333e REGIMENT D'INFANTERIE

Librairie F. MONTBARBON (Belley)

 

 

Transmis par Simone DUB… retrouvé dans un grenier, d’une maison de Sigean (34) ayant appartenu un général ( ?)…, merci à elle

Recopié par Pierre BL…, merci à lui

Mise en page : c’est moi   J

Je possède la liste des tués au combat de ce régiment, si vous cherchez un nom, contactez-moi

Les cartes font partie intégrante de l’historique

 

I - L’Attente  (juillet – août 1914.)

Juillet 1914  - La France frémit. Depuis longtemps déjà un malaise général se fait sentir. L’Allemagne est agressive, de mauvaise foi, nous cherchant querelle.

La France aime la paix, elle la veut. Mais elle se doit à son passé d’honneur et de gloire militaire. Elle est décidée à ne pas subir d’humiliation. Elle se sent forte, car elle a le droit pour elle.

 

Le 2 août, la nation entière se lève en un élan patriotique, tel que jamais le peuple ne vit le pareil. En face, le Boche longtemps aux aguets, est parti pour « la guerre fraîche et joyeuse », pour la curée. La France, elle, surgit en un sursaut magnifique contre cette monstrueuse agression.

Tout ce qui peut porter une arme, tout ce qui peut se tenir debout, brûle du désir de défendre le sol sacré, de protéger les enfants, les femmes, les faibles. Chacun regrette d’avoir terminé son service militaire et envie les jeunes de l’Active. On voudrait partir avec eux. On a peur d’arriver trop tard, de ne pas voir l’Allemand face à face, l’arme au poing. On craint, puisque l’on part avec la réserve, de n’occuper que le terrain conquis par les autres. On chuchote avec envie, dans le Bugey, les noms de Wolkowitch, Kalish, Bautzen, Leipzig, lus naguère, les yeux étincelants et le cœur frémissant, dans les plis du 133e et l’on jalouse les jeunes frères qui vont ajouter de nouvelles gloires au vieux drapeau, parce que l’on craint de n’avoir pas l’occasion d’en attacher à celui du 333e.

Braves réservistes, arrivés du 3 août, vous attendiez avec impatience votre départ pour le front.

 

Le 7, vous quittiez Belley. Et ce fut une désillusion qui vous fit mal au cœur, comme le jour où vous avez perdu votre mère ou un de vos enfants, ce fut une peine infinie pour vous que de tourner le dos à l’Alsace où les jeunes s’illustraient déjà, en redonnant Mulhouse à la mère patrie.

Malgré le beau soleil, malgré la splendeur du pays, malgré la musique, le 333e avait froid au cœur en allant à Chambéry.

Du 9 au 19 août, rien n’y fit, ni les acclamations, ni les marches d’entraînement, ni les exercices de combat. Ce n’était pas le moment de faire la petite guerre, alors que les autres se battaient réellement. Et pour vous remettre de cette tristesse, il fallut l’embarquement du 20 août, le départ pour la terre lorraine, pour la gloire.

Réservistes du 333e vos craintes étaient vaines. Il y avait du travail pour vous. La France devait vous demander autant qu’à l’Active et vous avez donné ce que le pays attendait de vous.

Réservistes du 333e, votre sang s’est mêlé à celui de l’Active et des vieilles troupes d’élite. Vous l’avez versé comme les « Lions du 133e » vos frères. Comme eux, soyez fiers de votre Drapeau et de votre Ecusson.

Dès le début de la campagne, d’ailleurs, votre régiment est devenu lui-même régiment d’active, prêt à toutes choses, à donner autant qu’à recevoir.

 

II – La Bataille de Lorraine (août – septembre 1914)

 voir la bataille de Lorraine dans son ensemble

         Parti d’Aix-les-Bains le 20 août, le 333e sous les ordres du lieutenant-colonel Carlet, débarque à Charmes le 21.

En cours de route, on n’entendait parler que des exploits de l’Armée du Général de Castelnau qui avait atteint Dieuze et Morhange en territoire annexé. Tous étaient fiers et heureux d’aller de ce coté.

Et voilà qu’en débarquant à Charmes, circulent des rumeurs étranges. Nos troupes n’auraient pu vaincre la résistance allemande sur la ligne Sarrebourg - Dieuze – Morhange – Delme. Les Corps en réserve auraient été expédiés en toute hâte du côté de la Belgique où les Allemands étaient en force. Nos avant-gardes se replieraient même.

Bientôt les bruits se précisent ; des convois reviennent de l’avant.

Alors on allait les voir, les Boches, et aider d’abord l’Active à les arrêter et ensuite les reconduire chez eux. On allait travailler. On était un peu là, au 333e : on était dans la Trouée de Charmes, un des meilleurs endroits pour en voir et en tuer. On entrerait bientôt en Allemagne, en 1re ligne, en vrais conquérants.

C’est dans cet état d’esprit que le régiment quitte ses cantonnements le 24 à midi. Cette fois, il marche au canon. Chacun levait la tête plus haut qu’à la parade, l’œil vif et le jarret solide.

On traversa d’abord Charmes et sa forêt.

Au débouché, au milieu des tristes convois des paysans émigrant et des blessés évacués, on prit les formations de combat. Mais ce jour-là, on dut se contenter d’installer les avant-postes devant St Germain et Loro, malgré le désir de chacun de recevoir enfin le baptême du feu.

Quelques coups de fusils, quelques rafales de 75 éclatant vers Rozelieures, quelques obus ennemis parsemant les alentours suffirent à renseigner tout le monde : nous en serons bientôt. Premier bivouac de bataille, aussi parfaitement ordonné, plus vif, plus gai qu’un bivouac de manœuvre.

Le lendemain à l’aube, commence la marche en avant et les premiers obus allemands viennent saluer le régiment. Marche superbe dans un ordre parfait. Des fractions retirées momentanément du feu regardent passer et admirent. Tant de cran les surprend un peu chez des réservistes. C’est qu’on sait au 333e qu’ici les Boches doivent être arrêtés ; qu’à droite de la 74e D.I. à laquelle appartient le régiment, contre-attaque l’Armée Dubail ; qu’à gauche, les chasseurs alpins vont foncer sur Lunéville et il faut faire au moins aussi bien que ces troupes déjà aguerries.

On se bat donc avec une farouche énergie de l’aube à la nuit. Les avant-gardes boches sont bousculées, anéanties. Le village de Rozelieures est enlevé, on bivouaque plus loin, près du ruisseau d’Haucourt en avant-postes de combat.

