La Bataille  de  la Marne

6  au 13  septembre 1914

                                                              

 

 

 

On a dit que la lutte allumée le 6 septembre au matin, de Paris à Verdun, ne fut pas une bataille unique, mais une série de batailles que chacune des armées mena pour son compte particulier, avec ses propres moyens ou grâce à l'appui des armées voisines, suivant les con­ceptions de chaque chef, l'inspiration et la valeur de chaque combattant.

 

Rien n'est plus inexact. La bataille de la Marne est un tout admirablement ordonné dont l'immensité seule empêche d'embrasser l'ensemble d'un seul coup d’oeil.

 

 

L’avancée allemande

 

Le coup de boutoir de Guise paraît avoir désorienté le Haut Commandement allemand.

 

L'extrême droite, l'armée von Klück qui, jusqu'au 30 août, marchait à grandes journées vers le sud-est, vers Paris, et était arrivée sur la ligne Amiens-Moreuil-Hangest en Santerre-Roye, fait un crochet, le 31, et se dirige sur Compiègne et Meaux.

L'affaire de Guise a prouvé qu'il ne saurait encore être question d'enlever Paris, mais qu'il faut, à tout prix, mettre hors de cause cette 5e armée française qui a eu assez de vigueur pour faire reculer la Garde.

 

Joffre ne sait rien de ce changement de plan.

 

Cependant, dès le 1e septembre, dans son Instruction générale, il dessine le cadre de la situation stratégique dans laquelle il compte, bon gré malgré, et quoi qu'il arrive, enfermer l'adversaire.

Avant tout, un cruel sacrifice s'impose : l'abandon délibéré à l'invasion d'une large zone du territoire national. Il faut, en effet, soustraire l'aile gauche de la 5e armée à l'enveloppement dont Klück la menace et reconquérir sa liberté de manœuvre en gagnant du champ.

On reculera donc on pivotera à droite sur le point fixe de Verdun et, par une vaste conversion, nos armées seront amenées, s'il le faut, jusque sur la ligne Pont sur Yonne-Nogent sur Seine-Arcis sur Aube-Bar le Duc, ligne sur laquelle les envois des dépôts et des arsenaux permettront la préparation d'une offensive décisive.

 

Qui ne voit le piège ?

 

Tout pas en avant va mettre l'ennemi dans une situation stratégique défavorable. S'il veut attaquer les grands camps retranchés de Paris et de Verdun qui appuient les ailes de la ligne française, il affaiblit son centre et l'expose à une attaque de rupture. S'il néglige ces camps retranchés pour attaquer la ligne française, il expose ses flancs à une double manœuvre enveloppante préparée à l'abri des forteresses

 

Trois dispositions rendent possible l'exécution de ce plan

 

1*  Verdun reçoit une garnison qui lui permettra de soutenir un siège;

 

2* Une 9e armée est créée, formée d'éléments puisés dans la 4e armée (9e et 11e Corps, 52e et 60e divisions réserve, 9e division de cavalerie) et dans la 3e armée (42e division)

 Le général Foch la commandera et viendra l'intercaler entre les 4e et 5e armées, pour fortifier notre centre

 

3* Joffre demande et obtient que le camp retranché de Paris soit placé sous son commandement afin que l'unité de direction soit assurée sur ce point décisif.

 

Paris n'est pas encore en état de se défendre, mais on y travaille avec ardeur. Des milliers de travailleurs s'emploient à creuser des tranchées, à construire des épaulements, à créneler des murs. La garnison, nombreuse, est à pied d’œuvre ou va y être.

Ce sont les 83e, 85e, 86e, 89e, 92e divisions territoriales,  la 185e brigade territoriale, la bri­gade de cavalerie Gillet, les fusiliers marins venus des ports, la 45e division arrivée d'Algérie.

 

La 6e armée du général Maunoury y est appelée d'Amiens et doit être renforcée. Cette armée comprend pour le moment le 7e Corps et le groupe de Lamaze (une division active et trois divisions de réserve) et le Corps de cavalerie Sordet. Le groupe Ébener (61e, 62e divisions, de réserve) se reconstitue près de Pontoise.

 

Mais, il y a homme à Paris un homme, une énergie, une flamme : c'est Gallieni

 

 

La retraite après Guise.

 

 Donc, nos armées reculent et, après un moment d'étonnement, les Allemands entament la folle poursuite.

Tout de même, le Corps de cavalerie de Von Richthoffen, qui a reçu l'ordre de se porter sur les derrières de la 5e armée, hésite à s'engager au milieu de nos colonnes. Il marche mollement et la 5e armée, à la tête de laquelle le général Franchet d'Espérey va succéder au général Lanrezac, se dégage et gagner du champ.

 

Le 3 septembre, la 5e armée borde la Marne, d'Epernay à Château-Thierry; et Klück, qui avait mission de l'envelopper a bien son IXe Corps près de Château-Thierry, mais échelonne encore ses IIIe, IVe et IIe Corps respectivement à la Ferté Milon, à Betz et à Luzarches, d'où, à 13 kilomètres du Camp Retranché, il semble vouloir tenter une attaque brusquée sur Paris.

 

Trop tard !

 

Maunoury couvre déjà la capitale, de Mesnil-Aubry à Dammartin en Goële ; l'armée anglaise borde la Marne de Lagny à Signy-Signets ; et le vide de quelque vingt-cinq kilomètres, qui s'ouvre entre French et Franchet d'Esperey, est masqué par le Corps de cavalerie du général Conneau. De ce côté, la ligne est donc formée ; elle a échappé à l'étreinte ennemie; elle se soude, à l'abri des rivières.

 

Foch a réussi, lui aussi, à grouper les éléments de son armée derrière la Marne, d'Épernay à Châlons, sans être trop vivement pressé par la IIIe armée de Hausen ; mais de Langle de Cary se dégage plus difficilement de la IVe armée du duc de Wurtemberg.

 

Encore ce jour-là, le Corps colonial devait-il faire tête à Auve et à Saint-Rémy-sur-Bussy pour repousser les avant-gardes allemandes trop hardies. La fatigue des troupes est extrême.

