LA BATAILLE de la SOMME

Estrées - Deniécourt    

juillet 1916

 

 

Attaque d’Estrées et de Deniécourt par le 329e régiment d'infanterie (53e division) racontée par  Jacques MEYER

 

 

Cette attaque fait parti de la bataille de la Somme qui a débutée en juillet 1916

 

 

28 juin 1916

Débarquement du régiment à Boves.

Les longs quais de débarquement, dont le sable fraîchement remué s'étend à perte de vue, se continuent directement par la route, la Route, la même à peu près en Artois, en Champagne, à Verdun, cette voie rendue sacrée par les pas de tous ceux qui ne la purent parcourir que dans un sens ...

C'est avec elle que commence le martyre du fantassin, le paria de la route. Bombant le dos sous l'échafaudage du sac, les épaules meurtries par les courroies, il marche en soulevant tantôt des nuages de poussière et tantôt des jets de boue liquide.

Les convois le forcent à se ranger contre le talus, les roues des caissons l'éclaboussent, les chevaux le frôlent ou le froissent, les lourds camions cahotants l'étourdissent du bruit de leurs moteurs, et les anciens autobus parisiens, transformés en boucheries ambulantes, l'empoisonnent d'un relent d'essence, qui est à la fois une réminiscence et une dérision. Et lorsque les minutes de la pause, si longues à venir et si courtes à passer, sont enfin arrivées, il s'affale, essoufflé, n'ayant plus la force de déboucler son sac, sur le bas-côté dont l'herbe s'est transformée en une extraordinaire dentelle noire, presque du chantilly...

 

Des deux côtés, à perte de vue, les champs sont devenus de petites taches bleu horizon; les boqueteaux d'arbres dépouillés sont les bivouacs de chevaux étiques, chevaux des trains de combat et des trains régimentaires, parias parmi les bêtes comme il est, lui, paria parmi les hommes.

Les ornières dans la boue tracent le chemin des voitures qui, parfois, y restent ancrées, et partout, sur les chemins et les traverses, des bambous dressent leurs grêles silhouettes, soutenant les fils téléphoniques, véritables nerfs de ce paysage si désastreusement moderne. Sur les voies étroites, des Decauville circulent sans trêve, les wagonnets porteurs de mort où s'empilent, sinistres jouets, les 380 aux ogives vernissées.

Une odeur de bois neuf, un parfum de menuiserie: ce sont les baraquements des immenses hôpitaux d'évacuation qui, à Marcelcave, à Wrancourt, à Guillaucourt, semblent réclamer leurs hôtes... Et, de toutes parts, dans ces pauvres villages tout en longueur, où l'on vend le pinard seulement quatre fois son prix, les régiments, comme attirés sur les routes par les branches d'un aimant tout puissant, convergent vers an but aussi réel qu'invisible; au bivouac, dans les cantonnements, certains nous ont devancés et paraissent nous attendre pour l'ouverture de ce bal qui peut finir en danse macabre.

A leurs numéros illustrés par les exploits d'Artois, de Champagne ou d'Argonne, nous les reconnaissons : ce sont les troupes d'attaque, la division marocaine, le Corps colonial, des « chtimis de la 51e division, c'est la grande famille, bien souvent dispersée, mais qui toujours se réunit à la veille d'une solennité. Et les quolibets, les appels s'entrecroisent, empreints de la cordialité de vieux amis qui se retrouvent : « C'est donc toujours les mêmes qui se font tuer? Et les mêmes qui se les roulent, tu peux le dire »...

 

A Harbonnières, où, arrivés dans la matinée du 29, nous retrouvons les tout proches, les plus chers, nos vrais frères de misère, les camarades de la brigade, c'est un grouillement fastidieux de bleu horizon avec, pourtant, la note plus terne des spahis marocains en kaki, chargés de la police des routes; aux carrefours, de vieux territoriaux malgré leur bâton blanc qui doit régler l'allure des convois, ne rappellent qu'imparfaitement les gardiens de la paix parisiens.

Les habitants ont presque tous été évacués, mais la boutique du seul magasin encore ouvert, épicerie-mercerie-papeterie, est le dernier salon où l'on cause, où l'on cause avec la jeune fille de la maison, - et l'on a même dû causer pas mal, car il semble, à la bien regarder, que la jeune fille en question ne le soit plus pour bien longtemps.

