nous firent signe qu'il fallait
nous rendre. Le lieutenant sortit seul de la tranchée pour se rendre compte de
la situation, et c'est alors qu'il fut blessé par une balle allemande, se
trouva sur le talus du chemin de fer et il tomba.
Mes camarades mitrailleurs, Mortan, Bost, Peillon
et Monnier qui voulaient sortir de la tranchée, furent aussitôt faits prisonniers,
et les Boches renvoyèrent Mortan pour dire à ceux des
nôtres qui restaient encore qu'il fallait se rendre. Mortan
resta avec nous et personne ne se rendit. Bost, qui
était prisonnier des Boches, réussit à leur échapper le même jour pour venir
nous rejoindre vers une heure de l'après-midi, et Peillon
leur a échappé pour nous rejoindre le même jour à la faveur de la nuit.
Voilà les
faits.
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Le soir même, le
lieutenant-colonel Didier réunit les débris de la section de mitrailleuses,
neuf hommes en tout, pour la réorganiser.
"Il est impossible de reconstituer le
groupe, observe le caporal Pellardy. Le lieutenant est blessé, le sergent est
tué.
- Formez une équipe d'une pièce, répond le lieutenant-colonel, qui ajoute
dans une crise de rage : "quant au
lieutenant, il s'est conduit en lâche. Il est chez les Allemands, qu'il y reste
! Cela vaudra mieux pour lui."
Cet officier supérieur s'était mis en esprit
que Chapelant avait capitulé devant l'ennemi.
Dans la soirée,
à un de ses subordonnés qui lui demandait les nouvelles de l'action, dont la
fin avait été heureuse pour nous, il répondait :
"Sans ce cochon de Chapelant, ce
serait le plus beau jour de ma vie. On a tiré sur lui et ses hommes au moment
où ils se sont rendus. Chapelant a été blessé par une balle française. Il n'a
qu'à crever comme un chien."
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En fait,
Chapelant, au moment même où ses chefs l'accusaient de lâcheté, n'avait qu'une
préoccupation : échapper aux Allemands pour retrouver ses camarades.
Et il y réussit malgré
sa blessure.
Le 8 octobre, le
lieutenant-colonel Didier est informé qu'on a vu le lieutenant Chapelant,
blessé, sur le terrain.
"Qu'on aille le chercher ! Ordonne-t-il, je le ferai fusiller pour exemple. "
Dans la matinée
du 9 seulement, c'est-à-dire après qu'on ait laissé le blessé une nuit entière
là on l'avait aperçu la veille, les brancardiers Coutisson,
Sabatier, Goulfes vont le ramasser. Ils le trouvent
étendu à 50 mètres environ de la voie ferrée. Chapelant est épuisé. Péniblement
il raconte qu'il a profité du brouillard pour s'évader.
Mais ses forces
l'ont trahi.
Il n'a pu se
traîner jusqu'à nos positions.
On le porte tout
d'abord au poste de secours, à 600 mètres en arrière, puis en le conduit à
l'ambulance du Plessis, à environ 4 km des Loges.
Pour ne pas
perdre de temps, le lieutenant-colonel Didier donne l'ordre de l'amener, le
jour même, au château des Loges où il doit subir un premier interrogatoire.
Le soldat Bierce retourne donc au Plessis, et Chapelant, à qui chaque
mouvement arrache un cri de douleur, est transporté au château.
Dans la cour, le
lieutenant-colonel attend.
Il aperçoit le
tombereau dans lequel le blessé est étendu.
Il s'avance et
questionne Bierce.
"Qu'amènes-tu là, toi ?
- le lieutenant Chapelant, mon colonel.
- comment dis-tu ? Le lieutenant ! Ce n'est
pas un soldat ! C'est un lâche !"
Le blessé est
immédiatement conduit dans une pièce, où autour du colonel, plusieurs officiers
sont réunis.
Que se
passe-t-il alors ?
Nul n'a pu le
dire.
Tandis que les infirmiers
le reconduisaient au Plessis, Chapelant prononce cette seule phrase : "Pourquoi le colonel ne menace-t-il de
me faire fusiller ? J'ai cependant fait tout mon devoir."
Le lendemain, le
lieutenant, toujours couché sur son tombereau, refait le trajet entre
l'ambulance et le château.
Cette fois Bierce entend le colonel l'injurier, le traiter de lâche,
lui dire :
"Tiens, voilà mon revolver. Brûle toi
la cervelle pour ne pas prouver ta lâcheté une seconde fois !