 

Le 26, la poursuite continue. Le régiment, avant-garde de la brigade, arrive devant Remenoville. Le village est battu par un feu d’artillerie allemande des plus intenses et c’était courir à une destruction certaine que de pénétrer dans un pareil enfer. La localité est donc contournée, le 5e Bataillon sur la gauche, le 6e sur la droite. Quelques patrouilles ennemies sont repoussées par le 5e, tandis que le 6e tombe bientôt sous un feu d’écharpe de l’infanterie adverse embusquée dans les bois du Haut-de-Mont. Les compagnies lui font face et quelques éléments s’élancent à la baïonnette, mais l’ennemi démasquant des mitrailleuses, arrête notre marche. A cet instant heureusement, le 299e arrive à la rescousse et attaque le bois par le sud. Sous cette double pression, l’ennemi ne tarde pas à se retirer dans le bois de Guignebois.

Plein d’ardeur, ayant conscience que son arrivée a contribué dans une large mesure au changement de la situation, le 333e pousse jusqu’à l’entrée de Gerbéviller.

Alors commence une lutte dure, meurtrière, farouche, conduite dans des ruines – comme seul sait en faire le Boche – au milieu des populations terrorisées par ses cruautés et ses sauvageries.

Gerbéviller la martyre, tu as bien souffert, mais ton rôle a été grand. La haine du Boche que la vue de ta dévastation a insufflée aux vaillants du 333e, les premiers entrés dans tes ruines aux talons de tes bourreaux, a été pour beaucoup dans leur force indomptable, dans leur invincible élan !

 

Le 28, le 333e traverse la Mortagne et attaque à fond. Le Boche se défend désespérément, car il sent que s’il cède là, il est perdu.

Les pertes sont grosses si la gloire est grande. A bout de souffle, sans réserve pour alimenter ses efforts, le régiment se replie à la tombée de la nuit.

 

Le 29, en réserve près de Romenoville, il se reforme. Il n’y a déjà plus que 6 compagnies; mais des compagnies de héros qui veulent vaincre et qui vaincront.

 

Le 30, on attaque à nouveau. Le 333e marche d’abord en soutien du 36e colonial. Il progresse par le ravin de la Hongrie, franchit la voie ferrée au viaduc de Gerbévillier, traverse la Mortagne sur la passerelle de la Mort et attaque sur la rive droite, rivalisant d’abnégation avec les vieux coloniaux du 36e. Les pertes sont encore sérieuses. On tue des Boches, mais il semble que plus on en tue, plus il y en a et le soir, épuisé, le régiment cède la place à des Chasseurs.

 

Le régiment se reconstitue encore une fois, et dès le 31 au soir reprend sa place aux avant-postes en avant du viaduc de Gerbévillier.

 

Les 1er et 2 septembre, de petites tentatives des Boches, furieux d’avoir été repoussés, sont aisément rejetées. Leur artillerie fait rage ; malgré cela, on tient bon.

 

Le 3, des renforts arrivent : 800 hommes brûlant du désir de rattraper le temps perdu. Le 333e quitte le bois d’Einvaux et marche aussitôt, à la gauche de la Division, vers Damelevières où, dès le 4, il commence l’organisation de la rive gauche de la Mortagne.

 

Le 5, un régiment voisin attaque Rehainviller. Devant une puissante contre-attaque allemande, le 333e est engagé lui-même. Franchissant la Mortagne à l’est de Rehainviller, il rétablit la situation et installe ses avant-postes en avant de Mont-sur-Meurthe. La mise en état de défense continue, interrompue souvent par la nécessité d’aider le camarade dans ses efforts contre Rehainviller ou contre les attaques ennemies.

 

Du 4 au 12, ce furent des jours pénibles, sans le moindre repos, jours de combat et d’âpre travail, sous les obus, sous la pluie, sans progrès sensibles. Mais le Bugiste est brave comme il est endurant et il ne se lasse pas.

 

Le 9, enfin, il a le dernier mot. Il progresse d’une façon décisive sur le cimetière de Rehainviller et le village est enlevé. Pour exploiter son succès, il tente la nuit même une attaque sur Chaufontaine, en direction de Lunéville.

 

Les 10, 11 et 12, le combat continue acharné.

voir la bataille de Lorraine dans son ensemble

Le 12, le régiment atteint Hériménil puis la Meurthe.

Les Boches sont en retraite et les ponts sont coupés. Notre entêtement à attaquer sans relâche, notre volonté de vaincre ont eu raison de la résistance ennemie. Lunéville est délivrée, Nancy est sauvée. L’invincible ténacité des troupes de Lorraine a rendu possible l’immortelle victoire de la Marne en garantissant le flanc droit de nos Armées de Champagne.

 

Le 333e est fier en défilant, le 13 Septembre, dans Lunéville, en direction de la frontière.

Au cours de la poursuite, la Division ne s’arrête, sur ordre, que dans la Forêt de Parroy.

Aux avant-postes, le 333e occupe le secteur de Crion.

 

III - La garde en Lorraine (octobre 1914 – mai 1915.)

La France est sauvée ; elle respire depuis la victoire de la Marne. Là-bas dans le Nord, la « Course à la Mer » se poursuit.

En Lorraine, on monte la garde, prêt à attaquer quand l’ordre en sera donné, prêt à repousser l’ennemi s’il veut recommencer.

Dans son secteur de Crion, le 333e s’organise, travaillant sans relâche.

 

Du 14 au 26 Septembre, tout en prenant les avant-postes, il établit de solides tranchées.

Entre temps, pour se conserver la main en vue de la reprise de la marche en avant, il multiplie les patrouilles et les reconnaissances. C’est une bonne émulation entre les compagnies, et les chevau-légers ont des souvenirs cuisants de certaines embuscades, surtout à Hénaménil.

 

Mais la lutte recommence très dure dans le Nord. Il faut l’alimenter et, pour cela, diminuer la densité des troupes en Lorraine, comme dans tous les secteurs relativement calmes. Il en résulte pour ceux qui restent, en particulier pour le 333e, qui partait au repos le 26, des efforts plus continus et une augmentation du front.

Par suite, plus d’activité et de fatigue. Aussi, dès le 27 reprend-il le chemin des avant-postes.

Le 28, il s’installe dans le secteur Athienville – Jumelles d’Arracourt, où le même travail qu’à Crion recommence avec autant d’énergie, de fatigue, de sacrifices obscurs.

Lorsque le régiment quittera ce secteur, il y laissera des points d’appui solides, véritables chefs d’œuvre, comme Bénamont, les Jumelles, Arracourt, Ranzey. Le 333e qui à Gerbéviller s’était montré excellent régiment de choc, s’est révélé, dans le secteur d’Athienville, merveilleux organisateur de terrain.

En même temps, d’audacieuses patrouilles reprennent le contact qui était perdu ; elles vont explorer les crêtes d’en face, sonder la forêt de Bezange jusqu’à ce qu’elles trouvent l’ennemi qui, dans son étonnement et dans son inquiétude, se fortifie en toute hâte. Les Boches sont chassés d’Arracourt, et le régiment s’y installe solidement.