 

L'attaque a été déclenchée le 1 juillet au matin, mais nous sommes encore en réserve à Harbonnières, où affluent déjà les prisonniers et les blessés. Nous étions avec le 319ème régiment d’infanterie

 

Le 2 juillet. - Je viens d'avoir une vision d'une grandeur inoubliable. Je suis entré dans l'église et 'voici ce que j'ai vu : dans la nef, les bas-côtés, le transept, au lieu des chaises de paille, des brancards alignés côte à côte, dont les autos, se succédant devant le portail, renouvellent, sans cesse, les occupants.

Autour d'eux s'affairent des médecins en blouse blanche. Près des stalles du chœur, des Boches, aux uniformes verdis, attendent leur tour d'être pansés. Dans le clair-obscur de l'église, qui mériterait son Rembrandt, le blanc des pansements, le rouge du sang, le bleu des capotes se fondent par d'insensibles transitions en une inimitable harmonie tricolore, et des figures pâles ou terreuses, encadrées de barbe drue, ressortait sur ce fond de lumière sombre comme des christs blafards de l'École espagnole.

Devant celles que crispe la douleur physique, je n'ai pas le courage, moi, combattant de demain, de m'arrêter. J'ose à peine, par une pudeur que tous ceux de « là-bas » comprendront, interroger ceux qui paraissent le moins touchés ; quelques-uns me demandent de faire partir une carte où, d'une main qu'ils ont essayé de rendre ferme, ils ont tracé les invariables mots qui rassurent. « Je suis blessé, mais très légèrement... tout va bien, le moral est bon... »

C'est le temple du sacrifice d'un Dieu devenu celui du sacrifice des hommes.

Et, cependant, devant l'autel, dans le poudroiement des rayons d'or qui traversent les vitraux, des soldats, les miens, les frères de ceux qui, à leurs pieds, sur ces brancards, souffrent et meurent, érigent leurs silhouettes rudes de paysans en extase, ramenés par l'approche de la tourmente à la naïveté de la foi de leurs aïeux du Moyen Age, de ces aïeux simples comme eux et comme eux casqués, et qui, comme eux, crurent et prièrent pour triompher de la souffrance et de la mort.

 

Le régiment relève, le 3 juillet, le 265e régiment d'infanterie qui s'est emparé de Fay.

Dans l'après-midi, notre 5° bataillon, après une intense préparation d'artillerie, entre dans Estrées- Deniécourt. Mais un violent retour offensif, favorisé par la mort d'un grand nombre d'officiers, permet aux Allemands de reprendre pied dans le village, où nos éléments, un moment désorientés, s'accrochent désespérément. D'ailleurs, ils restent isolés de nous, car mon bataillon, le 6e, au moment du reflux, en a subi le contre-coup ; et un peu de désarroi s'en est suivi, qui nous a fait croire, la nuit tombant et l'artillerie allemande se faisant brusquement entendre, à une attaque.

Maintenant, l'alerte passée, le bataillon se reconstitue dans les tranchées allemandes du bois Foster.

 

Il n'y a guère plus de deux jours que nous avons quitté Harbonnières, et nous avons déjà tellement fait nôtre la mentalité spéciale du combattant, qu'il nous faut presque un effort d'esprit pour comprendre toute la lamentable signification de l'absence de tant d'êtres qui nous furent chers et qui, hier encore, pleins de vie et de flamme, parlaient de la mort avec un sourire sur les lèvres... Maintenant, à la lueur blafarde des chandelles, « dont nous ne savons même pas toujours si elles sont boches ou françaises, S... et le sergent C... essayent de retrouver leurs corps dans les débris de fils de fer, qui, lamentables et tordus, s'enchevêtrent devant nous...

Je les aimais tous, et je n'avais pas de chagrin; non, en y réfléchissant, je n'avais pas de chagrin, rien qu'une immense envie de dormir, de m'anéantir dans le sommeil; et j'ai dormi peut-être deux heures en quinze petits morceaux, adossé au parapet, presque debout, glissant de temps en temps et me remontant sans avoir conscience, les pieds glacés dans la toile de tente où je les avais enveloppés, ou meurtris, sans que je proteste, par les hommes qui passent, réveillé par un agent de liaison m'apportant un renseignement, et, presque aussitôt, retombé dans le néant.