Quant à Sarrail, dont l'armée a été affaiblie, d'abord de la 42e division donnée à Foch, puis du 4e Corps, qui va rejoindre Maunoury, il n'a plus que deux Corps d'armée (le 5e et le 6e) et un groupe de divisions de réserve pour enrayer les progrès de la Ve armée allemande, qu'aiguillonne l'ardente haine du Kronprinz d'Allemagne.

 

Demande d’envoi de cette carte en très grande résolution

 

Celui-ci pousse nos colonnes avec quatre Corps d'élite, tandis qu'avec le Ve Corps il tourne par l'est l'obstacle de Verdun.

Malgré la faiblesse numérique de son armée, Sarrail à qui une note du 2 septembre a donné l'autorisation de se replier jusqu'à Joinville, au sud de Verdun, estime devoir faire tous ses efforts pour assurer jusqu'au bout à notre grande forteresse l'appui de son armée.

Dans ce but, il va laisser sa droite fixée au Camp retranché; mais comme, d'autre part, il a l'ordre formel de rester étroitement lié à gauche avec la 4e armée qui recule vers le sud, il va être obligé, pour concilier ces deux idées, de reculer en pivotant autour de sa droite et en étendant indéfiniment son front vers le sud, au gré du recul de la 4e armée.

 

Déjà, le 3, tandis que sa droite est à 12 kilomètres au sud de Grandpré, sa gauche, collée à de Langle, a reculé de 25 kilomètres dans la direction de Revigny.

 

Opération effroyablement difficile ; l'immense ligne de nos armées, ligne de plusieurs centaines de kilomètres, recule donc, marchant et se battant jour et nuit, sans sommeil, souvent sans ravitaillement.

 

De son Grand Quartier Général, qu'il a transporté de Vitry-le-François à Bar sur Aube, Joffre, le Généralissime responsable, dirige la manœuvre avec une force d'âme, une maîtrise, un calme imperturbables.

 

C'est à ces qualités vraiment extraordinaires qui ne se sont peut-être jamais rencontrées à un pareil degré chez un homme de guerre, que l'on doit certainement le soin, la clarté, la précision, le fini avec lesquels les instructions furent données à tout le monde en temps voulu ; c'est par elles que toute imprudence fut évitée, que la bataille d'arrêt n'éclata que le jour où Joffre estima qu'il avait quatre-vingt-dix chances sur cent de la gagner; par elles, enfin, que la coordination la plus parfaite fut assurée entre les armées.

 

La décision

 

Dans la matinée du 3 septembre, la situation, encore si peu claire, va se modifier d'une manière si profonde dans le courant de cette journée que la décision jaillira.

Paris est dans la fièvre. Le Gouvernement a quitté la capitale, la veille au soir, se rendant à Bordeaux, et Gallieni y est demeuré seul, avec l'ordre de la défendre.

Du lycée Victor-Duruy, où il a installé son Quartier Général, le Gouverneur lance son ordre du jour laconique.

C'est court, mais tout y est. Paris a frémi. Une âme forte a parlé. Des actes vont suivre. On les attend.

 

Nos avions, dont le vrombissement remplit l'air, surveillent attentivement la marche de l'ennemi dont les avant-gardes étaient en vue du fort de Domont dans la matinée. Les portes de la capitale se hérissent de barricades contre les autos blindées, de réseaux de fil de fer, de mitrailleuses.

 

C'est le branle bas de combat.

 

Cependant, l'attaque attendue de minute en minute ne se produit pas, et le 3 au soir le doute n'est plus permis. Creil et Senlis sont en feu, mais il n'y a plus, dès 15 heures, aucune force importante au nord de Paris. A la tombée de la nuit, une colonne longue de 16 kilomètres a été vue entre Nanteuil-le-Haudouin et Lizy sur Ourcq, se hâtant vers le sud-est.

 

Tout de suite, Gallieni, qui n'a encore reçu aucune instruction de Joffre, a l'intuition de la manœuvre à réaliser. Sans perdre une minute, il informe le généralissime de ce qu'ont vu ses aviateurs et lui demande l'autorisation de lancer l'armée Maunoury dans le flanc de cette armée allemande qui défile si imprudemment devant lui.

 

Le 4 au soir, tout est prêt; et bien que French hésite, ne croyant pas l'armée anglaise encore en état d'affronter la bataille, Joffre décide de saisir l'occasion que lui offre Gallieni. Il va arrêter la retraite et lancer toutes les armées à l'attaque, le 6 au matin.

 

L'ordre d'offensive générale est expédié le 5 septembre, à 5h00 du matin.

Cet ordre prévoit une attaque enveloppante de la 6e armée, partant de l' Ourcq, en direction de Château-Thierry.

L'armée anglaise et la 5e armée appuieront cette attaque; l'armée Foch couvrira: la droite de la 5e armée.

 

Dans la journée, des instructions aux armées de droite compléteront ces dispositions : la 4e armée doit faire tête à l'ennemi en se liant étroitement à la 3e armée qui attaquera le flanc gauche des armées allemandes, face à l'ouest.

 

Aux troupes, on lit cet ordre du jour

 

« Au moment où s'engage une bataille d'où dépend le salut du Pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis, et se faire tuer sur place, plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée. »

JOFFRE.

 

Dès l'après-midi du 5, l'armée Maunoury se déplaçait vers l'est, pour gagner l'Ourcq, d'où elle devait partir à l'attaque le lendemain, quand elle se heurta au IVe Corps de réserve allemand solidement retranché sur les hauteurs de Neufmoutiers, de Monthyon et de Saint-Soupplets où von Kluck l'avait placé en flanc-garde.

A droite, la 55e division, au centre la 56e, à gauche le 7e Corps se jettent en avant.

