HISTORIQUE

Du

6ème BATAILLON ALPIN DE CHASSEURS A PIED

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Vers 1914 et 1915

Vers 1916 et 1917

 

 

 

 

1918

 

 

                  Le bataillon tient le secteur du Sudel jusqu’au 1er février 1918, effectuant des reconnaissances audacieuses. L’ennemi bombarde par intermittence ; certaines journées sont marquées par une grande activité de son artillerie lourde. Pendant toute la durée du séjour, les travaux d’organisation et d’aménagement sont poussés très activement : construction d’abris à l’épreuve, renforcement et création de réseaux, travaux d aménagement de boyaux et de tranchées, camouflage et aménagement des camps.

                  Dans la nuit du 2 au 3 février, le 6ème bataillon est relevé par le 24ème et vient cantonner à Thann et Bitschwiller, où il reste jusqu’au 19, fournissant des équipes de travailleurs pour la deuxième position du barrage de Moosch.

                  Le 20 février, le 6ème bataillon va relever à l’Hartmannswillerkopf, au centre de résistance des « Dames », le 68ème bataillon. Trois compagnies et la compagnie de mitrailleuses sont en lignes et une en réserve.

                  Le bataillon reste sur la position jusqu'au 13 mars, renforçant les défenses existantes et en créant de nouvelles. Durant cette période, l’ennemi bombarde très violemment nos lignes, rendant souvent les travaux très difficiles.

                  Le 14 mars, le bataillon est relevé et descend à Viller, où il reste deux jours ; il remonte ensuite relever le 68ème au Sudel. Il y reste jusqu’au 29 mars, sous de violents bombardements d’artillerie lourde et de minen.

                  Le 30 mars, le 109ème R.I. relève le 6ème bataillon, qui vient cantonner à Saint-Amarin et le lendemain à Massevaux.

                  Le 3 avril 1918, le 6ème bataillon quitte Massevaux et, par Rougemont, Giromagny, Ronchamp et Pomoy, vient à Gennevreuilles, où il embarque en deux échelons le 8 avril.

                  Il arrive le 9 en gare de Verberie (Oise)  et cantonne à Saint-Sauveur ; le lendemain il fait étape sur Plessis-Brion, où il reste jusqu’au 30, pour venir ensuite cantonner à Allonne, près de Beauvais.

 

 

PICARDIE – SOMME

 

                  Le 25 avril, le bataillon est enlevé en T.M. et transporté à Leuilly, pour prendre part à la grande bataille de Picardie.

                  Après quelques jours de repos à Grattepange, le bataillon monte en ligne le 4 mai, dans le secteur du bois Senécat-Rouvrel (Région de Moreuil) : il y exécute de travaux de deuxième position. Pendant cette période, le bataillon, souvent bombardé par obus à gaz et à ypérite, subit des pertes sensibles.

                  Le 18, il est relevé par le 5ème B.C.A. et vient en réserve au bivouac, dans le bois Coquelin.

                  Pendant la nuit du 20 mai, il est soumis à un bombardement par avions, au cours duquel le capitaine adjudant major Chalumeau est tué, ainsi que 27 chasseurs.

                  Le commandant Frère est grièvement blessé, de même que 30 chasseurs.

                  Le capitaine Ancé prend le commandement du bataillon.

                  Le 24 mai, le comandant Frère reçoit la Cravate de Commandeur de la Légion d’honneur.

 

                  En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la décision ministérielle n° 12285/K, du 8 août 1914, le général commandant en chef a fait, dans l’Ordre de la Légion d’honneur, la promotion suivante :

 

                  Commandeur, à la date du 29 mai 1918, Frère (Aubert-Achille), chef de bataillon, commandant le 6ème bataillon de chasseurs :

                  « Officier supérieur d’élite, s’imposant à l’admiration de tous par sa vaillance et ses mérites exceptionnels. Chef de corps de haute valeur, à su inspirer à ses chasseurs l’ardeur et la foi patriotique qui l’animent. Se prodiguant sans compter depuis le début de la campagne, n’a cessé de se distinguer en toutes circonstances par son sang-froid, son initiative et son mépris du danger. A été grièvement blessé à son poste de combat, pendant un bombardement aérien. Deux blessures antérieures. Officier de la Légion d’honneur. Sept citations. »

 

                  Le 28 mai, le commandant Petitpas, ancien capitaine du 27ème bataillon de chasseurs, prend le commandement du 6ème, en remplacement du commandant Frère.

                  Il fait paraître l’Ordre suivant :

 

                  ORDRE DE BATAILLON N° 55

 

                  « Le commandant Petitpas prend, à dater du 29 mi, le commandement du bataillon. Il est heureux et fier d’avoir été mis à la tête du 6ème chasseurs. Heureux parce qu’étant ancien du 27ème, il sait quelles satisfactions l’attendent. Fier, parce qu’il connaît l’histoire glorieuse et brillante du 6ème chasseurs.

                  « Il sait d’autre part de quelle affection si méritée tous estimaient le commandant Frère. Tout en faisant ses efforts pour mériter la confiance et l’affection de tous, il sera le premier à maintenir les belles traditions destinées à entretenir le souvenir d’un pareil chef.

 

                                                                                                   « Signé : PETITPAS »

 

                  Le 5 juin, le bataillon remonte en lignes dans le secteur de Ailles. Le lendemain, l’ennemi tente un fort coup de main sur le secteur occupé par la 4ème compagnie. Il est repoussé avec de grosses pertes en tués et blessés. Un sous-officier du 15ème R.I. allemand tombe entre nos mains au cours de cette opération.

                  Pendant les journées des 5 et 6, l’artillerie ennemie tire sans interruption.

                  Le bataillon reste en ligne jusqu’au 18 juin ; dans la nuit du 18 au 19, il est relevé par le 28ème. Ce mouvement est particulièrement difficile, à cause d’un bombardement très violent, qui dure de 22 heures à 2 heures du matin, au cours duquel l’ennemi n’envoie pas moins de 4 000 obus de tous calibres sur la première ligne du secteur.

                  Après cette relève, le bataillon, placé en réserve au bois des Rayons, travaille à l’organisation défensive, jusqu’au 9 juillet.

                  Le 10, il remonte en ligne prendre ses emplacements de départ, en vue d’une attaque prochaine, qui sera le prélude de la grande offensive, pour laquelle il est nécessaire d’établir des bases de départ.

                  Le 11 juillet, le bataillon occupe les tranchées de « Boubée », en première ligne, et « Joly », en soutien, en liaison à droite avec les tirailleurs, au sud de la ferme de l’Espérance et à gauche avec le 27ème bataillon, au chemin Rouvrel – Bois des Brouettes.

                  Dans la nuit du 11 au 12, arrive l’ordre d’attaque. L’heure H est fixée à 7 h 30 ; les objectifs sont les suivants :

                  1° - Tranchées du Tank et Von Kluck,

                  2° - Lisière est du bois des Brouettes,

                  3° - Ferme Anchin,

                  Direction générale ouest-est.

                  En fin d’attaque, la ligne française, partant de la lisière est du bois des Brouettes, devra être orientée nord-est sud-ouest, pour aboutir à 100 mètres du sud de la ferme Anchin, où se fera la liaison avec les tirailleurs. La liaison à gauche est assurée avec le 27ème.

                  Devant la position de départ, le terrain descend en pente douce vers le vois des Brouettes, qui est situé à la sortie ouest d’un ravin débouchant de la vallée de l’Avre ; il présente un champ de tir très favorable pour les mitrailleuses. Sur la droite du secteur d’attaque, la ferme Anchin, renforcée d’une série de petits ouvrages, est fortement organisée.

                  Le bois des Brouettes est un gros morceau ; son enlèvement présente de nombreuses difficultés, car après le bombardement, les abatis le rendent impraticable et favorisent la dissimulation de nombreux nids de mitrailleuses, qui aideront la résistance de l’ennemi. Le terrain, en avant, est cultivé ; le blé, déjà haut, permet aux troupes ennemies de se cacher facilement.

                  La distance de la ligne de départ à l’objectif final est de 2 kilomètres.

                  Les premiers moments de la journée sont calmes ; notre tir de destruction commence à 5 h 30.

                  Du côté de la ferme de l’Espérance, quelques-uns de nos crapouillots de 240 tombent dans notre parallèle de départ et nous causent des pertes. Les éléments placés à cet endroit sont obligés de se replier légèrement.

                  La formation adoptée pour l’attaque est la colonne double ; les compagnies seront placées dans l’ordre suivant :

                  En tête, de gauche à droite, 4ème et 2ème compagnies,

                  En soutien, 3ème et 1ère compagnies.

                  La compagnie de mitrailleuses répartie suivant les besoins.

                  A 7 h 30, le bataillon part à l’assaut.

                  Le sergent Sicard qui, il y a quelques minutes, a reçu un éclat d’obus lui brisant le maxillaire gauche, n’a pas voulu quitter son poste au moment de l’assaut, mont le premier sur le parapet et, se tournant vers les jeunes chasseurs qui attaquent pour la première fois, il leur montre l’objectif en disant : « Voilà, les bleus, comment on monte sur le parapet ! » puis, faisant face à l’ennemi, il part devant eux en criant : « En avant ! Vive la France ! »

                  A peine hors des parallèles de départ, les chasseurs reçoivent des feux de mitrailleuses venant de la droite, puis d’autres entrent en action dans la première ligne ennemie, (tranchée du Tank et Von Kluck) situées à 200 mètres de nos parallèles. Bientôt, de nouvelles mitrailleuses se mettent également en action ; aussi, trois minutes après l’heure H, le bataillon se trouve soumis à un terrible feu croisé de mitrailleuses, qui lui cause de grosses pertes.

                  Presque tous les officiers sont mis hors de combat dès le début de l’action. Les sous-lieutenants Depaux-Duménil et Camoin sont tués à la tête de leurs chasseurs. Le lieutenant de Vernéjoul, commandant la 4ème compagnie, est grièvement blessé, au moment où il se lève pour se rendre compte de la situation. Les lieutenants Faivre, Pascal, les sous-lieutenants Dargelas et de Laval, sont atteints eux aussi, en sortant de la tranchée.

                  Les compagnies sont presque sans officiers, il y a un petit mouvement de flottement, mais les chefs restant se lèvent et, tel le sous-lieutenant Brun-Buisson, marchent droit sur le bois des Brouettes, sans souci des balles, entraînant les chasseurs par leur exemple.

                  La 2ème compagnie, sous les ordres du lieutenant Schindler, exécute par le sud un mouvement d’enveloppement de la tranchée Von Kluck et capture ainsi plusieurs mitrailleuses et leurs servants, pendant que le 27ème bataillon maîtrise les mitrailleurs du bois du Gros-Hêtre.

                  Dans les blés et les trous d’obus, des mitrailleuses se révèlent au fur et à mesure de l’avance et les Boches se défendent avec une énergie farouche. Quelques-uns de leurs gradés, debout sur leurs tranchées, indiquent aux mitrailleuses les objectifs à battre.

