La bataille de guise

29 août 1914

 

 

La bataille de Guise fût un épisode glorieux pendant la retraite des armées françaises.

 

D’après le témoignage du lieutenant colonel Alphonse Grasset

 

Dés le soir du 27 août 1914, la 5e Armée va donc se prouver de nouveau en flèche, menacée sur ses deux flancs. Lanrezac envisageait déjà l'éventualité d'une retraite sur Laon pour le 28, quand le colonel Alexandre, du Grand Quartier Général, vient lui porter l'ordre de prendre l'offensive sur Saint‑Quentin.

 L'opération est scabreuse. L'armée est face au nord et c'est face à l'ouest qu'elle doit attaquer.

Or selon toute apparence, l'ennemi tient déjà solidement Saint‑Quentin, qu'il faudra emporter de haute lutte; et avant que Lanrezac n'ait eu le temps de préparer son changement de direction pour orienter ses forces vers le nouvel objectif qui lui est indiqué

 

Ne serait il pas lui même assailli en flanc par les colonnes allemandes déjà signalées au nord de l'Oise ?

Mais il s'ait de retarder la marche de l'ennemi, de dégager l'Armée anglaise épuisée, de permettre à l'Armée Maunoury d'entrer en ligne, de donner aux autres Armées le temps de se ressaisir et d'accepter la bataille sur les positions fixées le 25 août.

Il n'y a pas à discuter.

Mission de sacrifice. C'est pour un motif analogue que les cuirassiers de Michel chargèrent à Morsbronn, et, sur le plateau de Floing, les chasseurs et les hussards de Marguerite

 

 

Voici comment Lanrezac compte exécuter l'ordre qu'il vient de recevoir

 

Le gros de la 5e Armée, c'est à dire les 3e et 18e, Corps, renforcés respectivement des 37e et 38e divisions (l'Afrique, partant de la base Moy Origny; les 53e et 69e divisions de réserve, du général Valabrègue flanquant cette ligne à gauche : soit au total huit divisions qui se porteront à l'attaque de Saint Quentin, appuyées peut être par l'Armée anglaise, dont le concours a été sollicité.

Le 10e corps se tiendra en flanc aile droite, derrière l'Oise, en aval de Guise, face au nord, pour interdire à l'ennemi le passage de la rivière, médiocre obstacle bien facile à surmonter.

 

Le groupe Abonneau, comprenant la  51e  division de réserve du général Boutegourd et la division de cavalerie du général Abonneau, se tiendra dans la région Rumigny Rozoy, couvrant contre une manœuvre débordante probable de  Hausen le flanc droit du 10e Corps et les derrières des divisions engagée vers Saint Quentin.

Le 1e Corps d'Armée, en réserve à Sains Richaumont, sera prêt à se porter vers Saint Quentin ou vers Guise, suivant les nécessités de la bataille.

 

La réalisation de ce dispositif va maintenir la 5e armée sur l'Oise pendant toute la journée du 28  août.

 

Ce jour là ,le 28  août,  le général Haig, commandant le 1e Corps britannique, informait le général Lanrezac que le gros de l'Armée anglaise étant décidément hors d'état de combattre, lui même était dans l'impossibilité de participer à l'attaque de Saint Quentin ainsi qu'il l'avait espéré un moment  Les divisions de réserve Valabrégue remplaceront donc de leur mieux l'Armée de French: Elles viennent à Renansart.

Heureusement, si l'appui anglais fait défaut à gauche, à droite la 4e Armée résiste héroïquement aux furieux assauts de l'ennemi, dans la région de Signy l'Abbaye. Elle résiste, mais elle a devant elle des forces si considérables qu'il est sage de prévoir encore un prochain recul de ce côté.

Joffre est venu à Marles, au Quartier Général de Lanrezac.

Il est plein d'optimisme. Il attend de grands résultats de l'offensive sur Saint Quentin. Il ne change rien à ses ordres : « Pousser l'attaque à fond, sans s'inquiéter de l'Armée anglaise... »

Or, la nuit n'était pas encore tombée et nos colonnes s'acheminaient vers leurs emplacements de combat, quand, tout à coup, le canon tonne sur l'Oise.

Le 10e Corps chargé de garder la rivière, n'est pas à pied d’œuvre, et déjà une avant garde allemande a bousculé les avant postes qui couvraient Guise; elle est entrée dans la ville.

La division Exelmans, du 18e Corps (6e, 123e ,57e, 144e régiments d'infanterie et 24e régiment d’artillerie de campagne), se trouvait à proximité, allant vers l'Ouest. Elle s'arrête, rejette l'ennemi sur la rive nord, puis continue sa route.

Mais le lendemain 29, dés l'aube, Bülow prend une offensive vigoureuse.

Deux Corps d'élite la Garde et le X` Corps, abordent l'Oise entre Guise et Etréaupont. Notre 10e Corps résiste désespérément, mais recule. A droite, la 51e division de réserve, qui a fait face au nord, recule, elle aussi, et perd Voulpaix.

La situation est grave. L'attaque sur Saint Quentin ne peut désormais se déclencher, sous peine d'être prise d'écharpe.

