Mise à jour : août 2013
Présenté par Alain LESEUX et retranscrit par Marie-France.
Merci à eux
Alain LESEUX nous présente son père :
«
Louis LESEUX est né le 05 janvier 1892 sur la butte Montmartre, plus
précisément rue des Martyrs à Paris 18ème. De sa première enfance, il évoquait
souvent un voyage en train à l’âge de cinq ans
avec son père Frédéric LESEUX, voyage dont la destination finale devait
être son placement à l’orphelinat Saint
Michel à Langonnet-en-Priziac
en pays Breton.
Au début de
son séjour il eut droit à une, voire
deux visites de son père puis, plus signe de vie de sa famille.
Quand il
évoquait son séjour à Saint Michel, tenu à cette époque-là par des pères
Spiritains, il ne manquait jamais
d’évoquer la discipline de fer qui y régnait.
Cela ne
l’empêcha pas, comme en témoigne
l’apparition de son nom dans différentes pièces théâtrales parues dans ‘’
l’Écho’’ daté de 1908, de participer pleinement à la vie culturelle et
associative de cette institution.
«
« Mon père séjourna à Saint-Michel
vraisemblablement jusqu’à l’âge de seize ans.
Le 13
juillet 1906, il réussit avec succès son certificat d’études primaires suite à
quoi, un apprentissage d’ébéniste lui fut dispensé.
À l’issue de
cet apprentissage, il fut placé dans une famille
d’accueil à savoir la famille Blanchet à Quintin, cette famille Bretonne accueillit et considéra mon Père
comme un membre à part entière de la famille. D’ailleurs de forts liens
d’amitiés se tissèrent entre nos deux familles liens qui durant les
vicissitudes de l’histoire se resserrèrent encore davantage.
Lorsque le
premier conflit mondial éclata, mon père partit de St Malo le 06 août 1914 avec
le 47ème régiment d’infanterie, destination la frontière Belge. Durant les
quatre ans de ce conflit, il sera amené à combattre sur plusieurs théâtres
d’opérations, en Champagne, dans les Ardennes, la Somme, la
Meuse et la Marne.
Blessé
durant la bataille de Verdun, il fut cité à deux reprises à l’ordre du régiment
pour actes de bravoures et décoré de la Croix de Guerre (deux étoiles)… »
Le 47e régiment d’infanterie fait partie de la
Son casernement était, en août 1914, Saint-Malo. Il est composé de 3
bataillons, son effectif est environ 3300 hommes.
10 heures du soir, départ de Saint-Malo en route pour la frontière.
Nous passons par Rennes, Vitré, Laval, Alençon, Évreux, Creil, Soissons, Reims.
Nous avons depuis notre départ de Soissons un temps magnifique. Nous traversons des campagnes fertiles et de magnifiques moissons, des villages rustiques perdus dans la verdure, et tout cela sous un ciel magnifique et un soleil de feu… C’est d’un cachet incomparable.
Nous arrivons à Reims, ville superbe que nous entrevoyons d’assez près et nous contournons le champ d’aviation de Bétheny où nous avons le loisir d’entrevoir les fines silhouettes des aéroplanes. Puis le train continuant sa route, nous passons encore Laon, Rethel et Vouziers.
Nous sommes arrivés !
Enfin ! Depuis deux jours dans le train !
À midi, nous débarquons ; quelle sensation, surtout de se sentir si près de la frontière. Nous faisons halte à 1 kilomètre de la gare.
À trois heures, départ pour Le Chênes à 13 kilomètres. Pendant toute la marche, de nombreux aéroplanes nous survolent tout le temps. Enfin, à six heures et demie du soir, nous arrivons aux Chênes. Nous sommes extrêmement fatigués, par la marche principalement mais surtout du manque d’entraînement… et du chargement complet du sac.
Nous cantonnons ici. Nous y sommes bien logés et les gens sont très
affables.
Dans la fin de la soirée, nous avons nouvelle qu’un soldat du 47ème vient de mourir ; c’est probablement de fatigue, ajoutée à la grande chaleur. C’est le premier mort du régiment.
Il se nomme Blandin.
Repos absolu. On remet nos affaires en ordre.
À 8 heures du matin, rassemblement devant la mairie pour la lecture des dépêches officielles. Journée magnifique.
1 heure du matin : alerte ! Départ pour Sedan. Nous traversons un pays très riche, accidenté et pittoresque… sous un merveilleux clair de lune.
La matinée est étouffante de chaleur ; pour ma part, je meurs de soif. Beaucoup de camarades restent couchés sur la route, exténués.
La difficulté est encore accrue par de terribles côtes à monter, en plein midi au plus chaud de la journée.
Journée inoubliable.
Enfin nous faisons une grande halte.
Il est 2h 30 ; depuis 1 heure du matin que nous marchons ! La grande halte se termine à 3h30 avec le départ pour Sedan que l’on aperçoit à 3 kilomètres.
À 5 heures, arrivée à Sedan. Réception enthousiaste par les habitants.
Nous sommes reçus comme des enfants : du vin sucré, du
rhum, du pain, du sucre, on ne sait plus où tourner la tête.
Après avoir traversé avec difficulté la ville, nous cantonnons dans la
caserne du 30ème Dragons.
Nous sommes au repos dans la caserne.
Nous faisons notre cuisine tout seul, nous, la musique et les conducteurs du train régimentaire. Le régiment est parti depuis le lendemain de l’arrivée pour occuper un petit bourg à 5 kilomètres derrière la frontière, à Rouillons, premier bourg de Belgique. Nos soldats y sont comme chez eux, ils ont tout à souhait.
J’ai profité de notre repos pour aller faire
un petit pèlerinage au village de Bazeilles, si vaillamment défendu par
les nôtres en 1870.
J’y visite le musée et l’ossuaire et je reviens tout impressionné de
tous ces souvenirs patriotiques si récents, en cette circonstance, plus
impressionnants encore.
Le quartier est consigné ; préparation au départ probable.
À 9 heures du soir, départ de Sedan pour faire place au 11ème corps.
Pendant toute
l’après-midi, il a fait un temps menaçant et c’est juste au moment où nous
partons que la pluie commence à tomber.
Pendant toute la marche elle ne cesse de tomber et avec cette nuit
noire, on ne voit pas à deux mètres devant soi.
On arrive à deux heures du matin
dans un village pour se reposer et se sécher ; on couche dans une
grange.
Réveil à 5 heures du matin d’Arcy. Nous contournons Rocroi en longeant les fortifications de cette ville.
Nous marchons jusqu’à midi et nous faisons la grande halte dans un petit village.
Il est 1h 30, nous sommes à 5 kilomètres de la Belgique. Pendant la soupe, nous blaguons largement et sommes pressés d’arriver en Belgique.
Départ du cantonnement à 2h 30, en marche vers la frontière belge. En cours de route, nous croisons les autobus parisiens qui serviront à l’approvisionnement de la viande.
Enfin, à 4
heures moins quelque chose, nous franchissons la frontière, très
impressionnés à la vue des couleurs belges, les nouveaux douaniers, les noms
des stations en belge et surtout le poteau frontière.
Les
Belges nous accueillent avec empressement et affabilité.
Partout des cris de « Vive la France », dont
l’écho est « Vive la Belgique ». Nous cantonnons à Cul-des-Sarts,
première ville belge à 4 kilomètres de la frontière.
Nous y cantonnons et sommes reçus comme des libérateurs, on loge chez
un bien brave homme qui se met en quatre pour nous faire plaisir.
Le soir, après la soupe, ne voyant rien de bien d’intéressant à faire, voyez ce que nous imaginons : nous avons un drapeau français que ces braves gens conservaient chez eux comme souvenir et de plus, un drapeau à leurs couleurs nationales.
Nous leur avons demandé de nous le donner, ce
qu’ils ont fait avec bonne grâce. J’empoigne un bout de bois et une boite de
cirage et de ma plus belle écriture, j’inscris sur le drapeau français :
« Musique
du 47ème », « Vive la France »
Et sur le drapeau belge
« Vive la Belgique, notre alliée
».
Et alors, ceci fini, un de nos plus dégourdis grimpe dans un sapin à 5 mètres de la maison, un sapin d’au moins 20 ou 25 mètres de haut, et une fois arrivé au sommet, y installe le drapeau français bien solide. Au bas de l’arbre, c’était très joli, et l’autre drapeau fut installé au milieu de l’arbre.
Le patron nous a bien remercié et nous a dit :
« Pas un Prussien n’aura le courage d’aller monter jusque-là pour les descendre, ces deux-là ! ».
Départ à 7
heures du matin.
Remerciements à nos généreux hôtes et nous
filons. On revient vers la frontière que nous longeons quelque temps, puis l’on
continue notre marche en nous enfonçant définitivement en Belgique.
Les dernières maisons françaises
disparaissent petit à petit, puis tout d’un coup plus rien :
« Salut, France, je ne reverrai
peut-être plus ! »
Le soir, nous cantonnons dans un joli petit bourg très pittoresque et nous y passons la nuit.
Départ à travers les Ardennes belges. Nous
assistons à un magnifique lever de soleil dans les montagnes.
Nous traversons Couvin, Marienbourg, Philippeville.
La journée est accablante de chaleur ; nous mourons de soif et aussi de
faim car nous n’avons pas été approvisionnés la veille.
Enfin, après une marche de 32 kilomètres,
nous arrivons et faisons la grande halte à Saint-Lambert. Nous y sommes
de nouveau accueillis comme à Sedan : des verres à n’en plus finir, du
pain et du bon celui-là – fait avec de la levure de bière -, des confitures, du
beurre, des gâteaux, que sais-je, et de la bière à discrétion, et tout cela
sans donner un sou !
Ah ! Quels braves gens ils sont !
Enfin, à 2h 30, nous partons pour Fraire qui se trouve à 3 kilomètres. Nous y arrivons à 4 heures. Même accueil qu’à Saint-Laurent, nous y passons la nuit.
(*) : Le JMO (journal du régiment) explique :
« Étape très longue,
faite avec entrain par des hommes n’ayant pas eu le temps de manger avant le
départ, (…) alors que 35 km avaient été parcourus »
Départ pour Hanzinelle
à 7 heures du matin.
Le temps est des plus beaux, les campagnes sont très riches et
fertiles. La marche n’est pas dure car après 10 kilomètres, nous arrivons à Hanzinelle vers 10
heures du matin. Nous y passons la journée à nous reposer des fatigues de
la veille.
Vers 5 heures du soir, un aéroplane allemand, le premier que nous
voyons se montre à 4 ou 500 mètres dans le ciel.
Des coups de feu éclatent tout de suite de
toute part. Nous voyons l’aigle essayer de monter plus haut mais c’est en vain
; à un moment même, il baisse une aile ce qui nous fait croire qu’il va tomber.
La fusillade éclate de plus belle.
Malheureusement, l’oiseau est touché et à
mort. Il s’éloigne petit à petit et deux heures plus tard on nous apprend qu’il
est tombé à 6 kilomètres de là, les deux officiers aviateurs sont carbonisés.
Voilà le premier ! Avis aux autres !
Repos toute la journée : soins de propreté et
cuisine.
Le soir à 6 heures, départ pour Biesmes
à 18 kilomètres, nous dit-on.
Nous marchons toute la nuit par de très
mauvais chemins. Ca sent l’approche de l’ennemi.
À chaque pause, nous dormons sur la route, découragés par la longueur
de la route.
À 3h 30, nous arrivons là Vitraval.
Nous sommes harassés, n’ayant pas dormi.
Là, nous apprenons que la 1ère division a combattu la veille et subi de grosses pertes. À peine le temps de souffler et nous allons prendre nos positions.
C’est donc vrai que nous allons nous battre et tout de suite alors !
Premier combat.
Nous entrons en ligne après divers mouvements d’approche. Nous traversons la route de Charleroi à Namur et gravissons les pentes escarpées. Le canon gronde au loin pendant que nos troupes dévalent les collines voisines.
Les troupes se sentent près de l’ennemi.
Pour nous brancardiers, nous installons notre ambulance dans un petit village à 2 kilomètres de notre arrivée et le poste de secours s’installe juste à l’entrée du champ de bataille.
Le canon gronde de plus en plus.