                  Les chasseurs ne s’arrêtent pas, tous rivalisent de courage.

                  Le caporal Germain abat plusieurs ennemis à coups de fusil ; le fusilier-mitrailleur Astruc, en dépit des nappes de balles qui passent sans cesse, met froidement son arme en batterie et parvient à neutraliser l’action de plusieurs mitrailleuses.

                  Le lieutenant Schildler tombe grièvement blessé en repartant à l’attaque de la ferme Anchin, après la conquête du premier objectif.

                  Le sergent Santucci, au moment où tous les officiers de la compagnie étant hors de combat, une certaine hésitation paraît se manifester parmi les chasseurs, se lève en criant de toutes ses forces : «  En avant !... » ; il fait quelques pas et tombe, atteint d’une balle en plein cœur.

                  Le sergent Baffet, qui s’est déjà signalé à maintes reprises dans les combats précédents, par sa grande bravoure, entraîne la compagnie derrière lui et tombe, frappé à mort sur la tranchée allemande.

                  A H plus 45 minutes (8 h 15), la ferme Anchin tombe en notre pouvoir. Les vagues d’assaut repartent immédiatement à l’attaque du dernier objectif pour s’établir sur la ligne qui a été indiquée ; elles sont sérieusement gênée par des mitrailleuses placées dans des trous d’obus, entre la ferme Anchin et le bois Bildot et par celles qui tirent du ravin sud de la ferme Anchin et de la croupe nord du bois du Gros-Hêtre. Au prix de lourdes pertes, les chasseurs surmontent ces difficultés et parviennent sur l’objectif, dont ils commencent immédiatement l’organisation ; pour y arriver, ils ont dû combattre au fusil et à la mitrailleuse pendant plus d’une heure et demie et, quand enfin la position est conquise, il ne reste plus qu’un seul officier pour tout le bataillon ; les sous-officiers encore debout sont excessivement rares. Le sergent Clozel est tué au moment où il plaçait ses hommes dans les trous d’obus pour l’occupation du terrain.

                  Dans ce combat très rude, presque tous les gradés ont été mis hors de combat dès le début de l’attaque, mais les chasseurs, bien que privés de commandement, se sont rassemblés par groupes et ont continué le combat jusqu’à la conquête totale de l’objectif assigné.

                  Toutes les pertes, ou presque, subies par le bataillon proviennent du tir des mitrailleuses ennemies : deux officiers ont été tués six ont été blessés.

                  Les pertes en sous-officiers ne sont pas moins fortes, 12 ont été tués et 26 blessés.

                  Le nombre des caporaux et chasseurs tués s’élève à 37 ; celui des blessés à 140.

                  Si l’on tien compte des effectifs relativement faibles des compagnies, ces pertes sont énormes et montrent assez les difficultés que présentaient cette attaque et le courage qu’il a fallut aux chasseurs, privés de cadres, pour enlever la position.

                  Dans cette attaque, le bataillon a capturé 50 prisonniers, 10 mitrailleuses et une quantité considérable de matériel et de munitions.

                  Ce brillant combat vaut au 7ème bataillon sa quatrième citation à l’Ordre de l’armée et le droit au port de la Fourragère aux couleurs de la Médaille militaire.

                 

                  ORDRE N° 86 DE LA 1ère ARMEE

 

                  Le général commandant la 1ère armée cite à l’Ordre de l’armée :

                  Le 6ème Bataillon de Chasseurs Alpins :

                  « Sous les ordres du commandant PETITPAS, s’est lancé à l’attaque avec un entrain superbe, sous un violent feu croisé de mitrailleuses Grâce à l’héroïsme et à l’esprit d’initiative de ses chasseurs, a poursuivi son attaque et atteint tous ses objectifs, en exécutant une manœuvre délicate, réalisant une avance de plus de 2 kilomètres, faisant 50 prisonniers et capturant 10 mitrailleuses, 2 canons de tranchées et un important matériel.

                                                                           « Le général commandant la 1ère armée,

                                                                                                   « Signé : DEBENEY »

 

                  Le lieutenant MELANDRI est fait Chevalier de la Légion d’honneur avec la citation suivante :

 

                  « Officier d’une bravoure et d’un allant légendaires au bataillon ; appelé à prendre le commandement d’une compagnie le jour d’une attaque a, grâce à son exemple, son ascendant et son mépris du danger, conquis rapidement la confiance absolue de sa troupe, qu’il a conduite, malgré un feu intense de mitrailleuses, jusqu’à son objectif final. Une blessure. Cinq citations.

 

                  Pour leur héroïque conduite au cours de l’attaque, les officiers dont les noms suivent, sont cités à l’Ordre de l’armée :

 

                  BARLI (Jean) :

                  « Officier d’un courage et d’un sang-froid remarquables ; adjoint au commandant de l’attaque, s’est dépensé  sans compter pour assurer la liaison pendant l’assaut. Apprenant qu’une compagnie était privée de tous ses officiers et dans une situation critique, a demandé le commandement de cette compagnie, qu’il a enlevée de nouveau, la conduisant à ses divers objectifs. Quatre citations. »

 

                  DE VENEJOUL (Jacques) :

                  « Officier de grande valeur et d’une bravoure à toute épreuve. Commandant une compagnie d’attaque de première ligne, a été grièvement blessé en entraînant ses hommes à l’assaut des positions ennemies, restant toujours debout malgré le feu des mitrailleuses, donnant ainsi le plus bel exemple de courage. Deux citations »

 

                  DEPAUX-DUMESNIL (Guy Gabriel) :

                  « Excellent officier d’une bravoure remarquable. Le 18 juillet 1918, se portant à la tête de son peloton, a entraîné, par son élan irrésistible, sa troupe arrêtée dans sa progression par des mitrailleuses ennemies ; a, malgré de fortes pertes, continué à progresser jusqu’au moment où, frappé d’une balle à la poitrine, il est tombé glorieusement face à l’ennemi, donnant ainsi à tous le plus bel exemple de courage et d’abnégation. »

 

                  CAMOIN (Paul), sous-lieutenant :

                  « Jeune officier, plein d’ardeur et d’entrain, a enlevé magnifiquement sa section à l’assaut des mitrailleuses ennemies. Est tombé mortellement frappé. Deux citations antérieures. »

 

                  De RASQUE de LAVAL (Henri), sous-lieutenant :

                  « Officier remarquable, très courageux. A entraîné brillamment son peloton à l’attaque des tranchées ennemies, le 12 juillet 1918. Grièvement blessé au cours de la progression. Une blessure. Trois citations antérieures. »

 

                  Le chasseur ASTRUC est également cité à l’Ordre de l’armée pour sa courageuse conduite :

                  « Très courageusement, s’est porté devant sa section, battue violemment par le feu des mitrailleuses ennemies, et est arrivé à les neutraliser par le tir de son fusil-mitrailleur. Une blessure. Une citation antérieure. »

 

                  Dans la nuit du 12 au 13 juillet, le 6ème bataillon est relevé par le 67ème et se reporte dans les tranchées qu’il occupait avant l’attaque.

                  Le 14 juillet, le bataillon est reporté au bois Eteint (ouest de Guyencourt), et le 15, il occupe les bivouacs des bois Cadet et Coquelin.

                  Le général Garnier-Duplessis, commandant le 9ème corps d’armée, passe le bataillon en revue le 21 juillet. Dans la nuit du 21 au 22, le bataillon relève en lignes le 27ème B.C.A. et tient tout le secteur du groupe, mais la nuit suivante, il est relevé par le 67ème.

                  Le 24 juillet, le 6ème vient de nouveau en première ligne pour exécuter une opération sur le bois Billot et la tranchée des « Bavarois », à 800 mètres à l’ouest de Moreuil-Morisel.

                  Le 25, à la tombée de la nuit, plusieurs patrouilles tentent de s’approcher de la tranchée allemande, mais ne peuvent déboucher du bois, la lisière étant soumise à un violent barrage.

                  Après un bombardement d’artillerie lourd, l’opération est reprise à 21 heures. Elle réussit partiellement et nos éléments parviennent à occuper la portion de la tranchée des « Bavarois » située au nord du chemin de terre de Rouvrel à Morisel ; un peu plus tard, le reste de la tranchée est enlevé après réduction d’une mitrailleuse qui se trouvait au sud du chemin de terre.

                  Parmi les patrouilleurs hardis, et toujours prêts à marcher, le sergent Chambard se distingue particulièrement : en plein jour il exécute deux reconnaissances audacieuses sur la croupe de Morisel, dépasse chaque fois son objectif, pénètre très avant dans les lignes ennemies et rapporte de précieux renseignements.

                  Du 26 au 29 juillet, le bataillon reste en lignes sur ses nouveaux emplacements. Journées pénibles pour les unités de première ligne, qui sont disséminées dans les trous d’obus, où il est impossible de faire le moindre mouvement, sans être soumis à des rafales de mitrailleuses, sans compter le harcèlement continuel de l’artillerie ennemie.

                  Les patrouilles exécutées chaque nuit pour déboucher de la lisière du bois Billot, sont toujours arrêtées par des tirs bien ajustés de mitrailleuses.

                  Le 30 juillet, une relève de compagnie change un peu le dispositif, et le 1er août, le bataillon est relevé, puis envoyé au bois Eteint et à Rumigny.

                  Après ces combats, les 2ème et 3ème compagnies sont citées à l’Ordre du 7ème groupe de chasseurs.

                  Le lieutenant-colonel Lardant, commandant le 7ème groupe de chasseurs, cite à l’Ordre du groupe :

                  La 2ème compagnie du 6ème bataillon de chasseurs, sous les ordres du lieutenant BARLI ;

                  La 3ème compagnie du 6ème bataillon de chasseurs, sous les ordres du capitaine MELANDRI ;

                  « A mené, pendant trois jours et deux nuits, de nombreux combats, au cours desquels elle a atteint les objectifs qui lui étaient assignés, faisant une avance de plus d’un kilomètre.

                  « A conservé, par d’incessantes patrouilles, le contact avec l’ennemi et a fait preuve dans ces circonstances, d’un remarquable esprit offensif.

                                                                           « Le lieutenant-colonel commandant le 7ème groupe,

                                                                                                   « Signé : LARDANT. »

 

                  Le 4 août, en exécution d’une note du G.Q.G., la 5ème compagnie est dissoute et la 4ème compagnie devient compagnie de C.I.D., ce qui réduit le bataillon à trois compagnies d’infanterie et une compagnie de mitrailleuses.

                  Le 5 août, le bataillon se porte sur les bords de la Noye, en réserve de la 77ème division, qui est engagée dans la grande attaque de Moreuil.

                  Le 10 août, le bataillon relevé, fait étape et cantonne à Saint-Sauflieu ; le 13, il en repart et vient cantonner à Famechon, où il reste en repos.