 

Nos soldats sont héroïques. Un moment, à Villeroy, sous les gros obus qui font rage, une section du 276e hésite:

 «Nous n'avons rien pour nous protéger, disent les hommes, nous n'avons pas nos sacs! » Le lieutenant s'est levé, tout droit dans la rafale : « Ni moi non plus, je n'en ai pas ! Regardez moi donc ! »

Et au même instant, comme sa figure rayonnait, un obus l'abat.

 

C'était Charles Péguy, le délicieux poète, le fin polémiste des Cahiers de la Quinzaine, l'une des jeunes gloires de la France, qui venait de donner joyeusement sa vie pour elle.

Le soir, les nôtres ont atteint le pied des positions allemandes. L'assaut est prêt pour le lendemain matin.

 

 

La bataille

 

De notre côté, le plan est simple : l'aile gauche (6e armée, armée anglaise, Corps de cavalerie, 5e armée) et l'aile droite (3e armée) ont mission d'envelopper les deux ailes de l'ennemi ; le centre (9e et 4e armées) doit résister à outrance à tous les assauts.

 

Chez l'ennemi, la conception est encore plus simple : Moltke, le chef du grand Etat-major, qui n'a pas prévu de manœuvre enveloppante française, ne songe qu'à « bourrer » droit et enfoncer tout ce que l'on rencontrera.

 

1…Du 6 AU 8 SEPTEMBRE

1.1   L'AILE GAUCHE

 

6 septembre

 

La 6e armée.

Le 6 au matin, Maunoury a porté la 6e armée en avant. De Plessis-l'Evêque à Villeroy, le groupe de Lamaze (55e et 56e divisions), la brigade marocaine et la 45e division refoulent des hauteurs de Penchard et de Monthyon le IV' Corps de réserve. En même temps, parti du front Oissery-Saint Soupplets, le 7 Corps prononce l'enveloppement par le nord, et la 14e division de ce Corps d'armée (général de Villaret) arrive jusqu'à Bouillancy.

Mais le IVe Corps de réserve, en se repliant, a appelé des renforts. Kluck,suivant Joffre, a tout de suite l'intuition de la lourde faute qu'il vient de commettre en présentant son flanc droit au Camp Retranché de Paris. Sa décision est immédiate. Ses Corps de gauche, les IIIe et IXe, continueront à attaquer face au sud de concert avec l'armée Bülow, mais son IVe Corps va stoppera Rebais et son 11e Corps va revenir en arrière à marches forcées, au secours du IVe Corps de réserve. Le Corps de cavalerie comblera devant l'armée anglaise le vide causé par le départ de ce Corps d'armée.

Devant l'intervention de ces troupes fraîches, tandis que l'artillerie lourde allemande balaye le terrain, de Villaret ne peut dépasser Bouillancy et de Lamaze, après avoir enlevé Marcilly et Barcy, ne peut se maintenir à Chambry.

 

L’Armée anglaise.

French ne s'est pas aperçu de la disparition du I Ie Corps allemand. Il avance, mais prudemment, poussant devant lui les uhlans. Le soir, il est sur la ligne Crécy-Coulommiers-Choisy.

 

La 5e armée.

Quant à Franchet d'Esperey, il a lancé ses Corps d'armée à l'attaque, dès 6 heures du matin, contre l'ennemi (les IIIe et IXe Corps de Kluck) retranché sur des positions dominantes.

De Maud'huy, à la tête du 18 Corps, traverse en trombe Villiers-Saint-Georges, Montceaux, et refoule le IlIe Corps allemand de Sancy. Hache, à la tête du 3e Corps, dont les divisions sont conduites par Mangin et par Pétain, enlève Escardes et Courgivaux au Ixe Corps allemand qui reflue jusqu'au Grand-Morin.

 

Deligny, à la tête du 1e Corps, chasse l'ennemi de Châtillon formidablement organisé, et parvient jusqu'aux abords d'Esternay, malgré l'extrême fatigue des troupes.

En même temps, Defforges, dont le 10e Corps combat en liaison étroite avec la 42e division de l'armée Foch, soutient une lutte acharnée et disproportionnée contre le Xe Corps de réserve et le VIle Corps de l'armée de Bülow, disposés en profondeur jusqu'à Montmirail. Villeneuve lés Charleville, perdu le matin à 8 heures, au cours d'une furieuse offensive allemande, est repris à 9 heures, reperdu vers midi et finalement repris par les nôtres à la baïonnette très tard dans la nuit.

 

En somme, la journée du 6 est bonne à l'aile gauche.

 

7 septembre

 

La 6e armée.

Le 7 septembre, devant Meaux, l'armée Maunoury reprend la lutte, dés l'aube, de Chambry à Betz, par Puisieux et Acy-en-Multien, contre le IIe et le IVe Corps, appuyés par une formidable artillerie lourde. La 45e division arrache Chambry aux Allemands; la 56e Marcilly (régiment de zouaves 2e bis) et Barcy; mais, malgré des prodiges d'héroïsme, le 350e ne peut enlever Etrepilly.

 

En revanche, une charge des 22e et 23e compagnies du 298e nous donne la ferme de Nogeon

et, au cours de ce combat, le soldat Guilmard s'empare du drapeau du 1e bataillon du 36e régiment de fusiliers de Magdebourg, décoré de la Croix de fer en 1870.

 

En même temps, la 61e division, qui a pris pied sur le plateau d'Étavigny, accentue l'enveloppement de la droite allemande. La lutte est dure de ce côté. Cependant, malgré un commencement de panique, Puisieux (292e régiment d’infanterie) reste aux mains du 7e Corps décimé et épuisé, grâce à l'intervention du colonel Nivelle, commandant le 5e régiment d'artillerie, qui amène au galop sous le feu, cinq batteries de 75, et foudroie l'ennemi à bout portant.

 

Lire le passage du JMO du 292e RI concernant les combats de Puisieux

 

Ce jour là, le 4e Corps, du général Boëlle, termine ses débarquements à Noisy-le-Sec. Joffre l'envoie à Gallieni, et Gallieni le donne à Maunoury pour consommer l'enveloppement de Von Kluck. Malheureusement, l'une de ses divisions, la 8e (général de Lartigue), doit être dirigée vers Meaux, au sud de la Marne, pour renforcer la liaison avec l'armée anglaise, et la 7e (général de Trentinian) reste seule disponible.