Nous avons pris contact avec l’ennemi, il est 8h45, une journée magnifique se
prépare.
Voici maintenant que la fusillade se mêle au
canon ; ça crépite de partout. Nos premières lignes progressent légèrement.
Nous voyons bientôt arriver plusieurs
blessés, de mes camarades même. Ce qui atteste la fureur du feu, c’est que les
blessés arrivent maintenant très nombreux.
Certaines blessures sont terribles, ça nous impressionne beaucoup, pour
la première fois surtout.
Notre tour de travailler est venu pour nous
aussi.
Pendant qu’une partie
de nous soignent les blessés qui nous arrivent nombreux, les autres par équipe de
quatre, nous allons relever ceux qui sont frappés
plus durement. La tâche n’est pas toujours facile et nous nous sommes aplatis à
terre plus d’une fois pendant notre marche sur le champ de bataille pour éviter
les obus qui éclataient parfois à des distances dangereuses pour nous.
Cela dure jusque vers 2 heures de l’après-midi.
À ce moment, un léger mouvement de recul nous
fait lâcher du terrain si chèrement pris le matin. C’est alors que malgré
plusieurs magnifiques élans de nos soldats pour reprendre les positions
perdues, nous reculons en laissant beaucoup des nôtres sur le terrain.
De leurs belles positions, les Allemands nous mitraillent à volonté
pendant ce recul. C’est surtout de là qu’est provenu le nombre de blessés et
tués. (*)
Enfin à 4 heures, nous reculons définitivement pendant que les obus commencent à
pleuvoir sur le terrain. Nous ne réussissons même pas à relever nos blessés qui
sont frappés pendant cet instant. Notre recul est protégé par nos canons 75 qui
font merveille !
D’où nous sommes, nous pouvons apercevoir les Allemands sortant d’un
bois où ils étaient retranchés, s’avancer en colonnes et être fauchés par nos
obus qui pleuvent des hauteurs. C’est pendant la lutte d’artillerie que nous
profitons pour nous reformer en arrière à 3 kilomètres.
Le soir à 7 heures, l’artillerie se replie à son tour et alors
il faut fuir, emportant sur nos épaules les pauvres blessés que nous avions
relevés le matin et l’après-midi, et cela pendant 5 kilomètres.
Enfin nous arrivons dans une ferme où nous
déposons nos blessés dans un hôpital provisoire. Nous y arrivons à 10h30 du soir, harassés, fourbus,
mourant de faim, pas approvisionnés de la journée, pas dormi la nuit
précédente.
Nous couchons dans une grange à côté de nos
blessés sans même manger car la faim est encore moins dure que le sommeil.
Triste début de campagne !
(*) : Le JMO (journal du régiment) explique :
« Les bataillons ne
peuvent plus avancer devant le feu terrible des batteries de mitrailleuses
invisibles dans les bois (…) ils subissent des pertes sensibles (…) Un
mouvement de repli est ordonné (…) un bataillon perd le quart de son effectif
(…) retraite précipitée (…) "
Réveil à 2 heures du matin.
Nous repartons précipitamment car l’ennemi est tout proche et l’on craint
une surprise. Nous marchons dans la direction de Doret ; c’est un petit
bourg dans la direction est des collines où ont eu lieu les batailles de la
veille.
Nous arrivons vers 9 heures dans une plaine à côté d’un petit village. N’ayant
rien dans le ventre depuis la veille, on nous autorise à tuer la volaille,
d’autant plus que le village est désert.
Nous enlevons les lapins, poules et cochons,
que nous faisons cuire comme nous pouvons.
À peine avons-nous le temps de dévorer un
malheureux morceau de poulet qu’une grêle d’obus tombe à côté de nous. Un
aéroplane allemand était venu nous survoler en plein cantonnement et avait
donné l’éveil.
C’est
alors la retraite qui recommence, plus précipitée et plus désordonnée que la
veille. Nous arrivons dans une ville
assez importante, Florennes.
Les gens sont en train de l’évacuer.
Là, sous sommes à plusieurs kilomètres de l’ennemi et nous nous y
arrêtons, d’autant plus que notre artillerie les maintient plus loin en avant.
Le soir, nous revenons en arrière un peu, car nous
avons repris un peu de terrain grâce à nos 75. Nous campons la nuit dans un
bois à 200 mètres de l’avant-poste prussiens.
Brr !
Nous partons avec l’ambulance à Florennes.
De là, la retraite se poursuit sur Daussoy où nous arrivons à midi, après avoir fait la soupe dans un petit bois.
La chaleur est accablante.
Pendant la route, nous apprenons que le 50ème d’artillerie a perdu une batterie en protégeant sa retraite. Nous arrivons à Daussoy vers 2 heures.
Là, nous trouvons encore de quoi nous
ravitailler dans une cave et une maison, nous trouvons de la confiture.
Le régiment se porte en avant du village pour prévenir toute attaque.
Enfin, vers
4 heures, départ précipité.
L’ennemi étant à nous, tourne, disait-on.
Après une heure de marche, nous faisons une
pause sur la route, en attendant le régiment qui devait passer.
Puis au bout de ¾ d’heure, arrive un capitaine de Dragons nous
ordonnant de partir tout de suite. Précipitamment, nous nous mettons en marche.
Alors on nous apprend que le régiment est parti par une autre route et que nous
étions seuls en arrière, à 25 ou 30 comme arrière-garde, à 1 kilomètre des
Allemands.
Enfin nous arrivons à Cerfontaine pour
y faire la soupe derrière les tranchées.
À 8 heures du soir, signal du départ, en
route !
Nous marchons toute la nuit, terrible pour
moi. J’ai le pied forcé depuis 3 ou 4 jours et c’est juste si je peux faire 7
ou 8 kilomètres.
Je n’en peux plus, je m’arrête et monte en voiture derrière le régiment.
La marche est pourtant de 30 kilomètres, après une halte pour faire le café à
12 kilomètres de Chimay, à 3 heures du matin.
À 7 heures du matin, nous arrivons à Chimay ; un coup de
vin, quelques gâteaux que nous trouvons à acheter et en route, toujours…
C’est en passant à Chimay que nous voyons nos aéroplanes, eux
que l’on avait pas vu en Belgique, de même que
quelques grosses pièces d’artillerie lourde.
Nous arrivons à Saint Rémy à 12
kilomètres de Chimay.
Nous passons la journée au repos.
À 8 heures du soir, nous apercevons les premiers soldats
anglais.
De loin, nous les prenions pour des Allemands ; il y eut une fausse alerte.
À minuit, nous arrivons à une maison de campagne.
Nous passons la nuit sous les sapins et le matin à 9 heures, départ pour la frontière française.
À 11 heures, nous repassons la frontière.
Nous traversons Hirson à 3 heures et arrivons à Neuf-Maisons, petit bourg à 2 kilomètres d’Hirson. Nous cantonnons dans une belle ferme et nous buvons du cidre pour la première fois depuis le départ.
Malheureusement, nous le trouvons rudement mauvais auprès de celui de Saint-Malo.
Après une nuit épatante de bon repos, nous repartons le lendemain matin à 7 heures.
Nous faisons une douzaine de kilomètres et
arrivons dans une tranchée, ou plutôt dans une prairie retranchée entre Le
Chaudron et La Bouteille.
Nous cantonnons dans une prairie un peu plus
loin, à proximité d’une ferme.
Là encore, on ne ménage pas les vivres restés
et abandonnés par les gens qui s’étaient enfuis. C’est une véritable fête….les
volailles, les confitures, les boissons et le reste…tout y passe !
Nous restons là jusqu’au lendemain à 10h30 du matin et nous repartons.
Nous traversons Vervins ou, en
passant, les plus débrouillards vident la cave d’un débit de tabac qui du reste
était un dépôt de gens vivant au détriment des autres.
D’après renseignements, ils vendaient la
bière 0,50 franc le litre au lieu de 0,30 franc…. Mal leur en prit ; tant pis
pour eux, c’était juste.
Et nous arrivons à 6 heures du soir à Lemé
où nous couchons dans une maison de campagne.
Le canon de nouveau se fait entendre,
l’ennemi est donc proche.
Que se passera-t-il demain ?
Deuxième combat.
1h 30, réveil.
À 2 heures nous quittons Lemé, nous prenons la route de Guise, paraît-il.
Vers 6 heures, nous faisons halte à 200 mètres du village
d’Audigny, loin de se douter au grand silence qui y régnait à cette
heure de ce qui allait se passer.
Tout à coup, une terrible fusillade de tous
côtés.
Nous sommes surpris.
Le bataillon qui nous suit passe en avant de
nous, pendant que nous nous mettons à l’abri avec nos voitures médicales et
l’ambulance. Les Prussiens sont en nombre, notre tête de colonne est à 200
mètres d’eux.
En arrière du village, le 2ème de Granville
qui nous suit s’élance pour entrer en ligne.
Vive fusillade pendant une demi-heure ; on
essaie une charge à la baïonnette pour dégager nos troupes.
Mais les mitrailleuses allemandes sont en
bonne position, d’autant plus qu’elles sont là depuis la veille !
Aussi, dès que les nôtres s’avancent, des
files entières tombent, fauchées comme des grains. (*) C’est
très vif, on hésite, on a peur.
C’est
la panique qui commence, la débandade suit.
Notre poste de secours ayant un peu reculé en
arrière du village au moment le plus vif du combat, nous étions revenus en
avant pour chercher nos blessés. Mais le flot des fuyants et des blessés
s’étant sauvés tant bien que mal, nous emporte et nous traversons le village en
désordre. Pendant tout ce temps, les balles sifflent à nos oreilles.
Quelle cohue de monde, chevaux, voitures !
À ce moment, je porte sur un brancard un camarade blessé de ma compagnie quand à 200 mètres du poste de secours, le camarade qui porte le brancard devant moi reçoit une balle dans les reins. Heureusement quand on eut déposé le brancard, on s’aperçut que ce n’était rien : la balle avait effleuré la colonne vertébrale et était légèrement rentrée, et cela grâce à une cartouchière que ce camarade avait à son dos.
Quelle chance pour moi qui était derrière ; à 1,50 mètres de plus et c’était moi qui la recevais, dans la poitrine peut-être, étant plus petit que ce jeune homme.
Le long du chemin, des officiers essaient d’arrêter les fuyards pour les ramener mais beaucoup s’échappent.
Enfin, à 4 ou 5 kilomètres, nous arrivons à une ligne de chemin de fer où un train nous attend pour le transport des blessés. Nous donnons un coup de main pour les embarquer puis je repars un peu plus loin où je m’arrête pour manger un morceau.
Il est 2
heures de l’après-midi.
Nous nous arrêtons sur une hauteur, derrière
l’artillerie du 1er corps.
Au Nord, les Allemands ont avancé mais ici,
ils sont refoulés peu à peu sur l’Oise. Pendant ce temps, le 47ème est de retour
peu à peu : il fait la pause et se reforme.
Il manque 1.200 hommes. (**)
Le combat continue le reste de la journée pendant que le renfort nous étant arrivé est en train de se battre.
La nuit arrive enfin, et le soir nous couchons sur le champ de bataille à la lueur de plusieurs incendies au front…
(*) : Le JMO (journal du régiment) explique :
" Le village Audigny est enserré comme dans une tenaille par
les Allemands (…) L'ennemi déborde à l'est et à l'ouest et les balles pleuvent
de tout côtés (…) la situation est critique, l'ordre
est donné de se replier (…) le régiment se reforme face au village et il reçoit
l'ordre de contre-attaquer avec un second régiment (…) l'assaut est donné à la
baïonnette, en colonne profondes, par toute la brigade, tambours battant,
clairons sonnant. (…) Mais l'ennemi a dispersé de nombreuses mitrailleuses (…)
l'élan est brisé.
(**) : Le JMO donne le détail des pertes : plus de 1000 hommes
sont tombés
Combat d’artillerie. Nous faisons le café dans un petit village et nous repartons au combat.
Toute la matinée, violent duel d’artillerie.
Vers le milieu de la matinée, ne pouvant plus tenir à l’endroit où nous étions et gênant l’artillerie, nous allons un peu plus loin et avons l’imprudence de nous installer sur une hauteur…Nous y sommes à peine installés que les obus nous arrivent et qu’il faut décamper en vitesse.
