Mise à
jour : sept. 2023
Dans cette rubrique vous y trouverez 286 carnets de guerre, de route, de campagne, lettres et poèmes de soldats de 14/18, qui m’ont été offerts par des descendants (que je remercie encore) pour les publier sur mon site avec leur accord et sans aucun but lucratif.
Sont-ils des carnets de
guerre ? Ou des carnets « d’anti-guerre » ? Plusieurs
internautes ont retrouvés un ancêtre au travers de ces écrits. Plusieurs
carnets (ou passage de carnet) ont été étudiés ou lus par des élèves d’école
primaire, secondaires et 2 en classe d'hypokhâgne au lycée du Parc, à Lyon.
Quelques internautes y ont
retrouvé le nom de leur ancêtre !
Je rappelle que ces carnets, ne
peuvent être reproduits sans le consentement de leur propriétaire ou
dépositaire.
Vous y trouverez aussi des liens
vers d’autres sites consacrés à ce
genre de témoignages.
Si vous voulez y ajouter celui que vous possédez, je peux le mettre en ligne pour vous, contactez moi
« Il apparaît entre les lignes de ces carnets, la souffrance
journalière, l'attachement familial et l'espoir du retour, hélas
hypothétique… »
Didier, le « Chtimiste », juin 2009
289… Correspondance de guerre d’Olivier MAZEL
Général d’armée
Prochainement, prévu sept. 2023
23/01/15 – Amiens -
Lettre à sa femme
Ma chère amie,
« Vous verrez par le
timbre et envoi de la présente où je suis allé déjeuner, avec mon brave RupPied, qui est mon fidèle homme de
confiance.
Je suis très peiné de pouvoir
vous encourager à venir me voir, mais c'est interdit, et les chefs doivent
donner l'exemple de la discipline.
Si vous allez à Paris et
quand vous y serez. Je m'arrangerai pour demander 48 heures si les
circonstances le permettent.
Quand on veut venir dans
les zones armées (Paris et Dijon n'en font pas partie), une femme demande un
laissez-passer à son point de départ. Mais dès qu’on est sous la surveillance
de la gendarmerie. Toutes les grues encombrent les hôtels des villes telles
qu’Abbeville et Amiens, mais les femmes honnêtes sont surveillées ou
écartées !! Elles sont obligées de ruser pour
voir leurs petits maris et ceux-ci voient les cocottes avec facilité !
Il y a de quoi en faire un
vaudeville. »
288… Près de 2000 cartes,
lettres de guerre de Joseph PHILIPPE
des
24e, 119e, 129e, 359e régiments d’infanterie et 24e colonial
Prochainement, prévu août 2023
17 octobre 1918.
Front
franco-allemand
Bien chers parents,
« Une
petite réponse à vos deux belles cartes datées du 13 que j'ai reçues toujours avec un bien
grand plaisir. Vous me dites que la grippe est chez vous. Il y a de grandes
chances que ça va être consigné et que l'on ne pourra pas y aller en
permission. Mais comme je compte encore au moins deux mois et demi avant d'y
aller, alors d'ici là peut-être que ça se sera dissipé. Ici de la pluie et de
la boue. Quant à la fin de la guerre dont vous me parlez, moi je n'y compte pas
avant l'année prochaine. Ce serait à souhaiter avant ça, mais je n'y vois
aucune possibilité. Vous ne devez plus entendre le canon à Rouen et il est fort
probable que les avions n'iront plus de sitôt. C'est que le front s'est éloigné
de beaucoup. Bien le bonjour pour moi à tous les amis et vous bien chers
parents je vous laisse en vous embrassant bien fort tous deux de tout cœur.
Votre
fils qui pense à vous.“
287… Carnet de guerre de Vulgan BOUTRY conducteur au 1er ETEM, 1ère section du CVAD
Prochainement, prévu août 2023
Salonique
(Grèce), 4 janvier 1916
« A
9 h. je passe à la frotte, opération qui consiste au fait suivant : on vous
enduit de savon noir et on vous frotte à la brosse de chiendent. Puis lorsque
les boutons causés par la gale sont percés et en sang, on prend un bain pour
faire partir le savon noir. Une fois ce bain pris, on s’enduit d’une couche
d’une graisse à base de souffre.
Pour
ceux qui sont atteints du mal, ils souffrent même beaucoup. Pour moi qui y suis
plutôt par mesure préventive ces différentes actions ne me font aucun effet.
Enfin
il faut vraiment être en guerre pour avoir toutes ces maladies.
286… Dernière lettre du s/s lieutenant Marcel MICHEL du 216ème
régiment d’infanterie
Sur
le champ de bataille de la Marne, 5 septembre 1914
« Nous
étions à 200m à peine des Allemands et l’un d’eux, heureusement charitable, me
mit mon paquet de pansement au lieu de m’achever comme ils en ont l’habitude.
Je suis resté 24 heures sur le champ de bataille, tout seul au milieu des
balles et des obus …
Marcel MICHEL écrivait sa dernière lettre, mais il
ne le savais pas…
Épinal, 31 juillet 1914
« Distribution
par la gendarmerie à tous les habitants de feuilles indiquant l’âge, la
profession. Elles sont de différentes couleurs, les rouges autorisent à rester
dans la place. Elles sont données aux jeunes gens au-dessus de 16 ans et aux
hommes au-dessous de 60 ans, ainsi qu’à toutes personnes indispensables à
différents labeurs.
Ma
mère en a une bleue, par conséquent c’est un ordre d’évacuer la place à une
date fixée.
Moi
c’est une rouge. Le 149ème quitte Épinal, pour la
frontière. Nos troupes sont pleines d’entrain ; c’est admirable.»
René MOREL, 17 ans en 191,4 est employé au bureau
de poste n° 3 d’Épinal. début 1916, il part au 170ème régiment d’infanterie..
284… Carnet de
guerre d’Antoine POUZAT
Musicien et
brancardier du 92e régiment d’infanterie.
Mort-Homme, 10 mars 1916.
« Nous chargeons
les blessés sur nos brancards et les uns à la file des autres, nous repartons.
A peine avions nous fait 100 mètres qu’une fusée éclairante
est lancée. Quelques secondes après, deux obus tombent en plein sur nous.
Résultat : 6 brancardiers divisionnaires blessés, 3 tués, 4
musiciens blessés (GODIN, MOREL, FRACHON, PRULHIÈRE). Le blessé que je
transportais avec FRACHON, PRULHIÈRE et FULCHIRON, est tué. Seuls de notre
équipe avec FULCHIRON, nous sommes indemnes.
Nous passons sur les cadavres dont les tranchées sont
pleines, sur la crête du Mort-Homme. Nous déposons les blessés au poste de
secours. Notre camarade musicien (GODIN Robert Pierre) succombe à la suite de
ses blessures. Nous le sortons dehors, dans l’intention de le descendre au
village de Chattancourt. Hélas ! Nous l’avions à peine sorti qu’un obus tombe
en plein dessus et il nous fut impossible de le retrouver.
Après notre arrivée au poste de secours, nous recevons les
félicitations de notre Médecin-chef ainsi que celles de l’aumônier. Eux autres
aussi, se sont dévoués sans compter.
Nous nous reposons pendant deux heures, ensuite, nous
transportons les blessés du poste de secours du Mort-Homme à celui de
Chattancourt. Nous faisons le trajet plusieurs fois dans la journée malgré les
feux d’artillerie d’une violence inouïe. Les champs, les routes sont
complètement bouleversés par l’éclatement des obus de gros calibres. Les
cadavres jonchent le sol tout autour d’où nous sommes. Les pertes sont énormes.
Il neige à plein temps. »
Souvenirs et carnet de
route d’Antony POUZAT de 1910 à 1919 : Musicien-brancardier. Toutes
les horreurs de la guerre, mais aussi les camarades, l’espoir, les
fraternisations…
283… Lettres de
guerre de Joseph POURRICHOU des 107ème, puis 302ème régiments d’infanterie
Lettre
du 11 avril 1915
« Là
c’est la première ligne nous y séjournons au moins 48 heures pour ainsi dire
toujours sur pieds, l’œil attentif, privé de sommeil, un pluie froide ou glacée
sur le corps ; en avant une double rangée de fil de fer barbelé, à 30 m de
laquelle la nuit on fait des patrouilles, dont volontairement je suis toujours.
On dit que c’est des promenades périlleuses, mais je préfère courir ce risque
puisqu’il m’exempte de certaines corvées, comme celle où la nuit pendant 3
heures, pioche ou pelle en main, il faut creuser des tranchées.
La
première fois, en sortant du boyau (synonyme de tranchée) nous fûmes salués par
une vive fusillade, à 30 ou 40 m un petit poste d’un autre régiment nous
prenait pour des boches ; nous l’échappâmes belle. Demain matin à 3 heures nous
serons relevés et regagnerons pour 2 jours la tranchée de 2° ligne, la tranchée
abri. Là, sur une maigre couche de paille qui souvent voudrait être renouvelée,
nous goûtons de bonnes heures de repos réparateur quoique la moitié de la nuit
nous montons la garde et que d’invisibles fissures forment de désagréables
gouttières. Et toute la journée corvées sur corvées.
282… Correspondance
et carnet de
guerre de Louis GRÈS
de
la 24ème section de munitions d’artillerie (SMA) du 9ème régiment d’artillerie,
Puis
maitre-pointeur à la 4ème batterie du 3ème groupe d’artillerie d’Afrique
Son carnet ici
--- Ses
lettres ici
Lettre n°6 le 28 août 1914, Vervins, Aisne
«
(..) Sur 9 bataillons, il en est resté à peu près un tiers. Pour les autres
régiments nous ne sommes pas au courant. En lisant les journaux vous en savez
plus que nous. Nous ne voyons aucun journal. Il nous faut passer dans une
grande ville pour en voir et encore ils sont vite enlevés.
Ce
que nous disent les soldats qui viennent du combat c’est que les Allemands
auraient beaucoup de pertes car notre artillerie fait beaucoup plus d’effets
que la leur. Les obus allemands parfois tombent à 1 mètre d’une personne et ne
la tue pas. Il y en a un qui nous a dit que l’obus lui avait enlevé le sac de
son dos sans qu’il ait de mal. Alors qu’avec les nôtres on le voyait tomber
comme des mouches.
C’est
parce qu’ils sont si nombreux qu’ils avancent.
Tu
donneras bien le bonjour à l’oncle Paul et tante Elise »
281… Édouard
MEUNIER (classe 1912) 1er régiment d’artillerie de campagne
canonnier-servant,
puis agent de liaison, puis radio-téléphoniste……
Extrait de son carnet
Bois de la Grille, Marne, 2 mai 1917
« Mon
pauvre camarade, François CHATILLON, est tué net d’un éclat de 88 qui lui ouvre
le crâne (un trou à y mettre le poing et par où est sortie la cervelle. Je me
trouvais à côté de lui et suis couvert de terre et de sang. Cette mort si
prompte d’un de mes meilleurs compagnons de misère m’a fort ému et découragé.
Le
soir venu, comme l’ennemi se calme, j’emporte à l’arrière, avec le secours d’un
fantassin, le corps de mon camarade. (La nouvelle se savait déjà à la 6ème
batterie, mais il y avait erreur de personne, car on croyait que c’était moi
qui étais tué). Le capitaine BROCHAND refuse une citation au pauvre malheureux,
qui était presque aussi mal vu que moi.
Mais,
par contre, il fait citer ses cuisiniers et son ordonnance. »
280… Enquête pour
retrouver les descendants d’ÉTienne
Ernest
du 4ème puis 3ème régiment de Zouaves et prisonnier au camp
de Senne
Jean-Jacques le propriétaire du carnet me dit en
2023 :
« Je vous autorise à publier le carnet sur
votre site « Chtimiste » du Zouave Ernest
ÉTIENNE qui combat en Belgique, puis prisonnier. Je ne retrouve pas ce soldat,
né où ?