 

Et le petit jour est venu, grisâtre et mouillé, avec une sensation de froid mortel et humide pénétrant dans les os; et la première chose que j'ai remarquée, c'est qu'un boche qui, la veille au soir, agonisait tout près de moi dans une niche, n'y était plus, balancé sans doute au-dessus du parapet par un poilu que le voisinage avait dû gêner.

Les lueurs ternes de l'aube révèlent des visages aux traits déjà plus creusés, au teint de plomb; mais c'est l'aube, c'est le jour avec tout ce qu'il apporte de soulagement et de délivrance à ceux qu'oppriment les ténèbres, où tout bruit, tout frémissement des choses sont une angoisse nouvelle.

 

Et, pourtant, nous ne sommes pas sans nous douter que cette journée sera grave, car la liaison est rompue entre notre tranchée et les éléments encore accrochés dans Estrées, et il n'est personne qui ne sente qu'il faut, à tout prix, les délivrer. D'ailleurs, notre bombardement, qui avait cessé depuis hier à 3 heures, se déchaîne à nouveau sur les lisières du village et fait penser à l'écrasement d'une gigantesque boîte de pastels. Les éclatements des « gros » 155 et 220 soulèvent des tourbillons noirs, gris de cendre, bruns rougeâtres, roses surtout à cause des briques dont

les maisons sont faites ; la tour d'un moulin, à quelques centaines de mètres en avant du village, se trouve environnée d'un nuage rosé. Au-dessus des ruines, les boules verdâtres ou jaune soufre des fusants pénètrent le ciel de leurs flocons... Un chemin creux bordé de saules, en angle droit avec le boyau où nous nous tenons, s'enfonce vers Estrées ; et, tandis que les gerbes des 75 l'encadrent rageusement et que les lames de rasoir de leurs éclats reviennent jusque sur nous, notre officier grenadier en profite pour essayer de gagner du terrain et d'avancer le barrage de sacs à terre, qui seul nous sépare des boches, et derrière lequel quelques-uns, tout à l'heure, se sont montrés pour offrir ironiquement à notre sentinelle de se rendre.

 

Cependant que mes hommes, se faisant ses pourvoyeurs, remplissent les sacs et se passent de main en main les musettes remplies de grenades, l'ordre m'est transmis de faire creuser dans la paroi du boyau les marches qui serviront de gradins de franchissement. Du temps se passe encore. Que cela est long! Qu'on parte enfin, puisqu'il faudra partir. D'ailleurs, on sent l'affolement chez les boches à 400 mètres de nous, leurs fusées rouges ou vertes montent en tournoyant, plus pâles dans la lumière du jour; mais ces appels désespérés restent sans réponse ; et seule, à ras de terre, au pied du moulin ruiné, une vapeur qui se condense lentement, tandis que des coups de feu éclatent à intervalles irréguliers, révèle la présence d'une mitrailleuse...

 

Et nous sommes partis; mais on n'a pas utilisé les marches creusées tout à l'heure : on a commencé par progresser dans le boyau, lentement, avec mille précautions. Les hommes de tête ont éventré le barrage derrière lequel deux ou trois boches étendus en travers ne songeaient plus à faire de l'ironie. Puis on s'est frayé le chemin 'a coups de grenades, qui éclataient brutalement dans l'air sonore ou sourdement dans les abris où on les laissait tomber. Du boyau que nous avons quitté, C..., avec sa section de mitrailleuses, protège notre avance par un rideau de balles dont quelques-unes écrêtent le parapet et font plonger des têtes. A une bifurcation, S... part avec les grenadiers ; il m'en laisse une équipe pour me couvrir dans le boyau de droite.

Mon voltigeur ne paraît pas très fixé sur son rôle, et j'ai l'impression qu'on n'avance pas. Les autres, à gauche, à droite, où en sont-ils ? Et le moulin, notre objectif, est-il seulement un peu plus proche qu'au départ ? Pas moyen de se rendre compte avec tous les détours du boyau.