                  Le 13 août, le commandant Frère, promu lieutenant-colonel, vient à sa sortie de l’hôpital, faire une visite d’adieu à son cher bataillon.

                  Tous, gradés et chasseurs, sont heureux de revoir ce chef vénéré qui, dès son arrivée au 6ème, avait gagné leur confiance entière. Au cours de la cérémonie simple mais émouvante, une prise d’armes a lieu, pendant laquelle le commandant Petitpas remet au lieutenant-colonel Frère la Croix de guerre, avec la citation suivante :

 

                  ORDRE DU BATAILLON N° 117

                  Le chef de bataillon, commandant le 6ème B.CA., cite à l’Ordre du bataillon, avec attribution de la Croix de guerre (étoile de bronze) :

                  Le lieutenant-colonel Frère (Aubert Achille) :

                  « Officier supérieur remarquable, qu’un bataillon est fier d’avoir à sa tête, à l’égal de son fanion, il en est et restera le guide.

                                                                                                   « Signé : PETITPAS. »

 

 

AISNE

 

                  Prenant part à toutes les grandes batailles, le bataillon va participer à la seconde offensive de l’Aisne.

                  Le 23 août, il est relevé en T.M. de son cantonnement de Famechon et, après avoir traversé Compiègne, il débarque à la Vache Noire, sur la route de Compiègne à Soissons. De là, il est envoyé en cantonnement à Montigny Lengrain et à la ferme Lagorge, dans des grottes, où il arrive à 20 heures, après une ascension pénible pour les chasseurs, et en particulier pour les mitrailleurs, lourdement chargés, puisque ces derniers ont à transporter, en plus de leur sac, toutes leurs pièces et munitions, leurs animaux ne pouvant rejoindre que dans quelques jours.

                  A 23 heures, il reçoit l’ordre de se mettre en mouvement pour se porter dans la forêt de Laigue, région de Saint Crépin au Bois, où il arrive au point du jour. Les chasseurs s’installent dans des baraques ou des abris existants et restent là jusqu’au 26 ; à cette date, par une marche de nuit, le bataillon se porte dans la région de Chevillecourt, où il bivouaque pendant les quarante-huit heures qui précèdent sa montée en lignes.

                  Dans la nuit du 28 au 29, le 6ème bataillon se porte dans le ravin de Vésaponin, pour de là, partir en avant et prendre part à l’attaque de l’armée Mangin, sur Leuilly, Vauxaillon et en direction de Laon.

                  La 66ème division est chargée de l’exploitation du succès

                  Elle a devant elle la 64ème division, qui doit enfoncer les lignes ennemies.

                  Dans la division, le 7ème groupe (6ème, 27ème et 67ème B.C.A.), marche en tête et dans le groupe, les 6ème et 27ème sont bataillons d’avant-garde.

                  Le 29, à 4 heures du matin, le 6ème bataillon est entièrement placé dans le ravin de Vésaponin, face à l’est.

                  A 5 h 30 (heure H), le 261ème R.I. qui, en avant du bataillon doit enlever la première position allemande, part à l’assaut ; en même temps, le 6ème bataillon débouche du ravin, en colonne double, traverse le plateau et descend dans le ravin marécageux de la ferme Mareuil.

                  L’ennemi bombarde fortement ce ravin avec de obus à gaz, et la marche du bataillon est rendue pénible par la nature du terrain ; on enfonce jusqu’aux genoux dans la vase et dans l’eau ?

                  Marchant dans la direction ouest-est, le bataillon traverse ce ravin, remonte sur le plateau et, vers 7 h 30, ses éléments de tête atteignent la chaussée Brunehaut, qui va du ravin de Bagneux à la ferme Bailly, direction sud-nord.

                  En arrivant à cet endroit, le bataillon est accueilli par des rafales de mitrailleuses. D’après les renseignements recueillis, l’avance est arrêtée ; le bataillon d’attaque du 261ème R.I. a réussi à déboucher,  mais ne peut progresser. Ordre est donc donné au 6ème d’attendre sur place. Le bataillon reste alors sur le plateau, à l’ouest de la chaussée de Brunehaut. Il s’y trouve soumis à un violent bombardement qui lui cause des pertes.

                  A 17 heures, le bataillon se déplace par petites fractions et vient s’établir dans le ravin au nord-est de Bagneux. A peine arrivé, il est renvoyé sur la croupe au nord de ce même village, mais une fois là, ordre est donné d’aller plus loin ; finalement il est placé dans le ravin boisé à 500 mètres au nord-ouest de Bagneux, où il reste jusqu’à minuit, pour recevoir son ravitaillement.

                  A minuit, l’ordre arrive pour le 6ème d’aller relever le 4ème bataillon du 261ème R.I.

                  Les guides, qui ont pour mission de conduire les chasseurs en ligne, arrivent vers la même heure. Le bataillon part aussitôt mais, après deux heures de marche dans la plaine bombardée, les guides s’avouent incapables de retrouver les emplacements où se trouvent leur bataillon ; ces errements dans la nuit sont cause de pertes sensibles ; au cours de cette marche, le sous-lieutenant Valadier est tué par le bombardement.

                  Voyant l’impossibilité de relever l’infanterie avant une reconnaissance sérieuse, le capitaine adjudant major Bouty, qui commande le bataillon en l’absence du commandant Petitpas, parti depuis 22 heures pour prendre les consignes, décide que le 6ème reviendra dans le ravin de Bagneux, où il attendra des guides capables de le conduire.

                  Le 30, à 5 heures du matin, le bataillon reçoit l’ordre de s’établir dans le ravin nord-est de Bagneux et d’y rester en réserve de division.

                  Le 31 août, le 30ème corps d’armée, auquel est rattachée la 66ème division, reprend la marche en avant. Le 6ème a pour mission d’assurer, avec sa 2ème compagnie, la liaison entre la 66ème division et la 2ème division d’infanterie marocaine. Les autres éléments du bataillon restent en réserve.

                  A midi, tout le monde est en place.

                  Le bombardement de préparation commence à 15 heures ; les vagues d’assaut s’élancent à l’attaque.

                  La progression est lente, car de nombreuses mitrailleuses ennemies tirent sans interruption. Les tirailleurs sont un  moment arrêtés par les feux très meurtriers de mitrailleuses boches qui, bien abritées dans des tranchées intactes et parfaitement servies par la configuration du terrain, leur causent des pertes cruelles.

                  A droite, les chasseurs du 27ème bataillon et ceux de la 2ème compagnie du 6ème, se défilant derrière les petits tanks, avec lesquels la division marche pour la première fois, progressent quand même, arrivent dans la tranchée ennemie, réussissent à réduire, par un combat à la grenade, les mitrailleuses qui paralysent l’avance et parviennent ainsi, après avoir franchi le ravin des Ribaudes et celui du Trou des Loups, jusqu’au hameau du Banc de Pierre.

                  Pendant l’attaque, le sergent Chambard, à la tête de sa section, est constamment aux prises avec l’ennemi, qu’il déloge de tous les points où il essaie de résister ; il ne cesse pas de combattre, tout en renseignant le commandant sur sa situation exacte et celle de ses voisins et n’arrête sa progression que lorsqu’il reçoit l’ordre de stopper.

                  Le chasseur Gayant, malgré un feu de mitrailleuses d’une grande violence, n’hésite pas à se porter au devant des tanks, pour leur indiquer les points dangereux où leur concours est nécessaire.

                  Les agents de liaison Richer et Viollet sont perpétuellement sur la brèche ; ils s’offrent, volontaires pour porter les plis aux endroits les plus dangereux, se disputant presque à qui partira. Ils traversent des barrages d’artillerie et de mitrailleuses avec un calme extraordinaire et chaque fois rendent compte de leur mission d’une façon qui peut être qualifiée magnifique : piquant un « Garde à vous » impeccable, ils présentent l’arme en disant : « Ordre transmis ! ».

                  Pendant toute la journée du 1er septembre, le bataillon moins la 2ème compagnie, qui est engagée depuis le veille avec le 27ème bataillon, reste en réserve de division.

                  Le 2 septembre, le 6ème récupère sa 2ème compagnie, déjà bien éprouvée. A 16 h 30, il est mis à la disposition du 9ème groupe de chasseurs (lieutenant-colonel Langlois)

                  La 1ère compagnie, commandée par le capitaine Libmann, vient alors se placer dans la tranchée de Castille ; le reste du bataillon dans le ravin du Trou des Loups.

                  Le 3 septembre, le 6ème bataillon, considéré comme réserve, marchait dans le sillage du 9ème groupe, il avait à assurer différentes missions de liaison et se trouvait de ce fait très dispersé.

                  A 13 h 30, le chef de bataillon, dont le P.C. est au ravin du Trou des Loups, reçoit l’ordre suivant :

                  « Ce soir, opération de détail menée par le 9ème groupe, sur le mont des Tombes ; le 6èem bataillon participera à cette opération comme bataillon de deuxième ligne, chargé d’appuyer le mouvement et d’organiser une position de deuxième ligne. »

                  A 15 h 10, ce premier ordre est annulé et remplacé par le suivant :

                  « Le 6ème dépassera le 64ème bataillon et attaquera le mont des Tombes à 16 heures, en partant du mont de Leuilly. »

                  Le 6ème bataillon est engagé depuis le 29 août, il a déjà fourni un gros effort, quand la mission d’enlever le mont des Tombes lui est confiée.

                  Cette position, a laquelle l’ennemi se cramponne désespérément, constitue, avec le mont de Singes, la clef du rempart qui nous interdit la vallée de l’Ailette. Le Boche occupe, sur les pentes et sur le plateau, un système de tranchées solides et bien conditionné que nous ignorions presque totalement. Le terrain est en en pente très abrupte, depuis le ravin marécageux de Leuilly, jusqu’au sommet du mont des Tombes, est couvert d’un taillis épais, dans lequel les groupes ennemis de résistance pourront facilement se dissimuler pour résister jusqu’au dernier moment.

                  A 15h 10, au moment où il recevait le second ordre, le bataillon, moins la 1ère compagnie, rassemblé dans le ravin des Ribaudes, n’avait encore aucune connaissance de l’ordre d’attaque. Il ne savait même pas qu’il devait attaquer ce jour-là. Le commandant, à ce moment au P.C. du colonel, ne peut prendre les premières dispositions ; le capitaine adjudant major Bouty conduit alors le bataillon à la tranchée de Cannes, près de la route de Béthune.

                  Il faut que le mouvement soit exécuté rapidement, car il ne reste pas une heure, et les compagnies sont à deux kilomètres des positions de départ.

                  La préparation d’artillerie doit être courte. Elle commence en même temps que le déplacement du bataillon, ce qui a pour effet de déclancher le tir de contre-préparation ennemi, en même temps que son artillerie établit un barrage dans le ravin de Leuilly, que les chasseurs traversent, dans la boue jusqu’aux genoux, pour se porter au pied du mont des Tombes.