Je n’ai pas retrouvé non plus sa fiche de
prisonnier sur le site, ne sachant où chercher. Il ne semble pas mort à la
guerre. Mon objectif étant de retrouver
la famille... »
« Ce carnet je l'ai eu en 1964, à la fin de la
traditionnelle fête de la Saint Pansard de Trélon
(59) que mon parrain Gaston PETIT me tendit inopinément pour que je poursuive
ses recherches.
Je veux respecter la charte que mon parrain m'avait
enseignée : " la mémoire se partage et celui qui trouve, transmet
" (c'est de Bertrand Bouret).
Ce fut ma motivation pour créer un site espérant le
miracle d'internet...qui n'est jamais arrivé à ce jour.
Je cherche à trouver les liens familiaux, car si
mon parrain (et parents) avait ce carnet, il y a certainement une raison. Cela depuis plus de cinquante ans. »
Extrait de son carnet
Belgique, août 1914, secteur sud de
Charleroi :
« On
était au soir, ma demi-section qui était tout à fait derrière dut faire face à
une patrouille allemande de 30 à 40 hommes.
A
4 pas en tirailleurs, on avançait en tirant. A deux reprises différentes,
j'entendis les balles siffler bien près de moi. On avança malgré la riposte et
l’apparente résistance de l’ennemi. Celui-ci se replia dans une maisonnette
située sur une petite colline que nous résolûmes de cerner.
C’est
ce que nous fîmes, et nous voilà à son assaut, baïonnette au canon. Pris de
peur, les Allemands s’étaient réfugiés dedans, et demandaient à se rendre, mais
il n’en fut rien, car ils faisaient feu en même temps sur nous. On enfonça la
porte, et partie dehors, partie dedans, il ne resta plus de cette patrouille
que morts et blessés grièvement. De notre côté, nous avions quatre ou cinq
blessés aux jambes, et notre sergent qui ne donnait plus signe de vie.
279… Carnets
de guerre d’Alphonse COUROUBLE dans une commune du Nord occupé
22 novembre 1915,
« La
semaine dernière, grande alerte chez les Pruscos.
Pendant la nuit tous les cochons (je parle de ceux à 4 pattes) furent embarqués
précipitamment ; ceux à 6 pattes (les cavaliers) suivirent au petit jour et ne
revinrent plus. Quant à ceux à 2 pattes ils partirent vers les 11 heures avec
armes et bagages, mais nous ne fumes pas peu surpris de les voir revenir 2
jours après clopin-clopant. Ils avaient poussé une pointe jusque Le Cateau mais, craignant de voir l’ennemi, étaient rentrés de
suite au chaud.
Si
ma femme était ici, je lui demanderais de porter une chandelle au duc de
Bavière qui ne retrouve plus paraît-il ses armées là-bas en Russie. Paraît que
les Boches sont bien inquiets sur leur sort. Tant mieux pour nous. Parait aussi
que réellement ils commencent à claquer la faim chez eux, du moins leurs
journaux ont l’air de le dire et les soldats le disent tout carrément :
«
Oh, malheur la guerre ! Femme, enfants, beaucoup fort faim ! »
Alphonse COUROUBLE (1880-1955) est brasseur dans la
ville du Quesnoy (Nord). Le document se présente sous la forme de notes
journalières de quelques lignes, écrites entre le 21 août 1914 et le 2 août
1916. Le ton du récit, très hostile aux Allemands, en fait pour son rédacteur
une possession dangereuse.
Le journal de guerre d’Alphonse COUROUBLE est un
récit fait par un civil de l’occupation d’un gros bourg du Nord par les troupes
allemandes, avec la description du comportement des occupants, des événements
quotidiens et des diverses misères, pénuries et humiliations endurées par les
civils. L’auteur est à la fois brasseur, infirmier civil et organiste à l’église,
c’est une petite notabilité locale.
Si son sort paraît au départ moins pénible que
celui d’autres habitants, et surtout que celui des réfugiés et déplacés, la
réquisition des cuivres de sa brasserie finit par le ruiner comme les autres.
278… Correspondance de
guerre de Joseph GOUZOU des 121ème et 43ème régiments d’infanterie
1 février 1916, mes chers parents
« Je
vais vous donner de mes nouvelles toujours bonnes ; j’espère que vous êtes
de même en très bonne santé.
Il
est 5h du soir. Voilà une journée en plus de passée. Combien en avons-nous
passé déjà de ces journées tristes, et encore si l’on voyait une paix prochaine.
Enfin
espérons que ce sera bientôt. Peut-être si les zeppelins revenaient de temps en
temps faire leur visite, nos embusqués de Paris, au lieu de se ficher de nous,
comprendraient ce que c’est la guerre. Malheureusement, c’est toujours de
pauvres innocents qui vont attraper.
Je
termine en vous désirant une bonne santé. Votre fils qui vous embrasse. »
Toute la correspondance de Joseph GOUZOU vers ses
parents. De nombreux noms de soldats sont cités…
277… Les derniers
jours de Georges SCHOUBERT, blessé du 114ème régiment d’infanterie
Avranches,
hôpital n° 17, salle Jeanne d’Arc, hôpital temporaire n° 1, 17 novembre 1916
« C’est
lundi soir 13 que votre fils arrivait à Avranches et qu’on nous l’amenait à la
salle Jeanne d’Arc. A première vue il nous semble à tous le plus courageux de
ceux qui arrivaient et celui le moins gravement atteint. Il était heureux le
pauvre enfant d’être enfin arrivé au port ; il souriait en voyant le beau lit
bien propre qui l’attendaient, il se voyait déjà guéri…»
La lettre poignante écrite par un sergent qui
décrit les 3 derniers jours de Georges SCHOUBERT, brulé très gravement à la
jambe gauche par de l’eau bouillante…
Lettre envoyée à sa mère.
276… Les derniers
jours de Désiré TAVERNIER, blessé du 87ème régiment d’infanterie
Verdun,
hôpital temporaire n° 1, 20 juillet 1915
« Le
lendemain matin 20 juillet, comme j'allais voir les blessés dans cette salle
qui s'était préparé la veille. Il m'a demandé de se confesser pour communier
aussi avec ses camarades. Je lui apporter en effet la communion vers 6h du
matin en même temps que onze de ses camarades dans la salle Saint-Nicolas.
Ce
cher ami ne se doute guère que…. »
275… Souvenirs de guerre de Gaston CHEVILLARD du 44ème régiment d’infanterie
Wesserling (Alsace), 21 mai 1916
« Dans
les lacets qui suivent, le fameux colonel GERST nous entasse tout le régiment,
il y faisait très chaud à 10 heures, serrés comme des harengs, sac au dos et au
‘présentez armes’. Il nous fit un petit discours et, de temps en temps, le
bruit d’une gamelle qui tombait (mais avec le bonhomme)...
En
passant à Wesserling, je le vois encore foncer en
avant de ma section avec son gros cheval rouge et d’un coup de son plat de
sabre taper sur le fusil d’un gars qui, pour lui, ne le tenait pas assez droit.
Le
salaud, il nous en fit bien d’autres. »
Des
souvenirs avec nombreux dialogues qui rendent le récit très vivant. Récit des
moments tragiques et des moments cocasses d’une triplette de camarades de 20
ans originaires du même village et affectés de la même escouade. Quelques
passages savoureux ! Incorporés début 1916, nous les suivons à Verdun, en
Alsace et dans la Somme. Vont-ils survivre à la
guerre ?
274… Carnet de route d’Eugène CASIER du 33ème régiment d’infanterie
Colonfay
le 30 août 1914
« Sans
attendre quand la fusillade a ralentir un peu, j’ai porté secours à des
camarades blessés qui m’appelaient de tout côté soit pour donner à boire ou
couper les équipements ou mettre une bonne de paille sous la tête et je
conservais mon sang-froid malgré les balles qui arrivaient de tous côtés.
Je
regarde un peu en avant de moi et je voyais les Allemands avancer alors je
voulais continuer de tirer mais mes camarades mon nom empêche peur d'être
achevé alors ne voulant pas être fait prisonnier je me sauve après avoir dit au
revoir aux camarades. »
Après
une sanglante attaque à la baïonnette pendant la bataille de Guise, Eugène
CASIER, blessé au pied, réussit à s’enfuir des lignes allemandes. Mais pour
combien de temps ?
273… Lettres de
guerre Jean Joseph Marie FARBOS de LUZAN
Caporal à
la 18ème section des infirmiers militaires
Bordeaux
le 24 août 1914
« A
Dijon on a formé un train sanitaire c'est-à-dire que l'on a disposé des
brancards dans des wagons de marchandises et ils étaient un peu moins mal. Nous
en avons trois de très malades dont un est presque à l'agonie. Le pauvre garçon
a reçu 7 ou 8 balles au bras et à l'épaule et un éclat d'obus dans le ventre.
Un
autre que j'ai pensé a reçu une balle qui lui a déchiré l'oreille et lui a
cassé un os de la tête. On parle de le trépaner. Si tu avais vu cette plaie
c'est abominable. Son oreille était en putréfaction et son pansement était
tellement séché qu'il m'a fallu plus de 3/4 d'heure pour l'enlever. Quand j'ai
eu fini il m'a dit un merci qui partait du fond du cœur et m'a touché.
Vision
d’horreur d’un infirmier : Description de l’arrivée des premiers trains de
blessés après 1 ou 2 jours de voyage du front vers un hôpital de Bordeaux…
272… Carnet
de guerre de Jean BORDOZ du 31ème régiment d'artillerie de campagne
Érize
la-Grande, 12 septembre 1914.
« La
batterie part entre Érize la-Grande et la Petite. On passe sous la pluie d’obus
et dans les flammes du pays. Nous avons des blessés.
Le
capitaine compte que des colonnes allemandes battent en retraite sur Amblaincourt. Il donne l’ordre de tirer à volonté. Les
Allemands se sauvent en colonne par 4. On fait du tir fauché. La route est
pleine de cadavres allemands, ceux qui n’avaient rien se reformaient plus loin
et se sauvaient. Nous étions tous joyeux malgré l’extrême fatigue, les
officiers aussi.
La
nuit vient. On couche sur le terrain par un orage qui ne cesse de 8 jours. On
est traversé mais on dort quand même sur la terre trempée.
Le
parcours d’un artilleur au début de la guerre : La Marne, Les Éparges, Les
Vosges
271… Carnet
de guerre d’Henri ROCHEREAU, sapeur au 135e régiment d’infanterie
Belgique, 19 février
1915.
« Ce matin, le réveil a été à 5 heures, mais nous
avons eu une triste sortie. Nous avons été assister à la dégradation de 3
hommes du régiment qui ont eu 10 ans de détention et un autre qui a été fusillé
devant tout le régiment.
C'est épouvantable : Tué par une balle ennemie,
oui ; mais jamais par ses frères d'armes. »
Trois carnets qui couvrent la période 1914 à 1919.
De très nombreux noms de poilus sont cités et retrouvés…
270… Carnet de guerre de
Marcel JAILLET, sergent au 135e régiment d’infanterie
Belgique, février 1915.
Mercredi
18 février
« Sommes
relevés par le 66 à 9h du matin, nous n’étions pas prévenus, ce qui fais
quelques chicanels. Nous partons pour Ypres et après
de nombreux détours, nous arrivons sans incidents. Sommes aux casemates. Dans
la journée Ypres est bombardé. Un obus tombe sur la place près de l’église mais
ne fait pas de dégât. »
Jeudi 19 février :
« Réveil à 5h du matin, allons à Potyze assister à
la dégradation de 3 soldats et à l’exécution d’un autre, spectacle pénible que
j’aurai préféré ne pas voir. »
Le seul carnet de guerre retrouvé de ce sergent du
135e régiment d’infanterie. Les combats en Belgique, Ypres, en Flandres et en
Artois.
269… Carnet
de guerre de Victor DURAND soldat au 124e régiment d’infanterie
26 décembre 1916.
« Le 26, passage au Mans, Versailles,
Achères, arrivé à St-Just le 26 vers 15 heures.
Départ
de St-Just vers 17 heures. Arrivé à Beauvais vers 22h30.
Départ
de Beauvais le 27 à 6heures 40, arrivé à Gournay à 8 heures 10. Arrivé à la Cie
à 11 heures 30 à Beaulévrier.»