- je n'ai pas à me brûler la cervelle, puisque
je suis innocent."
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Comment a été
conduite l'instruction contre le lieutenant Chapelant ?
Une pièce se
trouve dans le dossier – qui est actuellement aux archives du ministère de la
guerre – va nous le dire.
C'est un morceau
de papier jaune, sale, chiffonné, écrit au crayon.
On y lit :
Le 7 octobre,
vers douze heures, le sergent C... était dans la même tranchée que moi. À un
moment donné, il a fait passer un papier disant que les Allemands avaient
occupé le village. Je lui ai fait une demande (sic) : en êtes-vous bien
sur ?
- R. c'est ce
qu'on me dit de la droite de la tranchée ;
Je lui dis :
c'est un compte rendu au colonel relatant la mort du capitaine Rigaud, le
nombre de vos tués et blessés, et l'état moral de vos hommes. Le gradé et les
hommes qui le porteront s'assureront si le village est occupé. Je ne sais pas
si le gradé y est allé. Le sergent major transmet à nouveau que le village est
occupé par les Allemands et que le colonel allemand demandait à voir le
commandant de la tranchée.
Alors je lui ai
dit : faites ce que vous devez faire. Puis toute la compagnie partit vers les
lignes allemandes. Mes hommes (mitrailleurs) m'ont dit : "la compagnie se
rend."
Alors j'ai dit :
suivons ! !
Nous avions jeté
nos armes.
Le capitaine
allemand qui causait français nous a fait coucher, puis a dit : si vos
camarades ne se rendent pas, je les fait (sic) attaquer par deux
bataillons. Un sergent de la 3e compagnie est allé voir s'il restait encore du
monde dans la tranchée évacuée ; je ne sais pas ce qu'il est advenu.
À gauche de la
voie ferrée et à 50 mètres, se trouvait une tranchée française occupée par une
dizaine d'hommes ; il fit sortir deux d'entre nous pour leur faire signe de se
rendre. Comme ils ne bougeaient pas, il appela le lieutenant ; je me présentai.
Il me dit d'aller vers les deux hommes et d'agiter le mouchoir, ce que je fis ! !
À ce moment, je
fus blessé et je me mis à l'abri derrière la voie ferrée de la tranchée
allemande. Les autres étaient derrière la ligne allemande ; je ne sais pas ce
qu'ils sont devenus.
Hier matin deux
hommes valides qui étaient restés sont passés dans les lignes françaises ; ils
ne m'ont pas emporté.
Les Allemands
ont réoccupé leur tranchée dans la journée. Le soir ils attaquèrent et furent repoussés,
et ce matin j'ai rejoint (avec un homme) (ceci en surcharge) la 3e compagnie en me traînant vers les lignes françaises.
Lu et approuvé
conforme à mes déclarations textuellement enregistrées.
J. CHAPELANT E. GRAPIN
Dans l'angle
gauche, en haut et en travers, cette date :
"9 octobre
17 heures."
Ce document
n'est pas de l'écriture de Chapelant.
Mais quel était
ce Grapin ?
Aucun des
témoins auxquels je m'adressai en 1921 ne pût me donner la moindre indication.
Fort
heureusement, à la suite de la campagne du Progrès Civique et de
l'intervention de la Ligue des Droits de l'Homme, le Garde des Sceaux, au
commencement de 1922, chargea la Cour d'Appel de Riom de procéder, aux fins de réhabilitation,
à une enquête sur les circonstances de la condamnation du jeune officier.
On pût ainsi
établir l'identité du signataire de cette fameuse pièce sur laquelle se sont
appuyés les juges militaires.
M. Grapin, capitaine à l'époque où se sont déroulés les faits,
est maintenant chef de bataillon au 98e R.I. à Roanne. Entendu par voie de
commission rogatoire, il a exposé dans quelles conditions avait été établi son
rapport.
Je ne faisais
point partie du 98e d'infanterie, au mois d'octobre 1914, lors de l'affaire
Chapelant, a-t-il déclaré. J'étais alors capitaine à l'état-major de la 50e
brigade d'infanterie comprenant les 16e et 98e régiments.
Le 7 ou le 8
octobre, le colonel Pentel commandant la brigade
avait appris très sommairement par le lieutenant-colonel Didier, que le
sous-lieutenant Chapelant était passé avec une trentaine d'hommes.