A tout prix il faut savoir; le parapet est très haut, je me fais hisser jusqu'à ras du sol : le moulin, le fameux moulin dresse en face de moi, tout près, sa ruine rose et croulante; et, d'une tranchée bouleversée qui serpente à sa base, monte un peu de fumée, celle des mitrailleuses de tout à l'heure. Il n'y a plus à réfléchir : tout le monde dehors et allons-y! ... Je n'ai pas même le temps de me demander pourquoi ils ne nous tirent pas dessus; ma section part en courant, baïonnette haute, et, au même instant, des bras se lèvent au-dessus de la tranchée, puis des têtes rondes au calot à bordure rouge. Nous sautons dedans et, déjà, de peur de la grenade incendiaire, les « kamerads » se pressent en grappes à l'entrée des abris et se bousculeraient presque pour se rendre.

 

Les rôles ayant été distribués à l'avance, il n'y a pas la moindre pagaïe, et, les prisonniers expédiés à l'arrière, la section se reforme comme à la manœuvre.

Derrière nous, strictement parallèles, les tirailleurs de la 24e compagnie. Entre les deux lignes, un isolé : je reconnais F..., une des deux mauvaises têtes de ma section qui, revenant de la soupe quelques minutes après le départ de l'attaque, n'a pas cru que le repas devait être escamoté pour si peu, et forme à lui seul, avec ses deux bouteillons pour toute arme, une vague d'assaut à la fois comique et touchante.

Maintenant, tout le village s'offre à nous d'un seul coup d’œil : c'est un Pompéi, où les briques, les ardoises, les tuiles et les fragments de poutres remplacent la lave et les scories. Le sol, jonché de débris, est surélevé à hauteur des fenêtres ; des toits effondrés se continuent directement dans la rue.

 

A la lisière où nous sommes parvenus, et d'où les camarades du 5e bataillon, éparpillés dans les trous d'obus, nous appellent avec des cris de délivrance et de joie, nous sommes en plein dans les jardins; et à côté des carrés de choux, le sentimentalisme des boches a respecté les fleurs de nos jardins de curé, dont quelques-unes, malgré le déluge de fer qui s'est abattu là, restent debout, juste à point pour orner les canons des fusils. Il y a même quelques fraises et leur goût, malgré la terre qui les couvre d'écailles, est délicieusement bucolique et frais par cette journée chaude de combat en plein juillet. L'avion d'accompagnement, à qui ses deux flammes vertes distinctives font un sillage couleur d'espérance, bourdonne victorieusement sur nos têtes, dans le silence impressionnant du village qui semble désert.

 

A l'horizon, des silhouettes verdâtres fuient entre les peupliers de la grande route. Et, tandis que les sections vont s'établir en avant des maisons, en bordure du Decauville dont la ligne bleue sur le plan directeur était hier encore un paradis presque inaccessible, S... entreprend le nettoyage du village. Il est en manches de chemise, son revolver dans sa poche ; son fidèle ordonnance le suit, portant sur l'épaule, tel un inoffensif sac de patates, un sac de grenades chargées. Nouveau discobole, le geste large du grenadier arrondit sans trêve son bras court et musclé ; il' lance ses grenades sur les toits, dans les portes, par les fenêtres des maisons encore debout, tandis que l'ordonnance, sans même s'arrêter ou se retourner, les tire de son sac et les sème par les soupiraux des caves, d'un geste machinal et indifférent, qui, dans les circonstances, touche simplement au sublime...

 

Jacques MEYER

 

 

Extrait de l’historique du 329e RI (Les anciens du 329, Amicale des anciens du 329, sans date)

 

L’offensive de la Somme est déclenchée le 1er juillet.

 

La 53e division appartient au 35e Corps d' Armée et va opérer dans le secteur Fay-Estrées-Deniécourt. Mais c'est premièrement la 61e division qui attaque et qui réussit à enlever les premières lignes ennemies et le village de Fay.

Le 3 juillet, à 17 heures, le 329e est alerté et à 21 h. 30 part relever au S.-E. de Fay, dans la tranchée Lutzow (entre le bois Foster et le bois des Satyres), un bataillon du : 264e RI. puis dans la tranchée de Loge, un bataillon du 265e.