La succession des villes et villages traversés
jusqu’à sa mort par éclats d’obus à la tête dans la Marne, au Mont-Blond le 1e
janvier 1917.
268… Carnets
de guerre de Charles DEVANT,
officier d’approvisionnement du 2e régiment d’artillerie de campagne
17 septembre 1914
« Suis à Xermaménil.
Passé à Gerbéviller. Spectacle inoubliable dans son horreur. Pas une maison ne
reste debout. Tout est brûlé, saccagé. Des civils restent dans les décombres ou
dans leurs caves. D’autres ont été fusillés. La rue Gambetta n’est plus qu’un
amas de ruines. Plus d’habitants, plus d’église, plus rien. Quelle tristesse.
Ponts coupés. Voie ferrée coupée etc…
J’ai
attrapé 8 jours d’arrêt parce que le 3ième groupe qui suivait le mien était en
pagaille sans mousquetons ni bidons. J’ai réclamé au capitaine adjudant major
qui fera lever ma punition.
Plus
de vin. Plus de vivres hors ceux du train régimentaire. Plus de conserves, plus
rien. »
Officier d’approvisionnement au 2e régiment
d’artillerie de campagne, Charles DEVANT à fait toute la guerre un peu en
arrière des première lignes. Néanmoins son récit, dans cette affectation
(parfois aberrante) de « comptable » de l’armée française, nous
plonge dans la vie d’un « petit état-major », celui d’un régiment
d’artillerie. Il a aussi pris plus de 200 photos, dont beaucoup sont annotées
du nom de ses camarades de misère…
267… Carnet de guerre Joseph JUPIN, lieutenant au 1er puis 106e régiment d’artillerie lourde
Ludes,
sud de Reims, Marne, 2 janvier 1915
« Et
alors, une lune brillante éclaire la campagne triste et désolée. Le vent siffle
dans les arbres dénudés.
A
part cela, silence morne. Pas de bruit du canon. C’est à peine si l’on se
croirait en guerre. Et cependant que de personnes souffrent qui chassées
brutalement de chez elles n’ont plus de chez soi aimé et plein de
souvenirs ! Nous autres soldats, nous sommes heureux, nous souffrons aussi
beaucoup ; mais au moins nous avons la douce consolation de savoir que si
nous souffrons, au moins nous faisons notre devoir.
Toutes
nos souffrances n’ont qu’un but : la vie de notre chère et belle
France ! Gloire à elle et maudits soient ses sauvages agresseurs ! »
Nous découvrons la vie durant de début la guerre
d’une colonne légère d’approvisionnement d’artillerie, toujours un peu à
l’arrière du feu, jusqu’à son transfert comme chef d’une batterie de tir.
266… Carnet
de guerre d’Henri GUIBERT
Soldat, puis
musicien-brancardier, signaleur, téléphoniste
aux 354, puis 355e régiments d’infanterie
Sillery, Champagne,
juillet 1916.
« Je m’approche de la porte et reconnais
le malheureux. C’est un copain de la classe 16 – Gilbert Alfred LEMAIRE - ayant
été à mon escouade à Pontrieux ; il est de Hautvillers. Le brancard est maculé
de sang.
Enfin
le médecin qui achevait de lui faire son pansement nous fait signe de venir.
J’entre vivement et soulève le brancard sans trembler. La vue de ce camarade
sanglant, décoloré, haletant, ne m’impressionne pas du tout. Nous le déposons à
terre dehors et le changeons de brancard, nous le suspendons à la voiture et
nous voilà parti pour Sillery.
Notre
blessé ne parle pas, ne bouge pas. Sa respiration entre coupée fait claquer ses
lèvres noires et mousser la salive. Au fur et à mesure que nous avançons, son
visage devient de plus en plus jaune, ses yeux se retournent et ses mains se
refroidissent.
Enfin
nous arrivons à l’infirmerie. Nous le déposons dans la salle de visite. Le
médecin-chef le regarde et s’en va en hochant la tête. Nous avons compris que
le malheureux n’en a plus pour longtemps….
265… Journal
de guerre de Désiré SIC - Officier du génie
Compagnie 19/2 M, puis 7/63
(7e bataillon du génie)
Billet de tranchée du
24-2-1916 – Tilloloy (Somme)
Mon
capitaine,
«
Malgré qu’il ne me soit guère possible de vous donner le nombre de travailleurs
auxiliaires qui travaillent dans le secteur, attendu qu’il y en a sur une
dizaine de points, je vais tâcher de vous fournir ce renseignement.
Ce
matin nous avons eu une conférence à 7 h entre chefs de secteurs pour les
travaux à exécuter. Le colonel m’a envoyé un rapport au sujet de ces travaux.
Pour
les brèches à laisser dans les réseaux de fil de fer, le rapport en mentionne
une de 10 mètres tous les 100 mètres.
Je
tiens à vous informer que si le nombre de voitures ou le mode de transport de
matériel n’augmente pas, je vais être obligé d’interrompre certains travaux. En
ce moment je manque de pas mal de choses, mais sous peu je vais manquer de tout
; en procédant par ordre, je vous demande :
1
– un plan détaillé des 2 secteurs ; ensuite comme matériel :
des bois de fascinage, des piquets, des
rondins, des madriers, des schillitages, des rails, des
tôles, des cadres de G.M et de GG, des planches de ciel et de coffrage, etc… Ce
qui me presse le plus, c’est pour les bris, des cadres et des planches. Pour
les tranchées, des gaulettes pour revêtements.
De
tous les côtés, on me demande du matériel ; ce soir je dois voir pour la
construction de deux abris de mitrailleuses assez élevés- contre le gaz- pour
la construction d’un poste d’observation d’artillerie en 1ère ligne ; pour des
postes de guetteurs, etc… Avec cela piquetage de la ligne de contre-attaque,
visite des secteurs et des travaux en cours. C’est à en perdre la tête ! Et les
paperasses ! Le colonel vient de remodifier un peu tout au sujet de la
direction des travaux, en ce qui concerne l’entretien des boyaux, de la ligne
de soutien, etc… J’espère que cela va marcher ; du reste je joins son rapport à
ma lettre. Vous voudrez bien me le retourner le plus tôt possible ;
Pour
les tampons masques, il vaut mieux que vous m’en envoyez quelque uns que d’en
demander ici. Je les prendrai au magasin et en cas de besoin, serai certain de
les avoir. »
Signé
D. SIC.
Colin, son petit-fils, nous dit fin 2020 :
Vous pouvez publier ce carnet et ses notes sur
votre site, car je pense qu’ils méritent d’être communiqués à un public plus
large.
En plus de ce carnet, mon grand-père Désiré SIC a
réalisé plus d’un millier de photos durant la grande guerre, essentiellement
sur plaques de verre, et a accumulé une masse importante de documents, vous en
trouverez une petite sélection.
L’essentiel a été mis en dépôt aux archives
départementales de Haute-Provence, son département de naissance.
264… Carnet de guerre d’Émile SIVIARD, sergent au du 327e régiment
d’infanterie
Pendant la retraite,
Aisne, 30 août 1914.
« L’espion
(car s’en est un) est interrogé par un commandant d’artillerie. Habillement
cuisiné, il finit enfin par avouer. Il nous suit depuis notre arrivée dans
l’Aisne ; en Belgique faisait partie d’une bande qui indiquait nos positions la
nuit à l’aide de signaux lumineux :
«
Je vous l’abandonne » dit le commandant. :
Au
même instant, d’un coup à revers, un artilleur ouvre la gorge du bandit d’un
seul coup de couteau. Il tombe inondé de sang ; ceci ne fait qu’exaspérer les
hommes au souvenir de ce que nous avons enduré à cause de ce bandit.
La
scène est atroce ; un fantassin lui envoie un coup de baïonnette. Les paysans
avertis arrivent bientôt ; ils sont plus acharnés encore. Vite ils prennent une
botte de paille ; le feu est mis et l’espion grille vif. Ils le retournent à
l’aide de grands crochets en lui lançant les pires injures. La scène est
affreuse ; on voit les membres qui se recroquevillent. Tout à coup une
détonation. Le monstre avait caché des balles de révolver dans ses bottines ;
elles éclatent sous l’action de la chaleur. Quoique scène sauvage, chacun la
regarde, impassible..»
Des combats meurtriers de la ferme de Lenne en Belgique, de la bataille de Guise, des combats
autour de Sézanne (51), les fusillés de Verdey, la
bataille pour Reims fin 1914…
263… Carnet de guerre de Roger LACOSTE du 52e régiment d’artillerie de campagne.
Châtelraould, 8
septembre 1914.
« Le maître-pointeur de la 2ème pièce,
sans aucun commandement, pointe sa pièce, tire au milieu d'eux environ à 600 mètres
et fait plus de 100 victimes en une dizaine de coups de canon. Il est ensuite
aidé par la 1ère pièce, et grâce à leur sang-froid, on réussit à faire reculer
peut-être un bataillon ennemi, qui pouvait nous faire tous prisonniers.»
Un artilleur au cœur la bataille de la Marne …
262… Carnet de guerre de Lucien BORIES du 59e régiment d’infanterie
Resson, Meuse, 24
décembre 1917.
« Repos, la neige tombe en abondance. Le
soir, nous faisons un petit réveillon. Omelette, saucisses, pâté, huitres 7
douzaines, poulet, gâteaux. Vin fins (2 graves et 3 bordeaux) et vin ordinaire
(8 litres). Le tout à 7 convives. Vin chaud.»
Mitrailleur, puis sapeur, puis artilleur de
tranchée à la compagnie hors-rang du 59e régiment d’infanterie…
261… Carnet d’Armand POULAIN du groupe territorial du 1er régiment d’artillerie à pied.
Route de Menin,
Belgique, novembre 1914.
« Vers neuf heures, nous sommes partis
sur la route de Menin pour mettre en batterie. Les obus éclate continuellement
à droite et à gauche de nous.
C’est
là que j’ai vu pour la première fois, à la ligne de chemin de fer, sept français
tués et autant de chevaux.
Toujours
le 3, un obus a éclaté à six mètres de moi, heureusement que j’étais couché.»
Très court carnet, mais avec une liste de noms
d’artilleurs qui peut être intéressantes pour des recherches…
260… Carnet de guerre de Jean LUPIS, 57e et 18e régiments d’artillerie de campagne.
Arras, Artois, 7 août
1915.
« À 20h, quittons Berneville pour aller
prendre position à Arras, 27 rue de Cambrai.
Très
mauvaise position. Mais bien retranchés, à 600m des 1ères lignes. Cantonnons
dans des caves, lits de milieu, pendules, salons, pianos, salle à manger,
services de table, fauteuils, canapés, soirées dansantes, BUADOUILLE déguisé et
photographié en préfet de police. »
Champagne, Artois, Verdun, Belgique : la vie et la mort au
front d’artilleurs d’une batterie du 18e régiment d’artillerie de campagne…
Mont Kemmel, Belgique,
mai 1918.
« Duel d’artillerie. Beaucoup de brûlures
par les gaz, poumons ou parties sexuelles. Les 2/3 au moins sont hors de combat
et quelques-uns évacués. Je suis moi-même brûlé dans le dos et aux parties
sexuelles, mais je ne vais pas à la visite. On n’a pas encore trouvé de remède
efficace à ces brûlures. (…) Très peu de servants sont capables de servir les
pièces. On refuse de les évacuer et on comprend qu’il faut tenir ici malgré la
pénurie de personnel. »
Champagne, Italie, Belgique voilà les combats
racontés dans son journal.
Journal et album-photos qui ont été vendus par le
petit-fils sur Ebay….L’acheteur a au moins permis de
sauver ces écrits. Merci à lui.
258… Carnet apocryphe du soldat Louis DUCHESNE du 1e régiment d’infanterie coloniale
Thonnelle, le 19 août
1914.
Mes chers parents,
« Je
profite d’un instant où l’on est au couvert pour vous envoyer de mes nouvelles.
Il
y a 3 ou 4 jours que je vous ai envoyé une lettre. Je
pense que vous l’avez reçue. Je vous assure que la guerre ça n’est pas gai.