Le matin du 9
octobre, le colonel Pentel, ayant appris que le
sous-lieutenant Chapelant, blessé, avait été amené au poste de commandement de
la brigade, prescrivit d'aller l'interroger, non pas comme officier de
police judiciaire mais comme officier d’état-major, pour en obtenir des
renseignements pouvant intéresser les opérations.
‘“Je me suis
rendu en conséquence auprès du sous-lieutenant Chapelant que j'ai trouvé sur la
paille, une jambe brisée. Je lui dis en l'abordant que le commandant de la
brigade m'avait chargé de lui demander comment il avait quitté nos lignes et ce
qu'il avait fait depuis ce moment jusqu'à son retour dans nos positions.
Sur sa réponse qu'il
était prêt à tout me raconter, je me suis mis en mesure d'écrire au crayon sur
une simple feuille de papier, la teneur de ses déclarations.
Je dois vous
dire que dès le commencement de son récit, Chapelant m'a paru très déprimé,
physiquement et surtout moralement, et qu'il n'a pas semblé se rendre compte de
la portée et de la gravité de son récit.”
Il nous faut
mentionner que la pièce fut rédigée par le capitaine Grapin,
vers 9 ou 10 heures, derrière un pan de mur démoli et "sous le
bombardement". Ceci explique certaines particularités notamment dans le
style sans précisions. Sous le bombardement, on n'a pas, il faut bien
l'admettre, le loisir de construire ses phrases, de les ciseler et d'en peser
le sens d'une manière satisfaisante.
Un fait est donc
acquis.
Lorsque le
capitaine Grapin a entendu Chapelant, celui-ci était
très déprimé physiquement et surtout moralement. Comme le fait remarquer
l'un des conseils juridiques de la Ligue dans les cahiers du 10 août
1922, il faut admettre qu'il n'a pas eu conscience de ce qu'il a dit ; le
capitaine a pu lui poser des questions auxquelles il a répondu sans comprendre
et aussi l'officier a pu consigner ce fait, contredit par de nombreux témoins,
que Chapelant aurait, des lignes allemandes, “agiter un mouchoir pour appeler
les soldats français restés à leur poste.”
Bref, après les
témoignages apportés devant la cour de Riom par le commandant Grapin, il est impossible de reconnaître la moindre valeur
à la pièce relatant que l'autorité militaire a appelé ceci les aveux du
sous-lieutenant Chapelant.
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Revenons à la
Cour martiale. Celle-ci se réunit le 10 dans une chambre du château des Loges.
Le commandant Gaube préside, avec comme assesseurs le capitaine Raoux, le lieutenant Bourseau. Un tout jeune homme, le
sous-lieutenant Lemoël, remplit les fonctions de
commissaire du gouvernement.
Pour la
troisième fois le tombereau transporte Chapelant aux Loges.
Aucun soldat
n'assiste à l'audience.
Voici l'acte d'accusation :
1° - le
sous-lieutenant Chapelant (sic) connaissait la mort du capitaine
Rigault, lorsque circula le premier papier du sergent major G... et, étant le
seul officier, n'a pas pris le commandement de la ligne de feu.
2° - le
sous-lieutenant Chapelant n'a rien fait pour contre-balancer
les assertions du sergent-major, ni pour empêcher de laisser circuler des
papiers dont la lecture était déprimante pour une troupe dans le moral était
déjà affaibli.
3° - le
sous-lieutenant Chapelant s'est rendu à l'ennemi sans aucune pression de la
part de cet ennemi, seulement parce qu'il avait vu une vingtaine d'hommes de la
3e compagnie qui agitaient des drapeaux blancs au milieu des lignes adverses.
4° - le
sous-lieutenant Chapelant, sans aucune menace de la part de l'ennemi, n'a pas
hésité à exhorter les soldats français restés fidèles au poste à se rendre.
L'accusé
Chapelant ; le rapporteur près du conseil de guerre ; Lemoël;
le greffier ; Rochard.
Aux Loges,
le 10 octobre 1914.
Voyons
maintenant le texte du jugement rendu.
XIIIe CORPS D'ARMÉE
25e division, 10e brigade
98e régiment d'infanterie
Acte de
jugement du conseil spécial de guerre du 10 octobre 1914
Le nommé
Chapelant Jean - Julien - Marie, né le 4 juin 1891 à AMPUIS (Rhône),
sous-lieutenant au 98e R.I., domicilié à Roanne,
Convaincu
d'avoir capitulé en rase campagne en faisant poser les armes à sa troupe et en
l'entraînant dans sa capitulation, sans avoir au préalable fait ce que lui
prescrivaient le devoir et l'honneur.