Cette division est expédiée au plus vite vers le nord, au moyen de taxis que, sur l'ordre de Gallieni, la police a réquisitionnés dans les rues de la capitale et qui feront deux fois le voyage de Nanteuil-le-Haudouin, transportant chacun cinq soldats.

Les régiments, transportés par ce moyen de locomotion tout parisien, étaient précisément les régiments de Paris : les 103e et 104e.

Les 101e, 102e furent transportés par voie ferrée

 

Mais Kluck, qui surveille avec attention les progrès de la gauche française, a rappelé vers le nord tout le IVe Corps, laissant aux cavaliers de Richthoffen le soin de ralentir seuls les progrès de l'armée anglaise, et le IVe Corps accourt à marches forcées.

 

L’Armée anglaise.

French n'avance cependant qu'avec lenteur. Le soir, sa cavalerie et son 1e Corps sont à Choisy, et son 3e Corps atteint la ligne Maisoncelles-Giremoutiers, tandis que le 2e s'attarde encore à Coulommiers.

 

La 5e armée.

Sentant Franchet d'Espérey plus ardent, Kluck essaye de lui donner le change et, pour dissimuler l'affaiblissement de sa ligne, il a prescrit, dés l'aube, une violente offensive aux IIIe et IXe Corps. Le IIIe parvient à arracher Montceaux. à de Maud'huy ; le IXe s'acharne contre Courgivaux que Hache réussit à conserver.

Mais Franchet d'Espérey ne se laisse pas impressionner. Il met en ligne toutes ses réserves et pousse à fond, en direction de Montmirail. A midi, la ligne allemande cède. Esternay pris, Deligny franchit le Grand Morin. Ici, la poursuite est déjà commencée.

Elle ne peut être poussée à fond, car, à droite, l'armée Foch réclame de l'aide. Aussi, au lieu de continuer à pousser le 1e Corps vers le nord, Franchet d'Espérey dirige-t-il ce Corps d'armée vers l'est où il soulage la division Grossetti en enlevant le plateau de Sézanne au Xe Corps allemand.

Bien que privé de l'appui de notre 10e Corps, Deligny continue à progresser et, le soir, son avant-garde était devant Montmirail d'où venait de décamper l'état-major du général von Bülow, commandant la IIe armée allemande.

 

8 septembre

 

La 6e armée.

Le 8 septembre est une journée extrêmement dure pour la 6e armée. Tant que le IVe Corps n'a pas encore pu mettre en ligne tous ses moyens, les nôtres, grâce à des prodiges d'héroïsme, remportent quelques beaux succès. C'est à la baïonnette, comme autrefois, que le 2e bis zouaves enlève Etrepilly où les Allemands, solidement établis, tiennent âprement.

Vincy, Etavigny sont enlevés aussi, mais, quand les réserves du IVe Corps interviennent, la disproportion devient trop forte.

Devant les efforts redoublés de l'ennemi, Maunoury dont les forces commencent à s'épuiser, doit arrêter son offensive; un moment, il doit même songer à préparer une position de repli sur la ligne Plessis-Belleville-Monthyon-Saint Soupplets

 

armée anglaise.

Cependant, éclairé par ses avions qui l'informent du départ de l'ennemi, French s'est porté délibérément en avant. Il atteint la Marne dans la soirée après avoir bousculé deux arrière-gardes à La Trétoire et à Signy-Signets.

Le Corps de cavalerie Conneau a suivi le mouvement, lui aussi, et chassé de Bellot la division de cavalerie de la Garde.

 

La 5e armée.

Devant la 5e armée, la lutte a repris, dès 3 heures du matin, à la, lueur indécise du petit jour. Hache pousse jusqu'à Rieux et de Maud'huy, franchissant le Petit-Morin, enlève Marchais. Franchet d'Espérey, qui a assisté à cette brillante opération, installe son poste de commandement à l'observatoire même d'où Napoléon avait, en 1814, dirigé la bataille de Montmirail.

Deligny est arrêté devant Bergères, mais Defforges a porté à la 42e division de l'armée Foch un appui décisif en progressant vers Bannay et en poussant ses éclaireurs jusqu'au Thoult.

Le soir, Franchet d'Espérey transportait, de Romilly à Villiers-Saint-Georges, le Quartier Général de la 5e armée.

 

 

1. 2   AU CENTRE

 

La 9e armée.

 

La 9e armée du général Foch et la 4e armée du général de Langle de Cary ont toutes les deux la mission de résister à outrance aux assauts de l'ennemi et d'empêcher que le centre du dispositif ne soit rompu.

 

Donc, le 6 septembre, dès l'aube, Foch attaque.

Grossetti, « un centaure », entraîne sa 42e division contre Soizy et Villeneuve que défend tout le Xe Corps prussien. Devant un ennemi deux fois supérieur en nombre, les 94e, 151e et 162e Régiments d'Infanterie, les 8e, 16e et 19e Bataillons de chasseurs, appuyés par le 61e Régiment d'artillerie de campagne, font merveille.

Les villages sont pris et perdus plusieurs fois; la nuit seule arrête la tuerie sur ce plateau qu'illumine l'incendie.

Mais à l'extrême droite de la 9e armée, le 11e Corps, pressé par deux Corps allemands (XIIe Corps actif et de réserve), plie, et son recul oblige la 17e division à se retirer devant la Garde, au sud des marais de Saint-Gond.

Foch doit donc porter en avant toutes ses réserves pour étayer sa ligne, et le soir, bien qu'engagé dans un très dur combat contre des forces doubles des siennes, il n'a déjà plus aucune troupe disponible. Il n'a plus rien, mais il a son génie et son imperturbable optimisme.