L’on cantine un peu partout, plus souvent dehors que sous le couvert. Nous
arrivons encore de coucher dans une forêt. Les nuits ne sont pas bien chaudes.
Nous voyons beaucoup d’aéroplanes allemands qui passent au-dessus de nous. La
mitrailleuse tire dessus mais ne peut pas les atteindre, car ils sont trop
élevés. J’ai envie que tout ça soit terminé je vous l’assure, car c’est très fatiguant. Que si je m’en reviens, je me rappellerai de
l’année 1914.
Je
termine en vous embrassant tous bien fort ainsi que ma marraine.
SVP…
Ne vous faites pas trop de chagrin. Votre fils qui vous aime.
Louis »
12 octobre 1917, secteur d’Okrida,
Serbie
« Marche sous une
pluie battante. Oh ! La sale journée. Nous faisons 30 km rincés jusqu’aux os.
J’arrive exténué. Un de mes camarades est malade.
Il reste un peu en arrière.
Je reste avec lui avec le troisième copain habituel. Le lieutenant-colonel
vient à passer. Il nous demande pourquoi nous restons derrière, puis se met à
nous « habiller » en termes peu choisis. Vraiment, il y a des moments où le
métier militaire est écœurant. Un homme est moins regardé qu’un chien. Ce
colonel n’a donc pas d’enfants pour causer de la sorte.
Arrivons sur le soir
complètement trempés. Couchons dans une maison. »
Carnets
de 1916 – 1919 : France – Grèce – Serbie - Albanie – Roumanie – Les
mutineries en Russie. Quel périple !
256… Carnet de guerre de Gaston BÉCARD aux 31e, 342e et 81e régiments d’infanterie
Fin janvier 1915, secteur d’Ypres, Belgique
« Travaux de
propreté. On a de la boue jusqu'aux épaules, on la gratte au couteau et passons
ainsi la journée à se faire sécher. (…)
Revue par le colonel et
présentation du drapeau dans la cour de la caserne d’Ypres.
Les aéroplanes allemands
évoluent au-dessus de nous. Les bombes leur tombent derrière mais jamais
dessus.
Nous rentrons au
cantonnement après le discours du colon qui n'est pas émouvant. Il nous dit
juste ‘’ qu'il faut mourir pour le drapeau parce qu'il a fait le tour du monde
‘’. Quelle bêtise au 20ème siècle ! Vaudrait mieux qu'il n'aille pas plus
loin.
Nous rentrons au
cantonnement alors défense de sortir. »
255… Carnet de guerre de Joseph CROUSILLAT du 7e régiment de génie, compagnie 15/12
6 septembre 1914, secteur de St Mihiel, Meuse
« Là, çà été une
débandade. Les obus nous pleuvent comme de la neige et dans ce moment nous
avons perdu un sergent et 3 hommes morts et crois-moi que c’est dur de voir
mourir ses camarades et vous disent des paroles à vous crever le cœur ; ce
pauvre sergent (Paul DON) qui disait :
« Non, je ne veux pas
mourir ; que vont devenir ma femme et ma fille ? »
C’est terrible. »
Joseph CROUSILLAT, clairon-sapeur-mineur, raconte
ses 3 premiers mois de guerre avant sa blessure : la joie, la retraite,
les désillusions…
254… Lettres de guerre du lieutenant-colonel GRAUX commandants les 125e et 60e régiments d’infanterie
30 décembre 1915, Aisne, près de Soissons
Ma chère petite Marcelle,
« Je viens te
rappeler que je compte sur toi, sur ton bon petit cœur, pour mettre un peu de
fête dans la maison. Égaie ta sœur, distrais ta maman ; tu peux être sûre
que de loin j’entendrai votre rire et que j’en serai réconforté : rien ne
me fera plus de plaisir ; la jeunesse doit être gaie et quand tu te
sentiras triste, prends sur toi…
La maison où j’habite a
été occupée pendant 2 jours par les Allemands : ils ont volé toutes les
couvertures, les édredons, conserves, confitures, vin. Puis les Anglais sont
restés 3 semaines ici : le général FRENCH a habité la chambre où je suis. On
ne se plaint pas trop des Prussiens, qui n’ont rien brûlé, ni brisé (sauf les
portes des armoires) – Quant aux Anglais, on les a trouvés un peu sans-gêne. Je
t’embrasse, ma petite fille chérie, de tout mon cœur et bien tendrement. »
Georges GRAUX est né à Rennes le 6 juin 1860. Il a
la vocation militaire, entre à St Cyr (1881 – 1883), promotion « Égypte » et
sort dans l’infanterie. En 1889 il est détaché au service géographique de
l’armée pour établir des levers topographiques en Algérie et réalise en
parallèle un album de photographies.
Puis Amiens, St Nazaire au 65e d’infanterie,
capitaine au 41e à Reims, Major à Sedan au 147e, chef de bataillon au 88e
d’Auch.
Georges est lieutenant-colonel au 135e d’Angers au
début de la guerre.
253… Carnet
de guerre de Constant DELATTRE des 84e et 299e régiments d’infanterie
Lassigny, Somme, 15 août 1918
« Vers le jour, continuation de bombardement,
la 18e compagnie va se poster en avant vers 5 h du matin – Nous occupons la
tranchée des Chasseurs, tout le bataillon se porte en avant… »
Constant DELATTRE est au 84e RI, il part pour la
Grèce en 1917. Malade, rapatrié, il passe mitrailleur au 299e RI et participa
aux batailles de l’Oise en 1918. Son petit-fils a retracé son parcours. Le
carnet est présenté en version brut et non recopié.
252… Carnet
de captivité de Louis CHEVREAU du 213e régiment d’infanterie
Camp de Bonne Goutte, Hartmannswillerkopf, 9
septembre 1915 à 9 heures du matin
« Ma compagnie quitte le camp de Bonne Goutte
pour aller à la tranchée.
À 4 heures, le bombardement commence, nous restons
dans un abri qui résiste très bien.
À 4 heures 50, nous voyons la fumée, nous nous
disons que ce sont les gaz mais tous nous respirons le goût. Nous disons tantôt
c’est du pétrole tantôt c’est du goudron. On regarde, on dit c’est le feu, ça
ne dure pas longtemps.
Le bombardement dure toujours. Un instant plus
tard on crie « à la tranchée ». (…)
Peu de temps après nous entendons les Allemands
dans la tranchée. Nous restons un instant.
Mais tout à coup l’ennemi frappe à la porte. Si
l’on n’ouvre pas, il nous jette une bombe … On se décide d’ouvrir, il nous crie
de sortir, personne ne comprend, on ne sort pas.Il
nous tire un coup de fusil, personne n’est touché. Nous sortons, il nous dit :
« kamarade file vite ».
Louis CHEVREAU rédige un carnet de captivité au
camp de Mannheim. La centaine de colis qu’il reçoit en 1915 et 16 est
minutieusement répertoriée.
251… Carnet de campagne de Clovis MUFFAT-JOLY
Sapicourt (Marne), 27 mai 1918
« À 1 heure du matin déclenchement de l’offensive
allemande, bombardement, marmites et gaz asphyxiant, commencement de la
retraite française, retour du groupe à Savigny (Marne).
Retraite. »
Clovis MUFFAT-JOLY est passé par les 3
armes : Cavalier, puis infanterie puis artilleur… Son carnet de campagne,
néanmoins intéressant, est la succession des lieux traversés.
250… Carnet
de route de Jean Louis VALEILLES du 22e régiment d’infanterie coloniale
Moulin de Laffaux (Aisne), 16 avril 1917
«L’attaque échoue, les vagues d’assaut sont
fauchées ou battent en retraite. Les chefs sont tués, le désordre et la
pagaille commencent à régner. Les renforts n’arrivent pas ; moi et ma pièce
nous avons passé les fils barbelés. On ne s’est pas aperçu à temps du mouvement
de repli et à 10h nous avons été enveloppés par les Allemands et faits
prisonniers un peu à droite de Laffaux.
Nous avons dû passer toute la journée entre la
1ere et la 2eme ligne allemande sous notre propre bombardement, où le chef de
ma pièce, le caporal François PRÉAU, a été tué par une mitrailleuse, et ce
n’est que vers les 8h du soir que nous avons été conduits au poste de
commandement allemand dans une belle carrière très bien aménagée et où ils ont
eu soin de nous enlever toute la correspondance… »
Après sa grave blessure au poumon Jean Louis
VALLEILLES repart au front au 22e colonial : Carnet de route, les
déplacements et quelques détails sur sa capture.
249… Cahier de Chansons et de poèmes de Jean Marie DUCLOS du 68e
régiment d’infanterie
Issoudun le 17 août
1897, discours du lieutenant E. du FAY DE CHOISINET pour le départ de la classe
1894 du 68e régiment d’infanterie
«Enfin mes amis, si vous, m'en croyez,
occupez-vous le moins possible de politique. Vous avez mieux à faire que de
vous m'étiez à des discussions où le plus malins ne comprennent rien ou peu de
chose si vous avez des idées personnelles, sachez de les conserver saines. Mais
m'espérez pas de les faire partager à votre voisin, vous perdriez beaucoup de
temps et sans résultat.
La politique à la ville comme à la campagne et une
cause de division dont vous n'avez nul besoin. Respectez les conditions de
chacun, notez suivant votre conscience et vos goûts et tenez-vous en-là, ne
prenez pas surtout pour parole d'évangile tout ce qui est écrit et méfier vous
des gens qui parlent fort et font miroiter à vos yeux mille choses merveilles
et irréalisables. On ne présente ordinairement à l'alouette un beau miroir que
pour mieux la fusiller, si vous êtes l'alouette fuyez le miroir.
Je terminerais par là.
En quittant le régiment nous n'abandonnez pas vos
armes pour toujours plusieurs fois encore réserviste et territoriaux. Vous le
reprendrez et vous reviendrez parmi nous saluer votre drapeau. Vous êtes jeunes,
vous verrez de graves évènements.
En ce jour de frisson général où le tocsin se fera
entendre d'un bout à l'autre de la France, vous accourez pleins d'une sainte
ardeur vous rangez sous ses plis et se sera d'un cœur bouillant de patriotisme
que votre classe, heureuse de se retrouver entière réunie, pour marcher à
l'ennemi.
S'écrier en face du danger. « Vive l'armée
Française ».
Dès 1877, les élèves de cours moyen apprennent à
lire avec un manuel sans cesse réédité : " Le Tour de France par deux enfants
".
C’est dans ce contexte que Jean Marie DUCLOS a été
éduqué en chrétien, soldat et patriote envers sa patrie de toujours : la
France. On le voit dans les chansons chantés par les soldats pour exaltés le
patriotisme, l’obéissance, l’amour de la France et désigner l'ennemi :
L'Allemagne et les régions perdus : L’Alsace et la Lorraine.
Secteur de Flavigny, le
25 août 1914 :
« J’ai vu des hommes jeter leur cartouches, leurs
sacs, leur fusil dans les fossés bordant la route pour pouvoir suivre, mais il
y en a la dedans beaucoup d’hommes qui sont affolés et fuient ; Beaucoup
descendent de Morhange plateau où les Boches nous ont durement accueillis par
un terrible bombardement.
Ils sont du midi et les officiers mêmes
abandonnent leur harnachement pour fuir plus vite.
Certains disent qu’on les a sacrifiés menés à une
boucherie. Mais ceux-là n’ont aucune blessure et questionnant chacun j’apprends
que les hommes blessés que j’ai vu revenir sont ceux des régiments de l’Est, du
Nord et de l’Ouest qui étaient au centre de l’attaque et qui se sont vus
encerclés par les Allemands parce que le régiment du midi qui étaient sur les ailes
avaient fui comme des lapins sans combattre aussi est ce avec haine qu’ils se
regardent. »
Lorraine, Flandres, Belgique, Artois, cycliste de
l’état-major, puis artilleur de crapouillot en tranchée d’Artois. Le 30 mai
1915, il décrit avec effroi la folle attaque du 205e régiment d’infanterie vers
les tranchées allemandes du fameux « Labyrinthe ».