Est condamné à
l'unanimité des voix à la peine de mort avec dégradation militaire, par
application de l'article 210 du Code de justice militaire.
Le chef de
bataillon Gaube, président du Conseil de guerre.
Signé : Gaube
Le
capitaine Raoux, juge le
lieutenant Bourseau, juge
signé :
Raoux signé
: Bourseau
Aux Loges, le 10 octobre 1914
G. Didier
L'arrêt ne porte
la signature ni du rapporteur, ni du greffier.
Mais il est une
troisième pièce bien étrange, c'est le procès-verbal de la séance du Conseil de
guerre spécial :
IIIe ARMÉE, 13e CORPS D'ARMÉE.
25e division, 59e brigade
98e régiment d'infanterie
En exécution
des prescriptions d'une note du général de division, du 10 octobre.
Les Loges, le 10 octobre 1914.
Procès-verbal
de la séance du Conseil de guerre spécial du 98e, du 10 octobre 1914,
concernant le sous-lieutenant Chapelant.
ACTE D'ACCUSATION
Contre :
Chapelant Jean -
Julien - Marie, né le 4 juin 1891, à Ampuis (Rhône),
sous-lieutenant à Roanne.
Interrogatoire
de l'accusé.
Or, sous ce
titre : interrogatoire de l'accusé, que trouve-t-on ?
Le procès
d'aveux du sous-lieutenant Chapelant ?
Non point.
On trouve
uniquement l'acte d'accusation publié plus haut.
Puis :
D’après
l'interrogatoire précédent,
il résulte que les faits reprochés au sous-lieutenant Chapelant entraînent les conclusions
suivantes :
1° - le
sous-lieutenant Chapelant, étant le seul chef responsable de la ligne de feu
d'après le troisième paragraphe de l'interrogatoire précédent, tombe sous le
coup de l'article 210 du Code de justice militaire :
"Tout général, tout commandant
d'une troupe armée qui capitule en rase campagne est puni :
1 - de la peine de mort avec
dégradation militaire si la capitulation a eu pour résultat de faire poser les
armes à sa troupe ou si, avant de traiter verbalement, il n'a pas fait tout ce
que lui prescrivaient le devoir et l'honneur.
2 - de la destitution dans
les autres cas.
2° - d'autre
part, comme suite au paragraphe 3 de l'interrogatoire, il résulte que le
sous-lieutenant Chapelant s'est rendu coupable de provoquer ou favoriser la
désertion et qu'aux termes de l'article 242 du Code de justice militaire, il
doit être puni de la peine encourue par le déserteur lui-même (article 238 :
est puni de mort avec dégradation militaire, tout militaire coupable de
désertion à l'ennemi.)
Copies
certifiées conformes
Signée
: Didier
…d'après
l'interrogatoire !
ET IL N'Y A PAS
D’INTERROGATOIRE !!!
Et on est
réduit à mettre dans la bouche du sous-lieutenant Chapelant les allégations de
l'accusateur !
Remarquons,
d'autre part, que dans le procès-verbal, on précise deux chefs d'accusation :
1 - la
capitulation en rase campagne, prévue et punie par l'article 210 du Code de
justice militaire.
2 - la
provocation à la désertion, prévue et punie par les articles 238 et 242.
Mais alors se
pose une question : a-t-on communiqué aux juges le chiffon de papier des
prétendus aveux ?
Si oui, il faut
admettre qu'ils l'ont considéré comme sans valeur, puisqu'ils n'ont pas retenu
une partie des faits avoués.
Si non, il faut
admettre que les juges ont estimé ce document trop suspect pour en tenir
compte.
Ou bien,
malgré la date qu'il porte, n'avait-il pas été fabriqué encore ?
Enfin il reste à
signaler le rapport du commissaire du gouvernement :
13e CORPS D'ARMÉE
98e d'infanterie
Les Loges, 17 octobre 1914
Rapport du
Commissaire du gouvernement, rapporteur au Conseil de guerre, concernant
l'affaire Chapelant.