 

 

 

Demande d’envoi de cette carte en très grande résolution

 

 

Le 7 septembre,

Ses instructions restent les mêmes offensives à gauche, en liaison avec la 5e armée; défensive acharnée sur le reste du front. Mais sous les rafales de l'artillerie lourde, la 42e division, la 52e et la division marocaine ne maintiennent qu'avec peine leurs positions contre les furieux assauts de masses sans cesse renouvelées. Foch tient bon.

Avec son clair bon sens, il a compris que ces attaques désespérées cachaient une démonstration : «Puisqu'ils veulent nous enfoncer avec cette fureur, disait-il en mâchonnant un cigare, c'est que, positivement, leurs affaires marchent mal ailleurs... »

C'était le moment où Klück rappelait le IVe Corps vers le nord, pour arrêter le mouvement enveloppant de Maunoury.

 

Le 8 septembre,

La lutte continue avec la même violence. A gauche, décimée, la 42e division, qui va succomber à La Villeneuve, est dégagée par une puissante intervention du 10e Corps, de l'armée Franchet d'Espérey; au centre, le 9e Corps recule sur Mondement; à droite, le 11e Corps doit abandonner Fère-Champenoise et la 6oe division se replie sur Mailly.

Derrière toute cette ligne qui ploie sous l'effort de forces doubles, plus de réserves; aucun obstacle où s'accrocher!... Foch ne s'émeut pas. Il sait qu'une bataille n'est perdue que quand on croit l'avoir perdue et il sait aussi que celle-ci se gagne en ce moment sur l'Ourcq. Il écrit donc au généralissime:

« Pressé fortement sur ma droite ; mon centre cède ; impossible de me mouvoir ; situation excellente. J'attaque. »

 

 Et il obtient encore un effort de ses divisions décimées et à bout de souffle ; l'ennemi, qui est épuisé, lui aussi, s'arrête...

 

La 4e armée

 

Le 6 septembre

A l'armée de Langle de Cary, le 6 au matin, la reprise de l'offensive est pénible.

Seul, le 17e Corps, à gauche, n'est pas trop pressé par l'ennemi. Le général J.-B. Dumas et ses divisionnaires, les généraux Guillaumat et Alby, le poussent vigoureusement en avant et refoulent le XIXe Corps saxon jusque sur la voie ferrée, entre Sompuis et Huiron.

Au 12e Corps, le général Roques est encore en pleine bataille quand il reçoit l'ordre de tenir ferme. Il a dû retirer du feu la 23e division épuisée, et la 24e, désormais seule contre tout le XIXe Corps de réserve, perd

Frignicourt. Le soir, elle se battait dans Courdemange et dans Huiron.

Le Corps colonial, réduit à la valeur d'une division par les terribles mêlées de Belgique, interdit au VIIIe Corps allemand la ligne Blaise-Norrois-Martignicourt ; mais le soir, la faiblesse de ses effectifs l'oblige à se resserrer sur sa gauche, en évacuant Vauclerc et Ecrienne.

Un vide se creuse donc entre ce Corps d'armée et le 2e Corps du général Gérard, qui est à sa droite. Celui-ci dispute avec peine à trois Corps d'armée (le VIIIe et les XVIIIe actif et de réserve) les passages du canal de la Marne au Rhin, depuis Buisson jusqu'à Revigny.

Sous une aussi formidable pression, toute la ligne finit par plier. Si, dans une circonstance aussi critique, l'ennemi parvient à s'infiltrer entre le 2e Corps et le Corps colonial, le 2e Corps est perdu. Donc, sans se préoccuper outre mesure des fluctuations pourtant très graves du front, le général Gérard, à qui sa froide et indomptable énergie permet de garder la vision claire de la situation, envoie la brigade Lejaille, la seule réserve dont il dispose, occuper le secteur laissé libre par les Coloniaux.

 

Le 7 septembre,

La 4e armée, violemment bombardée et attaquée sur tout son front, est dans une situation critique. A sa gauche, Hausen masse des forces considérables vers Sompuis, manifestant l'intention de percer à tout prix en direction du camp de Mailly.

 

A sa droite, la 4e division, affaiblie par le départ de la brigade Lejaille, ne peut se maintenir à Sermaize, et le général Rabier doit la replier sur le bois de Maurupt, ouvrant ainsi une brèche entre les 4e et 3e armées, en face de Saint-Dizier.

Déjà les éclaireurs ennemis s'engagent dans la forêt des Trois-Fontaines.

 

A peine dessiné, ce danger de double enveloppement est conjuré:

A droite, par l'intervention du 15e Corps que Joffre vient de mettre d'une manière très opportune à la disposition de la 3e armée.

Demande d’envoi de cette carte en très grande résolution

A gauche, par l'arrivée de nombreux renforts un détachement pris dans la division Alby et placé sous les ordres du colonel Breton, commandant le 83e régiment d'infanterie, puis, la 13e division du 21e Corps, jusque-là réservée par le généralissime; enfin, la 23e division, maintenue en réserve à Saint-Ouen par le général Roques. Des combats acharnés se déroulent à Courdemange, au Mont-Moret, à Chatel-Raould, à Ecrienne, à Favresse, à Domprémy, qui passent de main en main et qui sont, le soir, des ruines fumantes. Ce sont des luttes sanglantes au cours desquelles le général Dupuis, commandant la 67e brigade, trouve une mort glorieuse, mais qui finissent par briser les efforts désespérés de Hausen et du duc de Wurtemberg.

Le front demeure intact.

 

 

1. 3 L'AILE DROITE

 

Ici combat la 3e armée, à qui le généralissime a imposé l'obligation de ne pas se laisser couper de la 4e et que le général Sarrail, son chef, ne veut pas éloigner de Verdun.

 

Le 6 septembre

Au matin, quand lui parvient l'ordre d'attaquer le flanc gauche de l'ennemi, cette armée est face à l'ouest et déjà pressée sur toute la ligne par un ennemi très supérieur en nombre.

 

A gauche, le 5e Corps, qui lutte péniblement dans la région de Revigny contre le VIe Corps actif et le XVIIIe Corps de réserve, ne peut conserver, malgré ses violents retours offensifs, ni Nattancourt, ni Sommeilles, ni Villers-aux-Vents, ni Brabant-le-Roi.