 

Le 22 Novembre, le 5e Bataillon, sous les ordres du commandant Braquet, prend une part importante et glorieuse à une grosse reconnaissance. Servant à gauche de pivot, il facilite, par son mordant, la réussite de cet important coup de main qui rapporte un grand nombre de prisonniers. Tenant ensuite jusqu’à la nuit contre des contre-attaques ennemies, il permit un décrochage délicat ;

Continuellement les reconnaissances harcèlent l’ennemi, sur Ranzey, sur Bezange-la-Grande et tout le long de la Loutre Noire. Le Boche est littéralement accablé. Nos embuscades le surprennent presque chaque fois qu’il veut sortir. Ses attaques échouent, ses coups de main sur Vaudrécourt, Arracourt, les Jumelles, Ranzey n’ont chaque fois d’autres résultats que de laisser entre nos mains des morts et des prisonniers.

Sur la brèche depuis le début, le 24 Novembre, le régiment descend au repos à Varangéville et à Dombasle, où il reçoit un accueil enthousiaste de cette population lorraine si éprouvée.

 

Quelques manœuvres et exercices tiennent les hommes en haleine jusqu’au jour où le 333e est appelé en renfort de la 68e D.I. et va cantonner à Lay-St-Christophe.

 

Le 28 Décembre, il réintègre Varangéville et Dombasle jusqu’au 17 Janvier, date à laquelle il reprend ses positions dans le secteur Serres-Athienvile, puis Hoeville, Erbéviller, Ferme Ste Marie.

Le 333e sait qu’il a la supériorité.

Il est le maître de ce terrain où il fait ce qu’il veut et lorsqu’il quitte ce secteur, le 30 Avril 1915, le Boche ne compte plus, ne sort plus. Une attaque de sa part serait folie sur un terrain pareillement organisé. N’ayant plus à travailler, le régiment se tourne vers un secteur plus délicat, celui de Parroy, Barthelémont, Beauzemont, Etang de Parroy, Einville au Jard.

Le lieutenant-colonel Lamiable qui avait succédé au lieutenant-colonel Carlet au mois de mars, savait pouvoir demander beaucoup à son régiment dans les moments difficiles qui se préparaient.

IV – Les attaques de Vého – Reillon (juin – novembre 1915)

Cette période relativement tranquille est en effet terminée.

Le 333e quitte ce secteur en pouvant s’enorgueillir d’avoir avancé ses lignes chaque fois qu’il en a reçu l’ordre et de n’avoir jamais cédé un pouce de terrain devant les attaques ennemies. C’est une tradition et une gloire pour le régiment de n’avoir jamais reculé d’un pas durant toute la campagne.

On sent qu’une attaque se prépare.

Aussi le 333e, qui doit être de la fête, va-t-il se reposer du 16 Mai au 13 juin à Maixe et Sommervillers.

Il est ensuite envoyé en cantonnement dans la région de Croismare, Raville, Marainviller où il forme la réserve du Détachement d’Armée de Lorraine (D. A. L.)

 

Le 19 Juin, le général Varin commandant la 2e D. C. attaque l’ennemi dans le secteur Veho – Leintrey – Reillon – Gondrexon. L’opération réussit tout d’abord, mais bientôt est enrayée.

Pour la mener à bonne fin, le 333e tiré de sa réserve, est mis à la disposition du général.

Il se porte sur Veho – Reillon, sous les ordres du lieutenant-colonel Franchet d’Esperey, remplaçant le lieutenant-colonel Lamiable parti vers de nouvelles gloires avec ses vieilles troupes d’Afrique.

L’attaque est commencée depuis deux jours.

En pleine nuit, sans avoir pu faire la moindre reconnaissance pour se mettre au courant de la situation et du terrain, le 333e est engagé. Son élan n’en est que plus farouche, les difficultés l’excitent au lieu de le rebuter.

Les tranchées allemandes entre la route de Veho à Leintrey et le ruisseau de Leintrey sont enlevées à la baïonnette sous un feu meurtrier d’artillerie et d’infanterie.

 

Les 23 et 24, une certaine nervosité se manifeste de part et d’autre, les attaques se succèdent, principalement au Nord de Veho (Ouvrages 6 et 7), menées par le 6e Bataillon (Commandant Sauzet), qui se lance plusieurs fois à l’assaut de tranchées ennemies solides et bien garnies, - car les Boches se sont ressaisis avant l’arrivée du 333e. – les abords du Remabois, vaste forteresse défendant la direction d’Avricourt, sont atteints et les crêtes de Veho dépassées. La brèche faite dans les lignes allemandes est sérieuse et la zone libre autour de Lunéville sensiblement élargie, tandis que le Boche voit avec anxiété nos lignes menacer chaque jour d’avantage le nœud de voies ferrées d’Avricourt.

 

L’offensive terminée, le régiment reprend travaux et gardes d’abord dans le secteur de Valhey – Barthelémont au nord de la forêt de Parroy, puis dans les secteurs de Reillon – St-Martin-Herbéviller.

Mais les Allemands, inquiets de notre dernière avance, ont décidé de nous arracher nos gains. En juillet, ils attaquent, au nord de Reillon, le bois Zeppelin, que nous avions enlevé en juin. Le régiment qui tenait ce bois, ou plutôt ce que fut ce bois, doit se replier.

Mais des éléments du 333e, amenés en toute hâte, sous les ordres du commandant Braquet, commandant le 5e Bataillon, contre-attaquent la nuit même et rétablissent intégralement la ligne.

 

Le 6 Octobre, l’ennemi fait au même endroit un effort plus sérieux. Après un bombardement intense par obus asphyxiants, il attaque avec de gros effectifs. Le régiment qui tenait la position, accablé, cède du terrain. Le colonel Franchet d’Esperey prend aussitôt le commandement du secteur, car c’est encore le 333e qui rétablira la situation. Le 5e bataillon (commandant Deleuze) et deux compagnies du 6e Bataillon, sont de suite amenés sur les lieux, et, en pleine nuit se ruent à l’assaut des tranchées perdues. Le 5e Bataillon subit de lourdes pertes du fait du bombardement et du feu des nombreuses mitrailleuses installées par l’ennemi. Un bataillon de Chasseurs Bavarois, troupe d’élite, tient le bois Zeppelin. Il le conserve mais perd tous ses abords. La nuit même, toute la position, sauf quelques éléments de tranchées, est enfin reprise.

Les jours suivants, des éléments des corps voisins viennent renforcer le 333; mais l’ennemi s’est solidement organisé et les efforts de tous, s’ils permettent de conserver les gains du 333e, ne peuvent faire continuer la progression. Jusqu’au 11, la lutte se poursuit dans des conditions particulièrement difficiles.

Il faut monter une véritable attaque, avec sérieuse préparation d’artillerie.