Le 7 octobre
1914, le sous-lieutenant Chapelant s'est rendu à l'ennemi entraînant sa troupe
dans sa reddition dans les circonstances indiquées au rapport joint à l'acte
d'accusation. À la suite de quoi, le lieutenant-colonel commandant le 98e
ordonna la mise en jugement du sous-lieutenant Chapelant devant un Conseil de
guerre spécial.
L'accusation
reproche au sous-lieutenant Chapelant de s'être rendu à l'ennemi sans aucune
pression de la part de celui-ci, seulement parce qu'il avait vu une vingtaine
d'hommes de la 3e compagnie agiter des drapeaux blancs et d'avoir entraîné sa
troupe dans les lignes adverses.
Chapelant reconnaît
les faits et appose sa signature sur la pièce rapportant l'interrogatoire. Il
allègue pour sa défense l'état de dépression extrême dans laquelle il se
trouvait, ainsi que son isolement du régiment. L'accusation lui reproche de
n'avoir pas essayé de se mettre en liaison et de n'avoir pas su résister aux
bruits que faisait courir le sergent-major G... Comme conclusion d'enquête, le
rapporteur conclut à la responsabilité du sous-lieutenant Chapelant, seul
officier restant sur la ligne de feu et déclare qu'il tombe sous le coup de
l'article 210 du Code de justice militaire.
Le
rapporteur Lemoël.
Vu et transmis : les Loges,
le 18 octobre 1914.
Le lieutenant-colonel Didier,
commandant le 98e
signé : Didier
Cette pièce est
datée du 17 octobre 1914. Elle a donc été rédigée sept jours après le jugement,
six jours après l'exécution.
"Nous
déclarons ne pas comprendre, écrivent les Conseils juridiques de la Ligue
des Droits de l'Homme. D'après le code de justice militaire, le rapport
doit être fait avant la mise en jugement."
COMMENT
EXPLIQUER QUE, DANS CETTE AFFAIRE, LE RAPPORT AIT ÉTÉ FAIT UNE SEMAINE APRÈS ?
Voici une
explication plausible : lorsque le dossier de l'affaire parvint soit à la
Division, soit à un échelon supérieur, on s'aperçut que le rapport du Commissaire-rapporteur manquait. On demanda au
lieutenant-colonel Didier de le... joindre. Ordre fut donné au sous-lieutenant Lemoël d'en rédiger un. Cet officier rédigea alors le
rapport, mais il ne l'antidata pas.
Relevons que c'est
dans cette pièce, postérieure de 7 jours au jugement, qu'il est parlé pour la
première fois des aveux écrits. Nous y lisons cette phrase : "Chapelant
reconnaît les faits et appose sa signature sur la pièce rapportant
l'interrogatoire."
Insistons sur ce
point :
Ni dans l'acte
d'accusation, ni dans le jugement, ni dans le procès-verbal de la séance du
Conseil de guerre, on ne fait la moindre allusion aux aveux signés de
Chapelant.
On n'en parle
pour la première fois que dans une pièce postérieure de sept jours à la
condamnation.
QUE DE
COMMENTAIRES, QUE D'APPRÉCIATIONS, QUE DE SOUPÇONS NE PEUT-ON FONDER SUR CETTE
BIZARRE CONSTATATION.
Lorsqu'ils
écrivaient ces lignes, nos amis de la Ligue ne connaissaient point certaine
pièce découverte au cours de l'enquête par le conseiller de la Cour de Lyon,
pièce qui apporte la preuve irréfutable que Chapelant a été condamné par ordre
:
13e Corps d'Armée
La
poste, 9 octobre, 13 h 15.
Le général Demange, commandant la 25e division, au colonel Pentel, commandant la 50e brigade.
Le
sous-lieutenant Chapelant doit être immédiatement livré au Conseil de guerre
spécial du 98e d'infanterie, lequel saura, je n'en doute pas, faire son devoir.
Signé
: Demange
Lequel saura
sans doute faire son devoir.
