Dernière lettre de guerre d’Eugène SEVESTRE
du 70e
régiment d’infanterie
Mise à jour : février
2021
Eugène
SEVESTRE du 70e régiment d’infanterie
Bruno nous dit:
« J'apporte ma modeste contribution à la mémoire
du mari de ma grand-mère paternelle dont j'ai retrouvé la dernière lettre
écrite au front 4 jours avant sa mort et qui en quelques lignes témoigne de la
dureté des premiers jours de guerre. Je vous adresse la transcription de
cette lettre. Il s’agit d’Eugène Jean Marie SEVESTRE, soldat au 70e régiment
d’infanterie, décédé à l’hôpital de Sézanne des suites de ses blessures. »
Eugène SEVESTRE est né à Malansac le 21/03/1890 (reconnu le 29/03/1890) dans le Morbihan. Père inconnu.
À ses 20 ans, ouvrier en fer, il intègre le 70e régiment d’infanterie pour son service militaire (1911-1913). Il se retire à Saint-Nazaire où il se marie à en avril 1914 avec Henriette LE NAGARD. Il est rappelé au 270e régiment d’infanterie (réserve du 70e) en août 1914. L’orthographe a été volontairement corrigée.
Le 70e régiment
d’infanterie est regroupé à Vitré (35) près de Rennes. Il embarque pour
Vouziers (Ardennes) le 5 août. Il s’engage en Belgique, puis se dirige vers
Charleroi et il a l’ordre de défendre les ponts sur la Sambre d’Auvelais et de Tamines. Le combat
s’engage les 22-23 août, le régiment y perd 600 hommes. La retraite commence,
le régiment participe à la bataille de Guise (pertes 300 h.), puis reprend la
retraite vers le sud.
Le 31 août 1914, date de la
lettre, il se trouve à Machecourt (02) où le régiment
est arrivé épuisé à 11h du matin. Le régiment repart le même jour à 21h pour
une marche de nuit jusque faubourg nord de Reims, arrivée à 16h.,
le 1e septembre.
C’est peut-être dans ce
secteur qu’il a terminé sa lettre.
Il aura fait 200 km à
pied…et va encore en faire 50 avant sa blessure fatale au nord de forêt de
Gault, au nord de Sézanne (51).
1ère
page de la lettre
Le 31 août 1914
Ma chère petite femme
« Deux mots en
réponse de ta lettre que j'ai reçue il y a 3 jours qui étaient datée du 20. Je les
ai reçues 3 jours après celle qui était daté du 27.
Je suis très heureux
de te savoir en bonne santé ainsi que toute la famille. Moi aussi je ne suis
pas malade mais bien fatigué et je marche quand même.
Chère petite femme, tu
me dis que tu n’as encore rien vu et je serai probablement papa (*) et qu'il faut prendre courage. Tu sais que le
courage ne me manque pas et si j'étais avec toi, j'en aurais encore d'avantage.
Car tu sais il faut en
avoir du courage. Car depuis 3 jours que j'ai reçu ta lettre, je n'avais pas eu
le temps de répondre et j'étais toujours au feu toujours entre la vie et la mort et rien à se mettre
dans le ventre que de l'eau, alors tu vois toujours marcher et courir et rien
dans le ventre s'il faut en avoir du courage.
Enfin que Dieu me
protège et que j'ai le bonheur de m'en retourner, je pourrais t'en raconter des
nouvelles de la guerre. Car tous les jours je perfectionne un
roman et chère petite femme que tu es heureuse et tranquille avec tes
parents. Car si tu voyais les pauvres habitants, où la guerre se passe, affolés
et partir dans toutes les directions sans savoir trop où ils vont avec tous
leurs petits enfants et qui demandent à boire et manger et ils n’ont rien à
leur donner.
La, voit comme c’est
triste.
Vivement que ça
finisse cette guerre car c'est trop cruelle et maintenant voit nous voulions
nous préparer quelques choses à manger, nous avons alerte et il faut partir et
c'est aujourd’hui 1er que je vais terminer ma lettre après avoir marché 24
heures.
Je te le jure que j’en
ai marre.
Je ne vois plus rien que
de t'embrasser bien en espérant le
bonheur de revoir ainsi que toute la famille ton homme qui ne cesse de penser à
toi.
Eugène. »
(*) : Dans une précédente lettre, sa femme lui annonçait qu’elle
était enceinte
Eugène sera blessé le 6 septembre 1914, il décède de ses blessures à l’hôpital de Sézanne. Il avait 24 ans. Décoré à titre posthume de la croix de guerre en 1920.
Il ne saura jamais que son enfant naitra quelques mois plus tard. Ce sera une fille, Eugénie, née en mars 1915 à Saint-Nazaire. Henriette son épouse décédera en 1963.
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