Nous faisons la grande halte où nous nous sommes rassemblés la veille et nous repartons de nouveau…toujours la retraite ! (*)
Vers 7h 30, nous faisons la soupe en arrivant à Mony ; elle se fait en plein bois puis nous allons nous reposer dans une grange.
(*) : Le JMO parle d'une marche " rétrograde "
À 3 heures du matin nous repartons.
Nous arrivons à Vesles vers 1 heure.
Nous ne sommes pas mal installés, nous sommes logés dans une grange La Vieille Avare.
Nous nous reposons un peu jusqu’au soir et comptons dormir un peu.
Le soir à 8 heures, des ordres de départ arrivent : en route !
Nous marchons toute la nuit avec des arrêts à tout instant….oh, quelle sale marche que celle-là et on n’en était pas au bout, pourtant c’était la plus longue que l’on est faite. (*)
(*) : 50 km…(JMO) à pied avec tout le barda…
Continuation de la marche d’hier.
Nous marchons jusqu’à midi. Là nous arrêtons à Berry-au-Bac, au bord d’un
canal, pour casser la croûte.
Nous sommes harassés, je ne sens plus mes
pieds…
Enfin, puisqu’il le faut, 2 heures après l’on repart.
Le soir, vers
6 heures, nous arrivons à Marzylly, après
55 kilomètres de route, 34 heures de marche – ah ! Mes pieds !
Nous sommes dans un magnifique château du
consul d’Italie. Nous y sommes très bien reçu, il est bien entendu qu’il n’y a
que les officiers et la Musique qui sont logés au château. Nous faisons un
repas succulent, avec un magnifique canard que l’on s’est payé. Nous passons la
nuit sous les sapins en plein parc.
Le lendemain, 4 heures, debout, on repart !
Merci à la patronne du château.
Vers 10 heures, nous arrivons à Rosnay.
Ici nous sommes logés très bien dans une
nouvelle propriété appartenant celle-ci à M. Théodore Dubois, ancien directeur de Conservatoire de Paris.
Il met tout à notre disposition.
Comme notre chef s’était débrouillé pour nous
trouver cette place-là, à nous autres musiciens, c’est là que j’ai passé mes
meilleurs moments pour faire la popote ; j’étais tout à mon aise.
Le soir, nous nous reposons très bien.
Le lendemain, le départ a lieu à 2 heures pour Mardeuil.
Nous restons 3 heures sur les hauteurs de Rosnay puis nous
repartons en marche.
Nous voici en pleine Champagne, on entend le canon qui tonne au loin.
Vers midi, par une journée magnifique et une chaleur étouffante, d’autant plus que nous marchons depuis le matin, nous apercevons la Marne et plus loin Épernay, tout cela au fond d’une vallée magnifique.
Nous traversons la Marne et allons cantonner à Mardeuil, à 4 kilomètres d’Épernay.
Là il est très difficile de s’approvisionner car toutes les maisons sont fermées. Nous logeons chez une brave femme qui nous prépare, à plusieurs camarades et à moi-même, une bonne portion de foie rôti que je trouvai rudement bon après une marche comme celle de la veille.
Le lendemain, départ à 3 heures pour Étoges.
Nous allons prendre possession des crêtes qui avoisinent la rive droite de la Marne, au pied d’Épernay.
Nous repartons à 11 heures, par une chaleur terrible, après une pause d’une heure à un carrefour dans un bois. Nous contournons les hauteurs d’Épernay, le pays est magnifique, des sites merveilleux.
Vers 1 heure, nous nous arrêtons pour dîner, nous trouvons du vin assez facilement. Mais voilà notre frugal repas à peine terminé qu’un obus tombe dans le village où nous sommes.
Nous partons immédiatement.
À 1 kilomètre de là, on fait une petite pause en attendant les ordres.
Le soir à 7 heures, nous sommes au château d’ètoges, c’est une vaste propriété magnifique. Je couche dans une grange où je me rappelle avoir eu les pieds bien malades.
À 4 heures, en route !
Après ¾ d’heure de marche, le régiment se
porte en avant.
Est-ce un nouveau combat ? Pas encore !
Après 2 heures d’attente, nous repartons pour Sézanne à 6
kilomètres.
Là, nous trouvons à nous approvisionner à volonté. Nous cantonnons dans
l’ancien cercle catholique de la ville.
Une proclamation est faite aux soldats du 47e RI le soir du 5
septembre :
" Demain 6 septembre, la 5e armée attaquera la 1e armée
allemande sur tout le front (…) Le succès de cette opération peut dépendre le la fin de la 1e partie de la campagne. Il importe que
chaque soldat sache avant la bataille que l'honneur de la France et le salut de
la patrie dépends de l'énergie qu'il va apporter dans le combat de
demain."
" Le pays compte que chacun fera son devoir. Les faiblesses
seraient punies immédiatement par les rigueurs de la loi martiale (…) "
Bataille de la Marne.
2 heures du matin, départ.
Nous marchons vers le Nord maintenant.
À 2 kilomètres, nous nous engageons dans les champs à travers bois et prairies. Nous avançons plus prudemment, avec de fréquents arrêts. Le canon tonne à courte distance à travers les bois de sapins où nous allons nous réfugier.
Nous suivons la fusillade qui commence à éclater. Puis l’artillerie s’en mêle aussi. Nous voici de nouveau en contact avec les Allemands.
Nous avançons déjà assez prestement en avant : ça doit bien marcher !
Peut-être un peu trop vite même car nous sommes obligés à un moment à nous reporter un peu en arrière, mouvement insignifiant du reste.
Le régiment se trouve dans les bois de Charleville, au nord de
Sézanne (Marne)
Dans l’après-midi, violent duel d’artillerie. Pour la première fois, nous entendons les gros obusiers prussiens.
De loin, dans un bois de sapins, nous assistons à cette avalanche de fer et de feu s’abattant sur nos batteries avec un bruit d’enfer, ces masses de feu se précipitant à une vitesse folle. Et élevant un nuage immense de poussière et de terre tel que d’où nous étions, on aurait cru à une trombe.
Oh, quel spectacle ce jour-là ! Nous croyons qu’il ne restait plus rien de nos pièces et de nos artilleurs.
C’était terrible.
Le soir à 7h 30, le combat s’arrête. Nous couchons dans une ferme en compagnie de nos blessés. Plusieurs prisonniers allemands ont été saisis.
Nous nous reposons.
Le combat reprend à 3 heures du matin.
La fusillade éclate, terrible, tout près de
nous, à 100 mètres des toits. Les Allemands se sont avancés pendant la nuit.
Peut-être serait-on cernés ?
Mais non, petit à petit, ils reculent et avec
des pertes importantes. Une heure après, tout étant fini à nos côtés, nous
faisons une pause pour déjeuner : quelques biscuits et un peu de lard trouvé
dans la ferme.
Enfin nous repartons pour aller occuper le
village de Charleville que les nôtres ont pris la veille.
Nous marchons sous les arbres jusqu’à un certain point mais la mitraille balaie tout le terrain et l’on s’arrête à 2 kilomètres du village.
Le soir, nous retournons coucher à la ferme de la veille. Pendant tout le terrain de combat, c’est très dur de part et d’autre. Nous avons fait 150 prisonniers, nous les mettons dans la ferme.
Nous avons reçu l’ordre d’aller occuper Charleville, le régiment s’y trouve déjà.
Nous repartons donc sans manger le soir pour aller à Charleville que les Allemands ont quitté en hâte, laissant leurs tranchées remplies de cadavres des leurs.
Nous sommes obligés pendant ce trajet de nous arrêter fréquemment pour
échapper aux obus qui tombent encore à proximité de nous.
La nuit est enfin arrivée et nous aussi, on
n’aperçoit plus que les lueurs de l’incendie.
Le soir, nous entrons avec nos ambulances à Charleville.
Enterrement la nuit de l’adjudant LHOTELLIER, du 47ème.
LHOTELLIER Mathurin, adjudant-chef au 47e RI, mort pour la
France le 7 septembre 1914, tué à l'ennemi à Charleville. Il était né à
Lamballe (35) le 26 mars 1880.
À 6 heures du matin, en avant sur la place de l’église. (*)
Elle est d’un aspect lamentable, couverte de
débris de toute sorte. L’église, elle, flambe encore depuis deux jours et sa
toiture flambe sous nos yeux en terminant de se consumer.
Du reste, le toit tout entier s’effondre dans
l’intérieur ; il est 7h 30.
Quel spectacle de ruines offre ce petit
bourg.
À 8 heures, toujours en avant. Halte à 2 kilomètres plus en avant, le Petit-Morin. (**)
À 10 heures, arrivée à la ferme de Poisserose.
Là, nous retrouvons 190 blessés allemands non évacués à temps avec
leurs infirmiers.
Le soir, nous couchons dans la ferme assez tard.
(*) : L'église de Charleville
(**) : C'est une rivière
À 3 heures le lendemain, debout. Nous voilà partis suivre le régiment dans une vaste plaine.
Bientôt nous arrivons de nouveau sur une belle crête d’où l’on pouvait voir très loin. Le résultat de notre installation ne se fit pas attendre : nous étions à peine assis là depuis 10 minutes qu’une pluie d’obus nous arrive.
Nous commençons alors de nouveau une fuite éperdue à travers cette plaine complètement à découvert, à la merci de l’artillerie ennemie.
Aussi, elle ne nous ménagea pas ses obus de petit et gros calibre.
Quant au bout d’un quart d’heure de course nous nous sommes retournés pour juger des effets de l’artillerie, nous voyons ces gros obus tomber en plein dans les rangs des camarades qui se repliaient.
Nous les perdions de vue par moment, tant la fumée était épaisse.
Oh, c’était terrible et tout cela ne nous empêchait pas d’être continuellement exposé à être blessé ou tué par les obus qui nous tombaient dans le dos à 100 mètres à peine.
Enfin, obligés de reculer par suite de cette fausse manœuvre, nous perdons le terrain gagné la veille. Nous revenons sur le même terrain qu’hier.
C’est en s’y rendant que nous passons devant les tranchées occupées la veille par les Allemands. Oh, quel spectacle !
Une rangée de 20 cadavres ennemis couchés les uns sur les autres.
Oh, c’est horrible à voir, ces figures-là fauchées par nos 75 à leur sortie des tranchées. Mais le spectacle a été encore plus douloureux quand, de l’autre côté de ces tranchées, nous avons aperçu une douzaine de soldats français couchés eux aussi pour toujours, à 10 mètres de leurs ennemis. Ils tiennent encore dans leurs mains crispées leur fusil, la baïonnette au canon. J’ai regardé le régiment de l’un d’eux : c’était le 41ème à Rennes.
J’ai longtemps songé à sa famille, à ses amis. Hélas !
Et j’ai réfléchi…
De là, nous arrivons à un petit bois où l’on se met comme on peut à l’abri des obus qui pleuvent toujours.
C’est là que nous apprenons la mort de notre colonel, frappé d’un éclat d’obus en même temps qu’un de nos lieutenants de mitrailleuses.
On vient nous prévenir d’aller les relever mais les obus pleuvent tant qu’il nous est impossible d’y parvenir.
Cette triste mission est remise à la nuit.
Dans la soirée, profitant d’une accalmie, nous avons pu ensevelir notre colonel ainsi que le lieutenant. Nous nous sommes ensuite reposés la nuit à Charleville de nouveau.
Dans la soirée, les derniers coups de canon allemands cessèrent tout d’un coup. C’était leur retraite qui commençait : la grande bataille de la Marne était gagnée pour nous, les Allemands repartaient chez eux !
En avant, à 5 heures du matin, pour suivre et chasser les Prussiens en retraite.
Au bout de 3 kilomètres, nous arrivons à Le Thoult, petit village occupé la veille par les Allemands.
Tout le long de la route, des cadavres de gens et de chevaux, des débris de toutes sortes, des restes de repas interrompus précipitamment, des effets, des casques, des armes et par-dessus tout, une odeur repoussante provenant des cadavres restés en décomposition dans les fossés et les chemins.