Qui osera contester la signification de cette formule ? Le lieutenant-colonel
Didier, lui, alla plus loin et apporta à ses subordonnés des précisions,
d'après le témoignage de M. Richard, qui fut greffier du Conseil de guerre
spécial. Interrogé lui aussi par un magistrat de Riom, M. Richard a déclaré :
Le colonel
Didier, commandant le régiment à cette époque, a insisté avant l'audience
auprès des membres du Conseil de guerre spécial, sur la nécessité et
l'opportunité de faire un exemple, et je me rappelle avoir entendu le colonel
Didier dire alors au commandant Gaube qui devait présider le conseil :
"Vous entendez Gaube, il faut me le
fusiller"
Le commandant
Gaube n'a rien répondu. Sans pouvoir appuyer mon opinion sur un fait précis
quelconque, j'ai cependant l'impression, que je conserve encore, que l'opinion
du colonel Didier a dû beaucoup influencé sur l'esprit des juges, tous
officiers du 98e régiment d'infanterie dont le colonel Didier était le chef,
qui était redouté en raison de son intransigeance et de sa sévérité.
"Vous entendez Gaube, il faut me le
fusiller" peut-on imaginer un ordre plus net, plus
abominable !
------
L'arrêt de mort
rendu, le lieutenant-colonel Didier, poussé on peut le croire – et son attitude
cynique avant la réunion de la Cour martiale et au moment de l'exécution le
montrera bien – par le désir de couvrir sa responsabilité plus que par remords,
manifeste un scrupule.
Pendant
l'audience, il a vu, sans s'émouvoir, Chapelant brisé par d'intolérables
souffrances.
Mais il feint
d'avoir pitié.
C'est un pauvre
être infirme et déjà martyrisé qu'il va falloir passer par les armes. Quel que
soit son désir de faire un exemple, Didier hésite.
Il ordonne
d'abord que le condamné soit reconduit à l'ambulance, puis téléphone à la
Division pour demander au général Demange qu'il soit
sursis à l'exécution jusqu'à la guérison de l'officier mitrailleur.
Le général
refuse.
Il adresse au
colonel l’ordre suivant :
13e Corps d'Armée
25e Division
Q.G., 10 octobre 1914
le général commandant la 25e division
d'infanterie au colonel commandant le 98e d'infanterie, sous le couvert du
colonel commandant la 50e brigade.
Vous avez
demandé des instructions concernant l'exécution de la sentence prononcée
aujourd'hui par le Conseil de guerre spécial du 98e régiment d'infanterie
contre le sous-lieutenant Chapelant de ce régiment.
Le colonel
commandant la 50e brigade, le général commandant la 25e division et le général
commandant le 13e Corps d'armer estiment que la justice doit suivre son cours.
Vous devez donc
vous conformer aux prescriptions de la dépêche ministérielle nº 287 2/10 du 1er
septembre 1914.
Demange
À ce texte
officiel une lettre était jointe :
Mon Cher Didier,
Je comprends et partage vos scrupules,
croyez-le bien. Mais la loi nous domine tous deux. Vous trouverez demain, avec
l'aide de votre médecin, le moyen de mettre debout ce malheureux avant de le
faire tomber.
Signé
: Demange
P.S. le colonel Pentel estime à juste titre à mon avis, que doit être passé
outre à la considération que vous faites valoir et qui importe peu, puisqu'il
s'agit d'enlever la vie à cet homme, et ce serait une aggravation de peine non
prévue par le Code que de surseoir à l'exécution jusqu'à guérison de la
blessure du condamné.
L'aumônier Lestrade intervient à son tour auprès du général, mais en
vain.
L'exécution aura
lieu le 11 octobre à 9 h 45 du matin.
Aussitôt la
nouvelle connue, une vive agitation se manifeste parmi les hommes. Une
trentaine de soldats quittent même la tranchée pour venir protester contre cet
assassinat, et c'est alors que le lieutenant-colonel Didier, prévenu, se décide
à se rendre à l'endroit du supplice.
Mais,
auparavant, il va faire une suprême visite à Chapelant couché sur son brancard
au poste de secours.
Pour le
réconforter ?
Non.
Pour lui offrir
une seconde fois son revolver.
Le blessé
repousse l'arme.
"Je ne me tuerai pas, dit-il.
C'est contraire à mes principes. Et il ajoute : Je ne suis pas un lâche, j'ai fait tout mon devoir."
Les infirmiers
reçoivent alors l'ordre de l'enlever et de le transporter en face du château,
de l'autre côté de la route.
Chapelant,
absolument incapable de faire un mouvement, est ficelé sur le brancard qu'on dresse
ensuite contre un pommier.
À ceux qui font
cette affreuse corvée, une dernière fois, il répète :
"Je meurs innocent. On le saura plus
tard. Surtout ne dites rien à mes parents."
À ce moment le
peloton d'exécution, dissimulé dans un bosquet, apparaît.