Le général Roques, commandant la 10e division, est tué au cours de ces combats furieux.

Il faut abandonner Revigny, mais l'ennemi est arrêté le soir sur la ligne Vassincourt-Villotte, et la liaison avec le 2e Corps de la 4e armée est encore maintenue.

 

Au centre, le 6e Corps doit, lui aussi, abandonner Séraucourt à la gauche du VIe Corps actif et du XIIIe.

 

A droite, les 65e et 67e divisions du groupe du général P. Durand, après un premier succès à Ippécourt, sont refoulées par une vigoureuse offensive du XVIe Corps, l'un des meilleurs de l'armée allemande. Enfin, à l'extrême droite, le général Heymann qui menace le flanc de l'ennemi avec les troupes de la défense mobile de Verdun (72e division, 108e brigade, 164e et 165e régiments d'infanterie) se montre vers Julvécourt; mais il ne dispose pas de moyens assez puissants pour tenter autre chose qu'une démonstrative, car les Allemands ont tout un Corps d'armée (VIe Corps de réserve) en réserve derrière cette aile.

 

Le 7 septembre,

La lutte continue, très ardente. Les 67e et 75e divisions disputent Ippécourt au XVIeCorps, mais doivent replier, l'une son aile droite, l'autre son aile gauche devant l'intervention du VIe Corps de réserve.

 

Quant au 5e Corps, sous un violent bombardement et devant une attaque furieuse de deux Corps allemands, il perd une partie du plateau de Vassincourt, d'où l'ennemi menace la route de Bar-le-Duc.

La situation est grave. Les Allemands s'engageant dans cette brèche, c'est Sarrail séparé de Langle de Cary est rejeté dans Verdun; c'est la perte de la 3e armée, et, avec elle, la ruine définitive de nos espérances.

 

Le 8 septembre,

L’arrivée du 15e Corps que Joffre a enlevé à l'armée de Castelnau pour le donner à l'armée Sarrail, nous permet de parer à cette terrible menace. L'ennemi perd Mognéville, et la ferme de Maison Blanche (55e, 61e, 173e régiments d'infanterie) et les attaques les plus violentes du VIe Corps sont enrayées.

Or, tandis que Sarrail résiste face à l'ouest et contient a la peine les plus formidables assauts, il est informé que le fort de Troyon, en plein sur ses derrières, est bombardé par des obus de gros calibres et menacé par le Ve Corps allemand. Les pièces de 120, dont dispose le fort, sont écrasées par des canons à longue portée à qui elles ne peuvent répondre et le commandant annonce que la résistance ne pourra probablement pas être prolongée plus de quarante-huit heures.

Cependant, et malgré une dépêche du G. Q. G. l'autorisant encore à replier sa droite pour éviter qu'elle ne soit enfermée dans Verdun, Sarrail fait sauter derrière lui les ponts de la Meuse et décide d'attendre les événements.

 

 

 

2.…Du 9 AU 10 SEPTEMBRE

 

La bataille est donc, le 8 septembre au soir, arrivée à un point mort

 

A gauche, la manœuvre de Kluck a enrayé le mouvement enveloppant de Maunoury.

Au centre, Foch et de Langle de Cary contiennent avec peine les efforts des masses qui leur sont opposées.

A droite, Sarrail, loin de pouvoir accomplir sa mission d'enveloppement, se maintient à grand-peine et est menacé à dos par le Ve Corps prussien

 

De part et d'autre, toutes les réserves ont été engagées.

Il reste cependant de notre côté deux éléments de victoire : l'armée anglaise et l'armée Franchet d'Espérey, en ligne il est vrai, mais en pleine forme et qui n'ont pas encore donné tout leur effort.

 

9 SEPTEMBRE

 

Le Haut Commandement allemand sent la partie perdue. Pour dégager la gauche de la 1e armée, imprudemment compromise dans la poche de Meaux, il tente sur tout le front depuis Betz jusqu'à Verdun, un assaut désespéré.

 

6e armée.

A gauche, les 7e et 61e divisions plient devant une terrible offensive du IV Corps qui enlève Nanteuil le Haudouin et Villers-Saint-Genest. La 8e division est rappelée de Meaux en toute hâte pour barrer la route de Paris. Un moment, la situation est si critique de ce côté que la possibilité d'une retraite est envisagée.

Gallieni est là.

Il a déjà mis à la disposition de Maunoury toutes les ressources en hommes et en matériel existant dans le Camp retranché de Paris.

Il se contente de rappeler que, conformément aux instructions de Joffre, « toute troupe qui ne pourra plus avancer devra se faire tuer sur place, plutôt que de reculer. »

 

9e armée.

Bülow et Hausen se ruent contre Foch dans un suprême assaut. Les nôtres résistent magnifiquement et l'appui du 10e Corps de l'armée Franchet d'Espérey permet à la 51e division qui a perdu Saint-Prix, de conserver Soizy.

Mais, au centre, l'admirable défense de la division marocaine que le général Humbert, l'un des plus jeunes et des plus brillants généraux de l'armée, anime de son ardente énergie, n'empêche pas l'ennemi d'entrer momentanément dans Mondement.

 

Mondement, c'est l'un des observatoires d'où l'on peut interdire tout le plateau de Sézanne. II faut le reprendre à tout prix. Pas de renforts. Foch a du retirer jusqu'au 77e régiment qui, seul, appuyait Humbert.

Tenace, celui-ci attend une occasion; et l'occasion naît le soir même, grâce à l'intervention de l'artillerie de la 42e division avec laquelle le colonel Boichut réduit en cendres les ruines de Mondement.

 

A 9 heures du soir c'est finalement une magnifique charge du 77e revenu à la bataille et conduit par le colonel Lestoquery, qui arrache ce charnier à la Garde et au Xe Corps prussien.

La principale préoccupation de Foch, au milieu du fracas de la bataille, a été de se constituer une réserve. Profitant d'un moment d'accalmie à sa gauche, il a retiré du feu la 42e division.