À 200 mètres du bourg, on aperçoit sur une hauteur des pièces d’artillerie lourde qui ont été détruites par nos 75. Notre commandant, comme nous passons à 300 mètres de là, nous permet de nous en approcher et d’aller voir le travail accompli par nos pièces.
Quand nous arrivons près des pièces, ah, quel spectacle !
Elles sont complètement détruites, brisées, tordues, les roues arrachées.
Mais ce n’est là que le dégât matériel.
Tous les servants ont été frappés au pied de leurs pièces, 8 cadavres horriblement mutilés, hachés, couchés là. L’un n’a plus de tête, l’autre est coupé en deux, un autre n’a plus que les jambes de visible…
Jamais je n’ai vu plus terrible et tout cela carbonisé par l’explosion
de leurs propres obus sur lesquels les nôtres étaient tombés. (*)
Enfin, après 20 minutes de cette vision, on est reparti à la hâte. Tout
le long de la route, des débris de toutes sortes et toujours des fuyards tués
et des cadavres de chevaux partout, des armes, des harnais, des caisses de
toutes sortes.
Nous arrivons à Champaubert. Nous
voyons et saluons en passant le monument élevé en l’honneur des Français morts
là en 1812, sous Napoléon.
Nous faisons la grande halte.
Une heure après nous repartons pour Varenne. Nous passons à Bergères, l’église et la mairie sont remplies de 180 blessés allemands. (*)
(*) : C'est aussi relaté dans le journal du régiment.
Il semble manquer la journée du 11 septembre. D'après le journal du
régiment, le 47e RI va de Bergères à Épernay et cantonne la nuit dans la
caserne des chasseurs à pieds
Nous traversons Épernay à travers une population enthousiaste.
Nous passons la Marne sur un pont construit par le génie, sur l’emplacement du pont que les Allemands avaient fait sauter. Nous allons jusqu’à Ay, pays du bon vin.
Nous nous y arrêtons et sommes bien reçus par ces braves gens : du pain, du vin, des confitures.
Vers 3 heures de l’après-midi, la pluie qui nous avait suivi depuis notre sortie d’Épernay recommence à tomber jusqu’au soir à 8 heures. Nous arrivons à cette heure à la ferme de Puisieulx, 4 meules de paille sont allumées pour nous faire sécher, nous sommes complètement traversés.
Le soir, nous cantonnons dans la ferme.
Départ de Puisieulx pour la ferme Couraux pour suivre le régiment qui gagne du terrain. Le combat étant engagé par notre infanterie depuis le matin, tout marche bien pour nous.
D’où nous sommes nous apercevons Reims de loin, devant nous. Et le soir, nous voyons des incendies dans cette ville par les Allemands.
À midi, un violent duel d’artillerie nous oblige à nous replier sur un peu de terrain en arrière de Puisieulx.
Nous nous dirigeons vers le château de Romont à 1,5 kilomètre. Nous y arrivons en passant par une aile qui avait été sérieusement défoncée par les obus.
Départ à 7 heures du matin du château de Romont pour aller à la ferme Couraux.
Matinée assez calme.
Voir
la carte pour situer ces lieux près de Reims
>>> ici <<<
L’après-midi, petit duel d’artillerie mais sans
importance notoire pour nous qui sommes pourtant dans le champ de tir de
l’artillerie ennemie.
Quand vers
11 heures du soir, les Allemands commencent le bombardement du village où
nous sommes et de la ferme en particulier.
Le bombardement devient terrible, nos blessés
que nous avions ramenés et mis à l’abri la veille dans les écuries et les
étables ne furent plus en sécurité.
C’est alors qu’il fallut, au prix de mille dangers, les emporter en
hâte sur nos épaules et les transporter au château distant d’au moins 3
kilomètres et sous les obus qui tombaient de plus en plus. Par miracle, il n’y
a pas eu d’accident parmi nous ni nos blessés, mais ce fut tout juste, plus
d’un obus ayant éclaté bien près de nous.
Quant à la ferme, les maisons derrière, tout était en feu, c’était lugubre.
Tous nous pûmes nous échapper à temps. Deux camarades eurent l’imprudence de vouloir sortir au plus fort du bombardement d’une grange où ils étaient à l’abri.
Ils tombèrent tous les deux, tués sur le coup par un obus.
Pauvres malheureux !
Enfin, après bien des peines, nous arrivâmes au château, lassés et tout impressionnés de ce que nous venions d’entrevoir.
Journée de repos pour les brancardiers, le combat étant moins terrible que ces jours derniers. Nous profitons de cette journée pour enterrer les pauvres blessés installés au château et qui sont décédés des suites leurs blessures.
C’est alors que nous assistons à une cérémonie vraiment touchante. L’aumônier militaire précédant ce convoi mortuaire défile devant les officiers qui saluent respectueusement au passage de chaque civière. J’y ai assisté et j’en ai été très ému.
J’ai compté 19 cadavres, de ces pauvres soldats frappés si durement tout jeunes encore par l’impitoyable mort.
Ce fut impressionnant et j’en garderai le souvenir ineffaçable.
Coup de foudre : nous apprenons au château
que les gens de la ferme Couraux sont des
espions. Aussi on procède immédiatement à l’arrestation des gens ci-nommés.
Bientôt nous les voyons faire leur entrée au
château, escortés par les gendarmes ; il y a deux hommes et trois femmes.
Ils avaient entretenu des Allemands dans leur maison en cachette, après
que ceux-ci étaient partis et ils prétendaient que ces Allemands étaient
malades, mais on s’est aperçu de leur mensonge, à temps.
Nous restons encore au château.
Le combat dure
toujours autour de Reims, le canon gronde au loin mais les Allemands
sont indénichables de là. Nous apprenons qu’ils sont retranchés dans les forts aux alentours de Reims
et qu’ils seront difficiles à expédier de là.
Journée assez calme, pas de blessés. Accalmie passagère.
Dans le journal du régiment, il est noté qu'ils reçoivent un
renfort de 800 hommes venant du dépôt du régiment.
Départ à 8
heures du matin, nous marchons pendant toute la journée.
Nous cantonnons près de Reims, dans un rayon de 10 kilomètres.
Vers 3 heures, nous nous arrêtons en arrière de Reims.
On fait le café en plein sur une plaine à découvert et il fait salement froid.
Nous avons pourtant fait 25 kilomètres de marche. On se propose d’y
passer la nuit au bord d’un petit bois.
À 7 heures du matin, ordre est donné de partir cantonner de
nouveau à Rosnay, à 2 kilomètres de là.
Nous cantonnons de nouveau chez M. Théodore Dubois, nous passons la nuit-là et nous y reposons à notre
aise.
Réveil à 2h 30, départ à 4h30 pour Brice-Courcelle
où nous avons installé un poste de secours.
Le 47ème n’est pas engagé depuis ces jours derniers. Puis nous arrivons
dans une vaste plaine à découvert, d’où l’on voit les obus d’assez près tomber.
Quelques blessés nous arrivent en effet quelques instants après notre
installation.
Le soir, nous assistons plein de découragement à la
destruction de la cathédrale de Reims, on la voit flamber à 2 kilomètres devant
nous.
À 6 heures du soir, ce n’était plus qu’un immense brasier.
Nous avons passé la nuit dans la ferme où nous étions.
Départ à 7 heures pour Rosnay, arrivée à 11 heures.
Nouveau départ à 15 kilomètres pour Thyllois
où nous cantonnons.
Départ à 14 heures pour Germigny,
à 8 kilomètres.
Halte de 3 heures dans une prairie, nous arrivons au cantonnement à 20
heures.
Nous restons en réserve au cantonnement.
Départ à 4 heures, marche de 10 à 12 kilomètres et arrêt à 9
heures dans un pré en vue de Trully.
Nous y passons une partie de la journée en revenant à Germigny, étant repartis de Trully
à 18 heures.
Départ à 4 heures et arrivée au même cantonnement que la
veille.
Nous y passons tranquillement la journée au repos.
Retour à
18 heures pour Germigny, l’étape de 12
kilomètres est très dure par suite d’une marche à travers bois, champs,
marécage et en pleine obscurité.
Et puis lorsque nous avons repris la grand-route, les premiers
voulaient probablement rattraper le temps perdu et se sont mis à courir comme
des fous pendant 2 kilomètres.
Départ à 5 heures pour Coulonges, dans
l’Aisne, près de Helsles.
Étape de 35 kilomètres nous arrivons à 17 heures et nous cantonnons.
Départ à 4 heures du matin mais par suite d’un retard dans le réveil, la Musique se voit obligée de doubler tout le régiment qui était parti avant nous.
Nous doublons donc les voitures de compagnie et tout le 10ème d’artillerie et nous faisons à peu près 4 kilomètres au pas de course.
Nous passons par La Fère-en-Tardenois, Vichel-Nanteullet enfin, par une fatigue éreintante, nous arrivons après toute une journée de marche à Silly-la-Poterie. Nous cantonnons dans une grange.
Départ à 5h 30 pour Rully
par La Ferté-Milon, Boursonne, dans
l’Oise, Yvors, Crépy-en-Valois.
Le soir, nous cantonnons dans une écurie à Rully. Étape de 35 kilomètres. Bon accueil à Crépy,
nous sommes très bien reçus par les habitants au départ, le matin.
Le régiment a mis ses sacs dans les autos au service du 47ème. Comme
toujours, il y a des incidents stupides, plusieurs gardent leurs sacs par
punition.
Départ de Rully
à 8 heures pour Verberie,
arrivée à 11 heures. Nous sommes cantonnés dans une fabrique de faux-cols.
Ici, nous sommes à 14 kilomètres de Senlis,
17 de Compiègne et 55 de Paris.
Depuis trois jours de beau temps, nous avons le plaisir de voir nos
amis les Anglais.
Départ de Verberie pour l’embarquement
à 3 kilomètres. Nous faisons une pause à mi-route pour manger un morceau et se
reposer.
Embarquement à Lacroix-Saint-Ouen pour Marcelcave par Lons.
Départ à 7 heures et arrivée à 11h30.
Halte d’une heure et nous avons continué
notre tour par Villers-Bretonneux, Guerrieux
pour arriver à Montigny, dans la Somme.
Étape de 22 kilomètres, nous arrivons au cantonnement extrêmement
fatigués, nous nous y reposons.
Repos pendant la journée, travaux de
propreté, couture et cuisine.
Alerte à
19 heures, départ à 21 heures pour Mailly. Arrivée à 3 heures du
matin où nous cantonnons.
Étape de 20 kilomètres.
Réveil à 9h30 cantonnement à Mailly-Maillet dans
une maison bourgeoise.
Très bon accueil. Nous profitons pour faire des emplettes, des achats
considérables car depuis longtemps on est sans ressources. Aussi nous arrivons
avec joie dans cette petite ville, nous achetons du pain, du vin, du linge, du
chocolat, des gâteaux, etc.
Départ à 2
heures de l’après-midi pour Hannescamps, Pas-de-Calais.
Étape de 15 kilomètres. Nous y cantonnons.
Départ à 3 heures et étape de 8 kilomètres.
Nous entendons une vive fusillade près du village de Boisleux-Saint-Marc,
quelques obus sont venus nous saluer, mais sans dommage pour nous.
Le soir, nous cantonnons à Mercatel.
Nous sommes restés toute la matinée dans une
prairie et nous sommes partis installer un poste de secours dans une ferme.
Pendant la journée, aucun service, le 47ème n’ayant pas été engagé.
À 21 heures, une équipe de nuit est allée du poste de
secours à la ligne de feu.
Puis nous avons traversé le village de Neuville-Vitasse,
complètement en feu. Les toits étaient tout démolis par les obus ennemis.
Retour au poste à 23 heures,
nous y cantonnons.
À 3 heures, nous entendons une vive fusillade de tous
côtés.
À 7 heures, le poste de secours se replie pour se
reformer sur la route de Beaumetz-les-Loges. Nous installons un poste de
secours sur la route d’Arras puis comme les obus nous tombent dessus,
force nous est de nous porter plus loin sur Ficheux.
Nous y sommes restés et n’avons cessé de porter des blessés, du 47ème
surtout.
À 20 heures, nous recevons l’ordre d’aller repérer le
terrain.
Nous partons jusqu’à Mercatel.