Quelques
secondes...
Un
commandement...
Tout est fini.
Le brancard sur
lequel gît maintenant un cadavre est transporté dans une grange.
L'aumônier
récite les prières des morts et accompagne le corps jusqu'à la fosse commune où
il est inhumé.
Voilà le drame.
Un des rares
témoins, le docteur Paul Guichard, de Saint-Étienne, a adressé au père de la
victime à Ampuis une lettre émouvante où on lit :
« Ce sera pour moi, comme pour tout
ceux qui étaient présents, le souvenir le plus douloureux de cette guerre que
la vision de ce colonel, excité par la boisson, la pipe à la bouche et le
revolver au poing, se promenant à grands pas autour de la victime couchée sur
un brancard, gesticulant, vociférant des injures contre elle.
Chapelant a fait preuve d'un très grand
courage. On trouvera d'ailleurs cette attestation dans le petit rapport que
j'ai fourni à mon médecin divisionnaire, après l'exécution. Je veux que mon
attestation serve à préciser que, devant la mort, il n'a pas été un lâche.
Puisse justice lui être rendue ! Mais il
faut que celle-ci accable son colonel bourreau dont la conduite dans cette
affaire a soulevé l'indignation et l'écoeurement de tous ses officiers, de tous
ses soldats. »
Un autre témoin,
le brancardier Sabatier, écrit à la date du 24 avril 1916 :
« Le 11
octobre au matin, le jour de l'exécution, j'ai aidé à le sortir du poste de
secours. Nous l'avons déposé dans la cour du château. Alors le colonel fit
retirer les brancardiers et resta seul avec l'aumônier auprès de votre fils.
Ils eurent une altercation. Ensuite le colonel nous fit venir et nous
portâmes votre fils à l'endroit de l'exécution.
En route votre
fils m'a dit :
"Le colonel m'a offert son revolver
pour que je me tue ; je lui ai répondu que je n'avais pas à me tuer, que
j'avais fait mon devoir."
Il m'a dit aussi
qu'il avait demandé à être guéri avant d'être traduit en Conseil de guerre,
qu'on lui avait refusé.
Arrivé sur le
lieu de l'exécution, votre fils me toucha la main, me dit adieu et ajouta :
"Je meurs innocent, on le saura plus
tard. Ne dis jamais rien à mes parents."
C'est moi qui
l'ai attaché sur le brancard et l'adjudant qui commandait le peloton lui a
bandé les yeux. Était présent l'aumônier Lestrade qui
lui a fait baiser le Christ et qui l'a encouragé.
Lorsque votre
fils a été attaché et qu'il a eu les yeux bandés, le peloton d'exécution qui
était dans un bosquet s'avança et tira.
Votre fils était
mort. Je dois vous dire que le colonel était présent à l'exécution.
Nous le
transportâmes dans une grange où l'on a procédé à l'autopsie en face des
majors. L'aumônier Lestrade récita les prières des
morts et accompagna votre fils jusqu'à la fosse commune, où nous l'avons
inhumé. L'aumônier pleurait à chaudes larmes et était très peiné. J'ai même
entendu dire qu'il avait dit : "on vient de fusiller un innocent ". »
Un autre témoin
encore, M. Péroudon, avoué à Saint-Étienne, écrit à
la date du 15 mars 1920 :
« De l'exécution même, je n'ai connu
les détails que par ouï-dire. Cependant, le jour même, je rencontrai au cours
d'une liaison l'aumônier Lestrade, au bois du
Plessier, et comme je l'avais vu la nuit précédente, implorer le général, je
lui demandai si l'exécution avait eu lieu. Il me répondit que oui, que le lieutenant
Chapelant était mort courageusement, mais que le colonel Didier s'était mal
comporté.
"J'ai assisté, me dit-il et ce sont là
ses propres paroles, à des spectacles bien pénibles depuis le début de la
guerre. Je n'ai jamais assisté à un spectacle si écoeurant."
Comme
j'insistais pour avoir des détails, il détourna la conversation et je compris
nettement qu'il lui était pénible d'avoir à porter un jugement sévère sur le
colonel Didier.
Deux ou trois
jours plus tard, je rencontrai le docteur Guichard, mon voisin et ami, qui avait assuré le service médical de l'exécution.