                  Grâce à la rapidité avec laquelle le mouvement a été exécuté, l’infanterie allemande n’a rien vu ; elle se croit à l’abri de toute attaque de ce côté, car elle domine la position.

                  A 15 h 55, la 1ère compagnie (capitaine Libmann) et quelques minutes après, les deux autres compagnies et la compagnie de mitrailleuses arrivent à leur tour.

                  La marche d’approche que le bataillon vient d’exécuter en plein jour, sur des plateaux sans défilement, coupés de barrages d’artillerie et dans un ravin systématiquement battu, pour arriver à se placer à l’endroit indiqué et à l’heure dite, dans la formation prescrite, est un véritable tour de force, qui fait le plus honneur aux gradés et aux chasseurs qui l’ont réalisé.

                  L’attaque elle-même, à travers un ravin profond, battu de feux d’écharpe et d’enfilade, sur un objectif dominant la position, semble d’une réalisation impossible.

                  A 16 heures précises, tout le monde part à l’assaut. Malgré l’insuffisance d’artillerie, le manque d’obus fumigènes, les difficultés du terrain et les mitrailleuses ennemies qui fusillent les vagues d’assaut, les chasseurs progressent sans cesse. Ils franchissent le ravin dans un élan superbe et viennent se plaquer au pied du mont ; là un léger temps d’arrêt pour souffler, observer le terrain et chercher un cheminement, puis tout le monde repart ; la pente raide est gravie aussi vite que possible, en s’aidant des genoux, des mains et des branches ; les petites colonnes de demi-sections et d’escouades arrivent bientôt à la crête, où se trouve la tranchée premier objectif ; elles sautent dedans et s’en emparent, ainsi que des défenseurs. Le combat se continue pour la réduction des nombreux nids de mitrailleuses, disséminés dans les fourrés, qui résistent encore ; le nettoyage des tranchées et boyaux est fait à la grenade. Il s’opère rapidement, grâce aux nombreux actes de courage et d’initiative.

                  Au moment où la 1ère compagnie traversait le ravin de Leuilly, les mitrailleuses ouvrent le feu et le tir de barrage devient plus violent, cependant personne ne s’arrête. Les chasseurs sont entraînés par un groupe qui est en tête et qu’électrise le chasseur Leroy. Il marche en avant de tout le monde, grimpe le premier sur les pentes du mont, à la recherche d’un passage, méprisant tout danger et finit par découvrir un cheminement où toute la compagnie se glisse, exécutant son mouvement sans pertes. Un instant après les chasseurs sautent dans une tranchée ennemie, où ils capturent 50 Boches et 5 mitrailleuses ; mais, tout près de là, une mitrailleuse tire toujours, son feu est dirigé par un officier allemand ; Leroy l’aperçoit, épaule son fusil, et l’officier tombe, frappé d’une balle.

                  A gauche, la résistance est plus acharnée, plusieurs mitrailleuses dissimulées dans le bois, causent des pertes dans les autres compagnies. Leroy, n’écoutant que son courage, se munit de grenades et, par le boyau, court vers ce nid de résistance. Quelques Boches essaient de lui barrer la route ; quatre grenades bien placées déblaient le terrain.

                  L’héroïque conduite du chasseur Leroy lui vaut la Médaille militaire avec la citation :

                  « A toujours été admirable dans les combats auxquels il a pris part. Au cours de l’attaque du 3 septembre, une section de sa compagnie ayant perdu tous ses gradés, a pris le commandement de cette unité et l’a entraînée vers l’objectif, malgré le feu des mitrailleuses ennemies. S’est élancé seul vers la tranchée et a obligé les Allemands à fuir. A contribué pour une large part à la capture de 50 prisonniers, dont 3 officiers et de 6 mitrailleuses. Deux citations. »

                  A la 3ème compagnie, le caporal Perrin se distingue particulièrement.

                  Les Allemands, qui se sont rendus compte du petit nombre des assaillants, se dissimulent dans les taillis et contre-attaquent vigoureusement.

                  Les chasseurs utilisent ce qu’ils ont sous la main, les grenades sont vite épuisées, les pétards boches également ; il faut cependant à tout prix arrêter l’ennemi, qui menace de tourner la position. Le caporal Perrin bondit sur une mitrailleuse boche qui vient d’être prise, la met en batterie en terrain découvert, sans se soucier des balles et ouvre un feu meurtrier sur l’ennemi surpris, qui s’arrête et finit par lâcher pied.

                  A 10 h 30, l’ennemi tente, par une violente contre-attaque, de nous rejeter dans le ravin. Il est repoussé.

                  Le bataillon est dans une situation difficile, il est presque isolé, sans liaison à droite ni à gauche.

                  Le 4 septembre, la compagnie Libmann essaie de progresser par boyaux vers la tranchée de la « Camargue », occupée par l’ennemi. Elle est arrêtée par des feux de mitrailleuses nombreux et ajustés.

                  A 14 h 30, le bataillon reçoit l’ordre de s’emparer de tout le mont des Tombes. Les compagnies ont chacune leur mission. La 1ère compagnie marchera sur la tranchée de la « Camargue », la 2ème s’emparera du blockhaus de mitrailleuses situé au point 31-79, dans la partie nord du mont ; la 3ème compagnie s’emparera, elle aussi, de la  « Camargue » en progressant par boyaux. L’heure H est fixée à 17 heures.

                  A 17 h 30, la 3ème compagnie (capitaine Mélandri) n’a pas encore pu déboucher, une dizaine de mitrailleuses battent son secteur. Cependant, le sous-lieutenant Porte, méprisant tout danger, saute dans un boyau revolver au poing, s’empare de trois mitrailleuses dont il tue les servants et met les autres en fuite.

                  La 2ème compagnie est sortie, mais a été tout de suite arrêtée. Elle ne progresse que plus tard, grâce au courage du sergent Chambard, qui s’élance à travers le taillis, entraîne sa section et s’empare d’une tranchée ennemie, dans laquelle une dizaine d’Allemands lèvent les bras pour se rendre ; l’un deux, voyant le sergent un peu isolé, le tue lâchement d’un coup de fusil tiré derrière, a bout portant ; les chasseurs arrivent et font prompte justice de ce lâche.

                  A 20 heures, les compagnies ont réalisé une progression notable et s’établissent sur la position pour la nuit.

                  Le 5 septembre, la 2ème compagnie s’empare de la tranchée de la « Camargue » ; dans l’après-midi, le bataillon, bousculant l’ennemi, pousse des reconnaissances jusqu’à la ferme des Tueries. C’est au cours de cette opération que le sous-lieutenant Porte est grièvement blessé par une balle ; un de ses chasseurs, le clairon Eyquem, le voyant tomber, se précipite pour lui porter secours et tombe mort près de son officier.

                  A 21 heures, le 6ème bataillon est relevé par le 27ème, qui doit continuer à pousser l’ennemi ; le 6ème se tient prêt à l’appuyer.

                  Pendant les journées de 6, 7,8 et 9 septembre, le 6ème bataillon lie son mouvement à celui du 27ème.

                  Dans la nuit du 8 au 9, il est soumis à un bombardement par obus à ypérite, qui lui cause des pertes sensibles.

                  Il remonte en première ligne dans la nuit du 9 au 10 et relève, au mont des Singes (est de Vauxaillon), le 17ème bataillon. Il occupe le front : ferme Moisy – boyau des Singes, sur les pentes ouest du mont des Singes.

                  Le 11 septembre, il reçoit un ordre d’attaque pour le lendemain, avec mission de s’emparer de l’arête est du mont des Singes, puis de l’arête est du plateau d’Ailleval ; mais au dernier moment, un contrordre remet cette attaque à plus tard.

                  Le bataillon reste sur ses emplacements, peu favorables, en attendant de nouveaux ordres, les tranchées sont collées au flanc ouest du mont et l’on ne peut faire le moindre mouvement sans être aussitôt mitraillé et bombardé à coups de grenades.

                  Le 13 septembre, le bataillon reçoit l’ordre de se reporter légèrement en arrière, pour permettre à l’artillerie lourde de concentrer son tir sur la première ligne ennemie (parallèle de Lorient), qui est fortement tenue.

                  Vers 5 h 30, en même temps que le bataillon exécute son mouvement, l’ennemi qui veut à tout prix nous rejeter du mont des Singes, sur lequel nous commençons à mordre, pour nous culbuter dans le ravin de Vauxaillon, lance une attaque furieuse sur la ferme Moisy et bord ouest du plateau.

                  Il fait à peine jour, les Boches ont réussi à s’approcher très près de la tranchée et des ruines de la ferme. Ils arrosent de liquides enflammés la position tenue par la 2ème compagnies, devant la ferme ; la garnison, attaquée de front, sur le point d’être enveloppée, se replie légèrement, protégée par le tir d’une mitrailleuse que le caporal Fèles à mis en batterie sur les ruines du bâtiment ; tout ce qui est devant la pièces est obligé de se terrer, mais sur la droite, l’ennemi réussit à refouler quelques éléments du bataillon voisin et cherche à prendre la position à revers ; Fèles, qui s’en aperçoit, dirige aussitôt le feu de sa pièce de ce côté ; aidé de deux chasseurs, qui lui passent les bandes de cartouches après les avoir vérifiées, par son tir, il oblige les Boches à s’aplatir dans les trous d’obus ; mais ces derniers, qui ont vu l’emplacement de la mitrailleuse, la visent particulièrement et bientôt les chasseurs Fage et Fouque sont hors de combat.

                  L’ennemi arrêté, à droite et de front, veut cependant en finir et, par la gauche, quelques groupes de grenadiers de la Garde essaient, en sautant de trous d’obus en trous d’obus, puis dans le boyau, d’arriver jusqu’à la mitrailleuse ; il y réussit presque, car une fois dans la tranchée, Fèles n’a plus à compter sur sa pièces ; il engage alors de combat à la grenade, quelques pétards éclatent près de lui, il a la chance de ne pas être blessé ; il riposte vigoureusement et parvient à blesser plusieurs Allemands, les autres n’insistent pas et, sortant de la tranchée, tâchent de regagner leurs lignes, mais il ne leur en laisse pas le temps, reprenant le tir de sa pièces, il a la satisfaction de les voir tomber, fauchés par les balles.

                  Pendant que Fèles se défend à droite et à gauche, faisant face de tous côtés, l’ennemi réussit à mettre en batterie, en face de lui, une mitrailleuse qui ouvre le feu, c’est alors un véritable duel entre les deux pièces ; il ne dure pas longtemps, au bout de quelques instants, sentant probablement les balles passer un peu près, les Boches s’aplatissent ; quand ils veulent se relever, Fèles reprend son tir, un casque saute et, à partir de ce moment, la pièce ennemie reste muette.