L’attaque a lieu du 15 au 18. Le 5e Bataillon et deux compagnies du 6e y prennent encore part.

Trois jours de lutte âpre, meurtrière, dans laquelle le 333e joue un rôle prépondérant, nous rendirent la majeure partie du terrain perdu. A la suite de ces combats acharnés, les lignes se reformèrent de part et d’autre, parfois distantes de moins de 30 mètres.

   Au milieu de ce terrain bouleversé, sont ébauchées des organisations défensives. Une période extrêmement pénible commença alors. Les travaux construits hâtivement pendant la nuit étaient détruits de jour par de violents bombardements. Dès la nuit tombante, les grenades volaient d’une tranchée à l’autre, rendant toute réfection difficile. Par surcroît, le mauvais temps se mit de la partie : tout s’écroulait, et les boyaux ne furent bientôt plus que des ruisseaux de boue, où les hommes s’enlisaient. Les communications devinrent impossibles, le séjour presque intolérable. Ce fut le pénible apprentissage de la guerre de position, qui n’amoindrit pas un instant le moral du 333e.

   Le service de secteur reprit pour le régiment dans la zone Reillon – Blémerey – St-Martin, les bataillons alternant entre eux ; le terrain fut tenu sans faiblesse, en dépit des pertes.

   Le Général commandant l’Armée adressa des félicitations à la troupe et accorda des citations pour les nombreux faits d’arme accomplis pendant cette période.

V – Face à Metz (janvier – août 1916.)

Relevé du secteur de Reillon le 27 Décembre 1915, le régiment séjourna au camp de Saffais, à l’instruction, pendant un mois

 

De Février à Août, il tient le secteur de Pont-à-Mousson, de la Moselle à la Forêt de Facq. Ce qu’il a fait naguère dans le secteur d’Arracourt, il veut le faire ici, en plus grand encore.

Du Signal de Xon, le poilu aperçoit Metz, la cathédrale, le hangar de zeppelins de Frescaty ; il voit s’élever les avions ennemis de leur parc. Il voit circuler les trains sur toutes les lignes aboutissant à la capitale lorraine. Il voit les Français de Pagny, de Bouxières, de Cheminot travailler dans les lignes allemandes. Il devine leurs douleurs, leurs misères et son cœur s’emplit de rage et de haine, comme aux premiers jours de la guerre. Metz l’attire. Il veut voir de plus près, fouiller fermes et bois, traverser la Seille. Il voudrait enfin franchir la frontière. Que de belles reconnaissances sur Bouxières, sur Cheminot, sur Bel-Air ! Que d’embuscades fructueuses ! Que de volontaires chaque fois pour les opérations nocturnes ! Sans arrêt tout cela se succède. C’est une belle émulation entre les trois bataillons du régiment, tous trois en ligne sans relève.

Un troisième bataillon qui prend le numéro 4 fut, en effet, adjoint au 333e, par suite de la suppression du 223e, le régiment frère qui lui aussi avait bien mérité de la Patrie et dont l’histoire se confondit dorénavant avec celle du 333e.

La fusion fut vite faite entre Bugistes et Bressans, unis par le même esprit d’abnégation et la même haine du Boche.

   Quant aux travaux de fortification, ils furent, comme toujours poussés avec une telle ardeur et une telle science, que ce secteur fut cité comme modèle.

Là où il n’y avait pas grand-chose, le régiment laissa une barrière infranchissable. Nancy était bien protégé. Le Boche le savait.

Pas d’attaque sérieuse, des coups de main seulement. Mais toujours ils se traduisent par un échec pour l’ennemi ; chaque fois il laisse des cadavres devant nos réseaux qu’il ne peut franchir. Bientôt il prend peur et ne sort plus de ses tranchées ; il a assez de peine à se garder lui-même et nos embuscades lui coûtent trop cher.

 

Du 18 août au 2 septembre, un nouveau séjour au camp de Saffais où le régiment se met au point pour des attaques de grand style.

 

VI – Verdun (septembre 1916 – février 1917)

   Le grand drame de Verdun s’est déroulé jusqu’ici sans que le 333e y joue un rôle.

   De Pont-à-Mousson, chaque jour, le poilu a entendu le canon de Verdun. Il a pu suivre les péripéties de la lutte gigantesque ; il brûle d’envie de venger les camarades de l’Armée de Verdun et de les égaler en gloire.

   C’est plein d’enthousiasme qu’il s’embarque au début de septembre pour Verdun. Quelques jours plus tard, il entre en ligne, sur la rive droite, en avant de la Batterie de l’Hôpital, à la Vaux-Régnier.

   C’est le moment où la ruée allemande ayant fini par être enrayée puis arrêtée, notre Commandement songe à attaquer à son tour pour reprendre le terrain perdu.

   Aussi le canon ne s’arrête-t-il pas de tonner. Attaques partielles et contre-attaques se succèdent sans interruption de part et d’autre. La vie est dure : combattre sans relâche, travailler aux tranchées, organiser un terrain d’attaque, c’est le lot du régiment pendant le mois de septembre.

Il est chargé de la garde des tranchées au nord de la Batterie de l’Hôpital, ouvrage annexe situé à l’ouest du fort de Tavannes. Il s’agit seulement de tenir et c’est une rude tâche. Le terrain sur lequel se trouve notre première ligne est récemment conquis, il est recouvert par une ancienne tranchée ennemie retournée. Cette tranchée criblée d’obus, entièrement bouleversée n’offre aucune continuité. Pas de boyaux d’accès, pas de réseaux de fil de fer capables d’arrêter l’ennemi.

Or celui-ci ne prend pas son parti d’avoir échoué dans sa tentative. Chaque jour ce sont des attaques partielles nous tenant dans une perpétuelle alarme.

Le régiment n’en remplit pas moins sa mission : « tenir » ; il ne cède rien et sur la gauche avance même ses lignes de façon sensible entre Vaux-Régnier et Vaux-Chapitre.

 

Après un mois passé devant Verdun, le régiment est envoyé à Hargeville, près de Bar-le-Duc, où il trouve un repos qu’il avait largement mérité. L’offensive de la Somme a libéré Verdun d’une partie des réserves ennemies. La saison s’avance et le terrain d’attaque devient difficile, le moment pour une opération de grand style à laquelle vient de se résoudre le Grand Etat-major paraît judicieusement choisi.

Attaque générale sur les fronts de Douaumont, batterie de Damloup, dans le but d’enlever les deux forts de Douaumont et de Vaux.

La 74e Division opérera à l’aile droite dans la direction de Vaux ; le 333e sera spécialement chargé d’enlever et de nettoyer tout le système de défenses ennemies en direction des carrières : village de Vaux, fort de Vaux.

Chaque unité prépare minutieusement l’opération dans ses moindres détails sur une figuration des positions.