Cette division est épuisée ; elle a un urgent besoin de repos ; mais elle existe et, dans un moment critique, devant un ennemi à bout de souffle, elle peut obtenir de grands résultats.

Et de fait, dans l'après-midi, un dernier effort du XIIe Corps saxon ayant fait plier notre 11e Corps décimé, la 42e division est déjà alertée et elle part « hallucinée de fatigue »

 

A 6 heures du soir, elle entre de nouveau dans la fournaise, prenant comme objectif Connantre, dans le flanc droit du XIIe Corps.

L'ennemi s'arrête et se terre. Les Allemands se croyant décidément victorieux, se disposaient à cantonner dans Fère-Champenoise. Les obus français s'abattant au milieu de leurs convois, ils s'empressent d'atteler de nouveau et rebroussent chemin en toute hâte vers le nord, tandis que notre 9e Corps progresse.

Nos 68e et 90e régiments d'infanterie refoulent devant eux les arrières gardes de la Garde prussienne. La panique est déjà à l'arrière ; sur la ligne, c'est la stabilisation pour ce soir ; cette nuit, ce sera la retraite.

 

4e armée.

A la 4e armée, mêmes péripéties. Lutte à outrance ; assauts furieux menés par les bataillons serrés de Hausen et du duc de Wurtemberg qui, nulle part, ne peuvent triompher de l'héroïque constance de nos soldats.

 

3e armée.

A l'armée Sarrail, journée d'angoisse aussi. Mais, sur le front, les Allemands ne gagnent pas un pouce de terrain, et derrière les forts de Troyon et de Génicourt, violemment bombardés, tiennent toujours.

Troyon est en ruines; son appareil télégraphique est détruit; ses canons sont muets. Embusqués derrière des moellons, les hommes, qui ne dorment pas depuis trois jours et qui vivent de biscuits, attendent l'ennemi, la main crispée sur la crosse du fusil.

Un parlementaire se présente :

« Encore une fois, rendez-vous !... »

« Encore une fois, non!... »

Interloqué, l'allemand murmure :

«C'est terrible, mais c'est très beau. »

« Ce n'est que le devoir », répond quelqu'un.

 

5e armée et armée anglaise.

L'heure de la victoire a déjà sonné pour la 5e armée et pour l'armée anglaise. Averti dès l'aube par ses avions que les colonnes allemandes étaient en retraite, Franchet d'Espérey a tout de suite poussé ses lignes en avant.

De Maud'huy a refoulé le IXe Corps, et, renforcé de la 38e division d'Afrique, est entré, le soir, dans Château Thierry d'où le IIIe Corps s'est retiré.

Quant à notre 3e Corps, il a occupé, dès 9 heures du matin, Montmirail évacué par l'ennemi et n'a pu reprendre le contact des arrière gardes allemandes que le soir, au Breuil, après une progression de 16 kilomètres.

 

L'armée anglaise a progressé, elle aussi, refoulant le Corps de cavalerie de Richthofen qui recule.

Le soir, elle a atteint la ligne La Ferté sous Jouarre, Château Thierry, mettant en grand danger le flanc gauche du IVe Corps de réserve et du IIe Corps, que pressent de front notre 7e Corps et le groupe de Lamaze.

 

10 SEPTEMBRE

 

6e armée.

Face à Nanteuil-le-Haudouin, barrant la route de Paris, les régiments décimés du 4e Corps et de la 6e division ont passé la nuit, déployés dans les sillons, l'arme prête, attendant l'attaque qu'ils savaient devoir se déclencher à l'aube. Or, cette attaque ne se produisit pas.

Au grand étonnement des nôtres, quand le petit jour parut, les tranchées allemandes étaient vides; l'ennemi battait en retraite.

Or, devant le 7e Corps et devant le groupe de Lamaze, le IIe Corps et le IVe Corps de réserve ont décampé aussi. Déjà, notre cavalerie est en route et cueille des trophées. Ce jour-là, à Mont-L'Evêque, près de Senlis, le capitaine Sonnois, du 3e hussards, s'emparait du drapeau du 94e régiment de landwehr.

 

armée anglaise.

L'armée anglaise pousse de l'avant. Elle s'empare de 13 canons, de 7 mitrailleuses et capture 2.000 prisonniers.

 

5e armée.

Franchet d'Espérey, dont l'admirable esprit de solidarité à puissamment dégagé à droite l'armée Foch et facilité, à gauche, les progrès de l'armée anglaise, entame la poursuite dès le matin du 10. Ses colonnes franchissent la Marne à Château-Thierry, à Dormans, à Verneuil, à Passy, et aussi à Jaulgonne, malgré l'artillerie lourde ennemie qui, en batterie sur les hauteurs boisées de la rive nord, inflige des pertes sérieuses au 3e Corps.

 

9e armée.

Foch s'est mis à la poursuite de l'ennemi, dès 5 heures du matin, sans éprouver de résistance.

A Fère-Champenoise, on a capturé de nombreux officiers et soldats allemands ivre morts, qui n'ont pu suivre leurs unités. Le soir, on rencontrait l'ennemi sur la ligne Morains-Normée-Lenharrée; mais comme l'artillerie n'a pu suivre l'infanterie, en raison du mauvais état des chemins, Foch juge inutile de tenter une attaque.

Si cette position tient encore demain matin, elle sera tournée et enlevée sans pertes.

 

4e armée

Devant de Langle de Cary, les effets de la défaite définitive de la droite ne se sont pas encore fait sentir. Le duc de Wurtemberg, bien qu'attaquant plus mollement que les jours précédents, garde cependant avec la plus grande énergie ses positions de la veille, et la lutte est extrêmement âpre de ce côté.

Le général Legrand, qui a pris l'offensive dès 6 heures du matin à la tête du 21e Corps, ne s'empare de Sompuis qu'au prix de pertes terribles. Les commandants des deux brigades de sa 13e division, le général Barbade et le colonel Hamon, sont tués, mais l'élan est donné et les progrès sont maintenus.