À peine y sommes-nous arrivés que les balles
nous pleuvent de partout. Et quelques instants après, les obus se mettent de la
partie. Alors force nous est de nous précipiter à l’abri des maisons et pour ma
part, je m’abrite derrière une meule de paille.
Quels moments j’y ai passé !
Pendant 20 minutes que j’ai cru des siècles, tant c’était long à
attendre, une accalmie enfin arriva, nous en profitâmes pour aller relever les
blessés qui venaient d’être touchés et nous les transportâmes à Ficheux
car la nuit était arrivée.
Pendant tout ce transport jusqu’à Ficheux, c’est-à-dire 4 kilomètres, les balles n’ont pas cessé de pleuvoir mais heureusement aucun de nous ne fut touché, Dieu merci !
Le village de Mercatel derrière nous ne formait plus qu’un brasier. Et le canon qui crachait toujours, ainsi que les fusils.
C’était triste à voir.
Nous arrivons au poste à 23 heures.
Le réveil est à peine
sonné que le canon crache déjà dur de part et d’autre, même que bientôt les
obus allemands approchent de bien près. C’est alors que l’ordre est donné de faire replier le poste de secours avec
tous les blessés de la veille.
Nous filons vers Arras.
Les obus pleuvent bientôt de toutes parts,
nous voyons notre artillerie se repliant au galop, devant nous, tout cela au
milieu des obus qui tombaient partout.
Il fallait voir cela pour s’en faire une
idée.
Les routes étaient encombrées de voitures, de chevaux, de canons,
d’hommes et de blessés. C’était
la retraite en désordre, arrêtée du reste bientôt sur une hauteur
éloignée.
Nous nous arrêtons à l’entrée du village d’Achicourt
ou du haut du ciel un superbe « Taubes » nous regarde
défiler. C’était peut-être celui-là même qui avait repéré nos batteries le
matin même. Puis nous traversons le bourg d’Achicourt.
Notre artillerie ayant repris position, déverse sur les Boches qui
s’avancent sur la route de Ficheux des bordées d’obus qui font du beau
travail.
Le soir, nous cantonnons à l’entrée du bourg de Dainville.
Notre situation n’est pas très belle par
rapport au recul de la journée. Nous sommes maintenant dans un fer à cheval.
Réflexions.
À 8 heures, nous recommençons à entendre les crapouillards.
Le poste de secours est replié dans une ferme à la sortie du village. Bientôt les gros obus nous pleuvent bien près et nous nous éloignons du village pour nous abriter plus loin. Nous nous mettons à l’abri des meules de paille.
À 11 heures, deux rafales d’obusiers tombent à 25 mètres de nous.
Effrayés comme de juste par leur arrivée et leur fracas, nous nous éloignons plus loin en courant. À peine à notre nouvel abri, une nouvelle rafale nous arrive à 10 mètres, celle–là.
Quel spectacle j’ai vu à l’endroit où ils étaient tombés, c’était justement un groupe d’artillerie.
Dans l’affolement causé par cette nouvelle rafale, tous nous nous sauvions en toutes directions pour nous abriter ailleurs et en vitesse…. En passant, nous voyons un spectacle épouvantable, des pauvres artilleurs couverts de sang qui nous appellent en passant.
Oh, c’est affreux !
Nous leur disons que l’on vient tout de suite. Et en effet pendant que les autres s’enfuient à quelques centaines de mètres plus loin et à l’abri, je reviens sur mes pas avec deux ou trois camarades pour porter secours à ces pauvres blessés.
Ah, ce que j’ai vu là !
Un pauvre malheureux haché, des chevaux éventrés, des meules de paille rouges de sang, des débris de chair et de toute sorte et là nous voyons quelques pauvres blessés affreusement abîmés que nous pansons le mieux possible et je repars rejoindre mes camarades plus loin.
Dans l’après-midi, nous sommes partis pour aller cantonner à Varlus.
Devant, nous apercevons Arras et son grand beffroi.
Le soir, une équipe de brancardiers et musiciens
sont allés faire la relève des blessés.
Nous
sommes partis à 8 heures sur la
route d’Arras et nous nous sommes arrêtés devant la grande ligne de
chemin de fer à 2 kilomètres d’Arras.
Là, nous formons une équipe de 20 musiciens et nous sommes partis à Achicourt,
à 1 kilomètre, pour installer un poste de secours.
Arrivés à Dainville, nous avons été
obligés d’entrer dans l’intérieur d’une ferme et de nous abriter dans la cave
d’une briqueterie.
Les crapouillards tombent de partout autour
de nous.
Enfin après 2 heures d’attente, profitant
d’une accalmie, nous avons pu en nous faufilant gagner le poste.
Le soir, nous repartons pour Varlus.
Départ à 8 heures pour venir au même emplacement que la
veille.
Là une autre équipe a été détachée pour aller
à Achicourt, pour la relève des blessés.
Mon équipe se repose aujourd’hui.
Retour à 8 heures de Varlus
pour la relève.
Comme la veille, aujourd’hui, quelques blessés nous arrivent et sont
pansés bien vite.
Le soir nous couchons au poste de secours.
Nous passons notre journée à coudre et à laver du linge.
Le temps est superbe ces jours-ci.
Pendant ce repos, je profite pour écrire et pour lire ; on ne se croirait plus à la guerre si de temps en temps quelques obus ne venaient tinter à nos oreilles et vous dire : Oh là ! N’oublie pas la guerre !
Nous cantonnons encore au poste de secours.
Même journée au poste que la veille.
Nos 75 ne cessent de tonner pendant que les leurs ne cessent pas, à part quelques coups vers 16 heures, sans faire de dégâts.
Même travail et même tranquillité.
Toujours journée assez calme. Couture et travaux divers.
Enfin le
soir à 21 heures, nous sommes réveillés par une fusillade d’abord lointaine
qui se continua jusqu’à 22 heures.
La fusillade et la canonnade ne cessant de
gronder, nous nous levons en hâte en cas de bombardement du poste de secours ou
de retraite. Nous bouclons nos sacs et sommes prêts.
Ce n’était qu’une simple attaque des Boches pour entamer les nôtres
mais nous avons bien tenu et aucun recul n’a eu lieu.
Repos toute la journée ; peu de canons, quelques coups de feu isolés. Des aéroplanes allemands font leur petite randonnée au-dessus de nos lignes mais sont bientôt chassés par les nôtres qui les envoient chez eux.
Le bombardement d’Arras continue et abat le magnifique beffroi, ce n’est plus qu’une ruine.
Toujours des aéroplanes, des coups de canon fréquemment mais sans effet pour nous. Arrestation d’Allemands.
Arras recommence à être bombardé, la gare reçoit sa part de projectiles.
Repos le matin, quelques coups de fusil.
Dans l’après-midi, une batterie de 220 allemande nous envoie quelques obus qui sifflent tout au-dessus de nos têtes et à quelques mètres du poste de secours.
Enfin ça se termine, la nuit est calme, Arras brûle toujours.
Vers 8 heures, quelques gros obus recommencent à tomber. L’un tombe à une quinzaine de mètres du poste de secours. Quelques éclats retombent mais aucun de nous n’est blessé.
L’après-midi est assez calme.
Repos et calme général.
Même journée que la précédente.
Nous évacuons le poste de secours pour se reporter sur la route d’Arras, à Achicourt même. Nous cantonnons dans une immense grange, le confort est moderne, la journée est calme.
Repos et calme en général.
À 19 heures et pendant 20 minutes, notre artillerie bombarde Beaurains, feu à volonté.
Repos, très peu de fusillades mais vive canonnade vers Arras. Passage d’aéroplanes français et boches.
Journée comme la précédente.
Vive canonnade une partie de la journée. Vigoureuse reconnaissance d’aéroplanes de part et d’autre.
Véritable duel d’artillerie.
À 18 heures, nous entendons une vive fusillade nourrie.
Un ordre nous est donné de nous tenir prêts à partir en cas de retraite, mais aucun changement n’eut lieu pendant la nuit.
Véritable duel d’artillerie.
Arras est de nouveau bombardée à la tombée de la nuit.
Les obus pleuvent de tous côtés mais nous craignons un nouveau bombardement de notre ferme. Les obus éclatent derrière la ferme où nous sommes. Nous nous abritons pour le mieux car les « shrapnells » tombent partout.
Enfin la journée se termine sans accident.
La Fête de la Toussaint est respectée en général partout, aussi c’est peut-être pour cette raison que la journée fut calme, à peine 7 ou 8 obus et ce fut tout. Nos ennemis ont fait preuve d’initiative.
La journée se passe comme la précédente mais
avec cette seule différence qu’en ce jour aucun coup de canon, aucun, ne se fit
entendre.
Respect du jour des morts.
Seulement dans la nuit, à 2h 30, le 1er bataillon du 47ème essaie de reprendre la
briqueterie cédée la veille par le 25ème d’infanterie.
Ils
avaient essayé d’avancer contre cette position mais ils s’étaient trop vite
repliés sous la menace d’être tournés et cernés.
L’attaque fut très vive de part et d’autre,
c’est pris en écharpe que les nôtres furent obligés de reculer à leurs
anciennes positions.
Seulement cela nous coûta cher : 110 blessés et 60 à 70 disparus ou
morts.
Le journal du régiment (JMO) précise :
Le bataillon a perdu 30% de son effectif durant l'attaque de la
briqueterie de Beaurains, soit : 24 tués (dont 3 officiers), 188 blessés (dont
2 officiers) et 104 disparus (dont 1 officier).
Carte tirée du JMO (document SGA)
Cliquez sur la carte pour un
agrandissement
À 6 heures, nous sommes partis du poste de secours d’Achicourt pour le transfert dans les faubourgs d’Arras, plus près pour la relève des pauvres blessés restés sur le terrain.
Nous sommes donc à Saint-Laurent, c’est un pauvre petit coin de ville complètement dévasté par les obus. Il n’en reste plus que les débris, les maisons n’ont plus de toits, des pans de murs noircis, des décombres sans nombre…
Nous partons donc chercher les blessés de la nuit. Nous traversons des rues barrées, des murs percés dans les propriétés pour laisser passer la troupe en cas de recul et pour éviter les routes. Nous sommes ainsi arrivés aux premières tranchées françaises, à 200 mètres des tranchées allemandes, que nous voyons devant nous.
Nous avons essuyé quelques coups de fusil en traversant une rue complètement déserte pour nous rendre de l’autre côté.
Au milieu de cette route, à 100 mètres, était une tranchée boche ; on n’était pas rassuré !
Nous sommes rentrés à midi au poste d’Achicourt.
Une équipe est repartie le soir pour aller relever les blessés que nous n’avions pas pu relever le matin, étant trop près des Allemands.
Journée assez calme.
À 17 heures, une équipe de 8 musiciens est envoyée à Saint-Laurent
pour tenter de ramener les dernières victimes de la briqueterie, mais le
magnifique clair de lune ne nous donne pas la possibilité d’y parvenir.
Et de plus, à l’examen par les nôtres, un soldat et un major qui réussirent
à s’avancer assez près sans être vus, nous firent savoir que les corps des
officiers que l’on recherchait étaient à peine à 25 mètres des Boches et que
c’était risquer gros que d’essayer de les transporter.
Nous sommes revenus la nuit à notre poste de secours.
Nous avons traversé Arras au retour, c’était la première fois
que je voyais la ville.
Rien de nouveau ni de grave dans la situation, sauf les fusillades continuelles à la tombée de la nuit, toujours des contre-attaques ennemies qui sont toujours repoussées avec pertes.
Nous voyons pour la première fois l’apparition
de la neige. Matinée assez calme mais vers 14 heures, l’artillerie allemande
recommence à nous envoyer des obus et
des gros de 220.
Par malheur, un de ces gros engins tombe
jusque dans la cour où se trouvent les conducteurs mitrailleurs en train de
cantonner. Alors c’est encore le spectacle de carnage.
On nous prévient d’aller en hâte relever les
blessés qui venaient d’être frappés de manière imprévue. Nous en comptons 15,
blessés plus ou moins grièvement.
Le plus triste, c’est qu’il y ait 3 morts
parmi eux. Tout cela près de notre cantonnement, à 200 mètres à peine !
Encore un deuil de plus pour le 47ème.