247…
Carnets
de guerre d’Alfred René FAILLE, sergent au 410e régiment d’infanterie
Ouvrage du Caméléon,
Champagne, le 30 mars 1916 :
«Un quart d’heure après, j’étais à bout de force, la
tête en feu, mes épaules douloureuses pliaient, et le plus fort n’était pas
fait. Restaient à franchir les pare éclats de la première ligne. Là, j’ai pensé
défaillir car je commençais à vaciller sur mes jambes moins vives. La fascine
longue de près de 3 mètres ne pouvait passer dans ces lacets étroits, elle
s’immobilisait dans les coins, et il nous fallait alors la soulever au-dessus
des hauts parapets. Nous arrivions heureusement, cela me stimulait et,
m’arcboutant contre la muraille de craie, grinçant des dents, les bras tendus,
on passait quand même. La tête de la corvée revenait sur ses pas, et quel
soupir de soulagement en déposant ma charge.…. »
Centre Payen,
Champagne, le 18 avril 1916 :
« Il vous arrive avec un sifflement lugubre
comme un lourd oiseau de proie, semblant choisir sa victime, se balançant dans
l’air, et tout d’un coup s’abattant brusquement. Il parait que le jour on peut
les suivre dans leur trajectoire, et c’est cela je crois qui doit affoler le
plus…» (…)
Il faut bien passer le temps, éviter l’ennui et le
cafard qui vous guettent. Les correspondances viennent à propos pour nous
changer les idées. C’est un rayon de soleil dans notre triste vie de sauvage,
une consolation, un soutien dans nos moments d’énervement ou d’abattement. En lisant
ces petites lettres d’un frère, d’un parent ou d’un ami, le poilu quitte par la
pensée, et pour un moment, les gourbis, les tranchées et les boyaux pour se
rapprocher de celui qui lui envoie de ses nouvelles, qui lui adresse quelques
lignes d’espoir, d’encouragement. C’est pour lui quelques moments d’une vie
faite de souvenirs qu’il prolonge à loisir en répondant à ces lettres …
Sa première arrivée aux tranchées à l’ouvrage du
Caméléon, les corvées nocturnes en premières lignes : description
minutieuse sur le carnet d’un instituteur : ce qu’il voit, ce qu’il
ressent, ce qu’il ne voit pas, ce qui l’inquiète, ce qui l’encourage…
246…
3
carnets de guerre d’Arsène LERIDON du 72e régiment d’infanterie territoriale
Août 1915, Somme :
«Ribécourt est une
commune assez importante, c’est canton. Tout le bourg est presque détruit. Les
allemands y ont habité pendant quelques mois et nous l’avons repris. Depuis il
bombarde assez fréquemment ce pays. Les maisons sons à moitié détruites. Les
habitants, surpris, ont laissé tout dans leurs maisons à la merci de tous. Tout
n’est que pillage, tout traîne par les places. Il faut monter sur le linge de
corps ou literie pour avancer…. »
Fort de Tavannes, mars 1916 :
« À 4 heures du matin, rien encore d’arrivé.
Qu’est-ce qui se passe, en voilà plusieurs qui arrivent tout en sueur, plein de
neige, il y avait 5 centimètres de neige. Cette nuit-là, ils nous disent que
personne n’a pu approcher du fort tellement il était bombardé. Il a fallu
qu’ils laissent les munitions dans un fossé à quelques cent mètres du fort.
Un autre arrive, nous dit qu’un de nos camarades a
été tué par un obus. Ils étaient couchés tous les deux dans un trou d’obus, il
a voulu porter secours à son camarade qui était près de lui, mais hélas il
n’était plus qu’une bouillie. Il a fallu renoncer à l‘apporter. »
Tilloloy, somme, décembre 1915 :
« Un homme de la 10ème compagnie se hasarde à
aller chercher un cadavre français au-devant des fils de fer allemands. Il
monte sur la tranchée et va droit au cadavre. Pas un soldat allemand ne tire,
arrivé au cadavre. Les allemands remontent par-dessus la tranchée, puis il leur
fait signe de venir. Plusieurs viennent près de lui, puis dans l’espace de cinq
minutes, il se trouve une vingtaine d’allemands et de français sur la tranchée,
à se parler ou plutôt se faire des signes pour se comprendre.
Ils échangent du tabac même ils essayent leurs
casques. Un capitaine du 71 leur parle en allemand. »
Des écrits de 1914 à 1917 réunis dans 3
carnets : Somme, Oise, Verdun…Description de
nombreux villages détruits, les bombardements continuels, les corvées, la
fraternisation de décembre 1915, les préparations pour les attaques au gaz…
245…
Souvenirs de guerre du
caporal Louis MERCY du 149e régiment d’infanterie
«Les journées suivantes se sont passées
tranquilles ; ensuite nous sommes relevés pour un repos de 6 jours. Nous
cantonnons à Ciry-Salsogne, 10km environ de Soissons.
Ces jours ne sont pas de détente ; les journaux annoncent des mutineries
dans l’armée, nous sommes consignés dans notre cantonnement.
Le 158ème RI qui fait division avec nous, refuse
de remonter en première ligne.
Ma section est de garde aux issues du patelin,
mais rien n’est venu troubler notre secteur. Nous apprenons que l’aumônier du
158ème a réussi à calmer leurs esprits et à ranimer leur courage. À leur tête
il les entraîne relever leurs camarades des premières lignes. Cette nuit même
de la relève, il est tué par un éclat d’obus. »
Souvenirs de ses classes, Le chemin des Dames, la
bataille de Malmaison, Le combat d’Orfeuil…
244…
Carnet
de guerre du lieutenant HERBILLON du 306e régiment d’infanterie
« Je me
suis livré aujourd’hui à d’amères réflexions sur mes semblables que la
civilisation n’a pas rendus meilleurs. Aussitôt que l’homme est livré à ses
instincts, (et la guerre lui en donne l’occasion), il ne pense qu’à la ripaille
et à la rapine. Il ne faut rien moins que la crainte de représailles sévères
pour le forcer au respect. Malheureusement, en France, et en particulier dans
nos formations de réserve, la discipline est fort relâchée, aussi voit-on des
choses écœurantes. Des paysans (bien mal inspirés, j’en conviens), nous disent
qu’ils ont eu moins à se plaindre du séjour des Allemands que du nôtre. On ne
peut que rougir de ce témoignage. Ce n’est pas que l’Allemand vaille mieux que
nous, loin de là, si par moments, il est plus honnête, c’est qu’il plie sous
une discipline de fer. »
243…
Carnet de guerre d’un
inconnu des 119e et 319e régiments d’infanterie
« Enfin au cours de cette permission, j’aurais le
bonheur de voir se signer l’armistice le 11 novembre à 11 heures. Le cauchemar
est fini. Est-ce enfin possible.
Le martyr est consumé. Il reste de tout ceci l’égoïsme
de vivre mis à part une grande détresse morale, l’horreur de la guerre. Les
choses honteuses que j’ai vues.
La pensée s’est usée au cours de ces secousses
diverses. Je suis maintenant une brute, une brute qui a honte de ce qu’on lui a
fait faire. Je retire de là un profond dégout de l’humanité et la haine du
militarisme. »
Carnet retrouvé dans une
malle – Sans nom – Sans photo… Après de laborieuses et fructueuses recherches
de Philippe S. nous pensons avoir identifié le rédacteur : Soldat LOUAIL
Pierre Henri…
Pascal, le propriétaire
actuel du carnet veut rendre ces souvenirs aux éventuels descendants…
242…
Carnet de route de
Louis FAURE du 47e régiment d’artillerie
18 avril 1917, Chemin
des Dames
« Naturellement rien à manger. Les vivres de
réserve sont absorbés depuis le matin et on parle de ne rien toucher d'ici trois
jours. C'est le moment de s'abattre sur ce qu'on trouve. Pour ma part je fais
une razzia de biscuits barbotés de-ci de-là. Je ne mourrai tout de même pas de
faim. Mais quelle pénible impression de se retrouver dans ses anciens
cantonnements quand on croyait si bien coucher le soir en terrain reconquis.
C'est l'abattement complet.
Je comprends facilement que par la suite plusieurs
régiments se soient mutinés. Rien n'est aussi déprimant qu'une telle séance,
surtout quand on ne fait rien pour relever le moral du poilu - au
contraire. »
241…
Souvenirs de guerre
de Marie FUINEL
du 23e, puis 102e régiments
d’infanterie
Après sa blessure en
gare sanitaire de Bruyère, le 16 septembre 1914
« Mais quelle horreur dans les gares proches du champ de
bataille ! Des tas de blessés, quelques-uns affreusement mutilés, sont couchés
n’importe où et n’importe comment. Ils gémissent mais personne ne semble les
entendre. Le major est surmené et il les regarde méthodiquement, l’un après
l’autre. Beaucoup de ces malheureux expirent ici dans d’horribles souffrances.
Quelques-uns sont légèrement blessés, et ils sont évacués tout de suite.
D’autres se sont mutilés. Le major les envoie impitoyablement au peloton
d’exécution.
A Bruyères, on forme le train des blessés, nous restons 24 h
dans le train avant qu’il ne parte. »
240…
Journal de
guerre de Théophile JOUSSEAUME
du 64e régiment
d’infanterie
Maissin,
Belgique, 22 août 1914
« Là notre artillerie se fit entendre, ça venait de
devant, de derrière, ont été assourdis, c’était une fumée de poudre de tous
côtés, à la fin de la journée les clairons sonnent la charge à la baïonnette
pour chasser définitivement la position de l’ennemi. »
« Là, je me relève à moitié étourdi car je me demande
comment je faisais pour me trouver encore vivant, car de chaque côté de
nombreux copains étaient inanimés, la scène fût touchante, les clairons
sonnaient la charge, des cris de en avant à la baïonnette se répétaient de tous
côtés en se mêlant aux cris déchirants des blessés. Les deux clairons de ma
compagnie furent tués en sonnant la charge à chaque pas que l’on faisait on se
heurtait dans les morts ou les blessés, malgré tout nous marchions toujours sur
la lisière du bois en fuyant devant nous comme des lâches, mais sur deux cent
soixante que nous étions avant à la compagnie, deux heures après nous étions
que cent trente sur le champ de bataille. »
Il raconte les combats
sanglants de Maissin, de Bulson
au mois d’août 1914, puis ceux de la bataille de la Marne : la
Fère-Champenoise, d’Écury-le-Repos et ceux du secteur
d’Hébuterne, Serres, La Boisselle…
239…
Carnet de guerre et album
photos de Pierre Charles HUET
du 22e régiment
d’artillerie
Verdun, 8 avril 1916
« Cette route fut terrible. Il faut y avoir passé en
plein jour pour savoir.
Être dans un bois ou tous les arbres sont cassés, déchiquetés
; une route à peine reconnaissable que par le nombre de chevaux morts, voitures
cassées etc…Les obus arrivent dans toutes les directions aussi pour passer il
faut prêter grande attention au sens des arrivées d’obus : ne pas craindre de
faire des plats-ventre.»
Pierre HUET nous a
laissé son carnet de guerre et un album-photos. Verdun, puis la Grèce, Serbie,
Roumanie…
238…Carnet de campagne du gendarme Clovis POREAUX
Gendarme cycliste à
la brigade de Comines (59, 1ere légion de gendarmerie
Lille, rue Marquillies, le 3 octobre 1914
« Je fais aussitôt feu. Le cheval tombe. Son cavalier
peut néanmoins se relever et prendre la fuite.
Je continue à tirer, ainsi que mon camarade DUJARDIN, arrivé à
mon aide. Plusieurs autres cavaliers allemands galopent dans les champs lorsque
le 2ème et son cheval sont à nouveau abattus.
Nous courrons pour les capturer, mais à ce moment les autres
cavaliers étant devenus menaçants, et craignant d’avoir notre retraite coupée,
nous jugeons prudents de nous replier en abandonnant nos ennemis blessés.