Le 5e Bataillon doit marcher en première ligne sur les carrières au sud du village de Vaux, suivi par le 6e bataillon qui, aux carrières, doit le dépasser et s’installer devant lui aux abords du village de Vaux. La 18e compagnie à droite en liaison avec le reste du 5e bataillon sert d’avant­-garde aux bataillons de chasseurs dont elle forme les premières vagues d’assaut.

A gauche du régiment, le 230e est en liaison avec la division Passaga.

Le régiment quitte Hargeville et revient cantonner à Haudainville.

Le 23 octobre, les musettes rebondissantes de munitions et de vivres, tous s’acheminent par le faubourg Pavé, la route d’Etain, le ravin du tunnel de Tavannes et le boyau Belmont vers les emplacements assignés. Montée pénible arrêtée par de nombreux embouteillages dus au grand nombre de troupes dirigées sur ce point. Elle s’accomplit au milieu de l’un des plus formidables vacarmes qu’ait produit la guerre moderne. Un millier de bouches à feu tonnent et hurlent sans arrêt de notre côté. L’artillerie allemande riposte, mais les oreilles exercées se rendent compte de l’écrasante supériorité de notre feu et ce symptôme est de bon augure. Car il faut le dire, ce n’est pas sans une grosse appréhension que l’on monte en ligne ce soir-là. On n’ignore pas que les places d’armes sur lesquelles on doit se rassembler sont extrêmement précaires : de simples tranchées à peine à hauteur d’homme, sans aucun abri. On sait que l’ennemi se doute du mouvement et de l’heure de l’attaque. Une contre-préparation ferait dans nos rangs d’irréparables ravages. La fortune souriante nous épargne cette aventure et ce ne fut pas la moindre chance de ces quatre journées.

 

L’heure H. est fixée pour le 24 à 11 heures 40. Le jour se lève dans un brouillard épais; à 11 heures 40, il n’est pas encore dissipé et nos vagues d’assaut sortent de la tranchée sans être aperçues de l’ennemi. C’était à la fois une chance et un risque, car la direction devenait périlleuse et des erreurs pouvaient se produire qui auraient été dangereuses pour le succès de l’opération. Heureusement la minutieuse préparation nous évita ces avatars.

D’un seul élan, le 5e bataillon (commandant Deleuze) saute dans les tranchées ennemies, balayant tout et cueillant des prisonniers dans chaque tranchée dépassée. Il lance aussitôt en avant les reconnaissances prévues.

Des trous se sont produits à gauche, entre le régiment et le 230e ; à droite entre le régiment et les chasseurs. Le 5e bataillon les comble de sa propre initiative. De ce fait, il n’y a plus de réserve, mais point n’en est besoin, car rien ne résiste à pareil ouragan ; des fils de fer sont restés intacts mais ne peuvent arrêter nos hommes.

Le 6e bataillon (commandant Lourdel), à l’heure dite, passe en 1re ligne et marche sur son objectif. Mais à gauche on progresse moins vite qu’au 333e. Il y a un vide. Le 5e bataillon s’y installe et les deux bataillons demeurent tout entiers en première ligne, bientôt rejoints par le 4e (commandant Grollemund) qui prend la droite du 5e.

 

Le 25, le 6e bataillon, soutenu à gauche par le 5e, doit continuer l’attaque à l’ouest du fort de Vaux. D’un élan superbe, il se rue à l’assaut et gagne rapidement du terrain, quand arrive l’ordre de ne plus bouger. Entièrement en ligne pendant quatre jours de bombardement intense, le régiment s’installe sur le terrain conquis, et maintient tous ses gains malgré des pertes sévères et une densité de front considérablement diminuée : 21 officiers dont 5 tués et 816 hommes manquent en effet à l’appel.

Des canons, des mitrailleuses, un nombre considérable de prisonniers étaient les trophées cueillis par le 5e bataillon dans les tranchées allemandes et dans les Carrières. Les objectifs avaient été atteints dans leur totalité et conservés. Le 333e s’était montré l’égal des troupes d’Afrique combattant à gauche.

 

Après les glorieuses journées d’octobre, le régiment est mis au repos, puis envoyé sur les côtes de Meuse, Fort de Troyon, où il assure la garde du sous-secteur de Ranzières.

Il repousse un fort coup de main et, comme partout, travaille. Malheureusement, en période à peu près calme, la fatalité voulut qu’un 77 fit tomber le lieutenant-colonel Franchet d’Esperey, visitant les premières lignes. Le chef qui personnalisait le régiment, qui, pendant deux ans, en avait été l’âme et l’avait conduit à toutes les attaques, tombait au Champ d’Honneur, donnant à tous l’exemple une fois de plus.

Le lieutenant-colonel Vidon le remplace au commandement du régiment.

Relevé de Ranzières, le régiment partit aussitôt pour la Rive Droite tenir le terrain entre Louvemont et les Chambrettes.

Pendant tout le mois de février 1917, par une température qui descendit à plus de 25 degrés au-dessous de zéro, le séjour en ligne fut des plus pénible ; les travaux étaient impossibles, la pioche rebondissait sur le sol qu’elle n’arrivait pas à entamer, les aliments arrivaient gelés ; impossible de se procurer ni abri, ni feu, ni alimentation chaude, le vin lui-même gelait. Pour ajouter à ces épreuves, les coups de mains de l’ennemi se répétaient et son artillerie nous harcelait sans cesse, mais le 333e sans faiblir rendait coup pour coup.

VII – Alsace (mai – juin 1917)

Fin février 1917, le 333e quitte la 74e division et vient dans la région de Lure pour former la 157e D.I. avec le 214e, le 252e, les divisions d’artillerie étant désormais composées de 3 régiments au lieu de 4.

Aussitôt constituée, la 157e division est concentrée au camp d’Arches où elle prend corps. Après quelques jours de manœuvre, elle est dirigée sur la région de Giromagny au nord de Belfort.

Dans le milieu d’avril, la division est portée par le col de Valdieu et la trouée de Belfort sur Dannemarie, dans cette partie de l’Alsace reconquise dès le début de la guerre.

La frontière est franchie au son de la musique, drapeau déployé. Le régiment cantonne à Dannemarie et dans les villages environnements. Il a son secteur au centre de la vallée de la Largues à Saint-Ulrich et occupe en avant de cette localité les villages de Hagenbach, Ballersdorf et Fulleren, bois de Carspach, Larchenholz. Cette partie du front est relativement calme et on a tout loisir pour procéder aux reconnaissances et compléter les travaux.

Le 333e est en contact avec le 56e territorial et, chaque fois que l’occasion se présente, jeunes et vieux de la région de Belley se retrouvent avec joie.

Après un séjour d’un mois dans ce secteur, il part, le 14 juin, pour Jonchery et Fèche-l’Eglise, (environ de Delle), et s’embarque en chemin de fer près de Montbéliard, le 18.