Toujours de l’artillerie en danse, toujours
des obus qui vont tomber sur Arras ou à la citadelle, à 500 mètres d’Arras.
Tous ces obus passent sur nos têtes avec des bruits affreux et vont
éclater devant nous.
Les obus
tombant de plus en plus près de notre poste de secours, nous avons entrepris,
en cas d’un bombardement du bourg, de construire une grande tranchée pour nous
abriter en cas de bombardement.
Elle est en pleine construction, elle est profonde de 2,50 mètres, une des ailes a 10 mètres de long et l’autre, plus large et moins longue, a 7 ou 8 mètres. On se promène debout à l’intérieur. Maintenant les travaux n’avancent pas très vite car la neige est venue faire son apparition, gênant les travaux. Il fait très froid et la gelée a tout transformé en véritable casse-cou tous les endroits mouillés.
Il fait un froid de loup ; que va nous réserver l’hiver si ça commence d’aussi bonne heure ?
Qui vivra, verra !
Matinée d’artillerie.
La neige rend le terrain très difficile surtout quand il a gelé dessus. Le temps est très froid.
L’après-midi, deux ou trois obus boches viennent encore faire des victimes. Une maison sur l’arrière des tranchées françaises est frappée par un des projectiles et est démolie.
Plusieurs soldats sont dedans, l’un d’eux est tué et deux autres blessés, assez légèrement du reste. Puis tout rentre dans l’ordinaire.
Journée comme la précédente, moins les accidents. Toujours la fusillade et quelques coups de canon.
Nos aéroplanes profitent de la matinée qui est splendide mais froide pour faire des reconnaissances.
Fête des Musiciens – Sainte Cécile -.
La matinée passe assez calme, on ne sait pas si ce n’est à cause de notre fête. Encore quelques obus sur des convois de chevaux allant au bain.
L’après-midi, préparatifs pour le dîner du soir qui doit être superbe. Ma foi, ce n’est pas tous les jours notre fête !
Aussi, pour un instant, on oublie les crapouillards.
À 5h 30, « Attaque du menu » dont voici l’extrait :
Potage
vermicelle
Entrée
Lard sauce
ménagère
Choucroute
de Munich
Rôti de
bœuf en sauce
Pommes
sautées
Dessert
Croustades
chardon
Flan
d’œufs
Gâteau
Vins
Café
Cognac
Et puis on s’est bien amusé, après on a chanté et fumé quelques cigares et cigarettes.
Et comme l’esprit français est toujours plein d’ingéniosité, un de nos camarades a transformé le menu de cette façon :
« Halt Verda »
Potage « Shrappnels »
Entrée
L’art à la
« Kultur »
Choucroute
« Bavaroise »
Salade
turque
«
Guillaume » rôti sauce impériale
Pommes
sautées à la « dynamite »
Dessert
Croustades
« Zeppelin »
Flan « Ké-Yger » (dans l’Iser)
Vins du
Rhin
Café « Kon-pring »
Liqueurs «
Cric Krupps »
Londres «
420 »
Cigarettes
« 77 », allumettes « Doum-doum
»
Pour un menu salé, c’en était un ! Si St-Guillaume tombait là-dessus !
Hein ?
Journée tranquille comme lendemain de fête, c’était tant mieux !
Quelques coups de fusil le soir, une contre-attaque peut-être et ce fut tout.
Journée calme comme la précédente, toujours quelques obus et c’est tout.
Dernier jour passé à Achicourt, joli petit pays où nous avons passé le meilleur temps de la campagne ; Aussi nous partons à contrecœur, nous y étions depuis 5 semaines et on y était bien habitué.
Nous nous rendons à Dainville pour de là nous diriger vers le nord d’Arras.
Nous quittons Achicourt à 6 heures du matin et arrivons à 7h 30 à Dainville.
Là, nous retrouvons la moitié de la Musique que nous y avions laissée 6 semaines avant, bien contents de nous revoir après si longtemps. Nous dînons ensemble.
Le soir à 5 heures, en route pour notre nouvelle résidence.
Nous passons à Sainte-Catherine et nous arrêtons dans une grande minoterie où nous nous installons, la Musique et les brancardiers. Nous y passons la nuit.
Nous passons la journée ici et l’on prépare pour le soir une équipe de 8 musiciens pour aller installer un poste de relève pour les blessés sur la ligne de feu. Le hasard voulut que ce soit mon équipe à partir la première des trois.
Aussi, après avoir passé la journée à la minoterie, le soir à 5 heures, c’est-à-dire à la tombée de la nuit car le jour c’était impossible d’approcher, c’est dans une maison isolée sur une crête, à 800 mètres des tranchées boches, que nous nous installons. La maison a été complètement bombardée et brûlée et il n’en reste plus que quatre murs debout.
Seulement il y a encore une cave assez solide, croit-on, et c’est là-dedans que l’on doit vivre ces temps-ci.
Pour s’y rendre, comme c’est impossible en plein jour et même de nuit car les balles sifflent sans relâche, on a creusé une tranchée profonde de 1,10 mètres dans laquelle on passe pour la relève le soir.
Il faut en passant dans ce boyau se plier un peu pour bien s’abriter. Donc, c’est une cave qui est notre chalet ces jours-ci.
Comment cela ira ici, on ne le sait pas, car cette maison est isolée sur cette crête continuellement balayée par l’artillerie ennemie.
Enfin…
Nous passons notre première nuit et notre
premier jour dans cette cave. Quelques obus nous viennent dans la matinée mais
sans dommage. Deux aéroplanes, un français et un boche, passent sur nos têtes.
Si jamais les Boches savaient que nous sommes
une douzaine de soldats, là sous la terre, ils nous feraient expédier quelques crapouillards. On n’est pas si fiers que cela, on se cache
le plus possible, on ne voit pas le jour.
Nous vivons à la lumière d’une lampe toute la journée.
Donc, rien d’anormal pour la première
journée. Le soir seulement, vers 4
heures, nous assistons de loin et sans nous faire voir à la panique causée
parmi les Boches chassés de leurs tranchées par nos canons de 75.
On les voyait s’enfuir partout devant nous et nos obus tombaient dessus
sans arrêt. Quel spectacle, « de loin » !
Enfin le soir, on est rentré sans anicroche car il faisait
au moment de la relève un clair de lune superbe qui nous obligea à nous montrer
circonspects.
En effet, on devait très bien voir au loin ce qui se passait sur la
crête.
Journée calme, quelques coups de canon par-ci, par-là, mais pas où nous sommes.
L’après-midi se passe sans inconvénient.
Le soir nous couchons à la minoterie.
Journée calme assez régulière.
Cependant à 9 heures, nos 75
crachent un peu sur les Boches qui ne répondent du reste pas, seulement le soir
vers 4 heures, ils nous rendent
notre cadeau et nous expédient quelques marmites.
Nous avons le cheval de notre ambulance qui
en passant dans Arras a reçu un éclat d’obus dans le poitrail.
Pauvre bête ! Enfin ce n’est pas grand-chose…
La journée est calme et sans incident.
Le soir, nous allons de nouveau à la minoterie.
Canonnade ininterrompue au loin et quelques crapouillards sur Arras la nuit, pendant que mon équipe est dans la cave de l’ Équarrisseur.
Pendant la journée, plusieurs aéroplanes s’envolent explorer le pays.
Enfin, le soir arrivé, nous repartons pour notre cantonnement sans incident.
Je profite de mon temps dans cette cave du poste de secours pour m’amuser à sculpter sur les pierres du mur qui sont en espèce de craie, tout plein de petits motifs au couteau. Je m’y plais beaucoup ! Des camarades s’y essaient aussi ; enfin à cette heure, il a déjà au moins une douzaine de gravures de faites : il y vient des visiteurs au musée de la Musique, enfin on passe son temps comme on peut…
Quelques coups de canon le matin de part et d’autre.
On apprend que les Zouaves ont donné cette fois avec plus de succès que la première fois. Ils sont arrivés à reprendre leur tranchée et à faire sauter la première occupée par les Boches. Ils auraient même pris deux mitrailleuses.
Bon résultat et bon travail.
La journée n’est pas belle du tout, il fait un petit vent et de la pluie avec ça…. Je plains ceux qui sont dans les tranchées.
Le soir, il fait noir à ne pas voir à 3 mètres devant soi, aussi les fusées et les projecteurs marchent souvent.
Journée froide et pluvieuse.
On s’ennuie et le soir on doit partir à la tranchée. Il ne fait salement pas beau ; enfin, c’est l’hiver et ce n’est que le début.
Le soir à 4h30, en route pour la cave. On y arrive assez vite et libérés des appréhensions de la traversée de la tranchée qui y conduit et où les balles sifflent souvent pour nous mettre en garde.
Nous passons la journée à la cave, il fait un brouillard intense, on ne voit pas à 4 mètres devant soi ; Aussi les équipes de terrassiers travaillent-elles jour et nuit à creuser les endroits des tranchées qui ne sont pas assez profonds.
Pas du tout de canon et très peu de fusils ; journée calme en raison du temps qu’il fait.
Le soir, nous revenons au cantonnement parmi toutes les difficultés.
Une nuit très noire.
Une attaque des nôtres à notre gauche nous fait assister à une vive fusillade. Aussi ça n’est pendant 10 minutes qu’une course, le dos plié dans les fossés pour éviter les balles.
Enfin, sales et dégoûtants d’avoir pataugé dans la boue et il y en avait quelque chose !
On réussit à s’abriter dans une maison au bord de la route en attendant une accalmie. Puis enfin, tout terminé, on repart pour la minoterie.
Libres et tranquilles encore pour 2 jours mais pas sans misère cette fois.
Journée calme de part et d’autre ; quelques coups de 75 le soir et c’est tout.
Chacun se repose. Je vais en compagnie d’un camarade visiter le cantonnement des artilleurs et nous assistons à un tir.
C’est très bien organisé et c’est plaisant de voir de près ce petit bijou qu’est notre 75, le soir nous rentrons et passons la nuit au cantonnement de la minoterie de Sainte-Catherine.
Journée passée sans encombre.
Nos grosses pièces donnent tout le temps que
nos 75 le matin. Le temps est légèrement beau mais dans l’après-midi il
recommence à pleuvoir.
À 5 heures, en route pour la caverne.
Journée passée à l’Équarrisseur.
La nuit, c’est une fusillade sans interruption à
laquelle se joint la mitrailleuse.
Le matin, vers 8 heures, quelques obus 77 viennent nous saluer dans notre
propriété en ruine mais heureusement sans accident.
Quelques soldats de compagnie occupés à creuser une tranchée de
communication sont obligés de venir se réfugier dans la cave avec nous.
Dans l’après-midi, rien d’anormal, le calme est rétabli,
quelques coups de feu et c’est tout.
Le soir à 5h 30, départ pour le retour au cantonnement.
Toute la matinée, nos grosses pièces ne cessent de tonner. Les Boches répondent très peu, c’est cela du reste depuis quelque temps.
L’après-midi, on touche des effets neufs pour remplacer les trop vieux de déchirés, ainsi que des souliers et des chaussettes.
Pour ma part, je prends une bonne paire de brodequins et une culotte ; et maintenant, en avant pour l’hiver, on n’aura pas froid.
On nous apprend en même temps que maintenant l’on doit en allant à la tranchée, prendre 2 heures de garde chacun son tour.
Jusqu’ici ça n’avait pas été fait, aussi nous trouvons cela plutôt dur, surtout que c’est la nuit qu’il faut prendre cette garde et 2 heures, c’est long.
Enfin, rien à signaler cette nuit-là.
Journée calme, quelques coups de nos grosses pièces le matin et quelques petits 77 l’après-midi et c’est tout.
Le soir, départ pour la cave de l’Équarrisseur.
Journée remplie d’émotions ; le soir de notre arrivée, tout le trajet nous sommes salués par des balles. C’est la première fois que cela siffle tant, aussi on a été prudent.
La matinée, c’est une canonnade sans interruption, surtout nos pièces.
Plusieurs de leurs petits 77 nous arrivent tout proche mais toutefois sans danger pour nous.
L’après-midi, même travail, il faut continuellement rester dans la cave car ça ne cesse pas de tomber. Ce n’est pas une journée gaie du tout.
