Les opérations des 1ère et 2ème armées françaises

7 - 20 août 1914

 

         

En raison des prescriptions du Ministre la Guerre, les troupes françaises laissent inoccupée, au début du conflit, une zone de 8 km de profondeur à partir de la frontière. Dans les Vosges, les Allemands en profitent pour occuper et organiser les crêtes. Le gros de la 1e Armée se rassemble à l'ouest de la Meurthe, dans la région Saintes.

Avant d'entreprendre sa marche vers le nord est, le général Dubail doit se prémunir contre l'éventualité d'une offensive ennemie, qui pourrait déboucher des Vosges en arrière de sa droite, et surprendre toute la 1e Armée en flagrant délit de manœuvre.

 

Le général Dubail va faire occuper très solidement la chaîne des Vosges, afin de n'avoir rien à redouter sur son flanc droit.

Pendant que le 7e corps et la 8e division de cavalerie pénétreront en Alsace par la trouée de Belfort, et dégageront le pays jusqu'à la Bruche, le centre de la 1e Armée (21e et 14e corps) enlèvera les cols des Vosges, du Bonhomme à Saales, et occupera ensuite la chaîne du Donon pour se lier au mouvement de la gauche, qui progressera parla trouée de Sarrebourg.

Rappelons, dés maintenant, que nos troupes, qui vont se porter dans le Sundgau, seront rejetées le 9 août sur la place de Belfort, et que les Allemands pourront ramener vers Colmar et Strasbourg les XVe et XVIe corps qui faisaient face à notre 7 corps et à notre 8e division de cavalerie.

 

Opérations préliminaires :

L'occupation des cols des Vosges (Bonhomme, Sainte Marie, Saales, la Chipotte, Hans, d'Urbeis, du Donon)

 

Dés le 7 août, sitôt reçus les ordres du général Dubail, la 43e division (17,21 et 109e RI, 17,20 et 21e Chasseurs)du 21e corps d'Armée, concentrée primitivement vers Saint Léonard et dans la vallée de la Fave, se porte vers les cols du Bonhomme et de Sainte Marie

Ce n'est qu'après de durs combats que nos soldats assissent à occuper les passages.

La 13e division du même corps, rassemblée d'abord dans la région de Badonviller, marche à l'attaque des cols à la gauche de la 43e division (149 et 158e RI, 1,3 10 et 31e Chasseurs),

 

Les 3e et 21e bataillons de chasseurs enlèvent brillamment le col de Saales.

Le 21e régiment d'infanterie s'empare du col de Hans.

Mais il faut déboucher de ce, dans la vallée de la Bruche, et les Allemands résistent avec acharnement sur les hauteurs qui s'étendent entre Plaine et Diespach : Les 21e et 109e régiments, bien appuyés par les batteries du 59e d'artillerie, se lancent à l'assaut et refoulent l'adversaire.

Plus à droite, vers Saint Blaise, dans la vallée, le 1e bataillon de chasseurs mène une action plus brillante encore : les soldats du 132e allemand s'enfuient devant nos Diables bleus qui leur arrachent leur drapeau.

Notre avance se fait plus rapide dans la vallée de la Bruche.

Nous nous rapprochons de Molsheim et de la fameuse Feste Wilhelm II. Schirmeck, puis Wisch, sont enlevés par les 52e, 99e 140, 109e régiments d'infanterie et par le 20e bataillon de chasseurs.

 

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Mais bientôt l'adversaire, qui a reçu de nombreux renforts, résiste avec plus d'opiniâtreté. Des combats sanglants se déroulent sur la rive droite de la Bruche, et nous ne remportons pas toujours l'avantage. Les 17e, 21e, 109e régiments subissent des pertes sérieuses; Les contre-attaques allemandes se multiplient : le 18 août, l'une d'elles réussit à nous reprendre Wisch.

Nous verrons plus loin la suite de ces engagements dans la région de Schirmeck et leur répercussion sur les combats du Donon.