VIII – Champagne (juin 1917 – avril 1918)

Le 19 juin, le 333e débarque à Epernay, où la division constitue, dès son arrivée, la réserve de la Ve Armée. Après quelques jours de repos à Fleury-la-Rivière et Damerie, le régiment relève, dans le secteur de Loivre, les escadrons à pied de la 6e division de cavalerie. C’est à ce moment que le lieutenant-colonel Madamet remplace le lieutenant-colonel Vidon.

Le régiment vient tenir le terrain arraché par le 133e à l’ennemi ; l’aspect du terrain et les vestiges de la bataille témoignent des glorieuses journées de l’offensive d’avril.

Nos organisations défensives, anciennes positions ennemies retournées, sont améliorées, travail relativement difficile dans un terrain qui est, ou sablonneux, et alors impossible à maintenir, ou crayeux, ce qui le rend difficile à dissimuler aux observatoires de Brimont. Dans ce secteur, l’adversaire a sur nous l’avantage des positions dominantes et d’une artillerie de tranchée nombreuse et très manœuvrière. Il en tire remarquablement parti, d’une part pour régler ses tirs d’artillerie, et d’autre pour exécuter des coups de main, qui nous surprennent au début.

Le 17 juillet, tout le front de la division est soumis à un très violent bombardement par obus toxiques. Le Haut Commandement juge indispensable de la faire passer en réserve et quelques jours de repos à Champigny-Courcelles, Saint-Brice, sont accordées au régiment. A nouveau, il reprend ce secteur et pendant une année en assure la garde.

Au cours de cette longue période, il subit de violents bombardements et repousse bravement attaques et coup de main.

Le 18 avril, notamment, toutes nos premières lignes sont copieusement arrosées de torpilles ; avec les dernières, les Strosstruppen font irruption dans nos tranchées et réussissent à nous enlever cinq soldats et une mitrailleuse.

La leçon est cruelle mais profitable : quelques jours plus tard une de nos patrouille retrouve la mitrailleuse entourée de cadavres ennemis.

Le 21 mai, après ce long séjour en tranchée, le 333e est relevé par le 6e régiment de Tirailleurs et envoyé en repos à Braine et à Courcelles-sur-Vesle, à quelques kilomètres de Soissons.

 

IX – L’attaque du 27 mai 1918.

Dans la nuit du 26 au 27 mai, la 157e D.I. reçoit l’ordre d’aller occuper, à l’est de ses cantonnements, les hauteurs s’étalant sur la rive gauche de l’Aisne, afin de créer sur ce terrain une deuxième ligne générale de défense, en arrière de la première, établie sur la crête du Chemin des Dames.

Que se passe-t-il donc, pour qu’un tel ordre, comportant une exécution immédiate, soit donné en pleine nuit à des troupes au repos ?

Notre Haut Commandement vient d’apprendre que l’ennemi prépare une offensive formidable, sur un front de 50 kilomètres, entre la Forêt de Pinon et Reims, avec l’appui de toutes les forces qu’il a pu ramener de Russie. Il faut de toute nécessité faire face à cette attaque et pour cela il faut utiliser toutes les troupes que l’on a sous la main.

 

L’ordre reçu dans la nuit du 26 au 27 mai fut exécuté de suite par la 157e D.I. et, avant 3 heures du matin, le 333e atteignit Dhuizel, à 6 kilomètres de Braisne, ayant à gauche le 214e à Brenelle et à sa droite le 252e à Longueval.

Dès son arrivée à Dhuizel, le régiment est soumis à un tir d’obus toxiques.

Trois heures après le commencement de l’attaque, les Allemands avaient franchi l’Ailette. A midi, le gros de leurs troupes était sur l’Aisne.

Cette avance rapide suffit à expliquer comment Dhuizel, qui se trouve à 15 kilomètres à peine des hauteurs de la rive droite de l’Ailette, recevait des coups de canon le 27 mai, avant trois heures du matin.

A son arrivée à Dhuizel, le 333e se fractionne. Le 6e bataillon (commandant Hubert), est envoyé au nord à Vieil-Arcy avec mission de défendre les passages sur le canal et sur l’Aisne. Puis ce bataillon sera soutenu immédiatement en arrière par le 5e (commandant Faure), maintenu à Dhuizel où se trouve le Chef de Corps, tandis que le 4e bataillon (capitaine de France) sera en arrière à Vauxtin.

Mais les évènements se précipitent, le mouvement enveloppant de l’ennemi par Craonne, Corbeny, Craonelle devient de plus en plus menaçant ; il faut absolument l’arrêter.

 

Dans ce but, le 5e bataillon reçoit l’ordre de se porter à Pargnan où il devra se mettre à la disposition du général commandant la 22e D.I. ; en même temps le 4e bataillon vient le remplacer à Dhuizel.

Malheureusement, l’ennemi nous a gagné de vitesse. Lorsque le 5e bataillon arrive au canal, il se heurte à l’ennemi en forces supérieures et il ne peut que se placer au sud du canal, à l’est du village de Villers-en-Prayères, d’où il empêche l’ennemi de déboucher de ce côté. En face du 6e bataillon, l’ennemi à atteint Pont-Arcy à 9 heures, puis a franchi l’Aisne. Après avoir traversé le village, il passe le canal sous le feu des mitrailleuses, avec l’aide de renforts qui arrivent sans interruption ; il attaque Vieil-Arcy qu’il s’efforce d’encercler surtout du côté de l’est, où il peut facilement s’avancer par la petite vallée au fond de laquelle coule le ruisseau de Dhuizel. Pour parer à ce danger, la 14e compagnie y est envoyée.

Un peu plus tard, vers midi, la 13e compagnie est dirigée vers Longueval de manière à se relier au 252e qui occupe ce village dans le but de tenir tête à l’ennemi. Les Boches, en effet, s’infiltrent déjà dans les boqueteaux entre Vieil-Arcy et Longueval. Le peloton de pionniers assure la liaison avec la 15e restée à Dhuizel.

L’ennemi, sans cesse renforcé, continue ses attaques ; il entoure Vieil-Arcy qu’il finit par enlever vers 16 heures 30, puis s’établit au hameau de la Grande Roche (500 mètres sud de Vieil-Arcy). Il reprend ensuite son infiltration à travers les boqueteaux et les ravins de Dhuizel et de Longueval. Quelques-unes des fractions qui tenaient Vieil-Arcy se sont fait jour à la baïonnette au travers de la ligne ennemie et parviennent à s’échapper. Elles sont recueillies par la réserve établie à Dhuizel.

Mais bientôt cette localité est à son tour menacée. Ses défenseurs résistent héroïquement malgré le nombre des assaillants qui va toujours croissant.

Le terrain n’est cédé à l’ennemi que pied à pied et en combattant : il faut cependant reculer.