                  L’attaque ennemie est déclanchée depuis un quart d’heure à peine, mais ce temps a été suffisant aux éléments épars du bataillon en mouvement pour se regrouper, chacun de son côté bondit à la contre-attaque. Près de la ferme, où les Allemands avaient en partie pénétré, le sous-lieutenant de Maleyssie enlève magnifiquement son peloton et tombe à la tête de ses chasseurs, qui continuent le combat à coups de grenades et reconduisent le Boche jusqu’à la tranchée de départ.

                  Ce combat a été chaud, et c’est grâce à l’héroïque résistance du caporal Fèles que la position a pu être conservée ; il est nommé sergent sur le champ de bataille. Au félicitations que lui adresse un officier, il répond simplement : « Mon capitaine, nous avons fait ce que nous avons pu, et vous pouvez être tranquille, tant que les Boches n’auront pas la main sur le canon de la pièce, ils peuvent y venir. D’ailleurs, ceux qui restent doivent être calmés, car ils ne sont pas retournés nombreux !... » En effet, les uniformes gris qui jonchent le terrain témoignent de l’acharnement de la lutte et des pertes allemandes.

                  En raison de cette affaire, l’attaque qui devait avoir lieu le 13 et retardée. Pendant toute la journée, l’ennemi qui, sans doute, en a assez de la leçon qu’il vient de recevoir, ne tente aucune action ; par contre, son artillerie bombarde la position, essayant d’écraser les défenseurs du matin, qui seront les assaillants de demain.

                  Le 14, le bataillon réussit encore une légère avance, en combattant à la grenade dans les boyaux.

                  Le 15, le bataillon est toujours en ligne. A 13 heures, il reçoit l’ordre d’attaquer et d’enlever le mont des Singes. Son objectif final est la tranchée située à la corne nord-est du plateau du mont des Singes, à un kilomètre de la position de départ.

                  Le 6ème occupe la ferme Moisy et ses abords, parallèle de Moisy, boyau des Singes ; c'est-à-dire un système de tranchées très précaire, situé entre le ravin de Vauxaillon, accroché aux pentes de mont des Singes.

                  L’ennemi, au contraire, tient sur la position dominante, une forte organisation de quatre parallèles reliées entre elles par des boyaux, le tout solidement assis sur le plateau au sommet du mont, où le terrain offre aux mitrailleuses de la défense un champ de tir merveilleux. Derrière cette formidable position, un ravin boisé, avec, à contre-pente, des creutes profondes, dans lesquelles ont abritées de fortes réserves.

                  A la date du 15 septembre, le bataillon, engagé depuis plus de quinze jours, a déjà livré plusieurs combats et repoussé victorieusement de nombreuses contre-attaques. De plus, des orages incessants ont détrempé le sol, augmentant encore les fatigues des chasseurs, qui ne peuvent être ravitaillés que très irrégulièrement, à cause des nombreuses difficultés.

                  Les pertes des combats, les bombardements incessants, à obus explosifs et toxiques, la fatigue, le surmenage, ont réduit considérablement les effectifs des compagnies et le bataillon ne peut mettre en lignes que 137 combattants, littéralement à bout de forces.

                  L’attaque est décidée. Elle se fera par vagues d’assaut dans les conditions suivantes :

                  1ère et 2ème compagnies en première ligne,

                  3ème compagnie en soutien, compagnie de mitrailleuses répartie suivant les nécessités.

                  La préparation d’artillerie dure une heure et demie.

                  A 17 heures, le bataillon débouche ; les premiers éléments, collés au barrage roulant, capturent les mitrailleurs de la première ligne, avant que les servant aient eu le temps d’ouvrir le feu.

                  La position est défendue par la 5ème division de la Garde ; les grenadiers du régiment Elisabeth, de la garde prussienne, qui ont reçu l’ordre de tenir à tout prix sont encore une fois devant le 6ème bataillon, qui a déjà eu à se mesurer avec eux à la Malmaison.

                  Les chasseurs progressent continuellement, utilisant trous d’obus, boyaux, tranchées, cheminements ; ils traversent ainsi tout le plateau, arrivent à l’objectif assigné, tranchée 81-62, à l’extrémité est du plateau et le dépassent.

                  Pendant qu’un groupe, ayant à sa tête le sous-lieutenant Denux, descend dans le ravin d’Ailleval qu’il traverse pour aller s’emparer d’une batterie de gros minen, après avoir mis les artilleurs en fuite à coups de grenades, quelques chasseurs, sous les ordres de l’Adjudant Rieux, de la même compagnie, en descendant dans le ravin, tombent juste à l’entrée d’une creute et se trouvent nez à nez avec une compagnie qui en sortait pour contre-attaquer.

                  Le capitaine qui la commande est tué d’un coup de revolver ; quelques grenades bien lancées ont vite fait sortir tous les Prussiens qui s’y cachent, c'est-à-dire 150 grenadiers, 12 sous-officiers et 3 officiers.

                  L’ennemi paraît complètement abasourdi de la soudaineté de notre attaque, il ne comprend pas comment, avec si peu de monde, nous ayons obtenu un résultat semblable ; cela ne s’explique en effet que par la ténacité indomptable des chasseurs du 6ème, qui ont à cœur de toujours remplir la mission qui leur est confiée.

                  En fin d’attaque, l’effectif est tellement réduit, qu’on ne peut songer à occuper sérieusement le ravin d’Ailleval, et les lignes sont ramenées à la bordure est du plateau.

                  Pendant la nuit, l’ennemi se reforme et, à la pointe du jour, il lance une furieuse contre-attaque pour tenter de nous reprendre le terrain qu’il a perdu la veille.

                  En même temps que sa première vague débouche, il ouvre un violent feu de mitrailleuses pour obliger les chasseurs à baisser la tête. A l’endroit le plus délicat, en pointe dans le dispositif général, se trouve la section de mitrailleuses du sergent Fèles, dont les pièces ouvrent le feu sur l’ennemi qui approche ; à sa droite, la section du sergent Pellegrin fait de même et les grenadiers sont obligés de s’aplatir. Ce n’est qu’un répit, bientôt une seconde vague arrive derrière la première, qui se remet en mouvement ; elles parviendront jusqu’à quelques mètres de la tranchée sans pouvoir l’aborder ; les plus audacieux essaient de se glisser dans les trous d’obus, pour de là envoyer leur pétards sur les mitrailleuses ; ils sont descendus avant d’y arriver, et le peu qui reste ne pense plus qu’à se replier en désordre, en se déséquipant pour aller plus vite.

                  Dès le débouché de la seconde vague, une des pièces de la section de mitrailleuses du sergent Pellegrin cesse momentanément le feu, le tireur vient d’être tué à son poste ; aussitôt son chef de pièce, le caporal Valléani le remplace, quelques instants après, la pièce reçoit trois balles qui la mettent hors d’usage. Le caporal court chercher la seconde qu’il met en batterie, sans souci des balles qui sifflent de tous côtés ; il reprend son tir jusqu’au moment où il est frappé mortellement ; il tombe alors sur sa pièce, d’où le sergent Pellegrin le retire aussitôt pour prendre la place, car il faut arrêter le Boche qui avance et, pour cela, la mitrailleuse est indispensable. Le sergent Pellegrin restera à la pièce aussi longtemps qu’il pourra et il aura la satisfaction, lui aussi, de mettre l’ennemi  en fuite devant son secteur, avant qu’il ai pu aborder la tranchée.

                  Le Boche, qui a de la peine à prendre son parti de sa défaite, se regroupe dans le ravin d’Ailleval et, à 6 heures profitant de l’état de bouleversement du terrain, de la faiblesse numérique de la garnison, il tente une nouvelle contre-attaque. Mais les chasseurs ne se laissent pas surprendre, les grenades éclatent de tous côtés, pendant que les mitrailleuses crépitent : le sous-lieutenant Denux est blessé en entraînant ses chasseurs à la rencontre du Boche. Le sergent Fèles, toujours à son poste, dirige le tir de ses pièces ; quant à Pellegrin, il a profité de l’accalmie pour faire amener et mettre en batterie plusieurs mitrailleuses allemandes capturées sur la position ; elles ouvrent le feu au moment voulu ; lui est retourné à sa pièce, où il restera jusqu’à ce que, frappé à mort, il tombe à côté de son caporal et de son tireur, en défendant le coin de terre qui a été confié à sa garde.

                  Dans la matinée du 17, les Allemands renouvellent leurs tentatives de contre-attaques pour essayer encore une fois de nous déloger, mais peine inutile, ils peuvent à peine déboucher et finalement sont rejetés dans le ravin, d’où ils seront plus tard obligés de partir pour commencer et précipiter leur mouvement de retraite, au cours de laquelle ils lâcheront la place de Laon.

                  Tout le terrain conquis est conservé et la Garde est battue une fois de plus par le 6ème bataillon, laissant entre nos mains 200 prisonniers, 10 mitrailleuses et une batterie de minen, enlevés par 137 chasseurs qui se battent depuis dix-huit jours.

                  L’effort fourni par le bataillon est difficile à évaluer. Tous ont fait ce qui leur a été demandé et au-delà, allant jusqu’à l’extrême limite de leurs forces, aussi, quand dans la matinée du 17, les restes du bataillon arrivèrent à la ferme de Montecouve, les hommes ne tenaient plus sur leurs jambes. Ils marchaient lentement et beaucoup étaient obligés de s’arrêter pour reprendre haleine, ou laisser passer une quinte de toux, suite des bombardements à gaz. Mais dans leurs yeux se lisait la fierté du devoir accompli et des beaux succès réalisés par le 6ème.

                  Le 18 septembre, alors que l’ennemi bombardait encore la ferme de Montecouve et les alentours, le commandant Petitpas rassemble les restes du bataillon et, dans une cérémonie simple et émouvante, il remet solennellement au lieutenant Barli, commandant la 2ème compagnie, la Croix de chevalier de la Légion d’honneur, qui vient de lui être décernée par le général Mangin, commandant la Xème armée.