Dans l’après-midi, on nous envoie le corps d’un sergent du régiment qui vient d’être tué d’une balle dans la tête.
Pauvre malheureux mais héros !
Le soir, nous quittons de nouveau la caverne pour nous en retourner et ma foi, pas plus de chance que la veille.
Les balles nous sifflent sans arrêt, c’est même une chance qu’aucun de nous ne soit touché sur la route qui est en pleine direction de tir et sans abri. Pas trop tout de même car le soir, quelques heures après notre passage, un soldat est blessé en pleine rue d’une balle à la jambe.
Ce n’est plus plaisant du tout d’aller là-bas.
Enfin, nous sommes de retour encore une fois, on n’y pense plus déjà.
Journée calme, quelques coups de 75 de temps à autre.
Dans l’après-midi, on nous annonce que le deuxième de ligne va
aller en avant pour un assaut et la prise d’un village occupé par les
Allemands. Ce ne sera pas une petite affaire car depuis deux mois qu’ils y
sont, ils ont du faire des travaux de défense terribles.
Le soir, ordre nous est donné de monter nos sacs
tout prêts en cas d’avance des nôtres car reculer dans des positions aussi bien
occupées que les nôtres et avec un rideau d’artillerie de tous calibres, c’eut
été impossible.
Donc nous nous préparons et de plus on nous
fait savoir qu’il fallait pour retourner au poste de secours de l’’Équarrisseur
une équipe nouvelle, en cas de besoin pour surcroît de blessés.
Et comme toujours, la malchance veut que ce soit mon équipe qui y
aille.
Le départ nous est commandé pour le lendemain
à 6 heures, l’attaque devant commencer à 8 heures.
Puis, tout étant prêt, nous nous couchons.
Départ à 7 heures de la minoterie pour mon équipe : en route pour le poste de secours.
La journée s’annonce belle, le ciel est clair et le soleil dore. Nous arrivons sans encombre et nous attendons avec impatience le combat.
Nous étions là depuis ¾ d’heure lorsque nos batteries de grosses pièces commencent la danse. On nous prévient à ce moment que notre artillerie doit donner pendant 2 heures consécutives. 3 000 coups de canon que nous avons à enregistrer, plus la réserve de chaque pièce, c’est-à-dire 100 obus à peu près.
Maintenant des batteries, il y en avait quelques-unes…150 pièces au moins ont donné ; c’était par moment impossible de rester dehors, on était à moitié étourdis, on ne s’entendait plus causer, c’était assourdissant.
Jamais depuis le début de la campagne nous n’avions vu une pareille avalanche de mitraille. Dans le ciel ce n’était qu’un va-et-vient continuel, il fallait réellement voir cela, et pendant 2 heures et plus…
Extrait du journal du 47e RI
Dans notre poste de
secours, nous avions un grenier donnant juste sur le champ battu par nos
canons, nous assistions de loin à ce spectacle unique.
À 2 kilomètres devant nous, ce n’était que feu et flamme, par instant
tout disparaissait tant cela était épais.
Enfin vers
10h30, ce fut la fin de la canonnade et le commencement de l’assaut. Nous y
assistâmes plein d’émotion. Nous vîmes les nôtres sortir de leurs tranchées, se
mettre debout et, baïonnette au canon, s’élancer sur les Boches.
Ce spectacle-là me restera toute
la vie. C’était admirable de courage.
Maintenant, ce ne sont plus les obus, ce sont
les balles qui marchent. Les nôtres s’élancent en plein terrain découvert à 200
mètres des tranchées ennemies, à 11
heures du matin, par un beau soleil. C’était un tableau qu’eût envié un
grand peintre « en toutes circonstances ».
J’ai eu le bonheur d’assister de plus près à
ce spectacle, grâce à l’amabilité de monsieur le Médecin-Major qui était avec
nous et qui daigna nous prêter ses jumelles.
Enfin l’après-midi, ce fut calme.
Les Allemands, qui ne nous avaient pas répondu pour ainsi dire, nous envoyèrent en manière de revanche quelques crapouillards mais sans dégât aucun.
On nous annonça quelque temps après le résultat de cette lutte. Cela fut à notre avantage, nous avions gagné 500 mètres sur les Boches, pris le village de Saint-Laurent-Blangy et fait un certain nombre de prisonniers.
Les caves de Saint-Laurent en seraient pleines, dit-on, mais ils ne veulent pas se rendre.
Le soir, nous avons couché au poste de secours en prenant 2 heures de garde chacun. On s’attendait à une contre-attaque mais rien ne se produisit.
Départ à
8 heures du poste de secours pour aller rejoindre notre équipe à la caverne
et y reprendre le service normal.
Nous y passons la journée tranquillement.
Vers 10 heures du soir, les nôtres firent une nouvelle
contre-attaque mais plus loin que la veille, dans l’intention de prendre un
village maintenu par les Allemands, Beaurains.
Ce fut pendant cette nuit un nouveau
spectacle grandiose ; nous y assistâmes de notre cantonnement.
Une fusillade intense et des coups de canon illuminant le ciel en même
temps que des fusées lumineuses indiquaient les points sur lesquels tirer. Les
réflecteurs illuminaient la plaine, c’était un véritable feu d’artifice.
Enfin, au bout d’une demi-heure, tout rentre dans le calme.
Journée employée par l’artillerie pour maintenir les positions prises les deux derniers jours. Canonnade assez violente la matinée.
Plusieurs aéroplanes profitent du beau temps, qui du reste est de courte durée, pour survoler les positions.
L’après-midi, calme parfait.
Canonnade sans intermittence, surtout de notre côté.
L’après-midi, quelques crapouillards viennent tomber sur Saint-Nicolas, village occupé par nous et auprès duquel sont installées des batteries de 75.
Le soir, départ pour la cave.
Journée de canonnade mais un peu moins fournie que la veille.
Le soir, retour de l’Équarrisseur sans incident.
Canonnade le matin à 7 heures
par nos 75, avec violence.
Canonnade de part et d’autre pendant ces deux
journées.
Le 24, les Allemands bombardent un petit
bourg, Saint-Nicolas.
Ils font quelques victimes et détériorent
quelques maisons.
Heureusement que le pays est évacué.
Dans la nuit du 24, nous faisons un petit réveillon, pas grand-chose car toutes les denrées ont été enlevées d’avance par les premiers arrivés de telle façon qu’on ne trouve plus rien.
La journée passe très calme, c’est réellement Noël.
Journée calme et froide ; le matin, j’assiste à une messe basse… Ca me rappelle le pays.
Le soir, vers 4 heures, un simulacre d’attaque a lieu et pendant 10 minutes ce n’est qu’une canonnade à casser les oreilles.
Journée calme, quelques coups de canon de part et d’autre.
Toute la journée, canonnade sans interruption.
Le matin, les Allemands envoient des crapouillards sur Saint-Nicolas.
La journée n’est pas chaude du tout ; pour moi, je suis dans la cave de
l’Équarrisseur.
L’après-midi, vers 4 heures, une canonnade nourrie et
sans interruption éclate à notre gauche : ce sont les Anglais qui attaquent et
ce n’est pendant une heure qu’un roulement de tonnerre, un peu de fusillade
aussi.
La soirée se passe sans incident, le retour de la cave s’effectue avec tranquillité.
Le matin à 6 heures, debout car il va falloir assister, nous les Musiciens et les Brancardiers, à la remise de la Croix de la Légion d’Honneur à notre Médecin-Major David De DREZIGUE.
À 7 heures, nous partons de la minoterie et nous nous rendons sur un terrain découvert, c’est là que doit avoir lieu cette cérémonie.
Après la présentation de M. le Médecin-Major aux troupes rassemblées là par le colonel du régiment et la revue par celui-ci, l’allocution patriotique, la remise de la médaille eut lieu au milieu d’un silence impressionnant.
Enfin la cérémonie se termine par petit défilé des troupes présentes devant le nouveau médaillé.
Journée calme mais sans bien beau temps, la pluie tombe dans le courant de la journée.
Violente canonnade de la part des nôtres, à laquelle fait suite la riposte des batteries allemandes.
Le mauvais temps persiste. Quelques petits obus allemands viennent tomber près de notre cantonnement, blessant quelques civils et quelques soldats.
Le canon tonne toute la journée.
Le temps redevient légèrement beau le matin mais dans l’après-midi, la
pluie recommence à tomber.
Pour un premier de l’an, il fait réellement
mauvais temps et l’année s’annonce réellement mal, d’autant que les Boches
commencent de nouveau à envoyer des 77 un peu partout, pas longtemps
heureusement.
De la pluie toute la journée et du vent.
Le soir, les Boches ont réussi avec leurs obus à
mettre le feu à une maison de Saint-Nicolas, petit bourg où nous passons
pour aller à l’Équarrisseur ; justement, le soir nous
partions pour y aller, en passant nous avons pu voir à deux mètres cet
incendie.
Heureusement que la troupe était là pour faire la chaîne à l‘eau car les
maisons voisines étaient bien en danger déjà !
Le soir, nous couchons à l’Équarrisseur.
Nous réveillonnons gentiment ensemble : du champagne, des gâteaux, du vin, des
oranges, des cigares….
Ça nous fait passer tranquillement la nuit.
Canonnade intermittente pendant toute la journée.
Le mauvais temps persiste.
Ils envoient de gros obus sur un groupe de fermes appelées Les Quatre-Maisons. Il y a quelques soldats de blessés, une femme civile est tuée et sa fille blessée grièvement.
L’après-midi, les nôtres leur répondent.
Canonnade de part et d’autre toute la journée.
Les Allemands crapouillent toujours depuis hier mais sans grand dégât, ne pouvant pas repérer nos batteries.
Le soir, une petite attaque par les Zouaves pour
prendre une tranchée perdue la veille.
Ici toute la nuit nous sommes à l’Équarrisseur, il y a encore
une petite attaque, l’artillerie française donne beaucoup mais les Allemands ne
répondent pas.
Journée assez calme, quelques crapouillards le matin sur Arras, c’est tout.
Le temps est mauvais et il fait froid, nous sommes à l’Équarrisseur.
Canonnade pendant toute la journée.
Canonnade le matin.
Le temps qui était détestable depuis la veille s’est légèrement remis au beau, seulement il fait un froid de loup.
Pour aller à l’Équarrisseur, il faut passer dans plus de 30 centimètres d’eau par endroits, dans les boyaux.
Ceux qui sont dans les tranchées sont réellement à plaindre.
Journée assez calme, nos 75 le matin font encore du travail auquel des crapouillards répondent l’après-midi.
L’artillerie ennemie fait des siennes.
L’après-midi, elle nous envoie pas mal de crapouillards en cherchant nos batteries. Les obus tombent à 1 kilomètre d’elles ; ce n’est pas mal repéré !
Le temps est affreux, de la pluie toute la journée ainsi que du vent, aussi personne pour ainsi dire dans les rues.
Le canon de part et d’autre ne s’entend presque pas.
Le temps d’hier s’est un peu remis au beau, aussi nos aéroplanes en profitent pour sortir et survoler les lignes ennemies.
Le canon donne beaucoup, surtout l’après-midi.
Les Boches nous envoient encore pas mal de marmites.
Pendant la nuit, les grosses pièces donnent sans presque d’arrêt.
Le matin de bonne heure, une attaque par les Zouaves qui réussissent à prendre 3 tranchées aux Boches et leur font une centaine de prisonniers. Bonne journée pour nous.
Nous assistons de la cave de l’Équarrisseur à un duel de notre artillerie cognant sur les Boches.
Ce fut épatant à voir pendant toute la matinée, les obus de nos 75
tombant devant nous à 8 ou 900 mètres.
Matinée calme, quelques obus de 77 des Boches.
Un d’eux même vint tomber à 15 mètres à peine de la minoterie, trouant le toit de part en part. C’est une chance pour moi qui était à regarder dans la plaine au moment où il éclata devant ma tête.
L’après-midi fut assez calme.
Le matin, canonnade assez vive de part et d’autre, mais surtout de nos 75. L’après-midi, le canon se tut, la pluie se remit à tomber.
Les Allemands envoient beaucoup de petits obus autour de la minoterie où nous sommes mais heureusement sans grand danger.
Le mauvais temps persiste.