Il me confirma
que le lieutenant Chapelant était mort courageusement ; mais que le colonel
Didier l'avait injurié avant de mourir et avait assisté à l'exécution la pipe à
la bouche. »
L'innocence de
Chapelant, elle, est encore établie par un autre témoignage dont l'importance
n'échappe à personne. Celui du lieutenant de Troismonts.
Cet officier fut
chargé en 1915 d'enquêter sur l'affaire Chapelant. Il fit un rapport dont on ne
retrouve, chose étrange, aucune trace dans les archives de la 25e division
d'infanterie, ni dans les archives du XIIIe corps dont dépendait cette
division.
Entendu lui
aussi par commission rogatoire de la Cour de Riom, le lieutenant Troismonts a fait mieux qu'apporter un témoignage verbal,
il a transmis au magistrat qui le faisait interroger, une pièce dont personne
ne songera à constater l'authenticité.
Le 11 mars 1922,
l'ancien officier écrivait, s'adressant au magistrat riomois
:
« Monsieur le Conseiller,
Vous m'avez fait l'honneur de faire
recueillir, par commission rogatoire, mon témoignage dans une affaire en
révision (affaire du lieutenant Chapelant).
J'ai pu retrouver, depuis, le brouillon de
la note que je fis à l'époque. Elle est ce qu'elle est.
Je me fais un cas de conscience de vous
l'adresser à toutes fins utiles.
Veuillez agréer, Monsieur le Conseiller,
l'assurance de ma haute considération. »
Troismonts.
NOTE
Il ressort de
l'ensemble de la procédure que la version Chapelant paraît sincère ; le récit
C...semble des plus suspect.
Il ne ressort
pas que l'ordre de se rendre ait émané de l'initiative du sous-lieutenant. Il
me semble au contraire qu'il ait mis une certaine ténacité à resister aux
suggestions venant de la droite...
Aucun témoignage
ne confirme au surplus, les allégations de C.. relatives aux instructions de Chapelant, en vue de
parlementer pour une reddition. Les témoins sont unanimes à dire qu'à aucun
moment, aucun papier suspect ne fut mis en circulation par G...
Rien ne permet
de dire qu'on se trouve en présence d'une défection générale. Tout porte à
croire au contraire de défections individuelles produites au centre de la ligne
(1re et 2e sections) dont font partie les sept inculpés susnommés...
Orvilliers,
le 11 février 1915
Troismonts
Faut-il quelque
chose de plus ?
Voici la
déposition faite le 8 mars 1922 par le sergent Badion,
aujourd'hui avocat, près de la Cour du Puy, qui, au cours de l'enquête, servit
de greffier au lieutenant de Troismonts. Il a déclaré
:
« De cette information, j'ai eu
l'impression bien nette que Chapelant n'était pas coupable du crime pour lequel
il avait été condamné et exécuté ; qu'il n'avait pas de munitions ; que ces
mitrailleuses étaient hors de services ; que bien loin de rendre sa troupe de
mitrailleurs et d'influencer la troupe voisine, il leur avait ordonné
d'attendre et donné des instructions pour se ravitailler et rendre compte de
leur situation ; qu'il avait été le dernier fait prisonnier, alors que toute résistance
lui paraissait impossible et croyant que tout était fini – après avoir vu les
hommes de la 3e compagnie sortis de leurs trous – qu'il avait subi une
contrainte physique et morale en montant sur le talus où il fut blessé
aussitôt.
Le lieutenant de
Troismonts avait demandé les pièces de la
condamnation au Conseil de guerre spécial du 98e. Elles parvinrent au Conseil
de guerre de la division.
Nous fûmes
stupéfaits au Conseil de guerre de voir ce qu'elles étaient. Ce jugement était
plus que sommaire et informe. Il indiquait que le crime était la capitulation
en rase campagne, crime spécial aux officiers supérieurs.
L'officier qui
avait été commissaire rapporteur était un jeune Saint-Cyrien
que je connus bien par la suite et qui a été tué, le lieutenant Lemoël, qui n'était pas majeur.
Nous fûmes
stupéfaits le lieutenant et moi, que les témoins de notre information n'aient
pas été entendus au 98e lors du jugement de Chapelant.
Il n'est pas
douteux qu’en présence de telles informations, de documents aussi probants, la
Cour Suprême prononce la réhabilitation de Chapelant.
L'affaire lui a
été soumise de nouveau le 20 février 1925 à la demande même du Ministre de la
Justice.
Mais Didier ?
Mais Demange ? Que va-t-on en faire ?
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