                  « Magnifique officier, calme, brave et qui montre au feu de remarquables qualités de chef et commandant de compagnie. A enlevé son unité à l’assaut de la position ennemie avec un entrain remarquable, malgré les circonstances très difficiles, lui assurant ainsi un beau succès. Cinq citations. »

 

                  A l’adjudant Rieux, la Médaille militaire :

                  « Sous-officier admirable, d’un sang-froid et d’une bravoure remarquables, conserve dans les péripéties du combat le plus grand calme. Le 15 septembre, conduisant une vague de grenadiers, s’est présenté à l’entrée d’une creute, a mis hors de combat de capitaine commandant la compagnie et a amené, par son attitude énergique, la reddition de la garnison, forte de près de 200 hommes. Quatre citations. »

 

                  Déjà sur le champ de bataille, la Croix de chevalier de la Légion d’honneur avait été décernée au capitaine Libmann, pour le combat du mont des Tombes :

                  « Commandant de compagnie de grande valeur, qui n’a cessé de montrer les plus belles qualités militaires. Le 3 septembre 1918, a enlevé sa compagnie à l’assaut dans des conditions particulièrement difficiles et s’est emparé de l’objectif assigné. A conservé la position conquise, malgré une violente contre-attaque ennemie, faisant preuve, en cette circonstance, d’un grand sang-froid et d’un esprit de décision remarquable. »

 

                  La Médaille militaire au caporal Mortemousque :

                  « Caporal brancardier légendaire au bataillon pour son mépris absolu du danger et son abnégation. N’a jamais laissé un chasseur sur le terrain et a risqué maintes fois sa vie pour porter secours aux camarades. Est pour ses brancardiers un exemple qui leur inspire le plus beau dévouement, et pour tous un sujet d’admiration et de réconfort. Quatre citations. »

 

                  La Médaille militaire à l’adjudant Maquin, de la 3ème compagnie :

                  « Chef de section modèle, dans une contre-attaque ennemie a montré le plus grand courage et un remarquable esprit de sacrifice, ne cessant de donner l’exemple et se tenant sur le point le plus exposé. »

 

                  Pour leur magnifique conduite dans les combats de la période du 29 août au 16 septembre, les officiers, gradés et chasseurs dont les noms suivent, sont cités à l’Ordre de l’armée :

 

                  Le sous-lieutenant Imbert, de la 2ème compagnie :

                  « Jeune officier allant, courageux. Dans des circonstances difficiles, n’a pas hésité à faire preuve de la plus téméraire bravoure, en s’exposant aux coups de l’ennemi ; a véritablement électrisé ses chasseurs, qui se sont portés à l’attaque avec un élan magnifique. »

 

                  Le sous-lieutenant Denux (Marie) :

                  « Jeune sous-lieutenant plein d’énergie et de feu. Chargé d’assurer avec son peloton la liaison avec une division voisine, s’est acquitté d’une manière parfaite de cette mission. Avec la plus grande initiative et de la façon la plus judicieuse, a participé à la réduction d’un nid de mitrailleuses qui empêchaient la marche en avant et a assuré le succès avec vigueur et pu ainsi faire atteindre à sa compagnie un objectif non prévu, dont la possession fut de la plus grande importance pour la conduite des opérations. »

 

                  Le sous-lieutenant Valadier, de la 3ème compagnie :

                  « Jeune officier plein de courage et d’entrain. Toujours prêt à partir pour les missions les plus périlleuses. Tué à la tête de sa section. »

 

                  Le sergent Deleuze (Edgard), de la 3ème compagnie :

                  « Sous-officier d’un courage remarquable. Au combat du 3 septembre 1918, au cours d’une contre-attaque ennemie, a fait preuve d’un allant sans égal et, par sa fougue juvénile, est arrivé le premier au corps à corps. A largement contribué à l’échec de la contre-attaque. »

 

                  Le caporal Perrin (Marie), de la 3ème compagnie :

                  « S’est toujours distingué au feu par son courage remarquable et une audace faisant l’admiration de tous. Dans les combats des 13 et 15 septembre 1918, a eu une conduite héroïque comme chef d’un poste de grenadiers, où il a contribué par sa vaillance à repousser une forte contre-attaque ennemie. »

 

                  Le sergent Fèles (Martin), de la C.M. :

                  « Sous-officier mitrailleur des plus brillants. A forcé l’admiration de tous par son calme et son courage au cours des derniers combats. Par son initiative et sa maîtrise de tireur, a contribué à la réussite de l’attaque du 15 septembre 1918 et à l’échec des contre-attaques ennemies pendant la journée du 16 septembre 1918. »

 

                  Le chasseur Fournier (Auguste), de la 1ère compagnie :

                  « Chasseur courageux et brave. Le 16 septembre 1918 a découvert une creute fortement occupée par des groupes ennemis. Ces derniers s’apprêtant à sortir pour prendre à revers les premières vagues d’assaut, n’a pas hésité à s’élancer vers ces groupes et, par quelques grenades lancées à l’entrée de la creute, les a obligés à se rendre et a permis de ce fait la capture de près de 150 prisonniers, dont deux officiers. »

 

                  Le général Mangin, commandant la Xème armée, cite également à l’Ordre de l’armée le 6ème bataillon de chasseurs.

 

                  ORDRE N° 346 DE LA Xème ARMÉE

 

                  Le général commandant la Xème armée cite à l’Ordre de l’armée :

                  Le 6ème Bataillon de Chasseurs Alpins :

                  « Sous les ordres du commandant Petitpas, a enlevé de front et pied à pied une position fortement organisée du Mont des Tombes, réalisant dans un terrain difficile et très accidenté, une avance de deux kilomètres, capturant 52 prisonniers dont 3 officiers, du 3ème fusiliers de la Garde, avec 7 mitrailleuses, s’emparant d’un parc de génie avec un important matériel. S’est distingué une fois de plus en enlevant avec vigueur, après onze jours de combats pénibles et ininterrompus, une position fortement organisée et défendue avec acharnement par des troupes d’élite qui avaient l’ordre de tenir la position à tout prix. A capturé, au cours de l’opération, 4 officiers, 12 sous-officiers, 150 soldats, 10 mitrailleuses et une batterie de minenwerfer lourds. »

 

                  Après avoir fait étape sur Chevillecourt, le bataillon va cantonner à Guise-Lamothe, près de Compiègne, où il doit rester huit jours et rentrer de nouveau en lice.

                  A peine arrivé, les fatigues et les privations de toutes sortes, de même que les intoxications par gaz font sentir leurs funestes effets, et la grippe fait quelques victimes. Dans ces conditions, le bataillon est maintenu au repos pendant une période longue.

                  Le 11 octobre, le bataillon est enlevé en T.M., à 13 heures, pour être transporté dans la région de Saint Quentin. A 23 heures, il débarque, sous la pluie, aux environs de Castre (4 kilomètres sud-ouest de Saint Quentin). Il doit cantonner à Gauchy ; le village étant complètement rasé, le bataillon passe la nuit sur place. Dans la matinée du 12, il vient bivouaquer dans le talus de la voie ferrée de Laon à Saint Quentin, où il reste jusqu’au 13 à midi.

                  Le 13 octobre, après avoir traversé Saint Quentin, le bataillon vient cantonner dans le bois de l’ « Autruche », à un kilomètre au nord de Lesdins.

                  Le 16, à 17 heures, il se porte sur Fresnoy-le-Grand, pour participer à l’attaque qui doit avoir lieu le lendemain et qui sera exécutée par la IIème armée britannique et la Ière armée française.

 

 

SAMBRE

 

                  Après avoir passé la nuit à Fresnoy-le-Grand, le bataillon se met en marche, le 17 à 6 heures. Il est, avec le 7ème groupe, élément de soutien de la division. L’attaque est menée par le 9ème groupe.

                  A 7 heures, le bataillon marche sur Seboncourt. A 9 heures, il débouche de ce village ; la progression est asse lente, il est obligé de stopper et de passe la nuit sur la croupe, à un kilomètre à l’est de Seboncourt, entre ce village et la route de Bohain à Guise.

                  Le 18, dans la matinée, les 17ème et 68ème bataillons s’emparent du village de Petit-Verly (8 kilomètres nord-ouest de Guise).

                  A 11 heures, le 6ème bataillon entre dans ce village et s’établit en soutien du 27ème, qui a pour mission de continuer l’attaque.

                  A 23 heures, le 6ème reçoit l’ordre de continuer la progression en direction d’Etreux ; il commence son mouvement. Tout d’abord, il est couvert par le 27ème, dont il rejoint les derniers éléments à la ferme de Tupigny ; ensuite, couvrant le flanc droit du 27ème, il marche sur  Hannapes, dont il nettoie la partie nord, capturant 6 prisonniers, 3 mitrailleuses et un camion automobile ; puis continue sa marche en avant et arrive à Venerolles le 19, à 5 heures du matin ; là aussi il capture des prisonniers et deux caissons d’artillerie avec leurs avant-trains.

                  Il a pour mission d’essayer de franchir le canal. Les éléments de tête, en y arrivant, s’avancent résolument vers le pont, mais au moment où le détachement allait s’y engager, il est arrêté par une rafale de mitrailleuse, suivie d’une formidable explosion : c’était le pont qui sautait.

                  Il était inutile d’insister en cet endroit, aussi le bataillon rentre sous bois, et reprend immédiatement sa marche sur Etreux, pour chercher le point de passage.

                  Le village est abordé à la fois par le nord et l’ouest. L’ennemi est sur ses gardes, mais les chasseurs entrent franchement et, pendant que les uns fouillent les premières maisons, dans lesquelles il font plusieurs prisonniers et délivrent des civils, les autres s’élancent vers le pont et les écluses pour s’en emparer. Malheureusement ils n’y réussissent pas ; les charges d’explosifs placées d’avance dans les chambres font sauter chaque pont au moment où la tête des détachements se présente au point de passage. Le canal est impossible à franchir pour le moment, mais il importe de nettoyer de Boches les maisons encore occupées ; chacun s’y emploie de son mieux, ce n’est pas chose facile, car de l’autre côté du canal, des mitrailleuses et des fusils, braqués sur les créneaux des maisons, ouvrent le feu dès qu’une silhouette s’y profile.

                  A Etreux, le 6ème bataillon, en plus des prisonniers, capture un matériel considérable, un magasin de corps d’armée, un dépôt de munitions et de bombes d’avions. Pendant la nuit du 18 au 19, il a réalisé une avance de 7 kilomètres ; dans cette affaire, les chasseurs ont fait preuve d’un entrain et d’un esprit offensif remarquable ; ils couraient plutôt qu’ils ne marchaient dès qu’ils sentaient fléchir la résistance ennemie. Il s’en est fallu de quelques minutes que la retraite précipitée du Boche soit plus désordonnée. En effet, quand les patrouilles d’avant-garde qui suivaient la voie ferrée, arrivaient à proximité de la gare, elles purent voir un train gardé par des mitrailleuses, qui s’empressa de filer, abandonnant sur place le matériel que les chasseurs ne lui laissèrent pas le temps d’enlever.

                  Le bataillon s’établit alors sur la rive ouest du canal de la Sambre, en attendant la nuit, pour essayer de pousser quelques reconnaissances de l’autre côté ; mais à 22 heures, arrive un ordre de relève. Le 7ème bataillon vient remplacer le 6ème, qui est mis au bivouac dans le ravin des « Culots », à un kilomètre au nord-ouest d’Etreux.

                  De l’autre côté du canal, le clocher d’Etreux fournit à l’ennemi un observatoire précieux ; de là, il peut surprendre tous nos mouvements, aussi, à partir du 22, son artillerie arrose le ravin d’obus à gaz.