A 17 heures 15, ce qui reste des défenseurs de Dhuizel se retire sur le plateau N. E. de Courcelles où il résiste de nouveau puis sur Paars. L’ennemi est encore une fois maintenu. On profite de son arrêt pour gagner Vesle qui est franchie sous le feu des mitrailleuses allemandes et des avions volant très bas. Quand au 5e bataillon – aux prises avec l’ennemi à Villers-en-Prayères – il a pu rejoindre Courcelles.

A 20 heures 30, ce bataillon, avec la plus grosse partie du 4e bataillon et quelques fractions du 6e, est sur la rive gauche de la Vesle, à la lisière nord du village de Limé. L’ennemi l’a serré de très près pendant sa marche rétrograde. A la nuit, à son tour, il franchit la Vesle et reprend contact, les deux lignes d’avant-postes adverses étant seulement séparées par la voie ferrée.

 

La nuit du 27 au 28 mai est assez calme. Limé ne reçoit que quelques rafales de mitrailleuses. Mais dès les premières heures du jour, l’ennemi reprend l’offensive. Arrêté en face de Limé, il gagne par Braine les hauteurs boisées de la Folie, d’où il atteint Cerseuil. Menacé d’être tourné par sa gauche, le 333e se voit contraint d’évacuer Limé. Utilisant le ravin Limé – Cerseuil, et les parties boisées sud de ce ravin, il vient alors prendre position au carrefour des routes de Cerseuil – Cuiry – Housse, Lesges - Ferme du Mont-de-Soisson, couvert sur sa droite par l’escadron divisionnaire qui occupe Lesges.

A 14 heures, un bataillon du 149e envoyé pour le soutenir, marche à l’ennemi en direction de Limé, pendant que le régiment reçoit l’ordre de se porter au sud vers le petit hameau de Foufry, puis, de là, sur le village de Launoy (10 kilomètres de Fère-en-Tardenois) où il cantonne.

 

Le 29 mai, il est dirigé sur Armentières ; de là à Epaux-Bezu, près de Château-Thierry où il cantonne.

Les pertes sont sévères : en 2 jours, le régiment compte 852 tués, blessés ou disparus, dont 19 officiers.

D’Epaux-Bezu, le régiment descend vers le sud, le 30 mai. A 18 heures, il est à Montreuil-aux-Lions, d’où il repart 2 heures après pour la Ferté-sous-Jouarre.

 

Le 31 mai il est à Sablonnières dans la vallée du Petit-Morin.

 

Du 2 au 5 juin, le 5e bataillon est chargé de l’occupation et de la garde des ponts sur la Marne entre la Ferté-sous-Jouarre et Nanteuil inclus. Puis tout le régiment réuni à Villenauxe, non loin de Nogent-sur-Seine, est transporté en camions dans la région de Clermont-en-Argonne où il arrive le 10 juin dans les cantonnements d’Auzéville, Rarécourt, Brabant.

 

X – Argonne (juin – août 1918.)

   Les 12 et 13 juin, il passe en première ligne dans le sous-secteur de La Buanthe, près Vauquois, où il relève deux régiments italiens.

   Le 18 juin, il repousse vaillamment, à coup de grenades et fusils, un coup de main ennemi dirigé sur l’un de ses centres de résistance.

   Il reste dans ce sous-secteur de La Buanthe jusqu'au 12 juillet, après avoir été endivisionné avec les 371e et 372e régiments d’infanterie américaine (Noirs).

   Relevé le 13 juillet, il rentre presque aussitôt en ligne vers la cote 304 et relève la 68e D. I. qui garde le bois de Bethelainville au nord de Clermont-en-Argonne.

 

XI – L’Attaque du 27 septembre 1918.

Après deux mois de séjour dans cette région, le 333e est amené dans la région de Vanault-le-Chatel, où il est groupé en entier le 20 septembre.

C’est avec confiance que l’on apprend la participation prochaine de la Division à une grande offensive qui se monte sur le front de Champagne. On sent que l’on entre dans la période des réalisations desquelles, peut-être, l’évènement suprême, tant attendu, peut découler. Aussi durant quelques jours, tous les détails d’organisation sont-ils étudiés minutieusement. La grande offensive qui se prépare doit rompre les lignes ennemies sur ses premières organisations solidement fortifiées, puis, ensuite, exploiter son succès en direction générale de Vouziers.

 

Le 23 au soir, le régiment est en réserve au camp de Hans lorsque l’attaque se déclanche. A 23 heures, de tous les coins et recoins du terrain en avant jaillissent des éclairs ; la préparation d’artillerie commence.

Le Corps d’Armée a, comme premier objectif, la Butte du Mesnil, la ferme de Maisons-de-Champagne.

Deux divisions doivent mener l’attaque ; la 157e est en réserve.

 

Le 27, à 11 heures 45, le 371e Régiment américain, 2 bataillons du 372e américain et le 5e bataillon (commandant Faure) se portent à hauteur de la Butte-du-Mesnil et de Maisons-de-Champagne, qui viennent d’être enlevées, tandis que les deux autres bataillons du 333e et un bataillon du 372e américain constituent la dernière réserve du 9e C. A.

L’avance continue vers le nord : les deux régiments américains et le 5e bataillon atteignent d’abord Ripont, puis Fontaine-en-Dormois.

 

Le lendemain, 28, le reste du régiment est à la Butte-du-Mesnil et à Maisons-en-Champagne.

 

Le 29, le 5e bataillon reçoit l’ordre de marcher sur Vieux. Après avoir traversé le ruisseau d’Ardeuil, il atteint à la nuit la crête au sud de ce village, fait 190 prisonniers, prend 2 canons de 77, 7 mortiers de petit calibre, 30 mitrailleuses. Le 371e américain a marché sur ses traces et atteint Ardeuil, tandis qu’un régiment voisin enlève Séchault.

Mais il y a un vide entre ces deux localités et le 6e bataillon reçoit l’ordre de le venir combler.

En même temps, les deux bataillons, restant aux ordres du Chef de Corps, se rapprochent de Fontaine-en-Dormois.

 

Le 30 septembre, la 157e D. I. marche sur Monthois (ouest de Challerange). Le 371e américain et le 6e bataillon se portent à la hauteur du 5e bataillon ; de la gauche à la droite, l’ordre de bataille est le suivant : 5e bataillon – 371e régiment – 6e bataillon.

A 11 heures, la ligne s’échelonne à hauteur de la ferme Trières. 52 prisonniers, 1 canon de 77, 5 mortiers de petit et gros calibre, 1 canon révolver, 24 mitrailleuses étaient tombées entre nos mains.

A notre gauche, l’avance est momentanément arrêtée, l’ennemi résistant en s’accrochant aux dernières hauteurs.