La neige commence à tomber le matin et bientôt tout le sol en est couvert. De cette cause, notre artillerie ne donne presque pas.
Le soir, une violente fusillade de tous côtés ; c’est un simulacre d’attaque, ce n’est rien.
Le temps est toujours bien mauvais, toutes les routes sont dégoûtantes
à cause de la neige qui est tombée hier. Nos 75 tonnent un peu l’après-midi et
c’est tout.
On
nous annonce une nouvelle : une partie de la Musique doit partir pour aller donner
des concerts pour les blessés à Agnez-les-Duisans, petit bourg à 9 kilomètres de la ligne de
feu.
Et je suis du nombre de ceux qui partent.
Le départ est commandé pour le lendemain à 5
heures.
Le temps de préparer nos affaires en vitesse et nous couchons notre
dernière nuit au moulin.
Repos et travaux d’installation
et de nettoyage.
Rien à signaler d’important.
Nous faisons de la musique et donnons des concerts trois fois par semaine. Nous entendons les grosses pièces qui sont près de chez nous, nous voyons les aéroplanes continuellement, le champ d’aviation est situé à 900 mètres de notre cantonnement.
Le soir, nous entendons distinctement la fusillade, de loin.
Le temps n’est guère favorable.
La Musique doit aller assister à
la remise de décoration à 2 officiers et à un aumônier militaire. Aussi comme
ces cérémonies se font au petit jour, il faut partir de bonne heure car c’est à
Arras qu’a lieu la cérémonie et ici nous en sommes à 10 kilomètres.
Le réveil a lieu à 3 heures du matin et le départ à 3h45 et en route !
Pendant le trajet, nous voyons de nombreuses
fusées lumineuses éclairer la plaine devant nous. C’est d’un très joli effet et
comme il fait encore nuit, c’est d’un beau cachet.
Enfin à 4h45, nous arrivons à Arras.
À 7h30, la remise au milieu de l’ancienne caserne du Génie.
En passant dans la ville, nous avons pu voir un peu de dégâts commis par les bombardements.
Enfin le service prend fin à 8 heures et quelques minutes et
tranquillement l’on s’en retourne. Il est vraiment chanceux que nous n’ayons
pas eu de crapouillards pendant la cérémonie qui dura
plus d’une heure et à laquelle assistaient beaucoup de troupes, car on nous a
dit quelques jours après que des premières tranchées françaises, situées à 2
kilomètres de là, on nous entendait excessivement bien, les troupes boches
étant à 200 mètres devant entendre tout pareil.
Et en pleine ville d’Arras, nous jouions la « Marseillaise » à
pleins poumons.
Enfin on est rentré à 10h45 et l’on dîne.
L’après-midi, nous repartons donner le concert habituel de tous les samedis.
Voilà une journée bien remplie, nous rentrons à 5 heures du soir.
Nombreuses reconnaissances d’aéroplanes, surtout des nôtres. Nous assistons d’où nous sommes à une vive canonnade qu’un de nos avions essuie pendant une vingtaine de minutes.
La journée est belle par hasard.
Quelques jours de beau temps auxquels succède bien entendu une terrible pluie pendant plus de 14 jours consécutifs.
La Musique, de nouveau, doit aller assister à la remise des décorations
à Arras. Nouveau réveil matinal à
2 heures et quand tout est prêt, nous partons.
Tout le trajet nous assistons au lancement
des fusées, cela fait un bel effet, la nuit surtout. Enfin pour 6 heures moins quelque chose, nous arrivons à Arras.
Il fait un beau crépuscule, la journée
s’annonce belle.
La remise des décorations a lieu à 7 heures et
tout se passe le mieux possible. Nous jouons bien entendu pendant la remise des
décorations et pendant le défilé ; c’est très joli.
À la fin du concert, les généraux nous
félicitent de la bonne tenue de la Musique et sur la bonne cadence des pas
redoublés.
Enfin à 8 heures, nous repartons pour Agnez-les-Duisans. Le retour est abrégé car nous ne pouvons plus passer par la route de Saint-Pol-sur-Ternoise qui est continuellement balayée par les Boches quand ils voient passer quelques groupes. À 10 heures, nous arrivons et l’on dîne tranquillement. Voilà notre journée terminée.
Rien d’anormal.
Reconnaissance d’aéroplanes les jours de beau temps ; beaucoup de mouvements de troupes se dessinent dans la région, laissant prévoir quelque chose, de nombreux convois d’automobiles et de camions, on sent que l’on va partir bientôt.
Pâques – Pour une fête comme cela, nous n’avons pas eu de veine car la pluie est tombée toute la journée ; triste fête !
Rien de bien extraordinaire, si ce n’est les
renforts qui arrivent continuellement tous les soirs. C’est là que l’on nous
annonce que nous quittons Agnez-les-Duisans
pour aller plus en avant un peu et faire la place à un nouveau corps d’armée.
Donc nous montons en vitesse nos sacs et
débrouillons le plus possible notre petit bazar.
Le soir à 8 heures, nous quittons le bon petit pays d’Agnez avec un peu de regret.
En route !
Le soir à 10 heures, nous arrivons dans notre pays nouvelle résidence.
Il s’appelle Berneville
et il se trouve à 6 kilomètres de notre ancien cantonnement. Ici, nous
entendons le canon bien plus près de nous et pour notre premier jour, voici
déjà un aéroplane boche qui vient nous rendre une visite de bienvenue parmi nos
camarades.
C’est un de ces jolis « Taubes
», si renommés déjà par les captures continuelles dont ils sont les
spécialistes de la malchance.
Enfin tant mieux pour celui-là, il a pu retourner dans ses lignes mais
non sans avoir été salué pendant plus d’un quart d’heure par nos mitrailleuses
qui ont tiré dessus sans répit.
Le pays ici n’est pas vilain et l’on s’y
ferait si l’on ne nous avait appris que ce n’est pas pour longtemps que l’on
est là.
Enfin, attendons les évènements.
Nous passons la journée à nous astiquer et à nous remettre en installation dans notre nouveau domicile.
Pendant toute la journée, des aéroplanes survolent les lignes, le temps est épatant, il fait un beau soleil.
Aucun fait notoire à signaler.
Beaucoup de mouvements de troupes, excursions de nos aéroplanes, canonnade sans fin : tout en un mot fait prévoir un coup important, c’est du reste attendu avec impatience.
Nous devons aujourd’hui assister à la remise de décorations à plusieurs officiers et soldats.
Tout notre joli petit truc est prêt depuis la veille, aussi dès que l’ordre fut donné de partir, on se mit en route pour aller sur le terrain où devait avoir lieu la cérémonie.
À 8 heures, nous y sommes et à notre emplacement, après la revue passée par nos généraux qui pour cette circonstance étaient venus à cheval. La remise des décorations eut lieu, ce fut joli, il y avait la musique et deux régiments à faire défiler.
Ce fut beau de voir cet entrain et ce cachet qu’avait chaque troupe en passant devant le général.
Enfin à 9h30, la cérémonie prit fin et l’on rentra tranquillement au cantonnement.
L’après-midi fut tranquille.
Rien d’anormal, le temps se maintient excessivement beau et il fait même bien chaud.
Dans la matinée du 1er mai, les Boches nous envoient à 800 mètres de belles marmites qui font un potin à tout casser, mais enfin, d’après ce que j’ai su après, il n’y a pas eu de victimes car ils cherchaient une batterie de 90 qui leur tirait dessus depuis longtemps.
À part cela, rien d’extraordinaire.
Nous quittons presque sans nous y attendre notre nouveau petit pays et retournons non plus faire de la musique mais bien en écouter.
Donc le soir à 8 heures, en route. Cela nous fait une drôle d’impression de reprendre notre ancienne tâche, c’est-à-dire brancardier, mais aussi on est plus heureux car on se dit que l’on va avancer.
D’après les ordres reçus, nous allons à Saint-Nicolas, à 1 kilomètre et quelque chose des Boches. Le pays est bien démoli par endroits, enfin il y a des caves qui sont bonnes en cas de bombardement.
Là nous sommes
affectés par le service de santé à la relève des blessés et nous sommes
installés dans la Stearinerie d’Arras,
à 900 mètres des tranchées. La maison ou plutôt ce qu’il en reste n’est pas
plus solide que cela. Du reste les Boches bombardent toujours là, mais
seulement il y a de bonnes caves et c’est là que nous sommes installés.
À notre arrivée, nous commençons par faire le transport en 1er, 2ème
met 3ème lignes de l’eau nécessaire pour les soldats.
Le chef de Musique me désigne pour la garde
et la préparation des filtres, en remplacement de deux camarades qui y sont
déjà depuis quelque temps.
Changement de travail : le lendemain, je
prends possession de mon nouvel emploi.
Je m’en acquitte le mieux possible d’autant
plus que comme il y a attaque bientôt, les hommes
soient pourvus d’eau sans discontinuer.
Le travail ne nous manque ces jours-là.
Un méchant obus allemand a failli nous
effrayer en venant éclater à midi en
plein dans notre jardin, à 3 mètres du filtre.
Heureusement qu’il y avait un mur pour
séparer !
Fin du carnet
Le
22 novembre 1918,
il entrait avec les troupes victorieuses du Général Gouraud dans Strasbourg enfin libérée.
Son régiment resta cantonné
quelques temps sur les bords du Rhin et le destin voulut qu’il rencontra celle qui devait devenir son épouse et avec
laquelle il
En effet, libérée depuis peu
du joug allemand, l’Alsace gardait néanmoins une forte culture germanique.
Le dialecte alsacien était
fort pratiqué à cette époque-là et pour le francophone qu’était mon père cela
n’a pas du être une sinécure. Il réussit néanmoins à
maîtriser parfaitement cette langue à la fin de ses jours.
Lorsque le second conflit
mondial éclata, plus précisément en 1939, durant la période dite ’’ de la drôle
de guerre ‘’ l’intention Allemande, étant d’annexer purement et simplement
l’Alsace et la Moselle au grand Reich,
toute la population Strasbourgeoise fut contrainte à se réfugier dans d’autres
provinces Françaises. Les chemins de l’exode conduisirent la majorité de ces
réfugiés dans le Sud-Ouest, principalement en Dordogne et en Haute Vienne.
Ma famille quant à elle, fut
accueillie à bras ouverts en Bretagne par la famille Blanchet.
Après un peu plus d’un an d’exil,
les Allemands ayant finalement annexé l’Alsace, il fallut bien se résigner à
rentrer à Strasbourg.
La germanisation de la région
battait son plein. Pour l’anecdote, le port du béret fut interdit, le bonjour
remplacé par le ‘’Guten Tag’’, ils poussèrent la
plaisanterie jusqu’à germaniser les noms de famille à consonance Française.
C’est ainsi que Louis LESEUX
se transforma du jour au lendemain en Ludwig LOESSER. Il est bien évident que
pour l’ancien poilu qu’était mon père, ces brimades revanchardes étaient très
difficiles à vivre. Lorsque cette guerre s’acheva, ma famille vécut
paisiblement dans la proche banlieue Strasbourgeoise.
Mon père exerça son métier
d’ébéniste mais la conjoncture peu florissante d’après-guerre le contraignit à
abandonner ce métier pour travailler dans une brasserie alsacienne.
Curieux de tout, il était
passionné d’histoire, de musique et de peinture, il exerçait cette dernière
activité avec bonheur.
Mon père décéda le 30 juillet 1969, soit
quelques jours après que le premier homme ait marché sur la lune, ce fut pour
lui, qui avait vu les premiers aéroplanes survoler les champs de batailles de
la grande guerre un évènement exceptionnel.
Mon père resta toujours très
attaché à la Bretagne qui fut pour lui dans sa prime enfance, et pour ma
famille lors du second conflit mondial, une terre d’accueil. Il m’a transmis
l’attachement pour cette Bretagne, à la fois si lointaine sur le plan
géographique mais si proche par sa forte spécificité régionale, sa langue, son
histoire et par le caractère entier de ses habitants.
Alain LESEUX
Croquis de
Louis LESEUX. Cliquer sur les vignettes pour agrandissement
Photos de Louis LESEUX
Je
désire contacter le propriétaire du carnet
Vers d’autres témoignages de guerre 14/18