                  Le 23, le bombardement devient plus intense et nous cause des pertes très sensibles en tués et blessés. A 18 h, le bataillon quitte le ravin des « Culots » et passe en soutien de la première ligne d’artillerie. Il s’installe : 1ère compagnie au Blocus-d’en-Haut, 2ème à la ferme de l’Espérance, 3ème au signal de la Justice, compagnie de mitrailleuse à la voie ferrée.

                  Le bombardement ennemi sur les arrières devient de plus en plus violent, avec grand emploi d’obus toxiques.

                  Pendant la nuit du 26 au 27, la zone occupée par le 6ème bataillon est soumise à un bombardement extrêmement violent par obus explosifs et à ypérite  la 2ème compagnie en souffre particulièrement, presque tous les chasseurs de cette compagnie sont évacués ; le peu qu’il en reste sont répartis dans les 1ère et 3ème.

                  Ce même jour, la 1ère compagnie est envoyée en soutien au sud-ouest d’Oisy, elle y reste jusqu’au 31 et subit, elle aussi, quelques pertes. L’attaque projetée pour cette date étant reculée, elle est ramenée dans la forêt d’Andigny.

                  Le 2 novembre, les 1ère et 3ème compagnies sont à effectif tellement réduit qu’on se trouve obligé de les organiser à deux sections ; quant à la compagnie de mitrailleuses, elle ne compte plus que trois pièces, servies par vingt gradés et chasseurs.

                  Le 3 novembre, le bataillon est prévenu que l’attaque aura lieu le lendemain matin.

                  Dans la nuit du 3 au 4, le 6ème bataillon, réduit à un effectif total de 130 combattants, quitte la forêt d’Andigny, pour venir s’établir sur ses emplacements de départ, à 500 mètres au sud du village d’Oisy.

                  La Division attaque en trois groupes accolés. Le 7ème est groupe de droite, en liaison avec la 46ème division ; il a deux bataillons en  première ligne (6ème et 67ème) et un en soutien, le 27ème.

                  Le 6ème bataillon est en liaison à droite avec le 67ème et à gauche avec le 17ème. Sa mission est de franchir de vive force le canal de la Sambre, à l’aide de radeaux et de passerelles construites sur place, pour créer, à 200 mètres de la rive ouest, une base de départ, d’où partira l’attaque proprement dite pour aboutir en première phase, à la sortie nord-est de Boue. Un deuxième objectif est prévu.

                  Par le fait des pertes subies depuis le 17 octobre, le bataillon n’a plus qu’un effectif extrêmement faible. La tâche qui lui est assignée sera rude, le canal est à pleins bords, il mesure 26 mètres de largeur et 3 mètres de profondeur. Mais peu importe, si on est moins nombreux on tapera plus fort et le travail se fera quand même ; tous, gradés et chasseurs sont animés du désir de vaincre, personne ne voudrait que la tâche du 6ème soit diminuée parce qu’il y a moins de monde.

                  A 22 heures, tout le monde est en place.

                  Le terrain sur lequel les chasseurs auront à travailler et à se battre est un véritable glacis, n’offrant pas le moindre abri contre les balles.

                  Les berges du canal sont bordées de haies ; celle de la rive Est est surtout très fournie, aussi est-il impossible de deviner ce qu’elle cache ; plus tard, on a pu voir que cette haie était séparée en deux parties dans toute la longueur par un fossé aménagé en tranchée, dans laquelle étaient installées des niches de grenadiers et des emplacements de mitrailleuses qui, de la berge est prenaient sous leurs feux toute la rive ouest sur une profondeur de plus de 200 mètres.

                  C’est sur ce terrain que les chasseurs devront transporter le matériel qui a été rassemblé à 400 mètres du canal ; travailler à la construction et au lancement des passerelles,pour ensuite attaquer la rive est, dont ils s’empareront de vive force, malgré un feu d’enfer.

                  A l’est du canal, le terrain n’est pas plus favorable ; là, le glacis s’étend sur une profondeur de 400 mètres sans aucune coupure, c’est un vrai billard.

                  Plus loin, il est compartimenté par des haies nombreuses et tellement fournies, qu’il est impossible de les traverser sans avoir recours à la serpe ou à la cisaille ; à cet endroit le champ de vue est très limité, on est tiré comme des lapins par les mitrailleurs ennemis embusqués sous les couverts.

                  Les différentes phases de l’attaque sont les suivantes :

                  A 5 h 55, bombardement intense du canal pendant cinq minutes.

                  A 6 heures, le barrage s’établit à 200 mètres à l’est du canal jusqu’à 7 heures ; pendant ce temps, les bataillons doivent franchir le canal et se former pour déboucher à l’heure H (7heures) et progresser en direction de Boue.

                  Au moment où l’artillerie ouvre le feu, les chasseurs prennent échelles, radeaux et tonneaux et, sous un violent tir de contre-préparation, les transportent jusqu’au canal. Ce n’est pas chose facile que d’apporter ce matériel, car chacun a déjà sur lui un bon chargement constitué par les armes, les munitions et les vivres, cependant il faut le faire en une seule fois, pour éviter les pertes.

                  Les mitrailleuses ennemies ouvrent le feu, au moment où se déclanche le tir de préparation de l’artillerie françaises ; elles balaient le chemin de halage et le terrain avoisinant, pendant que l’artillerie allemande établit son barrage sur le canal.

                  Plusieurs sont touchés dès le début ; parmi eux, le lieutenant de Ménil, commandant la 1ère compagnie, tombe à la tête de ses chasseurs, frappé d’une balle au cœur.

                  Cependant personne n’hésite, les radeaux sont mis à l’eau et le sous-lieutenant Brun s’embarque sur le premier qui part. C’est alors sur la berge est, une lutte acharnée, grenades contre mitrailleuses, pour la conquête d’un carré de terrain, où les radeaux pourront venir accoster dans leur va et vient, qui continuera pendant une demi-heure et ne s’arrêtera que lorsque tous les sapeurs du génie, dont la mission est de les piloter, auront été tués ou blessés.

                  Pendant ce temps, gradés et chasseurs, restés sur la rive ouest s’occupent activement de la construction des passerelles.

                  La section du génie, affectée au bataillon pour ce travail, doit en construire deux ; mais on s’aperçoit que le matériel est insuffisant, de plus, les sapeurs eux aussi sont en très petit nombre et ne peuvent pas arriver à accomplir toute la tâche qui leur a été dévolue, cela en raison de leurs pertes.

                  Il faut faire vite, car l’heure de levée du barrage français approche et il y a lieu de craindre la contre-attaque possible, qui rejetterait dans le canal les braves qui se battent sur la rive ouest, pour réduire les mitrailleuses et essayer de progresser.

                  La solution est vite trouvée ; au lieu de deux passerelles on n’en fera qu’une, mais on la fera ; car il faut à tout prix aider les camarades qui sont déjà de l’autre côté et on ne pourra y arriver qu’en établissant un moyen fixe de communication, c'est-à-dire une passerelle.

                  Chacun le comprend, aussi, malgré le feu d’enfer qui balaie la berge, officiers et chasseurs se précipitent sur les échelles et les flotteurs de la deuxième passerelle pour les joindre à ceux de la première. Les mitrailleuses ennemies ne pas à plus de trente mètres, elles battent de leur feu le chemin de halage sur lequel la circulation est extrêmement dangereuse.

                  Le lieutenant Faldat, commandant la 3ème compagnie, tombe mortellement frappé d’une balle à la poitrine, plusieurs chasseurs sont également touchés, cependant personne ne s’arrête. Le matériel est amené et les chasseurs prenant la place des sapeurs hors de combat, travaillent activement à la construction et au lancement de la passerelle.

                  Au bout d’une demi-heure d’efforts surhumains, la communication est établie ; immédiatement les chasseurs s’élancent ; le premier qui passe, le chasseur Teyssier, tombe en travers, frappé à mort ; ses camarades n’hésitent pas, enjambant son corps, ils franchissent la passerelle, grimpent sur la berge et s’emparent de vive force des mitrailleuses, dont les servants sont pris ou tués.

                  L’aspirant Reginensi tombe, frappé d’une balle à la tête, en abordant la rive est.

                  Le caporal Guelle (sept citations) et son camarade, le caporal Vallière bondissent sur une mitrailleuse et tombent, eux aussi, frappés à mort ; leurs chasseurs qui les suivaient s’en emparent, car les chasseurs bavarois, qui servaient la pièce, effrayés de tant d’audace, la lâchent et s’enfuient.

                  Dès que le bataillon est entièrement passé à l’est du canal, chacun se place de manière à coller au barrage roulant et, quand à 7 heures, celui-ci se déplace, il est suivi au plus près.

                  Le bataillon progresse d’un seul bond jusqu’à 400 mètres à l’est du canal, où de nouvelles mitrailleuses, dissimulées dans les haies, le forcent à s’arrêter un instant. Les chasseurs sont obligés, pour ne pas être fusillés à bout portant, de sauter dans la rivière de la Vieille Sambre, pendant que les mitrailleuses légères du bataillon, qui ont été mises rapidement en batterie par le sergent Burlaud, obligent en partie les Boches à cesser le feu.

                  Aussitôt, sortant de la rivière, les chasseurs reprennent la progression et avancent encore de 200 mètres ; d’autres mitrailleuses ouvrent le feu et, à ce moment, les quelques éléments restants du bataillon, environ 35 combattants, sont dispersé sur un front de 300 mètres, sur un terrain où la liaison est extrêmement difficile, chaque haie cachant une mitrailleuse qui ouvre le feu brutalement.

                  De plus, les artilleurs boches se sont aperçus du recule de leur infanterie, ils font maintenant un barrage sur nos éléments avancés ; c’est ainsi que les sous-lieutenants Brun et Racine sont tués ans le trou d’obus où ils s’étaient arrêtés un instant pour se faire donner par un prisonnier que venait de capturer le caporal Leroy, des indications sur l’emplacement des mitrailleuses qui arrêtaient la marche.*                  Pendant ce temps, le lieutenant de Vernéjoul, venu sur le champ de bataille pour prendre le commandement des deux compagnies dont les commandants viennent d’être tués, reçoit une balle qui lui laboure l’épaule ; surmontant la douleur, il reste à son poste, inspirant confiance à tous par son calme, mais au moment où il retraversait le canal, une autre balle lui brise le bras droit.

                  Quelques instants plus tard, le sous-lieutenant Carli reçoit lui aussi deux balles, une au bras droit, une dans la cuisse gauche, au moment où il enlevait sont peloton pour un nouveau bond.

                  Il est 8 heures, et le bataillon ne possède plus un seul de ses officiers de compagnie, les sous-officiers prennent le commandement des groupes qui sont autour d’eux, car il ne peut être question de compagnie, toutes les unités sont mélangées et continuent le combat jusqu’à ce que la progression devienne impossible, du fait du petit nombre de combattants qui, à 10 heures, se comptaient 27, gradés compris.