Le 14e corps d'Armée, rassemblé primitivement vers Corcieux, a été également chargé de l'occupation des Vosges. Il relève la 43e division du 21e corps aux cols du Bonhomme et de Sainte Marie ; cette division peut remonter vers le nord, au delà du Donon: Elle progressera ensuite vers Abreschwiller.

 

 

Le 9e corps éprouve de très sérieuses difficultés pour déboucher dans les vallées alsaciennes. Après l'occupation du col d'Urbeis, nos soldats réussissent à amener quelques batteries de 75 et à les installer sur les contreforts qui dominent au nord la Lieporette ; Ces canons prennent d'enfilade les positions allemandes; le 14e corps peut ainsi progresser en direction du village de Sainte Marie, et bousculer l'adversaire.

Plus à gauche, nos troupes avancent également vers Ville et elles commencent à escalader, au delà de Climont, les premières pentes du Champ du Feu.

Les combats très violents, menés par les 21e et 14e corps, fixent dans la région de Molsheim Schlestadt les XVe et XV Ie corps Allemands, elles empêchent de revenir vers le Sundgau où l'armée d'Alsace peut remporter de sérieux succès et réoccuper Mulhouse.

 

De la trouée de Belfort jusqu'au massif du Donon, toutes les crêtes des Vosges sont conquises. Nous avons pris pied dans les vallées alsaciennes et l'ennemi ne paraît pas capable de nous en rejeter; Près de Schirmeck seulement, la lutte reste très violente.

L'opération préliminaire ordonnée par le général Dubail: occupation des cols par une puissante flanc garde, a donc pleinement réussi.

Le Commandant de la 1e Armée peut passer, dés le 12 août, à l'opération principale: la marche offensive en direction du nord-est. Il prescrit aux 8e et 13e corps de se porter vers le front Sarrebourg-Dabo, qu'ils devront organiser défensivement, dès qu'ils l'auront atteint.

 

L'OFFENSIVE DE LA 1e ARMÉE

 

Le 12 août, les 8e et 13e corps d'Armée franchissent la Meurthe; à gauche, le 8e corps assure la liaison de la 2e Armée.

 

Le 14 août, les 85e, 95e, 29e et 13e régiments du 8e corps arrachent Domèvre au 1e Bavarois.

 

Dans la nuit du 14 au 15, le 95e s'empare de Blâment. Le 13e corps a échoué devant Cirey le 13, mais enlève ce village le 14.

 

Le 16, la frontière est franchie : la couverture allemande peut à peine retarder nos progrès.

 

Le 17 août, le 13e corps, qui a dépassé la Sarre par sa droite, atteint la ligne Lorquin-Abreschwiller.

Plus à l'ouest, le 8e corps a continué son avance vers Sarrebourg. Malheureusement il éprouve, à peine la frontière franchie, les plus sérieuses difficultés pour garder la liaison avec la 2e Armée.

Il en est, en effet, séparé chaque jour davantage par la zone des Étangs et ce n'est plus guère que par la route de Moyenvic à Sarrebourg qu'il peut, à partir du 18, se relier à la droite du général de Castelnau.

 

Le 18 août, le 8e corps arrive devant Sarrebourg une ligne de positions couvre la ville et la voie ferrée de Bensdorf à Saverne : il faut l'enlever d'assaut.

 

Un combattant du 95e régiment, le lieutenant Péricard, nous a donné le récit suivant de la bataille

 

 

L'OFFENSIVE DE LA 2e ARMÉE

 

La 2e Armée s'était, tout comme la 1e Armée, retirée à 8 kilomètres en de çà de la frontière franco-allemande, pour enlever aux Allemands tout prétexte à déclaration de guerre.

 

Le 10 août seulement, elle réoccupe ses emplacements de couverture.

Le même jour, le 4e bataillon de chasseurs, détaché sur la Seille, au nord de Moncel, subit une attaque ennemie qui débouche de Vic, et peut la repousser assez facilement. Deux bataillons des 40e et 58e régiments (15 corps d'Armée) s'emparent de Lagarde, un peu au delà d'Avricourt. Ils ne pourront, malheureusement, conserver le village : celui-ci leur sera repris le 12, et nos bataillons subiront de grosses pertes.