Clovis POREAUX est né au
Nouvion-en-Thiérache (02) en 1876. Il est gendarme dans le Nord, tout près de
la frontière belge. Il retraite vers Pontoise avec sa brigade, et reviens en
région Lilloise juste avant la prise de cette ville par les Allemands. Ce
document est rare car il est écrit non par un poilu mais par un gendarme et
donc son rôle durant le conflit est différent.
Ensuite il y a un côté «
journal » : il nous détaille pendant presque 7 mois les déplacements quotidiens
de son escouade. Il « suit » l’armée sur les champs de bataille de la
Marne. Les Allemands étaient le 3 septembre 1914 à Valmondois
quelques km au nord de Pontoise, le saviez-vous ?
237…Carnet de guerre, souvenirs d’Émile MILLE
Soldat
au 128e régiment d’infanterie
Pargny-sur-Sault
(55), le 7 septembre 1914
« A plusieurs reprises, entre deux feux, nous traversâmes
le jardin du château, et l'on allait chercher le champagne et toutes les
liqueurs du château. Nous rapportions le tout dans la tranchée. Je n'ai jamais
bu tant de champagne de ma vie. Il fallait faire vite pour courir à ce château.
Je me rappelle que nous étions dans la cuisine lorsqu'un obus démolit un coin
du toit. (…)
La gare était rouge de sang. Sitôt qu'un de nous se levait des
rails, il tombait pour ne plus se relever. Je vis la cervelle d'un de mes
camarades jaillir sur le quai. Je devins pâle. Le cœur me manqua de voir tant
de sang. Le quai était jonché de cadavres »
Émile MILLE, 21 ans en
1914, il se trouve sous les drapeaux au 128e régiment d’infanterie quand la
guerre éclate. Son récit, ses dessins sont d’une poignante vérité. La
description des combats à Fontenois (Ardennes) et à
la gare de Pargny-sur-Saulx (Marne) sont d’une
intensité remarquable.
236…
Carnet
de guerre de Gaston MAGNIEN
Soldat
au 69e régiment d’infanterie
Pommier (62), le 2 novembre
1914
« À signaler la frousse du capitaine qui, aussitôt
l’ordre de relève, part avec la liaison sans s’occuper de ses hommes restés
dans les tranchées.
Il parait qu’à chaque distribution, ce joli coco prend un ou
deux litres d’eau de vie et le reste à proportions. Il n’est pas étonnant que
les hommes soient si mal nourris car du haut en bas de l’échelle des gradés, il
y a un gaspillage éhonté.»
Louis Émile Gaston
MAGNIEN, cultivateur, est né le 26 août 1880 à Doncourt,
en Haute-Marne. Il intègre le 69e RI.
L’Artois (combats de Monchy-au-Bois), puis la
Belgique, retour en Artois où il sera tué à Neuville-St-Vaast en mai 1915.
235…
Notes
de guerre du caporal Élie HARTÉ
Village de Douaumont, le
2 mars 1916, 3h du matin
« Le sous-lieutenant appela ses gradés, sur toute la
section nous restions deux caporaux et vingt-quatre hommes, il nous dit que
nous avions tous fait l’impossible pour résister, que les autres compagnies
étaient faites prisonnières ou démolies, nous étant cernés nous serions
massacrés ou pris dans la soirée.
Il ne nous restait plus qu’à attendre les événements, puisque
nous n’avions plus de munitions et pas de moyens pour se retirer à l’arrière
. »
Élie HARTÉ, menuisier, est
incorporé pour son service militaire en décembre 1914 au 50e régiment
d’infanterie, il passe à la fin de sa formation au 73e RI en mai 1915, puis de
suite au 33e RI, 10e compagnie, avec lequel il rejoint le front. Le capitaine
commandant de cette 10e compagnie du 33e RI se nomme Charles DE GAULLE…
234…Dernière lettre de Paul TAPIE
Soldat
au 2e régiment d’infanterie
Nord d’Arras, Artois, 6
juin 1915
« Nous avons eu du reste pas mal de victimes sans
attaquer. Pour ma part, mon fusil est cassé en deux et le canon tordu au milieu
du fût. C'était encore mon fusil de famille, celui qui a descendu la rue des
Juifs un petit drapeau et des fleurs dans le canon sur mon épaule aux accents
du chant du départ. Ça m'a fait de la peine de le remplacer.
La courroie de la musette à cartouche que ma mère m'a faite
est percée par une balle de shrapnell ma gamelle aussi, ma toile de tente est
en loque et moi je suis indemne. »
La lettre de Paul TAPIE
est datée du 6 juin 1915, c'est à dire 10 jours avant sa mort dans un hôpital.
Le régiment a perdu plus de mille hommes dans les combats des 16 et 17 juin
1915.
233…Carnet
de guerre de Jean PICOU
Maréchal-des-Logis Chef
au 3e régiment d’artillerie
Rhodes,
Moselle, 19 août 1914
« Au départ de Rhodes, nous rencontrons 7 à 8 ambulances.
Les unes transportent des cadavres français qui seront inhumés à l’arrière les
autres transportent des blessés.
L’un à la tête enveloppée de toute part et souffre
horriblement, l’autre est atteint à la poitrine, aux bras, aux jambes. C’est
encore un blessé qui pousse des cris déchirants, il a le pied emporté et
malheureusement il ne pourra échapper à l’amputation de son membre.
C’est ensuite un convoi de 300 blessés qui plus heureux dans
la souffrance que leurs camarades peuvent se retirer à pied à l’arrière de la
ligne de feu. (…) Quelques-uns qui n’ont pu supporter leur transport à
l’arrière sont morts sur ce modeste char. Leur corps recouvert de leur capote
repose à côté des autres blessés qui furent jadis leurs compagnons d’armes.
Le spectacle est navrant et les yeux se mouillent à la vue de
ce triste tableau. »
Jean PICOU sera tué par
une balle qui provoque une « fracture de l’étage antérieur de la base du
crane » . Il sera déclaré non-mort pour la
France. Pourquoi ?
Il est quand même inhumé
dans une nécropole militaire…
232…Carnet de guerre de
René PIERROT
Médecin-auxiliaire
au 3e bataillon du 171e régiment d’infanterie
Ostel,
Chemin des Dames, 23 avril 1917.
« C’est devant Ostel du nord,
et à l’ouest dans le ravin de la ferme Gerleaux que
je continue les notes de guerre.
Nous sommes installés dans une cagna d’officiers artilleurs
boches. Il y a lits, poêle, chaises et table, assiettes, flûtes et coupes et
l’électricité. J’ai remplacé par un accu boche la dynamo en panne avec ma lampe
de poche pour l’ampoule. »
René PIRROT a été
mobilisé le 1er septembre 14 comme infirmier, puis il sera nommé
médecin-auxiliaire le 3 juin 1915, médecin sous-aide-major le 18 août 1917 et
enfin médecin aide-major le 10 novembre 1918.
Le petit carnet renferme
ses souvenirs de la bataille du Chemin des Dames et de la seconde bataille de la
Somme et en ce centenaire de la grande guerre Sylvaine est heureuse
de partager ces écrits.
231…carnet
de guerre de Prosper FRÉMINET
conducteur au 156e régiment d’infanterie
Gizaucourt,
Marne, 15 novembre 1915.
« Le 13, la neige fait son apparition, il fait un froid à
ne pas y tenir, nous gelons sous les tentes. On parle de faire des abris pour
les chevaux et nous n’avons rien. Pour avoir coupé un mauvais un mauvais sapin,
une vache de lieutenant de gendarmerie nous menace du conseil de guerre, c’est
terrible de voir chose pareille.
On le souhaite crevé..»
Prosper est conducteur
(hippomobile) du train de bataillon ou du train de combat.
230…Carnet de guerre
de René BRISSARD, aspirant, puis lieutenant
à la compagnie de mitrailleuses du 409e régiment d’infanterie
Villers-sous-Châtillon
(Marne), lundi 4 juin 1917
« Ce matin, [le général] SCHMIDT réunit tous les officiers et sous-officiers du 409 et
du DD. C'est à cause du moral.
On voit qu'il compte surtout sur les sous-offs pour le
remonter. Il dit que la guerre doit être poussée jusqu'à la victoire et exhorte
tous les officiers à donner l'exemple.
Dans la tranchée, on n’en voit pas tant qu'ici.
Enfin, cette conférence donne l'impression que le gouvernement
à une trouille épouvantable et craint un mouvement. Les grosses têtes ont peur
de sauter. Je suis très content d'avoir assisté à cette réunion car elle montre
la crainte que les supérieurs ont du soldat.
L'heure est très grave
: peut-être sommes-nous arrivés à un instant décisif. Le tout est de savoir si
ces craintes se réaliseront. »
Au travers de ses 7
carnets de guerre (dont 5 sont parvenus jusqu’à nous) René BRISSARD nous fait
vivre ses 1104 jours sur le front.
229…carnet
de guerre, poèmes et chansons d’André DURAND
Brancardier-musicien au 69e régiment
d’infanterie
Sailly-Saillisel,
Somme, 29 novembre 1916.
« A
20h nous relevons le 418e RI, nous passons à Maurepas, Combles, Frégicourt et nous arrivons devant Sailly-Saillisel
; où le régiment prend les tranchées : par un temps affreux ; de l’eau et de la
boue jusqu’au ventre. Nombreux pieds gelés pendant le période.»
André DURAND, 23 ans, menuisier dans le
civil est musicien. Étant musicien, il ne fait pas parti de la partie «
combattante » du régiment. Ses séjours en tranchées ne seront pas
systématiques. Mais il devient brancardier-auxiliaire.
Au travers son récit, on constatera qu’il
va très souvent relever les blessés après les attaques au péril de sa vie.
228…Recueil
et carnet de guerre de Gilbert BELLOC
Infirmier-musicien
aux 58e, puis 258e régiment d’artillerie
Bois des Hospices,
secteur fort de Tavannes, Verdun, 12 juin 1916.
« Pour ma part, je n’eus à souffrir que d’une pierre
soulevée par un obus et retombant sur mon casque en me l’enfonçant jusqu’aux
oreilles ! Résultat : un petit évanouissement d’une dizaine de minutes. Je ne
puis dire qui m’en tira. J’étais seul dehors. Lorsque cet « accident » m’arriva
et lorsque je revins à moi, je me trouvai couché sur un lit, seul encore dans
le poste.
A noter que notre capitaine de batterie, DURIEUX, ne fut guère
brillant par son courage : je crois bien que durant ces journées il ne sortit
pas une seule fois de son abri, même pour faire ses besoins. Le sous-lieutenant
GALLERAGUES ne valut guère mieux. C’est avec un grand soulagement que nous
quittons cette région.»
Gilbert BELLOC,
brigadier, musicien et infirmier, a laissé un petit livre relatant, jour par
jour, "sa campagne 1914-1918" avec quelques photos. Cette année
marquant le centenaire de la fin de cette guerre, son petit-fils est
particulièrement sensible à faire connaître ces écrits qui peuvent,
certainement très modestement, à apporter des renseignements précis sur les
lieux, théâtres des opérations et les hommes qu'il a connus et dont certains
ont perdu leur vie…
227…Correspondance, lettres de guerre d’Alexandre Henri LOYER
sergent au 102e régiment
d'infanterie
Champagne, mars 1915.
« Ce qui se passe ici ne s’est jamais produit dans
l’histoire, c’est un véritable enfer et on se demande s’il est possible d’en
sortir. Tout est employé canons, fusils, mitrailleuses, mines, etc… Les
tranchées sont faites de cadavres et certainement que dans la plaine il n’y a
pas un mètre carré où il n’y a pas un corps humain.
C’est terrible de payer si cher du terrain qui vaut si peu,
c’est un désert (…)
Ici on ne se lave pas faute d’eau on ne change pas de linge.
C’est infect, on couche sur la terre par 10 ou 12 ° sous zéro. On se demande si
on pourra un jour en sortir d’ailleurs du train dont ça va il y en a bien pour
un an encore.
Les journaux en mettent plein les yeux au public. Le moral des
troupes est excellent disent-ils, en réalité il est exécrable. »
Alexandre Henri LOYER
écrit, écrit, écrit…jusqu’à sa « bonne » blessure qui l’éloignera
définitivement de la guerre. Ses lettres nous sont restées ; merci à
Jean-Claude, son petit-fils de pouvoir les lire.