Le P. C. du colonel est établi dans une des dernières maisons au S.-E. de Fay. Quoique effectuée  de nuit afin de ne pas utiliser les boyaux la marche est pénible à cause de l'encombrement résultant du placement d'autres unités et des nombreux convois de ravitaillement rencontrés.

Le régiment doit attendre au ravin des « Cuisines », pendant deux heures, l'écoulement du 228e R.I.

La relève ne se termine qu'à 5 heures du matin pour le 6e bataillon, gêné par le tir des mitrailleuses installées à la lisière d'Estrées, et à 8 heures seulement pour le 5e bataillon.

Au cours de la relève, 5 hommes sont blessés, dont le lieutenant Lanctuit, commandant la C. M. I.

 

Le 4 juillet, le lieutenant-colonel Puntous avance son P. C. à la corne Est du bois des Satyres. Dans la matinée, des patrouilles rapportent que le village d'Estrées est occupé par l'ennemi, défendu par de nombreuses mitrailleuses, dont un centre important est le Moulin, où existe au moins une batterie d'artillerie.

Le lieutenant-colonel Puntous rend compte à la brigade et demande qu'avant l'attaque du régiment, le Moulin s'oit pilonné par notre artillerie. La mission du régiment est d'enlever le village d'Estrées en faisant tomber la résistance du Moulin, puis ultérieurement Deniécourt.

Les unités voisines: le 228e à gauche et le 319e à droite, ont l'ordre d'appuyer l'attaque du 329. Préalablement, durant vingt minutes, notre artillerie lourde concentrera son tir sur le Moulin et sur le village d'Estrées, puis enfin sur Deniécourt.

L'attaque fixée à l'heure H, soit 17 heures, ne peut être lancée qu'à 17h30, en raison de l'action tardive du 228e à l'Est.

Le 6e bataillon, commandant Hochard, en liaison à gauche avec le 228, et le 5e bataillon, commandant Laurrin, en liaison à droite avec le 319, foncent sur leurs objectifs sous un véritable déluge d'artillerie lourde. Les mitrailleuses balaient la plaine.

Le lieutenant-colonel est au milieu des vagues d'assaut, puis installe son P. C. dans un trou de marmite à environ 100 mètres de la lisière d'Estrées, mais peu après, le lieutenant-colonel est grièvement blessé par une balle.

Rapidement enlevé par les brancardiers, sa mort survient alors qu'en voiture-ambulance, il est transporté vers un hôpital de l'arrière. « Barca », comme l'avaient surnommé ses hommes, n'est plus.

Le régiment qui, sous son commandement, était devenu un régiment d'élite, perd un chef valeureux et glorieux, regretté de ses hommes, et le passage de la citation du 329e à l'Ordre de l'Armée, dans laquelle le lieutenant-colonel Puntous est qualifié de « chevalier sans peur et sans reproche », est pleinement justifié.

Le commandant Laurrin est également blessé et le capitaine adjoint Hubert prend provisoirement le commandement du 5e bataillon. Il ne reste plus comme officier supérieur valide que le commandant Hochard, du 6e bataillon.

Le 5e bataillon réussit à occuper la partie S.-O. d'Estrées, et des éléments avancés de la 20e Cie (capitaine Meunier) progressent vers le lisière Sud d'Estrées, face à Deniécourt, appuyés par la compagnie de mitrailleuses du capitaine Abadie, en position au point 86.

Le 6e bataillon réussit également à pénétrer dans le centre du village après un dur combat à la grenade. et à la baïonnette.

Mais, vers 21h30, une violente contre-attaque Allemande, appuyée par un puissant tir d'artillerie, débouche de la lisière d'Estrées et bouscule les unités du 6e bataillon qui sont contraintes de reculer.

La 19e Cie se trouve débordée également sur sa gauche, mais se défend farouchement et permet d'arrêter, avec le 6e bataillon revenu à ses positions de départ, cette violente contre-attaque ennemie.

La situation des 17e, 18e, 20e Cies et C. M. 2, demeurées dans la partie ouest du village, devient inquiétante. Toute la nuit, ces compagnies doivent lutter contre un ennemi cherchant à reprendre le terrain perdu.

Au cours de cette première journée de combat, 150 prisonniers environ et des mitrailleuses ont été capturés.