 

Récit des combats : L'affaire de LAGARDE et du 15e Corps d'Armée

 

L'ordre d'offensive générale est donné à la 2e Armée le 13 au soir, pour le lendemain

14 août :

 Les 15e 16e 20e corps se porteront en avant du front Baccarat-Lunéville, vers la ligne Avricourt-Château-Salins, puis vers la ligne Bensdorf-Morhange.Les 5e et 6e divisions de cavalerie éclaireront la marche. Le 9e corps formera pivot de manœuvre, au Grand Couronné, face à Metz.

Le 18e corps restera en réserve dans la région de Domévre en Haye, à la disposition du Généralissime.

Dés que le 20e corps aura atteint la région de Château Salins, il maintiendra sa gauche en échelon refusé face à Metz, et continuera, par son centre et sa droite, son mouvement en avant.

Le général de Castelnau commande à tous les commandants d'unité la plus grande prudence : les attaques d'infanterie ne devront déboucher qu'après avoir été préparées par l'artillerie.

Le 14 août est donc le premier jour de notre offensive générale sur le front de Lorraine.

Cette offensive débute pur une brillante opération : le village de Lagarde, où le 12 août, des unités du 15e corps ont essuyé un échec sérieux, est repris par les 58e et 122e régiments d'infanterie, après une parfaite préparation d'artillerie, exécutée par le 19e régiment.

Plus à l'ouest, la 29e division du même corps se heurte dans Moncourt à une très forte résistance

Les 111e, 112e, 141e régiments d'infanterie réussissent finalement à s'emparer de la localité, mais nos soldats sont dans l'impossibilité de la dépasser.

A droite du 15e corps, le 16e corps s'est porté vers Réchicourt, où il laisse la 32e division, dont un détachement est poussé jusqu'à Gondrexange pour assurer la liaison avec l'Armée Dubail, qui progresse à l'est de la région des Étangs.

Quant à la 31e division, elle s'avance à travers les marais et les bois, en vue d'atteindre le canal des Salines sur le front Mittersheim Zommange, pendant qu'à droite un flanc garde assure sa protection sur le canal des Houillères

.

Le 16 août, les hussards poussent jusqu'à Château Salins, au milieu de l'enthousiasme de la population. Vic, où les Allemands se maintiennent encore, leur est arraché le 17 août.

 

Dans la journée du 17

Le 16e corps parvient jusqu'à Angwiller et Rohrbach : le soir, les Allemands réagissent violemment; ils essayent de reprendre ce dernier village : deux bataillons du 96e et la compagnie divisionnaire du génie s'y cramponnent et réussissent à s'y maintenir.

Le 16e corps se trouve déjà presque à hauteur de Fénestrange ; il est très aventuré, car la gauche de la le Armée n'est pas encore arrivée à Sarrebourg. Le corps de cavalerie Conneau fouille bien le terrain à l'ouest de la Sarre, mais ses premiers éléments sont eux mêmes très en arrière de la droite de la 31e division.

A la gauche du 15e corps, le 20e a enlevé Arracourt après deux jours de combats (14 et 15 août)

 

Les ordres du général de Castelnau pour le 18 août, prescrivent à la 2e Armée de venir border la Seille,

 « les corps d'Armée se disposant, chacun dans leur zone, en vue de l'offensive à poursuivre plus tard, et faisant en conséquence occuper par leurs éléments avancés les débouchés de la rive droite de la rivière » (Ordre général d'opérations n 23 du 17 août )

 

Le 18 août, une partie du groupe des bataillons alpins (6, 23,24 et 27e bataillons) pénètre momentanément dans Dieuze, évacué par l'ennemi.

 Les avant-gardes des chasseurs poussent même jusqu'aux abords de Zommange et de Vergaville. Mais le Commandant de la 29e division ne fait pas occuper Dieuze, par crainte des tirs de l'artillerie allemande, signalée prés de Vergaville. Le 15e corps reste sans avancer au sud de la Seille, entre la corne nord de l'Étang de Lindre et Marsal. Sa droite a d'ailleurs eu la veille de grosses fatigues à endurer, lors de sa progression dans le terrain marécageux sur lequel s'étendent les inondations de l'étang de Lindre.