226…Souvenirs de guerre de Pierre Antoine BOURSEIRE
sergent au 147e régiment
d'infanterie, puis prisonnier à Cottbus
Sud de Soissons, 28 mai
1918.
« Des isolés, appartenant surtout au 214e régiment
d’infanterie retournent vers l’arrière, ce qui me surprend que des gens
abandonnent leur poste de combat en un tel moment. Mais nous les écoutons
pourtant raconter leurs prétendus exploits, anecdotes aussi héroïques que peu
vraisemblables. Un grand gaillard nous montre une paire de gants dont il aurait
dépouillé un capitaine ennemi, tué par lui, etc…»
Pierre BOURSEIRE nous raconte
les journées terribles de mai 1918, lors de l’offensive allemande. Il sera fait
prisonnier à la suite des combats
225…Carnet
de route d’André DURIN
des 62e RIT, 334e RI et 114e Chasseurs
Vosges, janvier 1915.
« Il fait très froid et on souffre beaucoup. Le pain est
gelé et la morue est gelée. Le ravitaillement n’arrive pas. Le 26 au soir, on
fait des tranchées avec de la neige à onze heures du soir. J’ai les pieds gelés
et je me dirige vers le poste de secours. »
224…Journal de
guerre de Jules FROTTIER,
caporal-infirmier
aux 47e et 70e régiments territoriaux
juin 1915, infirmerie du
bois des Fosses, secteur de Pont-à-Mousson.
« Ils vont la trouver mauvaise surtout que ces hommes
sont des réformés et auxiliaires. Quelles tristes recrues !
Quelques-uns viennent à la visite le lendemain, ça fait pitié.
Certains n’ont jamais tenu un fusil, d’autres ne voient pas clair, même de
l’œil droit, des herniaires, varices, cœurs faisant du 100 à l’heure, etc…
C’est malheureux d’envoyer des soldats comme ça sur le
front. »
« Ces messieurs les officiers viennent de toucher leurs
mois et aussitôt on voit partir les billets de banque dans leurs familles.
C’est épouvantable de voir ce que vaut notre commandement. Ici
des quantités énormes de blé se perdent dans les granges, sans être battu,
alors qu’il serait très facile d’emmener tout cela à l’arrière. »
« Plus fort encore, un grenier est plein de sacs de blé
et bien on le laisse manger aux rats et le commandant GOUACHEY qui passe son
temps à emm…les poilus, à voir si les cravates font
deux tours, n’a pas eu l’idée de faire enlever ce blé depuis 9 mois qu’il est
là. Et notre beau pognon s’en va à l’étranger pour acheter du blé à des prix
fabuleux.
Voilà comme ces messieurs défendent et servent leur pays. On
voit bien par là ce qu’ils peuvent faire chez eux. C’est triste mais c’est
ainsi que ça se passe.
Quels bons souvenirs on emportera tous chez soi après la
guerre. Voilà notre infériorité manifeste vis-à-vis des Boches. »
L’infirmier Jules FROTTIER
a passé toute la guerre non loin des premières lignes. Ses lignes (6
carnets !) sont écrites en temps réel, sur le vif, tellement elles sont
criantes de réalisme et très détaillées. Je pense qu’elles sont souvent écrites
après coup, ce qui ne fait que confirmer les talents de narrateur de Jules. Son
affection pour les siens et ses amis, toujours très pudiquement exprimée, sa
révolte aussi à l’encontre de ses supérieurs qu’il juge souvent incompétents et
imbus de leur personne…
223…Journal de guerre de Maurice
DELACROIX,
caporal
à la section mitrailleuses du 4e régiment d’infanterie
3 mars 1915, ravin des Meurissons
« Matinée de
nettoyage, après-midi l’on nous prévient qu’une mine va sauter.
3h, une contre mine
boche saute sans aucun dégât.
Le soir à 6h, nous
faisons sauter notre mine nous ne voyons rien. Quelques crapouillots arrivent
presque sur nous. »
4 mars
« Réveil à 2h
du matin pour nous prévenir qu’à 4h une autre mine, elle saute à 5h. Nouvelle
fusillade et tout rentre dans le calme.
Dans la matinée
passage d’aéroplane, dans l’après-midi bombardement des boches sur les lignes
de réserve. (…) »
222…Cahier de 20
poèmes-chansons de Lucien PRADEL du 10éme régiment d’infanterie
« C’est nous les gars de la classe seize
Les cadets d’ l’armée Française
Au cri de « Vive la France ! »
Quand on nous invit’ra
pour la danse
La baïonnette au derrière
Les sortant de
leurs tanières
Nous pouss’rons à la
frontière
Tous ces sales croquants d’allemands
Tambour battant ! »
20 poèmes d’un poilu de 20 ans…
221…Carnet
d’Augustin MORLIER, du 50e régiment d’artillerie
Aux armées le 5 mai
1917
Bien chère petite
Cécile
« J'ai reçu ton
petit mot hier soir comme je remontais de cet enfer du massif de Moronvilliers où j'ai vécu treize jours de cauchemar. Je
suis au repos pour quelques jours et je t'assure que j'en avais besoin car
cette fois j'étais fourbu. Quelle vie ici, ce n'est pas une sinécure de faire
partie d'une division d'assaut. Cependant on voit de belles choses. Par exemple
le départ de mon régiment s'en allant à l'attaque. J'étais auprès du colonel.
Lorsque le coup de
sifflet fut donne par lui, signal pour se diriger vers les tranchées ennemies,
de voir ces hommes partir tranquillement au pas, alignés presque comme à la
manœuvre, d'entendre le colonel crier « vive la France, vive mon régiment »
c'était beau. Nous avions les larmes aux yeux.(…)
J'embrasse ton petit
Yvon et toi très affectueusement. Mon bon souvenir à Yves. »
Augustin.
220…Carnet
de Fernand VALATX, des 143 et 70e régiments
d’infanterie
Tartiers,
nord de Soissons, Aisne, 28 mai 1918
« Un obus tombe en plein sur le groupe. 3 tués et 6 blessés.
Vite ! Sac au dos et au trot nous nous replions toujours, c’est
affreux, tout le monde fuit, abandonnant des quantités de tout sorte. Notre 75
ne nous soutien plus.
De temps en temps quelques obus qui dégringolent sur notre chemin de
retraite, tuant et blessant, qu’on soit abandonné et donnant la panique. Nous
sommes lamentables à voir.
Quel désordre, les artilleurs se battent avec nous.
Arrivés à Vauxrezis nous fîmes un peu la
pause ; nous étions morts de fatigue et de chaleur… »
Le Chemin des Dames, Verdun (2 fois), L’Oise, Fernand combat et coiffe…
219…Correspondance
de Léon PRÉVOST soldats aux 98e et 16e régiments d’infanterie
Lyon, 14 novembre
1914
« Bien chers
parents,
Il n’y a encore rien
de nouveau ici si ce n’est qu’il en est parti une douzaine ce matin pour leur
dépôt et je vous garantis qu’ils ne sont pas partis sans être habillés. On leur
a donné un chandail, une ceinture, une chemise, des chaussettes, un cache-nez,
un passe montagne et une veste en toile cirée mais elle n’a pas de manches.
Avec ça ils n’auront pas froid et ceux qui partent en ont autant. Pour moi, je
ne compte pas partir encore.
Je vous embrasse
tous. »
Léon
218…Carnet de Pons
ALBERT, du 114e régiment territorial
Carency,
Pas de Calais, 13 juin 1915
« Reprise de corvées aux morts. Carency
et Neuville. Travail de nuit. Nous enterrons les corps sur place par dix à
douze ensembles après identification. Les mouches, en pleine nuit même, nous
environnent lorsque nous touchons aux corps. Vers 5 heures, il nous faut cesser
par force : marmitage soigné et pluie de balles nous y obligent. Après être
restés une heure à cent mètres des lignes, nous partons aux pas de course
poursuivis par les obus.
Journal de guerre d’un « non-combattant », portant bien près des premières lignes…
217…Souvenirs,
lettres de l’Abbé DURAND Henri, du 410e régiment d’infanterie
Somme, 1915
« «Ah ! Chère maman, si vous voyez votre fils ! Je vous prie de
croire qu’il est joli, tout de boue habillé. Cela ne fait rien et l’on n’en est
pas triste. Puisque nous sommes dans la boue, allons-y sans sourciller et
pataugeons en cadence pour la France.
C’est une manière voulue par le bon Dieu d’expier la prédilection de
tant de mes compatriotes pour la boue qui souillent le cœur et l’âme. Je vous
assure que l’on s’amuse bien et l’on chante d’un cœur joyeux la chanson de
Botrel intitulée : Dans la boue »
Henri DURAND, frère Sébastien, abbé au 410e RI, ou le sacrifice d’un poilu « ordinaire ».
216…Carnet
de guerre du soldat FOURNIER Paul du 140ème régiment d’infanterie
Lihons,
Somme, juin 1915
« Le lendemain de notre arrivée, un jeune lieutenant a été tué. Je
suis allé le voir, à l'entrée du village, dans la maison où son corps avait été
déposé. Il était étendu, rigide sur des planches, moulé dans sa capote de
combat, les jambes guêtrées, un des côtés de la figure complètement emportée
par la balle qui était venue le surprendre au créneau où il avait commis
l'imprudence de venir regarder.
C’est la première victime de la guerre que je vois de la guerre et je
rêve à tout ce que ce jeune corps renfermait d'espérances pour l'avenir.
A dix pas de là, le petit cimetière des soldats tués à l'ennemi. Je
vais le parcourir. A chaque tombe, une croix et sur une petite pancarte, un nom
et quelques chiffres. Je lis quelques noms…Et pourtant, sur tout cela, le
soleil luit joyeux…
Il est déjà grand, ce petit cimetière… »
Paul FOURNIER écrit, écrit, écrit …
215…Carnet de guerre du caporal-clairon Pétrus Joannès PEYROT du 4ème régiment d’infanterie coloniale
21 septembre 1918, Serbie
« Journée
marquée par l’attaque de la cote 2058 ; l’ordre d’attaque est pour 6 heures,
les premières vagues sortent, composées de la 5e et 7e Cie, impossible
d’avancer.
Les unités sont
prises sous un feu intense de mitrailleuses. Les hommes se replient sous les
ordres de leurs chefs. En portant un ordre à la 6e Cie, j’ai un homme de la
liaison blessé au pied gauche, un nommé MICHAUD, qui est du canton de Mauprévoir.
Enfin, à 10h50,
l’ordre arrive du colonel RONDET d’attaquer coûte que coûte, car paraît-il que
les Bulgares continuent leur retraite ; le capitaine MAÏNETTIE commandant le
bataillon, donne ses ordres aux agents de liaison de porter l’ordre au
lieutenant BOUVIER, un brave de la 5e Cie, à 11h30. »
Pétrus Joannès PEYROT, 4e RIC, boulanger de
profession, s’est battu contre l’Allemagne du 4 août 1914 au 12 avril 1919. Sur
le carnet qu’il a emporté pendant la guerre, il a noté sa campagne en Orient à
partir du 25 juillet 1917
214…Carnet
de captivité du Lieutenant Auguste Frédéric THIERRY au 68ème RIT, camp
d’Osnabrück
25 juin 1918, camp d’Osnabrück, Allemagne
« La journée a
été marquée par un petit événement passe et dans le bloc voisin, ou cantonnent
des officiers anglais.
Dans une des
baraques occupées par eux, un commencement de sape était en construction, 7 ou
8 m avaient été creusés et restait encore 3 à 4 m à creuser pour sortir en
dehors du fil barbelé, et par où devait s'enfuir plusieurs officiers.
Ce travail fut
découvert par une sentinelle, celle-ci entendant du bruit sous ses pieds, a
donné l'alerte au poste, et les officiers anglais ont été surpris dans leur
travail, dès le soir les sentinelles étaient doublées. »
213…Carnet de guerre du
Sergent BERNE 7e régiment du génie d’Avignon, compagnie 15/13
9 novembre 1914, secteur du
Four-de-Paris :
« Un lieutenant
de chasseurs, le fusil à la main, toujours debout, s’avance vers l’aile gauche,
pour déplacer une dizaine d’hommes et les porter à la droite. Les autres, ne
sachant ce qui arrive en voyant partir les hommes, croient à une retraite, et
s’enfuient en sautant par-dessus nos têtes, en arrière, comme des fous.