Le 17e Corps, et la division Goullet, du Corps colonial, sont en échec, l'un devant Courdemange, l'autre devant Ecrienne. Quant au 2e Corps, violemment attaqué, dans la nuit du 9 au 10, il perd une partie de Favresse. Il réussit cependant à contenir l'ennemi, et même à le refouler dans la direction de Maurupt qu'il occupe un moment.

 

3e armée

Devant Sarrail, la lutte est plus violente que jamais, car le Kronprinz sait qu'il joue sa couronne dans cette formidable partie, et il est décidé à la vendre chèrement. En même temps, tandis que Troyon et Génicourt continuent à intimider l'ennemi qui n'ose les attaquer, des fractions allemandes commencent à franchir la Meuse à La Croix-sur-Meuse.

Pour éviter une catastrophe, Sarrail se décide enfin à replier sur Courouvre les 67e et 75e divisions de réserve.

Cette manœuvre a été rendue possible par l'habile intervention des troupes de la Défense mobile de Verdun qui ont étendu leur front et caché à l'ennemi le départ de nos divisions.

 

La Victoire et la poursuite.

 

Le 11 septembre, la victoire, venant de l'ouest, s'affirme aussi à la 4e armée.

 

Le 21e Corps est sur la marne ; le 17e refoule les Allemands jusqu'à maisons de Champagne ; le 12e entre à Vitry et gagne Yéres, tandis que le Corps colonial chasse l'ennemi de Vauclerc et d'Ecrienne, puis le rejette au delà du canal de la marne au Rhin.

 

Quand à Sarrail, il doit encore supporter une dure journée de lutte.

A gauche, le 15e Corps, progressant lentement, occupe Revigny et le 5e Laimont mais le 6e Corps et le groupe des divisions de réserve ne peuvent que se maintenir, sous le feu violent de l'artillerie lourde.

 

Enfin, le 12 septembre, la bataille s'éteint à l'extrême gauche aussi; et, sur toute l'immense ligne, la poursuite devient générale.

 

Le 13 septembre, Joffre annonçait la victoire au Gouvernement, en ces termes, simples comme lui-même.

Notre victoire s'affirme de plus en plus complète. Partout, l'ennemi est en retraite. A notre gauche, nous avons franchi l'Aisne en aval de Soissons, gagnant ainsi plus de cent kilomètres en six jours de lutte. Nos armées, au centre, sont déjà au nord de la Marne. Nos armées de Lorraine et des Vosges arrivent à la frontière.

 

De fait, au point de vue tactique, cette bataille ne réalise aucun des caractères du coup de massue qui abat une armée. Même, si la victoire a découlé tout naturellement des conceptions rigoureusement logiques du Haut Commandement français, elle n'a pas suivi la voie que celui-ci lui avait préparée.

 

Un double enveloppement des ailes était prévu aucun d'eux n'a réussi.

Nos manœuvres enveloppantes, que la faiblesse de nos effectifs ne permettait pas d'étoffer suffisamment, ont été contre-attaquées et mises en grand danger. En revanche, les efforts de Galliéni et de Maunoury ont obligé l'ennemi à dégarnir son centre droit et à y laisser un large vide.

French et Franchet d'Espérey ont pénétré dans cette brèche et l'ont agrandie, prenant à revers les armées voisines qui durent, de proche en proche, abandonner le combat.

Il n'y a donc pas eu enveloppement ; il n'y a même pas eu rupture du front parce que l'ennemi n'a pas attendu cet événement ; il y a eu simple poussée de toute la ligne vers le nord.

 

Poussée, d'ailleurs, qui coûtait cher au vaincu, plus cher que ne coûtèrent maints coups de filet retentissants, si l'on en croit les milliers de morts que les Allemands ont laissés devant nos lignes, sur l'Ourcq ou dans les marais de Saint-Gond, et l'énorme quantité de matériel qu'ils ont abandonné sur nos routes.

 

Au point de vue stratégique et moral, le succès était décisif. Il ne détruisait pas l'armée allemande, il n'abattait pas l'Allemagne, mais il fixait le sort de la guerre en brisant net la formidable attaque brusquée, maintenant, l'Allemagne va devoir improviser de nouveaux moyens dans des circonstances difficiles.

 

L'ennemi s’arrête sur L'Aisne

 

L'ivresse des vainqueurs de la Marne, « sauveurs du Monde », ne fut pas de longue durée.

 

Dès le 13 septembre, sous la pluie qui ne cesse pas, et qui, changeant les routes en fondrières, ralentit la marche de l'artillerie et des convois, la ligne de nos armées s'est déjà partout heurtée de proche en proche à une solide résistance.

La 6e armée est engagée devant Soissons ; l'armée anglaise est arrêtée sur l'Aisne ; la 5e armée au nord de Reims; la 4e entre Chalons et l' Argonne ; la 3e aux abords nord du camp retranché de Verdun. L'ennemi s'est réapprovisionné en munitions et a reçu d'importants renforts.

 

Contre de formidables et savantes organisations, défendues par des troupes braves, nombreuses et puissamment outillées, tenter une attaque de front serait folie.

 

A un front inviolable, il va falloir opposer un front inviolable et, afin de chasser l'ennemi, avoir recours à la manœuvre

 

 

Quelques combats de la bataille de la Marne

 

L’épisode des Taxis de la Marne

Les combats pour la ferme de Nogeon

Combats pour Barcy

Les combats de Puisieux du 8 septembre 1914

Les combats pour Mondemont

 

 

 

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 Texte tiré de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes  Aristide Quillet, 1922 »

                              Michelin, guide des champs de bataille ; Reims et le fort de la Pompelle, 1920

                              Michelin, guide des champs de bataille ; bataille de la Marne, les Marais de St Gond, 1919

                              Michelin, guide des champs de bataille ; bataille de la Marne, la trouée de Revigny, 1919

                                        Michelin, guide des champs de bataille ; bataille de la Marne, L’Ourcq ,1919