Plus à l'ouest, les Allemands sont fortement retranchés dans la forêt de Brides et Koking, et menaceraient sur sa gauche le 15e corps s'il voulait se porter vers Bensdorf.

L'inaction du 15e corps a de fâcheuses conséquences : la 31e division du 16e corps (81, 96, 122, 142e régiments) est parvenue la veille sur le front Rohrbach Angwiller.

Le 18 au matin, elle progresse jusqu'à Mittersheim, où elle atteint le canal des Salines.

Le corps Conneau n'est encore rendu qu'à Gosselming; très en pointe, la division de tête du 16e corps est contre-attaquée le soir à Londrefing par de grosses forces allemandes, qui la rejettent, avec des pertes sérieuses, jusqu'à Angwiller, à 8 kilomètres au sud.

 

Le 20e corps seul peut enregistrer une avance sensible : il assure la possession de la ligne de la Seille depuis Marsal jusqu'à Chambrey (ces deux villages exclus) et la possession des hauteurs qui dominent au nord la rivière, de part et d'autre de Château-Salins.

 

Un récit pendant cette période : la Bataille de Lagarde

 

 

Mais des événements considérables vont compromettre la réussite de l'offensive de la 2 Armée.

 

En raison des progrès allemands en Belgique et dans le Luxembourg, le 18e corps a été brusquement enlevé au général de Castelnau, et transporté, le 16 août, vers Fourmies, pour être mis à la disposition du général Lanrezac.

Le 18 août au soir, alors que le 9e corps quittait le Grand-Couronné pour prolonger la gauche du 20e corps et assurer la couverture de la 2e Armée face aux positions de la côte de Delme, brusquement parvenait l'ordre d'envoyer le 9e corps renforcer la 3e Armée.

Le général de Castelnau fait alors appel à la division de réserve du 18 corps (68e division), qui vient du Grand-Couronné se placer à la gauche et en arrière de la brigade coloniale (41e et 43e régiments) rattachée au 20e corps.

 

Les 70e et 59e divisions de réserve prolongent le front depuis la Seille jusqu'à la Moselle (colline Sainte-Geneviève).

La 1e Armée est bientôt renforcée du corps Conneau (prélevé également sur la 2e Armée) car le général Dubail s'attend à être attaqué par de grosses forces, qui se massent entre Saverne et Obersteigen En raison de tous ces prélèvements opérés sur la 2e Armée, il est à peu prés certain, dés le 18, que notre offensive en Lorraine n'aura aucun succès.

 

Mais la gravité des circonstances oblige le Haut Commandement à maintenir les ordres d'attaque qu'il a donnés.

Le général Joffre prescrit au général de Castelnau de poursuivre son mouvement en direction de Faulquemont, de manière à atteindre la région Bensdorf Dalhain Delme, en vue de retenir le plus de forces ennemies possibles. Il est de toute utilité, en effet, d'empêcher l'adversaire de dégarnir le front de Lorraine, et d'opérer un glissement vers l'ouest pour venir attaquer, sur leur flanc droit, nos armées qui ont pénétré dans le Luxembourg.

 

Le renseignement qui fait connaître au Quartier Général de la 2e Armée la menace suspendue sur la 1eArmée, joint à celui qui montre le danger couru par la gauche française, amène le général de Castelnau à poursuivre son attaque avec toute la vigueur et la rapidité possibles ; ce n'est plus l'heure de la prudence, mais celle de la décision vigoureuse, qui peut seule forcer le cours des événements qui vont suivre :

 

Ce sera la bataille de Morhange pour la 2ème armée française

Ce sera la bataille de Sarrebourg pour la 1ère armée française

 

Texte tiré de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes,  Aristide Quillet, 1922 »

Et de Michelin , guide des champs de bataille 

 

 

 

 

Voir les combats des 3 et 4ème armées pendant la même période

Voir les combats de la 5ème armée pendant la même période

Voir les combats en Alsace pendant la même période

 

Suite des opérations : Morhange (2ème armée)  et  Sarrebourg (1ère armée)

 

 

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