Joffre est déjà revenu au Quartier Général de Lanrezac, transporté à Laon. Séance tenante, sous les yeux du Général en chef, le commandant de la 5e Armée modifie les ordres donnés la veille.

Le général de Mas Latrie, dont le 18e Corps est toujours renforcé par une division d'Afrique, demeurera seul chargé de l'offensive sur Saint Quentin; le groupe Valabrégue (la 53e division du général Perruchon et la 69e du général Le Gros) étaiera sa gauche.

Le général Hache, qui vient de prendre le commandement du 3e Corps, franchira l'Oise, et, au lieu de marcher sur Saint Quentin, obliquera à droite pour attaquer Guise par l'Ouest.

 

Le 10e Corps, reprenant l'offensive, attaquera la ville par le sud; le 1e Corps appuiera le 10e

Quant à l'offensive sur Saint Quentin, elle sera reprise, toutes forces réunies, dés que la barrière de l'Oise aura été rétablie.

Mais loin de pouvoir progresser, devant l'écrasante supériorité numérique de l'ennemi, le 10e Corps ne peut même pas maintenir ses positions; il recule, et, vers 10 heures du matin, l'ennemi paraît maître des ponts.

Le général Franchet d'Esperey, dont le 1e Corps accourt de la région de Sains, devançant ses divisions, est arrivé, au galop de son cheval, à la côte 172, d'où il découvre toute la vallée, depuis Guise jusqu' à Romery, ainsi que les plateaux surplombant la, rive nord. Justement l'épais brouillard qui, jusque 1à, avait traîné paresseusement sur la rivière, se levait...

Très en confiance, les bataillons allemands franchissent les ponts et les gués, couverts par des lignes de tirailleurs qui gravissent déjà les pentes sud. Les renforts s'étagent en espalier sur les plateaux d'en face, descendant vers les ponts.

 

Le 10e régiment d’artillerie de la 20e division, se retirait.

Franchet d'Espérey l'arrête. D'un geste, il lui montre les magnifiques objectifs qui d offrent maintenant a ses coups; et, tout de suite, nos canons prennent à partie à la fois les troupes d'assaut, les ponts et les renforts.

Ce fut magique. Le 10e Corps allemand qui menait ici l'attaque, s'arrête un instant, puis n'avance plus qu'avec prudence ; son élan est brisé; il perd un temps précieux. D'autre part, notre 19e division, qui a déjà reculé de six kilomètres, s'accroche à Leiné où elle tient la Garde en respect, tandis que la division Boutegourd et la division de cavalerie Abonneau neutralisent toute manœuvre enveloppante.

 

Il est 15h30, Franchet d'Esperey a maintenant tout son 1e Corps dans la main. Ce sont les magnifiques régiments de la division Gallet (43e, 127e, 1e, 84e, avec le 13e régiment d'artillerie) et ceux de la division Deligny (33e, 73e, 8e ,110e avec le 27e régiment d'artillerie). Il les jette en avant, après une effroyable préparation d'artillerie. De Jongueuse à Vervins, l'horizon s'est enflammé, sur un front de 20 kilomètres. Décontenancé, l'ennemi recule.

Le 1e Corps enlève Jonqueuse, Bertaignemont, Clanlieu, Puisieux et refoule le Xe Corps allemand sur Guise.

Defforges, à la tête de notre 10e Corps (48e, 71e, 41e ,70e, avec le 7e régiment d'artillerie de la division Bonnier (25e, 136e, 2e, 47e,appuyés par le 10e régiment d'artillerie de la division Ménissier), reprend à la Garde Sains  Richaumont, Colonfay et le Sourd, tandis que les réservistes des 208e, 233e, 243e 273e, 310e et 327e, conduits par le brave Boutegourd, lui arrachent Voulpaix, et que les cavaliers d'Abonneau (2e et 4e hussards, 28e et 30e dragons, 3e et 6e cuirassiers), se jettent hardiment dans son flanc et sur ses derrières.

Ne laissant qu'un rideau sur la rive sud de l'Oise, les deux Corps allemands, sérieusement éprouvés, se hâtent de repasser la rivière sous nos shrapnells, et battent en retraite vers le nord.

Pendant ces rudes combats, comme on devait s'y attendre, l'offensive sur Saint Quentin a revêtu la forme d'une démonstration.

Le 18e Corps était cependant parvenu jusqu'aux faubourgs de la ville, mais les divisions de réserve ayant été violemment attaquées à sa gauche, et refoulées d'Urvillers, où elles étaient arrivées, Jusqu'à l'Oise, il dut se replier, lui aussi, marré son succès, pour ne pas être pris en flanc.

 

 

La bataille de Guise demeurait cependant pour l'Armée française une belle victoire locale, susceptible tout au moins de gêner gravement les plans du Haut Commandement allemand. En attendant mieux, dés le 30 août, Bülow, fort mal en point, rappelait au nord de l'Oise les avant postes qu'il avait laissés, le 29 au soir, sur la rive sud de la rivière

 

 

Alphonse Grasset

Texte tiré de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes  Aristide Quillet, 1922 »

 

 

 

 

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