                  Jusqu’à la nuit, le 6ème reste sur les emplacements qu’il a conquis ; vers minuit, il est relevé par les zouaves, et les glorieux restes du bataillon rentrent à Oisy pour y passer le reste de la nuit.

                  Le 6ème bataillon a fourni dans ces combats un effort héroïque et fait preuve d’un esprit de sacrifice et d’initiative remarquable. Parti avec un effectif extrêmement faible il occupait cependant un front normal de bataillon et son secteur est celui où la résistance ennemie a été la plus acharnée.

                  Tous les officiers de compagnie sont tombés à la tête de leurs chasseurs, avant ou après le passage du canal, cependant l’objectif a été atteint. Le bataillon a fait une quinzaine de prisonniers, capturé cinq minen et douze mitrailleuses.

                  Gradés et chasseurs se sont dépensés sans compter et beaucoup ont payé de leur vie, la gloire immortelle acquise par leur bataillon.

                  Tous rendent hommage à la vaillance héroïque des sapeurs du génie qui, chargés de piloter les radeaux qui faisaient le va et vient sur le canal, ont réussi à faire passer de l’autre côté, avec ce moyen de fortune, l’effectif de presque une compagnie et ne se sont arrêtés que lorsqu’ils furent tous hors de combat.

                  Les pertes du bataillon, dans cette glorieuse journée, furent lourdes, les officiers qui sont tombés à la tête de leurs chasseurs en étaient adorés ; parmi eux, le lieutenant de Ménil était le type de l’officier, poussant à l’extrême la conception du devoir et n’ayant qu’une ambition : servir son pays. Déjà, avant la guerre, il s’était engagé comme sergent pour le Maroc ; nommé sous-lieutenant en août 1914, il prend part aux affaires de Belgique, passe dans l’aviation en 1917 et vient au 6ème bataillon de chasseurs sur sa demande, le 15 octobre de la même année.

                  Le 18 octobre 1918, il entraîne brillamment sa compagnie à la poursuite de l’ennemi en retraite et s’empare de toute la partie ouest du village d’Etreux.

                  Dans la nuit du 3 au 4 novembre, il place ses chasseurs en prévision de l’attaque et à 5 heures, il part à leur tête jusqu’au canal. Au moment où il donnait les premiers ordres à ceux qui partaient sur le premier radeau, il reçoit une balle qui le frappe au cœur.

                  Le lieutenant de Ménil, qui avait toujours rêvé mourir à la tête de ses chasseurs, est tombé en brave, face à l’ennemi, pour son pays qu’il aimait passionnément. Son héroïque conduite lui a valu la citation suivante à l’Ordre de l’armée :

                  « Magnifique officier, qui a entraîné sa compagnie pour le passage du canal, de la façon la plus brillante. Est tombé mortellement frappé, alors que debout sur la berge du canal, sous un feu intense de mitrailleuses, et au milieu d’un violent bombardement, il encourageait ses chasseurs et leur donnait un sublime exemple de dévouement. »

 

                  Le sous-lieutenant Brun, jeune officier, plein d’ardeur et d’entrain, s’était déjà distingué dans les combats du mont des Tombes et à la prise d’Etreux.

                  Le 4 novembre, il traverse le premier le canal de la Sambre, sur le radeau qu’il a fait amener et mettre à l’eau. Il prend le commandement de la compagnie sur le champ de bataille, son chef ayant été tué dès le début et la fait progresser jusqu’à la rivière de la Vieille Sambre, près de laquelle il tombe, tué par un éclat d’obus. Son magnifique courage lui vaut la citation suivante à l’Ordre de l’Armée :

                  « Jeune sous-lieutenant, a électrisé ses chasseurs par son exemple et son entrain ; a traversé le premier le canal a engagé avec ses chasseurs une lutte à la grenade qui a permis de déboucher des radeaux suivants. A porté sa section en avant avec une audace extraordinaire, assurant ainsi le succès d’une opération extrêmement difficile. A été tué d’un éclat d’obus. »

 

                  Le général commandant la 1ère armée cite également à l’Ordre de l’armée le lieutenant Faldat :

                  « Officier d’une grande bravoure et du plus grand courage. A entraîné sa compagnie avec un élan remarquable pour le passage du canal, se prodiguant partout pour donner à tous un modèle de courage et de sublime héroïsme. A été mortellement blessé. »

                 

                  Racine sous-lieutenant :

                  « Jeune officier plein d’allant et de courage. Chargé de faire la liaison avec un groupe voisin, a accompli sa mission avec le plus grand dévouement et malgré les circonstances les plus difficiles et les plus périlleuses. A été tué en accomplissant sa mission. »

 

                  Clément, caporal à la 3ème compagnie :

                  « Gradé d’un courage remarquable, a consciencieusement assuré la liaison entre deux compagnies, insouciant du danger, n’a pas hésité à marcher droit sur une mitrailleuse qui battait la passerelle de son feu et s’en est emparé de vive force. »

 

                  Cette opération, menée si brillamment, vaut au 6ème bataillon sa sixième citation à l’Ordre de l’armée et le droit au port de la Fourragère aux couleurs du ruban de la Légion d’honneur.

 

                  ORDRE N° 208 DE LA 1ère ARMÉE

 

                  Est cité à l’Ordre de l’armée :

                  Le 6ème Bataillon de Chasseurs Alpins :

 

                  « Bataillon d’élite, sous les ordres du commandant Petitpas, vient encore de se distinguer à plusieurs reprises au cours de la période du 16 septembre au 5 novembre 1918, par son ardeur et son mordant. Le 15 septembre, après onze jours de combats pénibles et ininterrompus, a enlevé avec vigueur une position importante et fortement organisée, défendue avec acharnement par des troupes d’élite. Le 19 octobre, lancé à la poursuite de l’ennemi, a réussi brillamment un mouvement débordant au cours d’une audacieuse marche de nuit, a atteint le canal de la Sambre après avoir gagné plus de six kilomètres de terrain, conquis trois villages et délivré quelques civils. Le 4 novembre, a franchi de vive force, après une lutte acharnée à la grenade, le canal de la Sambre, âprement défendu par l’ennemi. A capturé, au cours de cette période, 4 officiers, 12 sous-officiers, 187 soldats, 26 mitrailleuses, une batterie de minen lourds, 4 minen de 77, d’énormes approvisionnements d’outils, de munitions, de matériel de chemin de fer, en particulier un parc de pionniers de corps d’armée.

                                                                           Le général commandant la 1ère armée,

                                                                                                   « Signé : DEBENEY. »

 

                  La Croix de chevalier de la Légion d’honneur est remise au lieutenant de Vernéjoul, pour l’héroïsme dont il a fait preuve au cours du combat du 4 novembre.

 

                  Le sergent Burlaud reçoit la Médaille militaire pour l’entrain magnifique et l’initiative qu’il déploya au combat du canal.

 

 

                  Le bataillon quitte Oisy le 5 novembre, et vient cantonner à Mennevert, il y reste quatre jours, et repart par étapes pour aller au repos. En cours de route, le 11 novembre, il apprend la signature de l’armistice, au moment où il traverse les régions dévastées et fait son entrée dans Nesle.

                  Ce jour-là, le colonel Génie, commandant les chasseurs de la 66ème division, leur adresse l’ordre du jour suivant :

 

                  ORDRE DES CHASSEURS N° 73

 

                  « A mes chasseurs !

                  « On ne les aura pas, on les a !...

                  « Nous nous sommes efforcés tous de contribuer à ce résultat glorieux, mais c’est vous, mes vaillants petits chasseurs, vous et les braves de votre trempe qui l’avez enlevé ; le suis heureux de vous le dire le premier, comme en famille, en attendant que des voix plus hautes que la mienne vous le disent à leur tour.

                  « L’armistice met fin définitivement, j’espère, à votre mission du champ de bataille. Mais la paix n’est pas conclue encore. Il importe que, jusqu’à la signature, la France conserve l’aspect de force et de dignité dont elle resplendit depuis quatre ans. Cela dépend de vous pour une grande part. Tandis que le soldat allemand pense, en ce moment, à venger les coups de botte et les coups de poings qui étaient sa discipline, le soldat français lui, citoyen armé pour la défense de son droit, ne pense qu’à remplir librement son devoir du moment. Hier, votre devoir était de vaincre, vous avez vaincu. Demain, votre devoir sera de vous montrer aussi disciplinés, aussi impeccables dans la victoire que dans la bataille ; cela vous le ferez aussi.

                  « Et les populations françaises, au milieu desquelles nous allons passer, comme les populations ennemies qu’il pourra nous arriver d’occuper, comprendront, en voyant votre conduite, votre attitude, votre tenue, que le soldat français a vaincu parce qu’il était le plus digne de vaincre.

                                 « Le colonel commandant les chasseurs de la 66ème division,

                                                                           « Signé : GÉNIE. »

 

 

                  Le bataillon vient, par étapes, jusque dans la région parisienne.

                  Le 17 novembre, il est à Paris, garde d’honneur du Président de la République pour les fêtes d’Alsace-Lorraine, et chaque arrivée de souverain dans la capitale le trouve à la place d’honneur, comme il avait été à la première place dans toutes les batailles auxquelles il a participé.

 

                  Le 21 décembre, le 6ème quitte ses cantonnements de la Garenne-Colombes et vient par étapes dans la région de Solre-le-Château, près d’Avesnes (Nord), où il reste jusqu’au 24 février, fournissant des postes de surveillance à la frontière belge.

                  A cette date, la 77ème division est dissoute et le 6ème bataillon passe à la 46ème D.I., qui est stationnée dans la région d’Aix-la-Chapelle. Il s’embarque le 25 février, arrive à Lindern (près d’Aix-la-Chapelle) le 26.

                  A partir de ce moment, le bataillon fait le service des troupes d’occupation en Prusse rhénane.

                  Le 18 juin 1919, il quitte ses cantonnements de Juliers pour se diriger vers Düsseldorf, prêt  à franchir le Rhin, si les Allemands ne signent pas les préliminaires de paix.

                  Le 28 juin, le traité de paix est signé.

                  Le 6ème bataillon est fier de sa campagne, il a été cité six fois à l’Ordre de l’armée, une fois à l’Ordre du corps d’armée et deux fois à l’Ordre de la division, sans compter les nombreuses citations obtenues par les compagnies, les sections et même les escouades.

                  Tous les officiers, sous-officiers, caporaux et chasseurs sont fiers de leur bataillon et heureux de porter la Fourragère Légion d’honneur qu’il a si chèrement payée.

                  Ils sauront conserver toujours vivant le souvenir de leurs camarades tombés glorieusement sur les champs de bataille où s’illustra le 6ème et se tenir prêts-à-porter toujours plus haut la renommée de la France victorieuse et du 6ème bataillon de chasseurs alpins.

 

Vers la  LISTE

DES

OFFICIERS ET HOMMES DE TROUPE

Tués ou morts des suites de leurs blessures

Au cours de la Guerre 1914 – 1918

 

 

 

 

 

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