 

Le 1er octobre, on met en état de défense le terrain conquis ; les 371e et 372e régiments américains sont retirés de la première ligne et placés en soutien.

 

Le 2 octobre, la marche en direction de Monthois est reprise. Les troupes à la gauche de la 157e D. I. ayant gagné du terrain, les 5e et 6e bataillons du 333e , avec le bataillon du 372e américain resté jusqu’ici en réserve, attaquent Monthois. Le 4e bataillon, en réserve, envoie des renforts au 5e qui a été éprouvé. Malgré tout, le 333e doit s’arrêter à 800 mètres sud de Monthois, les mitrailleuses ennemies lui causant des pertes sensibles.

Au cours de cette progression, le régiment a fait 50 prisonniers, dont un officier, pris 3 canons-révolvers et 6 mitrailleuses.

Dans la nuit, le 4e bataillon relève en 1re ligne le 5e qui passe en réserve.

 

Les 3 et 4, la situation du régiment demeure stationnaire en face de Monthois.

 

Le 5, à 6 heures 45, profitant d’un épais brouillard et après un violent bombardement, des forces ennemies appréciables attaquent notre 1re ligne constituée par les 4e et 6e bataillons et un bataillon du 372e américain. Nos troupes tiennent vaillamment tête à cette attaque, bien que des fractions ennemies aient réussi à s’infiltrer entre les deux bataillons. Les compagnies des ailes intérieures de ces deux bataillons faisant face à ces fractions les contraignent à la retraite avec l’aide de la 17 e compagnie envoyée de la réserve.

Nos positions restent intactes ; l’ennemi laisse entre nos mains 49 prisonniers dont 3 officiers et plusieurs mitrailleuses.

 

Dans la nuit de 6 au 7, le 333e est relevé par deux bataillons du 131e et un du 76e.

 

Pendant les combats qui viennent de se dérouler, du 29 septembre au 6 octobre, les pertes furent de 5 officiers tués et de 12 blessés ; de 458 hommes tués, blessés ou disparus.

Dans le même laps de temps le 333e a fait 350 prisonniers et pris 7 canons de campagne, 12 mortiers, 60 mitrailleuses.

 

Le 7 octobre, il est envoyé à l’arrière et bivouaque à Maisons-de-Champagne et la Butte-Mesnil. Le lendemain, il descend encore vers le sud et s’installe à la Ferme des Magneux près de Valmy.

 

XII – Le Violu – L’Armistice (octobre – novembre 1918.)

Le 11 octobre, le 333e s’embarque à Ste-Menehould pour débarquer, le 13, aux environs de Bruyères. De là, il va cantonner à Clefoy et Gerbépal.

 

Le 16 octobre, le régiment occupe la ligne Grande-Goutte, le Violu et la Cude. C’est sur ce front que le trouve l’Armistice, le 11 novembre.

L’Alsace – La dissolution.

Après un stationnement de quelques jours en ligne après l’Armistice, le régiment descend à Germaingoutte, prêt à pénétrer en Alsace ; le 17 novembre, il entre à Sainte-Marie-aux-Mines au milieu de l’enthousiasme et des acclamations de la population alsacienne.

Le lendemain, il revient cantonner à Corcieux et Saint-Dié, désigné pour les centres de triage des prisonniers. Le 20 décembre, un ordre du Quartier Général décrète la dissolution de la 157e Division ; les deux régiments noirs américains sont remis à la disposition de l’armée américaine ; le 333e est affecté à la 161e Division et occupe Strasbourg et environs.

   Le 3 janvier 1919, le régiment quitte ses cantonnements. Par le col de Saales, Wisch et Lutzelhausen, il rejoint Mutzig et Molsheim, où il est affecté à l’occupation des forts.

   Le 15 février, par suite d’un service de place très chargé, les bataillons se rapprochent de Strasbourg et vont cantonner à Eschau – Neudorf et Gespolsheim.

 

   Quelques jours plus tard, le 17 mars, sur la place Broglie à Strasbourg, le Maréchal Pétain remet au drapeau du régiment la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre pour deux citations à l’Armée obtenues au cours de la campagne :

 

1° - « Régiment plein d’allant et de haute valeur morale. A réalisé au cours d’une bataille d’une durée de huit jours, une progression importante et continue, malgré la résistance acharnée de l’ennemi ; lui a fait de nombreux prisonniers, enlevé plusieurs canons et un grand nombre de mitrailleuses. Enfin, bien qu’épuisé par une lutte incessante de plusieurs jours, a arrêté net, sous la direction personnelle du lieutenant-colonel Madamet, une contre-attaque ennemie forte de trois bataillons, lui a fait subir, dans un sanglant corps à corps, un échec complet, lui enlevant ses mitrailleuses et faisant de nombreux prisonniers. »

(Décision du général commandant en Chef, du 1er novembre 1918)

 

2° - « Le 27 mai 1918, sous le commandement du lieutenant-colonel Madamet, a, pendant sept heures, soutenu le choc de plusieurs divisions allemandes, maintenant ses positions par un résistance allant jusqu’au corps à corps et par des contre-attaques, donnant ainsi un superbe exemple d’opiniâtreté et de bravoure. Submergé par le nombre, menacé d’encerclement, s’est, avec quelques groupes de survivants, frayé un chemin à la baïonnette et a lutté jusqu'au soir. Le 28 mai, réduit à quelques centaines d’hommes groupés autour du commandant du régiment, a continué à faire face à l’ennemi, luttant sur ses nouveaux emplacements jusqu’au moment où il a été dégagé par une contre-attaque des troupes amenées de l’arrière. »

(Décision du Maréchal commandant en Chef les Armées de l’Est, du 12 décembre 1918)

 

 

Le 31 mars 1919 , le 333e est dissous ; les hommes sont affectés aux 5e, 112e, 119e, 129e régiments d’Infanterie.

Le drapeau est dirigé sur le dépôt de Belley.

Dés le début de 1919, la démobilisation a marché grand train ; les différents services du dépôt et de l’organisation nouvelle de l’Alsace ont demandé bon nombre d’officiers et d’hommes.

Chacun songe au retour dans ses foyers.

Cependant, au milieu de cette joie, un peu de tristesse se fait jour. Ces démobilisations partielles, cette désagrégation lente des compagnies perdant de jour en jour, avec chacun de leurs poilus, des souvenirs nombreux et des liens de franche camaraderie, ne semblent pas revêtir l’ampleur désirée.

Le poilu vainqueur aurait voulu finir en beauté et malgré ces cinq années si remplies de souffrances et de douleurs communes, c’eût été la tête bien haute et le jarret tendu que, jeunes et vieux, auraient voulu escorter leur drapeau avant de se séparer.

                 

Je possède la liste des tués au combat de ce régiment, si vous cherchez un nom, contactez-moi

 

                                                                                                                                        

      

Haut page                                       Page d’accueil