Le commandant Albert, du 236e R. I., promu lieutenant-colonel et nommé au commandement du 329, arrive dans la nuit du 4 au 5 et installe son P. C. au bois des Satyres.

Une opération est aussitôt préparée en Vue de chasser les Allemands d'Estrées.

 

Le 5 juillet, le 6e bataillon reprend l'attaque, précédée d'une puissante et rapide préparation d'artillerie lourde. L'attaque, menée très vigoureusement par le groupe des grenadiers conduits par l'héroïque sous-lieutenant Sauvaget, permet d'occuper le Moulin d'Estrées.

L’ennemi recule ou se rend.

Le sous-lieutenant et ses hommes ainsi que la 23e Cie, s'emparent de 3 mitrailleuses, d'un important dépôt de munitions, d'une batterie de 105 et d'une de 77, dont les servants d'une pièce sont tués à la baïonnette.

Les Compagnies progressent rapidement dans Estrées et gagnent la lisière sud du village, d'où une tranchée est vivement établie, renforcée de réseaux légers trouvés dans les dépôts abandonnés par l'ennemi. Une barricade est également établie côté Est, à gauche, la progression du 228 ayant été moins heureuse; néanmoins, deux compagnies de ce régiment ont pu pénétrer à l'Est du village et s'établir au Nord de la grande route, face au sud.

A l'Ouest, au 5ud du point 86, des feux de mitrailleuses partant d'une maison dite maison du « Pirate », fortement organisée, rendent très dangereuse la circulation .

Après un repérage précis effectué par un officier de notre artillerie, cette maison est peu après démolie de fond en comble par notre tir.

 

Vers 19 heures, une forte contre-attaque allemande, débouchant du bois de Deniécourt, s'avance en masse, criant et chantant, mais prise sous le feu terrible de toutes nos mitrailleuses, elle hésite, tourbillonne et ne peut avancer. Les Allemands fauchés tombent par grappes, et les survivants regagnent leurs tranchées de départ, sans avoir pu, en aucun point, parvenir jusqu'à nos lignes.

Alternant avec le 224e, le régiment participe dans les jours suivants à l'organisation du terrain et repousse toutes les attaques de l'ennemi.

 

Le 13 juillet notamment, toutes les unités du régiment sont soumises à un  bombardement très puissant de tous calibres de l'artillerie ennemie.

Le P. C. du colonel, particulièrement visé, est complètement détruit, mais a pu être préalablement transporté 100 mètres plus au nord. La 18e Cie réussit même, après une lutte opiniâtre, à progresser dans la tranchée de Lubeck et à s'établir face au sud, en liaison avec le 319e.

Très sévèrement éprouvé, le régiment est relevé dans la soirée du 14 juillet par le 264e et va se réorganiser à Harbonnières, en exécution d'une note reçue de la Division, dans laquelle il est prescrit que les régiments de la 106e brigade sont désormais constitués à deux bataillons de chacun trois compagnies et une compagnie de mitrailleuses. La 4e compagnie de chaque bataillon passe avec tous ses cadres au dépôt divisionnaire.

 

Ainsi reconstitué, le régiment relève dans la nuit du 25 au 26 juillet des éléments des 264. et 265e au Nord d'Estrées.

De nouveau, il participe avec le 224e à la défense des positions conquises. Le 1e août notamment, les 22e, 23e Cie et la C. M. 6, sous les ordres du capitaine Abadie sont mises à la disposition du 224e pour soutenir une attaque menée, vers le boyau d'Estrées, contre les positions ennemies.

Dans la soirée, la 17e Cie est envoyée en renfort dans la tranchée Schleswig, mais n'a pas à intervenir.

Dans la nuit du 4 au 5 août, le 329 est définitivement relevé et va bivouaquer à ,Wiencourt dans les camps 102 et 103.

 

Durant cette offensive, les pertes du 329 ont été très lourdes et se résument comme suit: 123 tués, dont le colonel Puntous, le médecin-chef Drouard, les capitaines Dandine, Desgroux et Goude ; les sous-lieutenants Champin, Fresnay, Sauvaget et Six, 149 disparus et 338 blessés, soit un total de 610 hommes hors de combat.

 

 

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