Les officiers
crient, gesticulent, les traitent de lâches, ils essaient de les retenir, rien
n’y fait.
Aussitôt, nous nous
voyons abandonné, et les boches qui avancent toujours. J’ordonne à mes hommes
de sortir vivement de la tranchée et de se replier.
Dans leur
précipitation la plupart abandonnent, fusils, pelles, pioches. Il était temps,
car trois sapeurs de ma section qui n’ont pas eu le temps de se sauver ont été
soit tués soit faits prisonniers. »
212…
Souvenirs
de guerre de Victor CHATENAY, sapeur-mineur au 1e génie, puis chauffeur au 9e
ETEM
Tranchée Mathis, secteur de Carency, Artois, début 1915
« Les
inventions que j’ai connues, conçues par des cerveaux de l’arrière pour aider
ceux de l’avant à gagner la guerre, étaient rarement des réussites. Je n’ai pas
moi-même vu la brouette coupe-réseaux de barbelés en action, mais on disait
qu’elle faisait un raffut terrible qui alertait l’ennemi, et qu’il fallait être
fort comme un cheval pour la pousser sur un terrain non préparé.
Mais j’ai vu
fonctionner le canon porte-amarre : il envoyait un crochet dans les
réseaux de barbelés d’en face, puis les arrachait et les tirait à lui au moyen
d’un treuil. Certes, il n’y avait plus de barbelés juste devant les tranchées
allemandes pendant quelques jours, mais un énorme tas infranchissable était
roulé devant nos premières lignes. »
Victor CHATENAY a eu une guerre assez extraordinaire, passant de
sapeur dans une compagnie disciplinaire, à lieutenant commandant une unité
d’ambulancières anglo-américaines. Résistant de la première heure en 39/45, il
sera sénateur en 1948 et député en 1951.
16 juin 1916, butte de Tahure,
Marne
« J’ai trouvé
dans un boyau abandonné et à moitié comblé deux petites tombes qui par miracle
ne sont pas abimées. Deux croix faites de deux planches sans inscriptions. J’ai
eu la curiosité de regarder le papier que contient la traditionnelle bouteille.
Cette dernière étant
cassée, le papier est à moitié rongé, et j’ai fait mettre une nouvelle
bouteille.
Qui sait, peut-être résistera-t-elle
? Peut-être les familles auront-elles un jour la consolation de venir prier sur la tombe de leurs enfants.
Sur le papier, j’ai
lu :
« Ici est enterré le soldat Louis SALMON du 228e infanterie.
Il a été apporté ici 5 ou 6 mois après sa mort par un officier et des
soldats de la première compagnie du 93ème d’infanterie qui ont été chercher son cadavre en état de décomposition au prix de
beaucoup de difficultés à environ 40 mètres des tranchées ennemies. Est aussi
enterré ici le sergent JOYAU du 329 inf. 20ème compagnie. Son corps a été
apporté ici dans les mêmes conditions que le soldat SALMON.
Ils sont tombés au champ d’honneur l’un près de l’autre. Honneur à
ces braves !
Signé : Illisible »
N’est-ce-pas triste
à en pleurer ? »
210…Deux carnets de Louis DECAMPS, caporal puis
officier au 288e RI
Bataille
de la Malmaison, Marne, 23 octobre 1917
« Tout le monde hors de la tranchée c'est la ruée vers le barrage
et les boches la baïonnette haute.
Au milieu de l'ouragan d'obus du barrage ennemi, la minute est
poignante ; il ne faut pas réfléchir. S'engager dans cette zone infernale,
c'est mépriser sa peur. Braver ces explosions infernales et cette ferraille qui
cingle, c'est vraiment défier la mort ou plutôt préférer à la honte de la
fuite, le coup mortel qu'infailliblement on doit recevoir.
Dans bien des âmes, la crainte des conséquences d'un recul, d'une mise
à l'abri frauduleuse, des responsabilités du chef est plus forte que la peur.
On la surmonte parce qu'il faut en passer par là, qu'il n'y a pas d'autre
issue. Après tout il en reviendra toujours quelques-uns et l'on peut être de
ceux-là. De gré ou de force il faut y aller, le plus souvent à contrecœur, mais
c'est la loi des pauvres bougres de l'avant. »
(…)
« L'attente est la pire des défaitistes ; vision de la mort, le
brusque arrêt dans un court râle, de notre pensée, de notre activité. Quelle
souffrance morale il faut endurer !
Peu de gens de l'arrière se doutent de cela.
Beaucoup nous diront même au cours de nos permissions, que leurs
angoisses pour les leurs qui sont là-haut sont pires. Ceux de l'arrière
immédiat des lignes nous disent que ceux qui sont en avant ont moins de risques
sous prétexte que l'ennemi évite de bombarder les premières lignes de crainte
de toucher les siens. Il y a de quoi rire.
A les entendre tout est réservé à ces pauvres gens de l'arrière
immédiat, mais ils se gardent bien de demander à venir relever ceux de
l'avant. »
Des
carnets exceptionnels par leurs qualités, leurs précisions et malheureusement
leurs réalités…
209…Carnet
de campagne du Lieutenant-Colonel MERCIER P., du 7e régiment de forteresse
Secteur
de Brassehaet, Belgique, 22 septembre 1914
« Depuis le déroulement des
opérations nos hommes n’ont eu à leur disposition pour construire les ouvrages
de défense que la pelle Linneman et 5 ou 6 brouettes par
compagnie.
Les ouvrages permanents et les magasins
du fort et ceux du polygone de Brassehaet situés à
deux kilomètres en avant de la ligne des ouvrages permanents regorgeaient
cependant d’outils, pelles à long manche, pioches, haches, brouettes, etc, etc, mais toutes les
demandes faites pour obtenir la livraison de ces précieuses reliques restèrent
sans réponse et les hommes durent continuer à se servir de civière de fortune
pour transporter la terre et les gazons servant à la construction des abris.»
208…Carnet
de guerre de Benjamin LEJEUNE du 2e régiment de Cuirassiers
Neuve-Chapelle
(Nord), 28 octobre 1914.
« C‘est alors que le capitaine nous
recommande de bien suivre les principes qui nous ont été montrés par le
sous-lieutenant de chasseurs cyclistes, car ce que nous avons fait au figuré,
nous allons le faire pour de bon cette fois, puisqu‘il s‘agit d‘aller à
l‘attaque du village de Neuve-Chapelle que nous apercevons à 1500 mètres d‘où
nous sommes et où sont les Allemands (…). »
« En suivant ce fossé nous arrivons
à l‘entrée du village que l‘on attaque, nous enjambons des cadavres anglais, le
1er est un lieutenant et c‘est à ce moment que j‘éprouve vraiment le sentiment
de la réalité, c‘est un douloureux spectacle que de voir des morts presque
ensevelis sous la boue et des blessés agonisants qui nous regardent d‘un air
d‘anxiété.»
« Nous ne connaissons pas le
résultat de notre attaque mais nous déplorons 4 tués – 4 ou 5 mortellement
blessés, 2 disparus et une quinzaine de blessés (le commandant DE LA BRUYERE a
eu les 2 jambes broyées par un éclat d‘obus). »
Le
début de la guerre dans le Nord de la France, en Flandres, vécue par un
Cuirassiers.
207…Carnet
de guerre 1914-1918 de Joseph DUCHÊNE du 230e RI
Forêt
de Parroy, 1915
« Le brouillard se lève, les
artilleurs reprennent de nouvelles positions de combat autour du village.
Je vais voir derrière l'église, le
sergent Pollier, instituteur à
Thônes, originaire de Mures au-dessus d'Alby. Tué
d'une balle à la tête. C'est le 1er mort que je vois.
Pauvre pioupiou dans ta capote sale et
ton pantalon rouge, tout chiné et taché de la boue des tranchées !
Pauvres mains pleines de terre !
Où est-elle la beauté et la gloire qui
devraient entourer ta dépouille de brave soldat ?
Te voilà couché dans sur la terre du
petit cimetière, sans linceul, sans verdure, sans couronne de feuillage.
Sa femme, si elle le voyait... »
206…Correspondance,
photos de François BERNARD, prisonnier aux camps de Münster et de Cottbus
25/10/1914, Münster
Chers père et mère
« J’espère que
malgré les épreuves que vous avez dû traverser vous êtes toujours en bonne
santé.
Ne vous
chagrinez pas pour moi, ne pensez qu’à vos enfants. J’espère avec l’aide de
Dieu rentrer bientôt en aussi bonne santé que je vous ai quittés car il ne me
manque rien surtout depuis dix jours que la cantine est ouverte où l’on trouve
du pain.
Embrassez
Mathilde et tous nos enfants pour moi. »
Votre fils dévoué, François
205…Album
photos et croquis du médecin-auxiliaire Paul ROUX
Étudiant en médecine et originaire de Poitiers, Paul ROUX est
incorporé à 19 ans, le 10 avril 1915, comme médecin-auxiliaire.
Il est affecté au service de santé de la 9e région militaire en
avril 1916. Il sera au front à partir de mai 1916. Cité trois fois (2 citations
au régiment et une à l’ordre du 31e corps d’armée), titulaire de la croix de
guerre 2 étoiles de bronze et une étoile de vermeil.
204…Poèmes
et chansons de Pierre MARTIN
Pierre Martin était du 81e régiment d’infanterie territorial, puis prisonnier au camp de Wittenberg. Il a écrit un poème sur sa vie au quotidien ainsi que des chansons.
203…Carnet de guerre
d’Augustin ROBIQUET, soldat au 150e régiment d’infanterie
27 février
1915, bois de la Gruerie, Meuse :
« Enfin 3 jours c’est assez, et là sans dormir, car
il faut prendre la garde tous les 4 h et il fait fort froid, il gèle fort.
J’espère que demain nous allons être relevés car c’est
assez comme ça.
Nous sommes en ce moment à 8 mètres des boches, ça fait
qui faut faire attention à lui pour ne pas recevoir des boîtes de singe sur sa
gueule.
En ce moment nous touchons la soupe pour la journée. Je
viens de boire ma goutte, elle est très bonne et elle nous fait du bien, car
depuis hier soir nous n’avons pas encore eu rien du tout dans le coco. »
202…Carnet
de guerre, photos et correspondance d’Henri BOUCHET, du 48e d’artillerie
10 mai
1915 :
« Je t’écris cette carte, au son de musique (les
boches tirent en ce moment sur nos avions qui survolent mon poste
d’observation), dans une tranchée de 2éme ligne à 750 mètres des boches. Je
vais être relevé ce soir à 9 heures j’y aurais donc passé 24 heures.
Mes élèves – apprentis poilus pour leur début, ont été
assez braves mais tout de même un peu émus, surtout qu’à 2 heures de
l’après-midi certaine partie de manille fut interrompue par ricochet d’éclat
d’obus qui s’est logé dans sur chêne à 50 mètre des 4 garçons (dont un
cordonnier à Labeaume) à partir de ce moment-là, ils
se sont bien gardés de bouger. Ils étaient verdâtres.
201…Carnet de guerre de
Paulin COLINET, soldat au 106e régiment d’infanterie
Vendredi 4
septembre 1914, Hubécourt (Meuse)
« Cantonnons à Hubécourt.
Altercation chez un mercier avec le capitaine de la 8e Cie. Tête brûlée (son
nom SIMON), d’après lui les officiers ont tous les droits. Aucun devoir. Eux
d’abord, les hommes après. Nous verrons plus tard à faire châtier l’arrogance
de cette caste. Jouisseurs »
(…)
Je pense à ma chère petite femme et à mes chers petits.
Mon petit Polo et ma petite Lulu adorés. Je ne puis m’empêcher de pleurer.
Comme déjà cela m’est arrivé plusieurs fois. »